L’Arménie aussi vers l’Union européenne
Menacé par l’Azerbaïdjan directement pris par la Russie ( son ancien partenaire)indirectement, l’Arménie choisit le camp de la démocratie et du progrès.
Ararat Mirzoyan a notamment souligné l’existence d’un «partenariat stratégique» avec les États-Unis et l’Union européenne. «L’Europe est très impliquée dans les affaires sécuritaires de notre pays, une mission de surveillance est déployée à la frontière avec l’Azerbaïdjan (annoncée le 23 janvier, NDLR). Depuis, la tension a diminué et nous pouvons entrevoir une stabilité», a-t-il expliqué.
À ce jour, neuf États ont le statut officiel de «candidat» : la Turquie, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie, l’Albanie, l’Ukraine, la Moldavie, la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie. L’Arménie pourrait-elle être un dixième ? Le processus est en tout cas long, déjà pour candidater, mais surtout, après, pour rejoindre formellement l’Union. Au total, plus de 10 ans peuvent s’écouler et, à l’image de la Turquie, le parcours peut se gripper, l’unanimité étant la règle au sein des 27.
Reste qu’il est difficile, en évoquant une candidature de l’Arménie, de ne pas penser au cas de son voisin géorgien. Naguère dominée par la Russie, la Géorgie s’est rapprochée de l’Occident après la brève guerre de 2008 relative aux provinces d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud.
« Il est de notre devoir d’aider l’Arménie à protéger ses populations civiles en cas d’agression »
Sébastien Lecornu
Parmi les pays européens, plus ou moins attentifs au sort de l’Arménie, la France fait figure de partenaire privilégié. Lors de la visite de Nikol Pashinyan à Paris pour la panthéonisation de Missak Manouchian, Emmanuel Macron a rappelé le lien qui unissait les deux pays. «Nous réaffirmons le soutien indéfectible de la France à l’indépendance de l’Arménie, son intégrité territoriale et son aspiration à la paix», avait-il déclaré.
Surtout, le 23 février dernier, à l’occasion de la visite en Arménie du ministre des Armées Sébastien Lecornu, la France a livré du matériel militaire à Erevan et a signé un nouveau contrat d’armement avec le pays du Caucase. «Il est de notre devoir d’aider l’Arménie à protéger ses populations civiles en cas d’agression», a alors souligné le ministre des Armées. Un soutien qui reste toutefois une exception parmi les membres de l’UE, comme le relève la députée européenne Nathalie Loiseau, membre de la délégation française lors de la visite à Erevan. «Il faudrait que l’Europe finance l’envoi d’équipements militaires à l’Arménie», espérait-elle.
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Une distance inédite avec la Russie
Ce basculement de l’Arménie vers l’Occident intervient dans un contexte de refroidissement des relations avec la Russie. Depuis le début de la guerre en Ukraine, la méfiance est de mise entre les deux partenaires historiques, Erevan doutant de la volonté et de la capacité de Moscou de remplir ses engagements à l’endroit de la protection du territoire arménien. L’inquiétude s’est confirmée quand le rempart russe s’est avéré inefficace face à l’offensive Azerbaïdjanaise dans le Haut-Karabagh, le 19 septembre dernier.
Les deux pays entretiennent depuis lors des rapports plus distants. Ainsi, le 7 mars dernier, lors d’une conférence de presse, Ararat Mirzoyan a confirmé avoir demandé le retrait des agents du FSB de l’aéroport de la capitale arménienne. L’Arménie a aussi rejoint le 8 février 2024 la Cour pénale internationale, qui, un an auparavant, a lancé un mandat d’arrêt contre Vladimir Poutine. Un acte fort, qui obligerait en théorie l’Arménie à arrêter le président russe en cas de visite sur son territoire. Même si une telle éventualité reste improbable, le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov avait regretté «une décision erronée» et «regrettable» de ses homologues arméniens.
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Enfin, le 23 février dernier, le premier ministre arménien Nikol Pashinyan a pris la décision de suspendre la participation de son pays à l’OTSC, organisation politico-militaire pilotée par la Russie, réunissant plusieurs pays de l’ex-URSS. Et ce malgré la dépendance énergétique et militaire du petit pays enclavé vis-à-vis de la Russie. Plusieurs infrastructures énergétiques arméniennes particulièrement stratégiques sont possédées par le champion russe du nucléaire civil, Rosatom, tandis que 95% des armes arméniennes proviendraient de la Russie, rappelle le géopolitologue Tigran Yegavian.
Quatre villages revendiqués par l’Azerbaïdjan
L’appel du pied du chef de la diplomatie arménienne à l’Union européenne, s’il n’a encore rien d’officiel, intervient alors que la situation militaire entre Erevan et Bakou est loin d’être apaisée et pourrait au contraire se dégrader de nouveau. Le 7 mars, le vice-premier ministre azerbaïdjanais, Shahin Musatfayev, a réclamé la «restitution à l’Azerbaïdjan» de quatre villages frontaliers de la région de Tavush, dans le nord-est de l’Arménie. «Ces villages appartiennent incontestablement à l’Azerbaïdjan et devraient être restitués immédiatement», a-t-il affirmé.
«Un climat de paix règne depuis plusieurs mois à la frontière des deux pays», clamait pourtant le président Azerbaïdjanais Ilham Aliev, le 1er février dernier, dans une déclaration relayée par l’agence de presse Azerbaïdjanaise Azertac. Un retour sous giron azerbaïdjanais des villages de la région du Tavush pourrait engendrer la «perte de contrôle de l’axe commercial Erevan-Tbilissi-Mer Noire, ainsi que l’un des principaux gazoducs qui alimentent la capitale», met en garde le média francophone Le Courrier d’Erevan.