Archive pour le Tag 'L’Afghanistan'

L’Afghanistan s’enfonce dans une crise économique sans précédent

L’Afghanistan s’enfonce dans une crise économique sans précédent

 

L’aide internationale échappe aux sanctions contre le régime taliban. Elle est pourtant bloquée par ces mesures alors que le pays plonge dans la misère, dénonce Pierre Micheletti, le président d’Action contre la faim France, dans une tribune au « Monde ».

 

La Journée mondiale de l’aide humanitaire, le 19 août, sera célébrée, à quelques jours près, un an après la chute de Kaboul et le départ chaotique de la coalition internationale. Contre toute attente, il n’aura fallu que quelques mois aux talibans, après les accords de Doha [qui ouvraient la voie à un retrait des troupes américaines], en février 2020, pour accéder à nouveau au pouvoir, avec l’entrée dans la capitale afghane, le 15 août 2021, et l’occupation symbolique du palais présidentiel, déserté la veille par le président Ashraf Ghani. Leur prise de contrôle du pays a entraîné le déploiement de sanctions internationales, parmi lesquelles le gel de 9,5 milliards de dollars américains (environ 9,3 milliards d’euros) d’actifs nationaux et le gel des actifs de la banque centrale d’Afghanistan.

Ces sanctions ont déclenché une crise économique sans précédent.

En réponse aux conséquences potentielles pour la communauté humanitaire, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté, en décembre 2021, la résolution 2615, disposant que « l’aide humanitaire et les autres activités qui visent à répondre aux besoins essentiels des personnes en Afghanistan ne constituent pas une violation » des sanctions mises en place. Pourtant, se fondant sur l’hypothèse que fournir des services bancaires aux organisations humanitaires les expose à des amendes et à une atteinte potentielle à leur réputation, les banques sont devenues extrêmement hésitantes à intervenir dans le pays. Elles restreignent ou refusent parfois les transferts bancaires vers les comptes des ONG.

 

La difficulté d’accès aux liquidités a un impact sur les canaux de paiement classiques et provoque des ruptures dans les chaînes d’approvisionnement. Cela limite également la capacité pour les ONG à payer leurs personnels afghans et leurs fournisseurs.

L’Afghanistan s’enfonce de plus en plus dans le cauchemar économique et sociétal

L’Afghanistan s’enfonce de plus en plus dans le cauchemar économique et sociétal

 

Il y a un an, il gérait l’évacuation des ressortissants français et de leurs auxiliaires à Kaboul. David Martinon, ambassadeur de France en Afghanistan, est revenu ce lundi sur BFMTV sur la situation du pays, aux mains des talibans. Le diplomate, dépossédé de son ambassade et oeuvrant désormais depuis Paris, a notamment évoqué ce premier anniversaire du retour au pouvoir du groupe islamiste.

« Sans surprise, les talibans n’ont pas changé. Sans surprise le concept de ‘taliban modéré’ n’a aucun sens », déclare David Martinon .

L’ambassadeur a évoqué une situation « catastrophique » en matière de droits humains, alors que plusieurs femmes ont manifesté samedi dans les rues de Kaboul pour protester contre les restrictions qui leur sont imposées, avant d’être violemment dispersées.

« Leurs droits les plus fondamentaux sont niés, elles n’ont plus le droit à l’éducation, elles ne peuvent plus sortir de chez elle sans un ‘mahram’ c’est à dire un chaperon », explique-t-il sur BFMTV.

Parallèlement à ce sujet, la situation économique n’est guère meilleure. Crise des liquidités, mauvaises récoltes du fait de la sécheresse… « Les talibans ne sont pas les meilleurs gouvernants qui soient », ironise notre invité.

« Les talibans ont incontestablement une capacité à se faire obéir, mais c’est une stabilité qui n’est pas forcément durable », estime l’ambassadeur, évoquant notamment l’opposition que représente Daesh mais aussi « des foyers de rébellion » sur le territoire afghan.

