Archive pour le Tag 'l’hôpital'

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« Ségur de la santé ou Ségur de l’hôpital » ?

« Ségur de la santé ou Ségur de l’hôpital » ?

 

Indiscutablement la discussion baptisée Ségur de la santé s’est conclue par un succès caractérisé par un compromis sur la revalorisation salariale dans les hôpitaux et pas seulement pour les médecins. Le compromis a été tenu largement par les syndicats majoritaires. Reste il s’agit essentiellement d’une négociation concernant les hôpitaux et non le champ entier de la santé qui comprend évidemment d’autres établissements de soins et bien d’autres  acteurs comme par exemple les médecins libéraux mais plus largement d’autres soignants.

Il fallait évidemment crever cet abcès de l’hôpital qui constitue un foyer d’infractions sociales depuis des mois et des mois bien avant la crise du Coronavirus. Cette première phase était indispensable En accordant 7,5 milliards d’euros de revalorisation salariale aux personnels non-médicaux, l’exécutif concède «la plus grosse augmentation de revenu jamais proposée dans ce pays», de l’aveu d‘Olivier Véran. Le CFDT ne s’y est pas trompée, qui a salué «un accord historique», suivie par FO et l’Unsa, transformant le texte soumis à la signature des syndicats en accord majoritaire.  En fait on a surtout revalorisé les rémunérations mais deux questions importantes restent à traiter : la réorganisation même de l’hôpital public et son articulation avec l’ensemble du dispositif sanitaire. Deux aspects également fondamentaux qui pour l’instant ne semblent pas figurer sur l’agenda gouvernemental

« Un seul patron à l’hôpital , le directeur ! »

« Un seul patron à l’hôpital , le directeur ! »

La logique « métier » des soignants s’oppose à la logique « rationalisation » de l’institution. L’hôpital est gangrené par ce conflit de légitimité, explique Marie-Astrid Piquet, professeure de gastro-entérologie et nutrition, dans une tribune au « Monde ».

Les malades pensent souvent qu’un médecin dirige l’hôpital. En fait, ce n’est pas le cas dans les hôpitaux publics français. Les directeurs sont des hauts fonctionnaires, issus d’un cursus de santé publique, gestion et management.

En 2009, la loi hôpital, patients, santé, territoires, sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy, a consacré le directeur général (DG) comme « le seul patron à l’hôpital ». Le DG détient ainsi le pouvoir de décision et de nomination. Il bénéficie des conseils éclairés d’un médecin élu par ses pairs, le président de la commission médicale d’établissement (CME), mais ce dernier n’a pas de pouvoirs propres, la loi lui conférant un rôle de proposition, mais pas de décision. Finalement, le président de CME acquiert sa capacité d’agir à travers la relation qu’il entretient avec le DG.

C’est ce que j’ai réalisé en prenant mes fonctions de présidente de CME. J’ai eu la chance de travailler avec un DG qui avait une grande connaissance du terrain hospitalier, une vision audacieuse de l’offre de soins et un sens aigu de la coopération avec les soignants. Nous avons toujours pu compter l’un sur l’autre.

Pourtant, nos discussions étaient parfois tendues, car je ressentais une frustration en cas de désaccord qui me laissait un goût un peu amer. Comme m’a dit un directeur, au football c’est toujours l’Allemagne qui gagne, au CHU c’est toujours le DG. Et cela m’a posé un problème.

J’étais médecin, élue présidente de CME, je pensais être légitime. Je pensais qu’en accédant à la présidence de CME, j’aurais autant de poids que le DG dans les décisions concernant les soins. En même temps, je n’ai jamais remis en cause la légitimité du DG. Il avait une légitimité de gestionnaire des fonds publics, un savoir-faire du management, une vision de santé publique large, et une responsabilité juridique que je n’avais pas.

