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La boussole perdue de la promesse républicaine

 La boussole perdue de la promesse républicaine

 « Alors que le gouvernement a récemment annoncé une série de mesures pour favoriser l’égalité des chances, adoptons des mesures fortes pour la jeunesse et sortons des dogmes en considérant les entreprises du privé comme des partenaires pour nos quartiers » par Lucas Elalouf , délégué général de Solidarités 18 dns l’Opinion.

 

Lucas Elalouf

 

 

La pandémie et ses conséquences économiques et sociales ont accentué, et sans doute durablement, les inégalités et la fracture sociale dans les quartiers les plus en difficulté, touchant en particulier la jeunesse.

Là où en moyenne un habitant sur trois a moins de 25 ans, l’horizon des possibles est bien trop souvent restreint, par manque d’incarnation et par un sentiment de fatalité qui doit nous alarmer : entendre une jeune fille de 16 ans dire qu’elle ne souhaite pas continuer dans une filière générale parce qu’elle n’a pas confiance en elle, qu’elle croit ne pas avoir le patronyme qui convient ou venir du « bon coin » est une blessure que nous devons panser.

Lorsque ces phénomènes se produisent, et c’est peut-être l’un des maux les plus ancrés dans ces quartiers, alors c’est l’échec même de la promesse républicaine.

Egalité des chances. Le récent dispositif « prépa talent », qui dote d’une bourse importante (4 000 euros à la rentrée 2021) les jeunes désireux de préparer les concours de la fonction publique, contribue à encourager les plus éloignés du monde des études à avoir les mêmes moyens que d’autres, plus privilégiés.

C’est une mesure qui va dans le bon sens, mais ne faudrait-il pas élargir ces dispositifs à toutes les classes préparatoires ?

Ce serait là une aide précieuse pour les jeunes qui veulent s’émanciper et se réaliser au moyen d’une école de commerce, par exemple.

Il faut aussi penser au cadre de travail qui doit permettre aux jeunes d’étudier dans des conditions sereines, bénéficier d’un environnement calme et d’une entraide collective stimulante. Les bibliothèques sont peu nombreuses dans ces quartiers, et avec des horaires trop limités. Pensons donc à des solutions pragmatiques : par exemple des partenariats avec des entreprises qui bénéficient d’espace dans leurs locaux, avec des écoles qui disposent de salles vides ou encore avec des associations qui peuvent accueillir les jeunes qui veulent étudier dans de bonnes conditions avec des horaires larges. (*)

Actions solidaires. Si les quartiers les plus en difficultés continuent à résister aux conséquences sociales engendrées par la pandémie, c’est aussi grâce à l’action de leurs jeunes habitants. Beaucoup se sont organisés, avec l’aide d’associations ou spontanément entre eux, pour y assurer une présence quotidienne affirmant la solidarité comme valeur centrale.

Ces actions solidaires ont d’abord été rendues possible grâce à ces jeunes, moteurs de ces véritables entreprises solidaires florissantes. Ils doivent désormais l’être pour le pays tout entier, car la République ne peut se passer d’une telle force d’entraînement et de telles énergies.

Investir nos quartiers par l’économie. Les forces économiques, à l’approche de la nécessaire et attendue relance, doivent pouvoir compter sur ces jeunes, d’autant plus que ces énergies locales s’accompagnent encore, plus qu’ailleurs, d’une réelle fibre entrepreneuriale, parfois ralentie par le manque d’incarnation d’entreprises issues de ces quartiers.

Pour lutter contre le chômage de masse, ouvrons davantage le dispositif des « zones franches urbaines » en le généralisant aux territoires urbains en difficulté

Des dispositifs existent ou ont été amplifiés, comme les « emplois francs + » qui encouragent les entreprises à recruter des jeunes de moins de 26 ans issus des quartiers prioritaires en revalorisant à la hausse la prime aux employeurs lors d’un recrutement. Cela va dans le bon sens, mais allons plus loin !

Généralisons l’éligibilité des quartiers prioritaires au dispositif des « zones franches urbaines » : elles sont aujourd’hui bien trop limitées avec seulement 100 quartiers éligibles en France. Ce dispositif permet aux entreprises qui s’installent dans les quartiers prioritaires d’être exonérées d’impôt sur les bénéfices durant les 5 premières années, en contrepartie d’un recrutement à hauteur de 50 % de salariés issus de ces quartiers.

Pour lutter contre le chômage de masse, ouvrons davantage ce dispositif en le généralisant aux territoires urbains en difficulté.

Les entreprises partenaires. Aussi, permettons aux moyens et grands groupes d’investir dans ces quartiers, et si l’exonération d’impôt ne peut, pour eux, devenir la norme, proposons-leur des avantages fiscaux attractifs lorsqu’ils s’y installeront et recruteront.

Allons créer ce choc économique salvateur pour nos quartiers. Ce sera bien sûr un effort fiscal conséquent au bénéfice des entreprises qui joueront le jeu, mais aussi un réel investissement pour l’avenir de notre jeunesse et pour l’avenir du pays tout entier ; un pari que les leaders économiques ne peuvent prendre que si les politiques impulsent ce mouvement en créant les dispositions législatives et fiscales nécessaires.

Les solutions pour nos quartiers existent, mais le temps est venu de prendre des risques pour bouleverser, enfin, la donne.

La crise sociale que nous traversons doit être l’occasion de tenter ce pari ambitieux. Cela est plus que jamais nécessaire pour nos quartiers, pour la France et pour l’idée même que nous nous faisons de la République.

Lucas Elalouf est délégué général de Solidarités 18




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