Energie-L ’hydrogène ,l’avenir du renouvelable
Pour Arnaud Pieton*, le potentiel massif des renouvelables ne se réalisera que par le déploiement de l’hydrogène, pont entre l’électron et la molécule.
L’histoire énergétique connaît un moment de bascule inédit. La suprématie des énergies fossiles est remise en cause pour laisser place à un autre monde, animé par un impératif collectif : atteindre la neutralité carbone à horizon 2050.
La guerre en Ukraine a accéléré ce que la lutte contre le réchauffement climatique rendait inévitable. Les émissions de CO2 issues de la combustion de ressources fossiles représentent aujourd’hui deux tiers des émissions de gaz à effet de serre. La vulnérabilité de l’Europe occidentale aux exportations russes, combinée à la hausse des prix sur le marché de l’énergie, a opéré une rupture dans ce système « d’avant-guerre ».
En 2022, les investissements mondiaux pour la transition bas-carbone ont égalé ceux liés aux énergies fossiles. Le temps presse et nous devons allier toutes les solutions pour la décarbonation. Comme pour toute révolution, le passage de l’ancien au nouveau monde est porteur d’une lueur d’espoir ! Les alliances du renouvelable et du nucléaire avec l’hydrogène, et aussi à moyen terme le gaz et en particulier le GNL, nous feront passer le cap d’un mix énergétique enfin durable, disponible et abordable.
Nous savons à quoi doit ressembler ce nouveau monde. Il faut désormais en inventer, industrialiser et déployer les solutions.
Nous devons dessiner les passerelles qui libéreront le plein potentiel de cette promesse à nos générations futures. Pour ce faire, les énergies renouvelables doivent poursuivre leur déploiement accéléré. L’année dernière, l’éolien et le solaire sont devenus la première source d’électricité dans l’Union européenne. Cette électricité reste intermittente, mais l’hydrogène et ses dérivés (ammoniac, méthanol, e-NG) contribueront à résoudre ce problème.
La transformation des électrons en molécules d’hydrogène que l’on peut stocker et transformer permet d’apprivoiser le vent et le soleil, réalisant le mythe de Prométhée moderne. C’est sur ce progrès que repose la décarbonation de nombreux secteurs. Pour cela, l’hydrogène et ses dérivés doivent découler d’un processus décarboné, soit par électrolyse de l’eau à partir d’électricité renouvelable ou nucléaire, ou par transformation du gaz naturel avec capture de carbone.
L’enjeu du coût. Le raccordement de notre monde à l’hydrogène exige un effort de tous les acteurs de la filière. Les annonces de « gigafactories » d’électrolyseurs, nécessaires, ne suffiront pas pour porter ce changement profond qui engage tout un écosystème et doit privilégier l’adoption de formes dérivées d’hydrogène compatibles avec les infrastructures existantes. Cette industrie émergente va construire ses savoir-faire, ses méthodes, ses outils standardisés qui vont accélérer encore davantage le développement de l’hydrogène en réduisant les coûts.
La France et l’Europe peuvent s’appuyer sur les ingénieurs et experts qui ont la volonté de bâtir les ponts entre l’électron et la molécule, entre la recherche et l’industrie, entre les start-up et les groupes établis ou encore entre le privé et le public. Ce combat n’est pas uniquement celui d’une filière. Il est aussi celui de l’humanité tout entière. D’un point de vue économique, le déploiement de l’hydrogène n’est viable qu’à grande échelle, soutenu par un marché mondial et une électricité bas-carbone abordable. C’est le seul moyen de rendre une politique climatique efficace tout en minimisant l’impact sur le pouvoir d’achat des consommateurs, dans une logique gagnant-gagnant. Pour ne rien gâcher, ce moment constitue pour l’Europe une chance unique de redynamiser son industrie, à l’instar de l’élan insufflé outre-Atlantique par l’Inflation Reduction Act.
*Arnaud Pieton est directeur général de Technip Energies.