En outre, la gestion du pays se fait sans prendre en considération tous les groupes ethniques du pays. « S’ils ne comprennent pas qu’il faut évoluer dans leur gouvernance, cette stabilité ne sera pas durable », considère à nouveau David Martinon. Reste que les talibans contrôlent actuellement le pays et que la France n’a d’autre choix que de garder « un canal de discussion » avec le pouvoir afghan, bien que David Martinon n’ait pas de contact direct avec eux.

« Ce que nous attendons d’elles (les autorités afghanes, NDLR) c’est très simple: cela veut dire le respect des droits humains, une vraie rupture avec le terrorisme [...] pour le moment à l’évidence ces conditions ne sont pas remplies », constate le diplomate.

Dans un rapport publié lundi, l’ONG International Rescue Committee (IRC) estime que la crise actuelle pourrait tuer « beaucoup plus d’Afghans que les vingt dernières années de guerre ».

Après l’Afghanistan… Européens, réveillons-nous !

Après l’Afghanistan… Européens, réveillons-nous ! 

 

Bernard Guetta, Député européen (groupe Renaissance), estime qu’après la débâcle américaines en Afghanistan que les Européens doivent rapidement prendre en main leur sécurité face aux menaces russes ou chinoises dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune.

 

Disons-le, froidement, mais tant pis. La fuite éperdue des Français d’Algérie avait été autrement plus atroce que ces moments d’horreur à Kaboul. A Saïgon, c’est devant le bloc communiste que les Etats-Unis perdaient la bataille et on ne compte plus les attentats comme ceux de jeudi depuis le 11-Septembre. Il n’y a rien de vraiment neuf dans la capitale afghane, sauf que le monde voit soudain là ce qu’il savait déjà sans avoir voulu le réaliser.

 

Chacun savait que les temps de la toute-puissance américaine s’étaient achevés, qu’ils n’avaient sans doute été qu’illusion et qu’au regard du défi chinois, tout semblait désormais secondaire aux Etats-Unis. On le savait depuis que Barack Obama avait fermé les yeux sur les crimes de Bachar Al-Assad. On avait eu du mal à ne pas l’entendre dans l’« America first » de Donald Trump, mais c’était Trump, voulait-on se dire, alors que là c’est un vieux routier des affaires du monde, Joe Biden, un homme formé dans la guerre froide, qui met officiellement fin au siècle américain en abandonnant l’Afghanistan à l’obscurantisme des talibans et au djihadisme de Daech.

 

Alors oui, devant ces foules de Kaboul déchiquetées par les bombes et ravagées par le désespoir, devant la détermination avec laquelle la première puissance du monde se retire d’un pays qu’elle avait prétendu rebâtir depuis vingt ans, le monde est pris de vertige, car il ne peut pas ne pas entendre le message que lui envoie ce moment.

Bon ou mauvais, il n’y a plus de gendarme. Il n’y a plus de parapluie, plus de protection assurée, plus d’alliances en béton, mais une Amérique qui se détourne du monde pour se tourner sur elle-même, investir à tour de bras dans sa modernisation, économiser les dollars et les hommes dont elle aura besoin pour ne pas céder la première place à la Chine et laisse l’Europe, l’Afrique et le Proche-Orient à l’incertitude d’équilibres et de rapports de force à repenser entièrement.

Alors, réveillons-nous !

Plutôt que de perdre notre temps à nous disputer sur l’accueil des réfugiés afghans, demandons-nous, nous les Européens, si nous sommes vraiment certains de la réaction des Etats-Unis au cas où Vladimir Poutine marcherait sur Kiev ou annexerait l’Ukraine orientale dans l’espoir de se refaire une popularité.

 

Interrogeons-nous et nous devrons nous avouer que nous ne sommes certains de rien après que George W. Bush se fut mis aux abonnés absents, en 2008, lorsque la Russie envahissait la Géorgie, que Barack Obama n’eut pas bougé, en 2013, face à l’emploi d’armes chimiques par le régime syrien et que Joe Biden brave maintenant l’humiliation nationale pour se retirer de Kaboul à tout prix.

