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La-perspective-decoloniale-critique-l-universalisme-comme-projet-imperialiste

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L’universitaire Philippe Colin détaille, dans un entretien au « Monde », le fonctionnement propre du colonialisme, notamment autour de l’idée de « colonialité »*.

Maître de conférences à l’université de Limoges, Philippe Colin a écrit, avec l’historienne Lissell Quiroz, Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d’Amérique latine (La Découverte, 240 pages, 20,50 euros). Il a aussi traduit, avec Cristina Moreno, Les Pensées de l’Indien qui s’est éduqué dans les forêts colombiennes (Wildproject, 192 pages, 20 euros), de Manuel Quintin Lame, un des leaders majeurs des communautés autochtones colombiennes au XXe siècle.


Qu’entend-on par courant décolonial ?

La perspective décoloniale est une théorie latino-américaine, non en raison de l’origine de ses penseurs, mais parce qu’elle fait de l’Amérique latine son espace de réflexion originaire. Elle déplace la chronologie du colonialisme construite par les postcoloniaux en la faisant remonter à la conquête de l’Amérique. Cela engendre une série de réflexions originales sur le fonctionnement propre du colonialisme, notamment autour de l’idée de « colonialité », forgée en 1992 par le sociologue péruvien Anibal Quijano.


De quoi s’agit-il ?

La perspective décoloniale ne s’intéresse pas tant au colonialisme ibérique et à ses effets sur nos sociétés actuelles qu’à la structure profonde qui se met en place dès 1492 avec l’émergence du système-monde moderne colonial. Cette matrice de pouvoir nommée colonialité repose sur un ensemble de hiérarchies (pouvoir, savoir, être) et perdure au-delà des indépendances.


En quoi cette colonialité serait-elle spécifique de la période moderne de la fin du XVe siècle ?

Pour le philologue argentin Walter Mignolo, la modernité serait le visage obscur de la colonialité ; ce qui ne signifie pas, pour autant, que toutes ses manifestations soient condamnables. Elle serait intrinsèquement coloniale parce qu’elle serait née, selon les décoloniaux, non pas des qualités propres à la culture européenne avant de se diffuser au reste du monde, mais de l’expansion ibérique dans les mondes atlantiques et donc de la conquête de l’Amérique. Elle crée alors une économie entièrement tournée vers la production de marchandises pour des métropoles européennes. Raison pour laquelle Quijano écrit que l’Amérique, la modernité et le capitalisme naissent le même jour.

* La colonialité

La notion de décolonial est de plus en plus évoquée dans les milieux militants, sans que l’on sache, le plus souvent, que cela réfère à un groupe d’intellectuels latino-américains, dont le concept central de la notion de “colonialité”.

La colonialité du pouvoir désigne un régime de pouvoir qui émerge à l’époque moderne avec la colonisation et l’avènement du capitalisme. Mais qui ne s’achève pas avec le processus de décolonisation dans les années 50-60, mais continue d’organiser les rapports sociaux de pouvoirs actuels dans le système monde.

L’originalité de la structuration du concept de colonialité c’est qu’il a été amené à connaître une extension plus large donnant lieu à un important programme de recherche sur les rapports sociaux de pouvoir à l’époque moderne.

La colonialité du pouvoir se caractérise également par l’extension de l’Etat moderne à l’ensemble du monde. Sur ce plan, la réflexion de l’option décoloniale rejoint celle de l’anthropologue Scott au sujet de Zomia

La chercheuse mexicaine Breny Mendoza a pour sa part développé la question de la colonialité de la démocratie.

Conclusion: La notion de “colonialité du pouvoir” a offert un vaste programme de recherche sur la construction de rapports de pouvoir enchevêtrés dans la modernité occidentale qui se ont été imposées de force au reste du monde




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