Mais si la plupart des médecins qui travaillent au quotidien au contact des directeurs ne contestent pas leur légitimité, il n’en est pas de même pour les soignants du terrain.

Car deux logiques s’opposent : la logique de métier des soignants, qui priorisent le soin dans sa dimension humaine artisanale, centrée sur un colloque singulier, et la logique de l’institution, menée par les directeurs qui privilégient la rationalisation de l’activité, avec une perspective à plus grande échelle, et gèrent la pénurie. La raréfaction des moyens budgétaires a considérablement accru la pression de la direction sur les soignants, qui rejettent cette domination qui les prive d’autonomie dans l’organisation des soins.

6 milliards pour les salaires à l’hôpital (Olivier Véran)

6 milliards pour les salaires à l’hôpital (Olivier  Véran)

Le ministre de la Santé a avancé le chiffre de six milliards d’euros «pour les hôpitaux, les établissements médico-sociaux (publics) et les établissements privés», a indiqué à l’AFP un des participants. Cette somme inclut une augmentation générale des salaires des agents de la fonction publique hospitalière (hôpitaux, Ehpad…), une refonte des primes, ainsi que des hausses ciblées sur certaines professions, qui pourraient être étendues aux établissements privés, ont précisé trois autres sources.

Selon un projet d’accord présenté lors d’une précédente réunion, vendredi, ces hausses ciblées concerneraient notamment les catégories soignantes (infirmiers, aides-soignants) et médico-techniques (techniciens de laboratoire, manipulateurs radio). Ce document, remis aux syndicats, prévoyait que l’augmentation générale des salaires dans le secteur public entre en vigueur «à compter du 1er juillet» pour le million d’agents du secteur public, qu’ils soient titulaires ou contractuels.

Pour un responsable syndical, la négociation salariale peut désormais commencer car «on connaît enfin le bas de la fourchette». À deux semaines de la conclusion du «Ségur», «on entre dans le ‘money-time’», ajoute-t-il. Lancée fin mai, cette vaste concertation pilotée par l’ancienne dirigeante de la CFDT Nicole Notat doit concrétiser d’ici mi-juillet le «plan massif de revalorisation et d’investissement» promis par Emmanuel Macron en pleine épidémie de coronavirus.

Le compte n’y est toujours pas

Mais pour certains syndicats, qui revendiquent au préalable une «revalorisation générale des salaires» d’au moins 300 euros net par mois dans les établissements publics, le compte n’y est toujours pas. De plus, l’éventualité de devoir partager une partie de la somme avec le secteur privé, qui ne figurait pas dans le projet d’accord, a défavorablement surpris plusieurs participants. «Il faut que le gouvernement revoie complètement sa copie», estime même une responsable syndicale, pour qui «la pression est sur l’exécutif, qui a une obligation de résultat».

Après le succès de leur journée d’action le 16 juin, qui a réuni plusieurs dizaines de milliers de manifestants dans toute la France, plusieurs syndicats (CGT, FO, SUD, Unsa) et collectifs de soignants (Inter-Hôpitaux, Inter-Urgences) ont appelé à de nouveaux rassemblements le 30 juin. Une autre mobilisation est aussi envisagée le 14 juillet, sous une forme encore non définie, alors que le gouvernement a prévu de rendre hommage aux soignants en ce jour de fête nationale, où le traditionnel défilé militaire sera remplacé par une cérémonie sur la place de la Concorde.

les principaux syndicats de médecins ne se sont pas joints à ces initiatives, même si leur dernière réunion au ministère a tourné court mardi matin.

Mécontents de l’absence de calendrier et de chiffrage concernant leurs rémunérations, ils ont quitté la table au bout d’une heure pour «montrer (leur) mauvaise humeur». Ils réclament notamment une hausse immédiate de 300 euros net mensuel pour les internes et une forte revalorisation de leur grille de salaire, avec un minimum de 5.000 euros net en début de carrière et jusqu’à 10.000 euros en fin de carrière. Les praticiens hospitaliers en sauront peut-être davantage lors d’une nouvelle séance de discussion programmée vendredi.

