Sécheresse-Climat : » La maison brûle »
Après l’ère de l’« anthropocène », du « capitalocène » et du « technocène », le philosophe et économiste Guillaume Quiquerez propose, dans une tribune au « Monde », celle du « corporocène », afin de mieux prendre en compte la responsabilité des grandes entreprises dotées d’une personnalité morale dans la croissance des émissions de gaz à effet de serre.
C’était à la fin de l’été 2002, il y a vingt ans. Reprenant la métaphore soufflée par [le physicien et géopolitologue] Jean-Paul Deléage, le président Chirac marquait les esprits lors du 4e Sommet de la Terre à Johannesburg (Afrique du Sud), en déclarant à la tribune : « Notre maison brûle et nous regardons ailleurs. »
Quelques mois auparavant, le chimiste de l’atmosphère Paul Crutzen (1933-2021) avait publié un article fondateur dans Nature, « Geology of mankind », où il qualifiait d’« anthropocène » la nouvelle ère géologique causée par l’activité humaine. Cela faisait déjà plusieurs décennies que l’on savait que la croissance des émissions de gaz à effet de serre aurait pour conséquence de changer le climat. Mais, pour beaucoup, l’affaire demeurait abstraite.
Si l’on compte à partir du début de l’ère industrielle, la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone a augmenté de moitié. En parallèle, celle du méthane, gaz étrangement évacué des débats publics, a bien plus que doublé. Dès 2003, la France connaissait une canicule occasionnant environ 15 000 morts en vingt-quatre jours. Depuis, année après année, de métaphorique, la « brûlure » est progressivement devenue épreuve.
En cet été 2022, notre maison brûle, vraiment : le feu dévore les forêts, le lit des rivières s’assèche, les glaciers et le pergélisol fondent, des événements climatiques jadis rares secouent la planète pendant que la canicule dérègle les équilibres complexes patiemment forgés au sein des écosystèmes océaniques.