Après l’Afghanistan, un rebond du terrorisme islamique

Après l’Afghanistan, un rebond du terrorisme islamique

Pour l’ancien juge antiterroriste Marc Trévidic, l’Afghanistan va redevenir un lieu d’attraction pour tous les salafistes européens, comme avant le 11 septembre 2001( dans l’Opinion, Extrait)

 

Président de la chambre à la cour d’appel de Versailles après avoir été, entre 2006 et 2015, juge d’instruction s au pôle antiterrorisme du tribunal de grande instance de Pari, Marc Trévidic est l’auteur de Le roman du terrorisme paru chez Flammarion en novembre 2020.

Que vous inspire la découverte de talibans infiltrés parmi les réfugiés accueillis en France ?

La notion de « taliban » est large, entre les différentes factions existantes et tous les chefs tribaux. Il y a des guerres intestines. Certains des réfugiés en question sont sans doute recherchés par leurs propres troupes parce qu’ils ont aidé les forces gouvernementales, qu’ils ont trahi ou pris de l’argent dans la caisse, mais j’imagine mal les talibans en tant qu’organisation vouloir infiltrer des agents dormants en Europe pour l’instant. Je ne vois pas trop leur intérêt, au moins pour les deux ans à venir. Ils devraient se tenir à carreau le temps de prendre totalement les rênes en Afghanistan. On a vu déjà, par le passé, dans le flot des réfugiés venus de Syrie et d’Irak, des terroristes passés successivement par al-Nosra, puis par l’Etat islamique et par Ahrar al-Cham en Syrie qui n’étaient plus dans les bons papiers des cheiks ayant pris le pouvoir. Tous n’en demeurent pas moins des fondamentalistes religieux et de potentiels terroristes.

Faut-il craindre que l’Afghanistan redevienne une base pour les terroristes ?

Toute partie du monde perçue comme une terre de « vrai islam » où l’on applique la charia représente une attraction pour les salafistes-jihadistes européens. Si on leur ouvre la porte, ils vont s’y rendre. Une fois là-bas, le régime en fera ce qu’il veut : les entraîner militairement – pas forcément sous la forme de camps à ciel ouvert comme avant le 11 septembre 2001 –, continuer leur formation idéologique, etc. Ils peuvent servir, à un moment donné, des intérêts stratégiques des talibans ou des pays qui les soutiennent et être envoyés organiser des attentats dans certaines parties du monde. L’idée que des Français vont retourner sur cette terre – il y en a eu un paquet par le passé – et être chapeautés par des extrémistes religieux représente un danger. Cela donne aussi un souffle à l’idéologie qui peut disparaître petit à petit quand il ne se passe rien. On a vu ce qu’avait donné la proclamation du califat avec un exode massif des salafistes européens. Cela étant, l’Afghanistan est un peu moins accessible que la Syrie et l’Irak. Il faut crapahuter pour s’y rendre, il ne suffit pas d’un billet d’avion à 230 euros. Heureusement, on a les moyens d’éviter un exode massif. Cela se fera par petits nombres. Parmi les derniers dossiers que j’ai traités, une demi-douzaine de terroristes dont Mohammed Merah (responsable des tueries de Toulouse et Montauban en 2012) avaient été formés au Waziristan, région tribale à la frontière du Pakistan et de l’Afghanistan.

A quel point le Pakistan est-il impliqué?

C’est un pays ami des talibans. Au moins la moitié de la hiérarchie des services de renseignement pakistanais (l’ISI, qui emploie 800000 personnes et fait la pluie et le beau temps dans le pays) est historiquement proche des chefs talibans. Le Pakistan est toujours partant pour déstabiliser l’Inde, comme on l’a vu par le passé quand al-Qaïda a été utilisé au Cachemire pour des actions terroristes. Tout le monde occidental sait que le Pakistan n’est pas un véritable allié. C’est un Etat très instable disposant de l’arme nucléaire, qu’on laisse agir parce qu’il n’y a pas le choix.

BIDEN ET JOHNSON SE RÉVEILLENT ET PARTICIPERONT À UN G7 VIRTUEL SUR L’AFGHANISTAN

BIDEN ET JOHNSON SE RÉVEILLENT ET PARTICIPERONT À UN G7 VIRTUEL SUR L’AFGHANISTAN

 

Comme la plupart des dirigeants occidentaux, Biden  et Johnson se réveillent et se sont mis d’accord pour un G7 sur les conséquences de la victoire des talibans en Afghanistan.