« La politique de santé ne doit pas se réduire à augmenter les moyens consacrés à l’hôpital »

 « La politique de santé ne doit pas se réduire à augmenter les moyens consacrés à l’hôpital »

Gaby Bonnand Syndicaliste, militant associatif, secrétaire national de la CFDT (2002-2010) en charge des questions de santé, Étienne Caniard Militant mutualiste, membre du Conseil économique, social et environnemental alertent sur la prévention.

«  Se laisser enfermer par les aspects déformants de la crise pour penser le système de santé de demain ne contribuera ni à l’amélioration de la santé des populations ni au bien-être des soignants. La peur à laquelle succède aujourd’hui le soulagement conduisent à une union sacrée autour du « plus jamais ça » qui, plutôt qu’analyser la situation dans toute sa complexité préfère chercher et sanctionner des responsables ou honorer des héros.

Le débat sur l’organisation de notre système de santé ne peut se satisfaire d’une approche déformée par le prisme des tensions dans les services de réanimation et de soins intensifs. Le « Ségur de la santé » doit s’appuyer sur un diagnostic qui n’élude pas les questions de fond sur le sens même d’une politique de santé.

Il faut en finir avec notre déni devant la réapparition des risques infectieux. Les efforts consacrés à la prise en charge des malades chroniques de plus en plus nombreux et la volonté de contenir les dépenses de santé ont concentré notre attention au point que nous nous sommes crus à l’abri du retour des maladies infectieuses. Fascinés et aveuglés par les possibilités thérapeutiques nouvelles et les perspectives de progrès, nous avons négligé les signaux d’alerte pourtant nombreux.

Nous n’avons prêté attention ni aux phénomènes de résistance aux antibiotiques, ni aux liens entre environnement et santé, moins encore aux inégalités d’accès aux soins et d’espérance de vie qui persistent voire s’accentuent. Il nous faut désormais à la fois accélérer l’adaptation du système de santé à l’accompagnement et au suivi des maladies chroniques et créer les conditions pour faire face à des épidémies fulgurantes et mortelles qui risquent de s’installer de manière récurrente.

En mettant en évidence les conséquences des inégalités sociales, la crise rend visible la faiblesse de la prévention dans les politiques de santé. La prévention et la culture de santé publique nécessitent une vision de long terme. Une crise, conduit à privilégier l’urgence. C’est normal. Mais au moment où nous semblons en sortir, il est impératif de prendre du recul et d’essayer de comprendre pourquoi, malgré les discours, la prévention reste le parent pauvre.

En avril 2008, le rapport France 2025 du Centre d’analyse stratégique notait la faiblesse de la France dans ce domaine. Les choses ont peu changé depuis ! Faire de la prévention une priorité exige en effet des changements très profonds. Cela va de la formation des soignants et tout particulièrement des médecins, à l’organisation de l’offre de santé en passant par la capacité des acteurs du monde sanitaire et autres acteurs à agir ensemble sur les déterminants de la santé des individus (logement, travail, environnement) ou encore au rôle de l’école dans l’éducation à la santé.

 

Comment réussir la refondation de l’Hôpital

 Comment réussir la refondation de l’Hôpital

chronique collective des professionnels de santé dans la Tribune.

 

« Prononcées le 14 avril dernier par le Chef de l’Etat, au cœur d’un confinement jamais connu dans notre pays, tous les soignants ont entendu des paroles fortes. Elles ont créé une attente que les Français ont relayée tous les jours : celle d’une nouvelle page de l’histoire de nos politiques de santé.

