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OPA d’Elon Musk sur Twitter : La nouvelle menace démocratique

Twitter: l’OPA d’Elon Musk  , la menace démocratique

Le chercheur Olivier Ertzscheid, spécialiste des nouvelles technologies à l’Université de Nantes, décrypte les conséquences d’un éventuel rachat total de Twitter par le milliardaire Elon Musk, qui prône une vision radicale de la liberté d’expression. Fin connaisseur du modèle économique des médias sociaux, l’universitaire explique la différence entre la liberté d’expression et son amplification algorithmique, qui justifie selon lui la modération. Il dénonce également le problème de la gouvernance des réseaux sociaux, qui permet à leurs dirigeants de concentrer un pouvoir démesuré.

 

LA TRIBUNE – Elon Musk vient de proposer de racheter entièrement Twitter et de le sortir de la Bourse. Depuis des années, le patron de Tesla et SpaceX se positionne en défenseur de la liberté d’expression, qui serait menacée par la modération de Twitter. S’il réussissait son OPA hostile, qu’est-ce que cela signifierait pour le débat démocratique ?

Olivier ERTZSCHEID - Il faut bien comprendre qu’il existe deux conceptions de la liberté d’expression. La première, plutôt américaine, est radicale : la liberté est au-dessus de tout, ce qui signifie que tout point de vue, quel qu’il soit, peut être exprimé dans l’espace public. Y compris, donc, un point de vue raciste, xénophobe, antisémite ou la diffusion d’une fake news. La deuxième conception, plutôt européenne et française, est qu’il y a des limites légales à ce qu’on peut dire dans l’espace public.

La plupart des patrons des entreprises de la tech américaine, y compris Jack Dorsey [le fondateur et premier CEO de Twitter, qui a quitté la direction fin 2021, Ndlr] pensent que la liberté d’expression doit être totale. C’est pour cela qu’ils combattent l’idée que les réseaux sociaux sont des médias responsables des contenus qu’ils diffusent, et qu’ils se montrent si réticents à les modérer. Mark Zuckerberg [le fondateur et patron de Meta qui comprend Facebook, Instagram, WhatsApp et Messenger, Ndlr], Jack Dorsey, ou encore les dirigeants de Google/YouTube, estiment que leur plateforme est un outil technique avant tout. Pour eux, leur rôle est simplement de mettre en relation les utilisateurs, grâce à des algorithmes qui mettent en avant des contenus liés à leurs centres d’intérêts.

 

La conception radicale de la liberté d’expression, telle que la défend Elon Musk, est-elle toujours tenable étant donné l’impact négatif, prouvé par de multiples études, des réseaux sociaux sur le débat démocratique ?

Non ce n’est plus tenable, car quel que soit le camp que l’on défend, il faut distinguer le « free speech » (la liberté d’expression) du  »free reach » (la libre portée) des réseaux sociaux, c’est-à-dire l’amplification algorithmique des contenus. Le fait qu’un propos raciste ou qu’une fake news puisse, par le simple fait de son existence, atteindre une audience énorme, pose manifestement un problème. Ce constat est largement partagé dans la classe politique. L’enjeu est donc de trouver le juste équilibre, c’est-à-dire garantir à chacun la possibilité de dire ce qu’il veut, sans offrir à chaque parole la même capacité à toucher une grande audience.

L’Histoire récente a démontré que les algorithmes des réseaux sociaux ne sont pas neutres et qu’ils peuvent avoir un impact négatif majeur sur la vie démocratique, partout dans le monde, des Etats-Unis à l’Inde en passant par les Ouïghours en Chine, ou en Europe. Les Facebook Files, révélés l’an dernier par la lanceuse d’alerte Frances Haugen à partir de documents internes à Facebook, ont confirmé l’ampleur du phénomène et surtout, la complicité de Facebook lui-même. On a pu constater lors de l’élection présidentielle américaine de 2016, où les électeurs indécis ont été abreuvés de fake news, ou lors du référendum du Brexit la même année, que les réseaux sociaux peuvent être manipulés. De nombreux travaux scientifiques font également le lien entre la mise en avant des contenus haineux et polémiques, et le modèle économique même des Facebook, Twitter et consorts. Car celui-ci se base sur l’engagement de l’utilisateur : plus les contenus génèrent une émotion, plus l’utilisateur passe de temps sur la plateforme et dissémine des données personnelles que l’entreprise monétise.