 Le président américain Joe Biden et le Premier ministre britannique Boris Johnson ont convenu lors d’un entretien téléphonique mardi de participer la semaine prochaine à un sommet virtuel du G7 sur l’Afghanistan, ont fait savoir la Maison Blanche et Downing Street dans deux communiqués.

Les deux hommes ont « salué la coopération des Etats-Unis et du Royaume-Uni » dans les opérations d’évacuation en Afghanistan, selon les services du Premier ministre britannique.

Ils ont également évoqué « le besoin de poursuivre une étroite coopération entre alliés et partenaires démocratiques » au sujet du pays, désormais aux mains des talibans, a indiqué de son côté la présidence américaine.

L’Afghanistan livré aux talibans

L’Afghanistan livré aux talibans

En actant un retrait inconditionnel des troupes américaines d’Afghanistan, le président Joe Biden prend un risque énorme, analyse cet expert pakistanais. Les liens entre les insurgés et Al-Qaida constituent une menace à long terme, dit-il dans un entretien accordé au « Monde ».

 

 

Ahmed Rashid est un journaliste et essayiste pakistanais, expert du mouvement taliban. Il est l’auteur de nombreux ouvrages, dont Le Retour des talibans (Delavilla, 2009), dans lequel il invitait notamment les Etats-Unis à revoir leur stratégie, sous peine de perdre la guerre. 

Pourquoi aura-t-il fallu vingt ans de guerre en Afghanistan pour que Washington, sous la présidence de Donald Trump, accepte de signer un accord avec les talibans, à Doha, le 29 février 2020 ?

Le seul objectif de M. Trump était de pouvoir annoncer le retrait des troupes lors de la campagne présidentielle américaine de 2020. Il n’a tenu compte ni des intérêts américains, ni des intérêts afghans, et n’a fixé aucune stratégie. Les Etats-Unis avaient déjà plusieurs fois essayé de faire la paix. En 2009, Barack Obama avait ainsi nommé comme représentant spécial pour l’Afghanistan et le Pakistan Richard Holbrooke [brutalement décédé en décembre 2010], qui a dépensé beaucoup d’énergie pour faire avancer la paix. Mais il était trop isolé au sein de l’administration américaine.

Aujourd’hui, Joe Biden prend un risque énorme en accélérant le retrait total des troupes. Il parie sur une sortie négociée avec les talibans. Or, celle-ci n’est que pure hypothèse : depuis l’été 2018, les insurgés n’ont jamais montré la volonté d’aboutir à la paix. Ils ont obtenu beaucoup, sans rien apporter en échange. On ignore ce qu’ils veulent en matière de système politique, d’éducation, de santé, de relations extérieures et quelle sera la place des femmes dans la société. C’est très inquiétant.

 

 

Comment les Américains avaient-ils été accueillis par la population afghane en 2001 ?

Leur arrivée et celle des ONG avaient suscité un immense espoir de paix. Après cinq ans de règne, les talibans ne pouvaient plus compter sur le soutien populaire. Les Afghans aspiraient, dans leur ensemble, à être libérés de leur joug. Quant aux groupes non pachtouns, ils n’avaient jamais cessé de résister. Depuis 1993, l’Afghanistan était d’ailleurs devenu le théâtre d’une guerre ethnique opposant les Pachtouns d’une part, aux Tadjiks, Ouzbeks et Hazara d’autre part, avec des soutiens logistique et politique de pays étrangers dans chaque camp. Cela explique, avec la supériorité militaire américaine, pourquoi les talibans ont perdu si vite, fin 2001.

 

 

Washington aurait-il dû convier les talibans dès la fin 2001 à participer à l’accord de Bonn censé préparer la transition démocratique ?

A l’époque, la participation des talibans au travail de refondation du pays était inenvisageable pour les Etats-Unis. Ils refusèrent même la proposition de certains leaders talibans d’une reddition auprès du nouveau maître de Kaboul, Hamid Karzaï [désigné, à Bonn, chef de l’autorité intérimaire]. Selon Washington, les talibans étaient vaincus et devaient se rendre aux Américains, pour être emprisonnés ou condamnés à mort.




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