Aujourd’hui, nous engageons une mobilisation générale pour préparer l’« après COVID ». Cet « après » qui ne peut pas, qui ne doit pas être la reproduction de l’avant, nous avons commencé à le dessiner ensemble. Nous, professionnels de santé, directeurs d’hôpitaux, présidents de Conseils de Surveillance et de Commissions Médicales d’Etablissement, doyens, cadres, sommes prêts, avec tous nos collègues, à assumer une refondation de l’hôpital en lien avec la révolution nécessaire de notre système de santé. Nous attendons du Gouvernement le soutien clair et résolu de cette ambition.

Cette ambition est d’abord celle d’une organisation refondée sur des objectifs de santé publique que notre société doit réaffirmer urgemment.

La refondation de l’hôpital passe par l’abandon du prisme budgétaire étroit et inadapté qui a prévalu depuis deux décennies en France, et dont les limites sont apparues cruellement depuis le début de cette pandémie.

« Tout ambulatoire », « rationalisation de capacités de réanimation », « ratios d’effectifs », « taux de marge brute comme critère majeur de gestion», « objectifs de taux d’occupation des lits créateurs de pénurie »… : toutes ces politiques issues de tableurs appliquées sans discernement ont affaibli les hôpitaux, de référence ou de proximité, en diminuant leurs capacités matérielles et humaines, les transformant en établissements à flux tendus, débordés par l’épidémie malgré l’engagement et le professionnalisme dont les hospitaliers ont fait preuve. La traduction en a été des pertes de chance pour des malades et des décès qui auraient pu être évités. Oui, la première chose à faire est de reprendre une distance sanitaire avec les oukases des cost-killers et autres COPERMO.

Corollaire de ce constat : tout le système de financement doit être repensé, à la ville comme à l’hôpital, en abandonnant la tarification à l’activité telle qu’elle est conçue et appliquée. Elle n’a sans doute pas tous les défauts qui lui sont prêtés, mais l’hôpital ne peut s’accommoder d’un financement à la commission. L’impact sur les salaires du coût du système et la question de son financement global ne sauraient être une variable évacuée mais cette tarification a montré toutes ses limites dans la crise. Ces limites avaient déjà été dénoncées préalablement dans d’autres domaines comme ceux de la prévention, ou de la prise en charge des maladies chroniques notamment.

Cette ambition, c’est ensuite celle d’une réelle politique d’investissement. Elle ne doit plus être conçue comme la contrepartie de la suppression de capacités ou d’emplois, dont on a vu le caractère délétère. Une politique d’investissement ambitieuse est la seconde condition majeure de l’adaptation de l’hôpital. Les équipes hospitalières, dans la plupart des régions, ont travaillé avec l’Etat depuis des années pour définir les investissements nécessaires au renforcement de l’Hôpital. Citons par exemple le CHRU de Nancy ; celui-ci a reçu un premier aval du ministère juste avant le développement de l’épidémie COVID. La refondation passera par une politique d’investissement qui prendra en compte les leçons de la crise COVID, dynamisera les projets existants et transformera les hôpitaux du pays en lieux de soins préparés aux enjeux sanitaires de notre temps.

L’investissement, c’est aussi le soin dû aux professionnels, qui ne peuvent plus être considérés comme la variable d’ajustement. Leurs effectifs doivent retrouver dans des organisations sans doute innovantes, des niveaux compatibles avec la qualité des soins aux malades, mais aussi au respect dû à ceux qui donnent beaucoup.

Cette ambition, c’est aussi celle de la considération qui est due à tous les professionnels hospitaliers. Leur travail doit être reconnu au-delà des discours et propos convenus, avec des conditions de rémunérations qui permette à l’hôpital de conserver soignants et médecins. Une refonte des métiers et des carrières, leurs contenus, les formations qui y conduisent doit permettre de retrouver une attractivité perdue. Le rattrapage de l’insuffisance des rémunérations est une urgente priorité, mais, au-delà, il est essentiel de mieux prendre en compte la réalité de l’exercice professionnel, des responsabilités assumées, des compétences demandées ; il faut individualiser, évoluer en prenant en compte l’expérience.