Face à ces constats, les plateformes sociales comme Facebook et Twitter subissent la pression des régulateurs depuis quelques années. Des deux côtés de l’Atlantique, les pouvoirs publics les incitent à intervenir sur les contenus, notamment pour réduire le cyberharcèlement et les fake news.

Globalement, ils ne font pas un bon travail, surtout Twitter qui a le pire ratio de modérateurs humains par utilisateur. Mais cette « brèche » dans la conception américaine de la liberté d’expression, a déclenché un mouvement contestataire selon lequel les réseaux sociaux dominants entraveraient la liberté d’expression, et dont Donald Trump et Elon Musk sont des porte-voix.

 

En prenant le contrôle de Twitter, Elon Musk pourrait-il appliquer sa conception radicale de la liberté d’expression sans que rien ne l’en empêche ?

La régulation progresse des deux côtés de l’Atlantique pour imposer des obligations aux plateformes. En Europe, le Digital Services Act (DSA), entièrement dédié à ce sujet, sera bientôt voté au Parlement européen. Des travaux similaires sont menés aux Etats-Unis. Mais pour l’heure, le fonctionnement des réseaux sociaux reste principalement de leur propre responsabilité.

Je pense donc que le principal problème démocratique aujourd’hui est avant tout un problème de gouvernance. Au regard de leur poids politique, de leur puissance économique, et de leur capacité extraordinaire à façonner les opinions de centaines de millions de personnes [Facebook est utilisé par 2,9 milliards de personnes par mois, 330 millions pour Twitter, Ndlr], leurs dirigeants disposent de beaucoup trop de pouvoir.

Dans ce contexte, la personnalité des dirigeants et de leur conseil d’administration est cruciale. Le moindre soubresaut idéologique d’un Mark Zuckerberg, d’un Parag Agrawal [l'actuel CEO de Twitter, Ndlr] ou demain peut-être d’Elon Musk, peut avoir un impact sur la vie de millions de personnes.

A ce titre, le fait qu’Elon Musk soit si près d’obtenir un tel pouvoir peut légitimement inquiéter tant l’homme est connu pour son imprévisibilité. C’est un euphémisme de dire qu’il n’est ni le plus calme, ni le plus stable, ni le plus modéré des patrons de la tech américaine. En obtenant 100% du capital de Twitter et en sortant l’entreprise de la Bourse, il sera libre de la gouverner comme bon lui semble et de choisir qui siège à son Conseil d’administration.

En attendant la régulation, pourrait-il toutefois être limité dans sa volonté de détruire toute forme de modération, par la pression des pouvoirs publics voire par les propres utilisateurs de Twitter ?

Le fait que Facebook et Twitter se soient mis à la modération après avoir été fortement mis en cause pour des dysfonctionnements majeurs, montre que la pression politique peut être efficace.

Il est vrai aussi que les réseaux sociaux ne sont que ce qu’en font leurs utilisateurs. Même si la présence sur les réseaux sociaux est addictive, nous sommes libres de partir ou de rester. Nous évoluons tous dans notre propre bulle algorithmique, en fonction des personnes que nous avons choisi de suivre et des contenus avec lesquels nous interagissons via nos commentaires, nos « likes » et nos retweets. Donc il y a autant de « Twitters » que d’utilisateurs de Twitter, et malgré tous les problèmes de modération, ce réseau social est aujourd’hui prisé par de nombreux activistes, journalistes, universitaires, chercheurs et citoyens lambda qui le considèrent comme une source importante d’accès à l’information.

Elon Musk ne peut donc pas faire n’importe quoi, car il n’aurait pas intérêt à ce que le service perde des utilisateurs. Mais des changements majeurs pourraient tout de même être décidés car Musk est persuadé que la direction actuelle n’exploite pas le plein potentiel de Twitter. Il a déjà déclaré que les changements qu’il souhaite vers une liberté d’expression plus radicale seraient bénéfiques pour recruter de nouveaux utilisateurs et mieux engager les utilisateurs actuels.

Quoi qu’il en soit, ce qui changera de manière certaine si Elon Musk contrôle Twitter, c’est qu’il fera beaucoup moins de concessions dans certains contextes, comme récemment lors de la guerre en Ukraine, ou encore la fermeture du compte de Donald Trump en 2021. Musk estime qu’exclure l’ancien président des Etats-Unis de Twitter est une aberration, malgré le fait que Trump ait utilisé ce réseau social pour contester le résultat de l’élection présidentielle de 2020, ce qui a contribué à l’insurrection du Capitole en janvier 2021.