Cette ambition, c’est celle de la liberté et de l’agilité. La gouvernance de l’Hôpital a montré dans la crise sa capacité à faire face, mais aussi les limites qui l’entravent : donner de la liberté, limiter toutes les strates internes ou externes qui alourdissent la décision, dégraisser le cadre réglementaire ou normatif, réduire le nombre d’agences thématiques qui produisent du texte et des normes contradictoires.

L’organisation sanitaire a été mise en cause dans cette crise. S’interroger sur le sens de son action, ses missions, son lien avec les acteurs de terrain, les élus, apparait indispensable. Chacun connaît des interactions qui peuvent être chaotiques entre des ARS plus budgétaires qu’opérationnelles, assujetties aux services parisiens, des Groupements Hospitaliers de Territoire inaboutis – dont sont absents les établissements privés qui ont su collaborer dans la crise – des établissements publics soumis à une tutelle d’autant plus tatillonne qu’elle perd parfois de vue sa raison d’être… Cette organisation a montré ses insuffisances qui doivent être corrigées par une réelle décentralisation. En interne, il faut aussi laisser les professionnels déterminer leur cadre de travail, retrouver le sens des projets collectifs en dépassant le couple directeur-médecin pour intégrer les professionnels non médicaux dont le rôle majeur a été rappelé de manière éclatante depuis le début du COVID.

Cette ambition, enfin, c’est la capacité à nous « donner de l’air » en partant des territoires, des élus locaux, et du lien global avec la population. La question n’est pas seulement l’hôpital. Elle intéresse chaque territoire, les villes, les professionnels de santé, les structures médico-sociales, alors que les déserts médicaux, avant COVID, étaient déjà une préoccupation forte de ces mêmes élus. Aujourd’hui, la reconnaissance des élus locaux par nos concitoyens reste forte, dans un contexte où la parole publique est contestée. En lien avec les professionnels de la santé, soignants, médecins, directeurs, avec les représentants des patients, ils sauront organiser les concertations populaires qui nourriront la feuille de route de ce futur système hospitalier, et du système de santé en général.

En ce mois de mai 2020, alors que l’épidémie semble marquer le pas, nous considérons avec bienveillance la proposition de « Ségur de la santé » proposée par le ministre Olivier Veran, tout en affirmant la nécessité absolue à sortir des alcôves des pouvoirs, des cercles corporatistes étroits de professionnels, ou des sociétés de conseil, pour associer les soignants, directions, usagers et élus de tout le pays, territoire par territoire. C’est seulement ainsi que nous construirons un socle partagé, adapté au terrain, premier pas d’une refondation « 

Inclure les médecins généralistes dans la réforme de l’hôpital

Inclure les médecins généralistes dans la réforme de l’hôpital

 

Ce que proposent Marine Crest, médecin, et Nicolas Bouzou, économiste. dans le Tribune

 

« Notre magnifique hôpital a besoin pour bien fonctionner d’une médecine de ville qui, elle-même, soit libérée des dysfonctionnements qui pèsent sur son efficacité. Il y a 225.000 médecins généralistes en France qui travaillent en moyenne plus de 50 heures par semaine et aspirent à jouer un rôle encore plus important et mieux intégré dans le système. Ne pas prendre en compte les interactions entre les acteurs du soin, et en particulier entre médecine de ville et médecine hospitalière, revient à prolonger les erreurs du passé. Or malheureusement, force est de constater que l’on évoque insuffisamment le rôle majeur de la médecine de ville au sein de notre système de santé. A ce titre, la crise actuelle a révélé trois maux qui lui préexistaient et qu’il est urgent de régler.

En premier lieu, les médecins généralistes ne sont pas toujours utilisés et reconnus à hauteur de leurs formations et de leurs compétences de plus en plus multidisciplinaires, ce qui génère une moins-value économique et sociale. En effet, le médecin-traitant est le « gate keeper » du système de soins, c’est-à-dire le bouclier en première ligne. Cette position dans la chaîne du soin conduit, pour forcer le trait, à ce qu’il soit parfois considéré comme responsable d’une gare de triage. Pourtant, le médecin généraliste est formé pour effectuer un large spectre de taches : des suivis simples en pédiatrie et en gynécologie, de la médecine d’urgence et des « soins primaires » (il sait faire des sutures et des plâtres). En pratique, c’est l’hôpital qui, le plus souvent, prend ces gestes en charge car les patients ne savent même pas que le généraliste pourrait s’en occuper.

En deuxième lieu, les généralistes gaspillent une grande partie de leur temps de travail en charges administratives : arrêts de travail, déclaration des affections de longue durée prises en charge à 100%, établissement des bons de transports pour que le patient aille du médecin vers le spécialiste ou l’hôpital, établissement des certificats médicaux, recueil de documents d’identité et pièces administratives…

En troisième lieu, la communication entre la médecine de ville et l’hôpital fonctionne mal. Les passerelles entre les deux niveaux ne sont pas systématisées. Concrètement, quand un médecin veut entrer en contact avec un médecin hospitalier, et dans le cas classique où il ne dispose pas de son numéro de portable privé, il appelle son secrétariat qui transfère l’appel à un(e) infirmier(e) ou un externe, qui, éventuellement, finit par joindre l’interne puis le médecin, rarement disponible… Ces systèmes de flux d’informations complexes et lents ont peu évolué depuis 100 ans.

C’est en outre le médecin de ville qui doit lui-même s’informer sur la situation hospitalière, se renseignant sur les spécialistes accessibles et le nombre de lits disponibles. Ces constats traduisent les retards accumulés dans la transformation numérique de notre système de santé.

 

Ces dysfonctionnements peuvent être corrigés par des mesures que nous souhaitons mettre en débat. Premièrement, il faut étudier une revalorisation financière de l’acte de consultation des médecins généralistes. A l’échelle du système de santé, cette revalorisation pourrait s’auto-financer si elle permet d’augmenter la productivité des actes des médecins, de décharger les hôpitaux et, globalement, d’éviter une surconsommation coûteuse des soins en aval du généraliste. Il ne faut pas se méprendre sur la notion de productivité. Elle ne signifie par « faire plus » mais « faire mieux » en apportant davantage de temps médical aux patients et moins d’actes inutiles dans le système de soins.

Deuxièmement, il faut mettre en place un choc de simplification pour réduire la bureaucratie médicale. Le numérique et l’intelligence artificielle devraient permettre d’avancer dans ce sens. Encore faut-il que les médecins eux-mêmes combattent les relents de technophobie que l’on observe parfois dans cette profession. Il est donc nécessaire d’avancer très rapidement vers la généralisation d’actions de formation initiale et continue pour les professionnels de ville.

Troisièmement, les pouvoirs publics pourraient envisager un partenariat public privé afin d’investir massivement dans les systèmes d’informations entre médecine de ville et hôpital pour simplifier, fluidifier et dématérialiser. On pourrait imaginer une plateforme interactive de partage d’informations qui rassemble les patients, les médecins (hospitaliers ou non), les pharmaciens et les paramédicaux. Les médecins généralistes doivent avoir une vision plus rapide et exhaustive sur le parcours de leurs patients, les résultats d’imagerie, les prises de rendez-vous avec des spécialistes, les disponibilités de capacité hospitalière. C’était l’esprit du dossier médical personnalisé lancé il y a une quinzaine d’années mais que de retards…

Le temps du bilan de la crise venu, il ne faudra surtout pas opposer les uns aux autres mais, au contraire, penser une gouvernance du système de santé qui améliorera la coordination de toutes les professions au service d’une amélioration effective de la qualité de la prise en charge du patient. »

 

 

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