Pensez-vous qu’Elon Musk a un agenda politique ? L’entrepreneur met en scène sa proximité avec Donald Trump, partage son opinion sur la liberté d’expression, et mène une OPA hostile sur Twitter alors que les Etats-Unis s’apprêtent à entrer en période électorale avec les élections de mi-mandat de fin d’année.

Je n’en sais rien car je ne suis pas dans sa tête, mais il faut se poser la question. Des études de chercheurs ainsi que les Facebook Files ont révélé que l’amplification algorithmique des contenus favorise l’extrême-droite. Pourquoi ? Parce que les contenus les plus extrêmes déclenchent des émotions, donc des réactions -d’autant plus si les émotions sont négatives. Ce sont eux qui bénéficient le plus des mécanismes de la viralité, ce qui contribue à diffuser les idées qu’ils véhiculent.

Aucune plateforme sociale ne peut être pensée indépendamment de son poids politique. Ceci dit, il faut prendre en compte qu’aux Etats-Unis, les grands patrons ont un rapport différent à la politique qu’en France. Il est tout à fait accepté dans les mœurs américaines qu’une entreprise finance massivement les deux camps ou donne plus d’argent à l’un par rapport à l’autre. Ce n’est pas du tout perçu comme un danger pour la démocratie.

Mais nous sommes entrés dans une nouvelle ère depuis 2016. La société américaine est extrêmement fracturée. Donald Trump a changé la donne dans le sens où pour la première fois, les patrons de la tech américaine ont massivement rejeté sa candidature en 2020, à quelques exceptions près comme Peter Thiel [un investisseur phare de la Silicon Valley, Ndlr]. Il y a donc une instrumentalisation du rôle des réseaux sociaux et de leur allégeance politique supposée. Parce qu’ils se plient -même mal et de manière très insuffisante- à des impératifs de régulation des contenus, Facebook et le Twitter de la période Jack Dorsey puis Parag Agrawal, sont perçus par certains comme faisant le jeu des Démocrates, ce qui est une déduction très contestable.

Peut-être y-a-t-il la volonté d’un « rééquilibrage » de la part d’Elon Musk. Gardons toutefois en tête que les réseaux sociaux partisans, créés par et pour un camp, ne décollent pas de leur cercle d’adhésion idéologique, à l’image du réseau social d’extrême-droite Gab ou de celui lancé cette année par Donald Trump. Ces plateformes ont été créées justement pour garantir la liberté d’expression qu’il manquerait à Twitter, mais il est très difficile de percer dans l’univers bouché des réseaux sociaux. C’est peut-être pour cela qu’Elon Musk a jeté son dévolu sur Twitter plutôt que sur l’un de ces acteurs ou sur la création d’un nouveau réseau social.

Quid des conflits d’intérêts ? En plus d’être l’homme le plus riche du monde, Elon Musk est également le patron de deux entreprises, Tesla et SpaceX, qui ont de forts enjeux avec les pouvoirs publics. Récemment, Musk a critiqué le président démocrate Joe Biden, qu’il accuse de ne pas assez soutenir Tesla, et SpaceX est sous contrat avec la Nasa…

Elon Musk est un entrepreneur milliardaire à la tête de deux entreprises plus ou moins stratégiques. S’il devait posséder un média social et la puissance qui va avec, cela représenterait un conflit d’intérêts très clair, mais ce n’est pas illégal. Ce ne serait d’ailleurs pas une première dans le secteur des médias. En France comme aux Etats-Unis, un nombre non-négligeable de médias sont détenus par des milliardaires qui sont aussi des grands patrons [Jeff Bezos, le fondateur d'Amazon, détient le Washington Post ; Bernard Arnault, le patron du géant du luxe LVMH, détient Les Echos et Le Parisien, Ndlr] voire même par des capitaines d’industries stratégiques [la famille Dassault, active dans la défense, détient Le Figaro, Ndlr].

 

Si la concentration des médias entre les mains de milliardaires est un sujet majeur, il est très clair que dans le domaine des réseaux sociaux au moins, on se dirige vers un contrôle plus strict des plateformes via la régulation, même si on n’y est pas encore. Un corpus doctrinaire est en train de se réinventer autour des lois antitrust pour voir de quelles manières on pourrait produire de nouvelles législations adaptées à la réalité de ce qu’est une plateforme technologique aujourd’hui, et des nouveaux défis démocratiques qu’elles posent. Cette évolution va dans le sens inverse de ce que souhaite Elon Musk. Il est certain que ni lui ni Mark Zuckerberg n’en seront des alliés.

« Biodiversité :la nouvelle alerte du coronavirus » (Sébastien Moncorps)

« Biodiversité :la nouvelle alerte du coronavirus » (Sébastien Moncorps)

 

Sébastien Moncorps, directeur du comité français de l’UICN (Union internationale pour la conservation de la nature), alerte sur les conséquences des bouleversements de la biodiversité (dans la Tribune).

 

« Le Congrès mondial de la nature l’UICN qui devait se tenir en juin 2020 à Marseille vient d’être officiellement reporté du 7 au 15 janvier 2021. Cet événement rassemblera toute la communauté internationale de la conservation de la nature pour relancer la mobilisation en faveur de la biodiversité et enrayer son déclin alarmant. Les 1.300 organisations membres de l’Union Internationale pour la conservation de la nature, son réseau de plus de 15.000 experts, ainsi que de nombreux autres acteurs (Etats, agences de l’ONU, associations, institutions scientifiques, entreprises, collectivités…) y sont attendus pour débattre des enjeux et proposer des solutions.

Le congrès sera suivi de la COP15 Biodiversité en Chine, dont le report a également été annoncé, qui va dresser le bilan des actions engagées sur les 10 dernières années et adopter le nouveau cadre mondial de la biodiversité pour les 10 prochaines. Ces deux événements internationaux, en France et en Chine, sont une opportunité exceptionnelle de fixer un cap ambitieux et des mesures opérationnelles pour protéger la nature.

Avec la crise sanitaire actuelle, un risque de démobilisation sur les enjeux de biodiversité pourrait arriver et les reléguer en arrière-plan des priorités internationales et nationales. Cependant le Congrès mondial de l’UICN et la COP15 sont plus que jamais nécessaires pour agir pour une planète plus saine et plus durable!

L’épidémie mondiale du Covid-19 trouve en effet son origine dans les pressions que nous exerçons sur la biodiversité. Le virus a émergé depuis un marché de Wuhan en Chine en mettant en contact des animaux sauvages, des animaux domestiques et la population humaine. Il est vraisemblablement issu d’une recombinaison virale impliquant plusieurs hôtes sauvages, parmi lesquels des chauves-souris et des pangolins. Il illustre les dangers de la surexploitation des espèces sauvages, considérée comme la 2e grande cause de disparition de la biodiversité dans le monde, à la fois pour la survie des espèces elles-mêmes et pour les humains.

Toutes les espèces de pangolins (4 asiatiques et 4 africaines) figurent dans la liste rouge des espèces menacées de l’UICN et font l’objet d’un braconnage et d’un trafic intenses malgré leur inscription à l’annexe 1 de la convention de Washington (CITES) interdisant leur commerce international. On estime que plus de 200.000 individus sont braconnés chaque année dans le monde.

C’est une nouvelle alerte sur le lien entre crise de la biodiversité et crise sanitaire

C’est une nouvelle alerte, ici sans précédent, sur le lien entre crise de la biodiversité et crise sanitaire puisque de précédentes épidémies (Ebola, le SRAS ou la grippe aviaire) avaient aussi trouvé leur origine dans les atteintes à la biodiversité. La dégradation des milieux naturels et le trafic illégal favorisent les contacts avec les espèces sauvages, et donc la transmission de pathogènes aux humains, et déstabilisent le fonctionnement des écosystèmes. La mondialisation de nos échanges et les élevages intensifs accentuent aussi les risques d’apparition et de propagation de maladies.

A l’inverse, des écosystèmes préservés et diversifiés permettent d’avoir un système plus résilient et plus régulé. L’Evaluation des écosystèmes pour le Millénaire publié en 2005 par l’ONU indiquait déjà que l’érosion des écosystèmes pourrait entraîner une augmentation des maladies existantes ainsi qu’un risque accru de nouvelles maladies émergentes. Il montrait aussi tous les services que nous rendent les écosystèmes pour notre santé, la régulation du climat, la pollinisation des cultures et bien d’autres.

Il faudra tirer les conséquences de cette crise en intégrant pleinement ses liens avec la dégradation de la nature. La mobilisation engagée pour la protection de la biodiversité en 2020 doit donc impérativement se poursuivre car elle est indispensable au bien-être humain et à une planète plus durable. »

 




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