Développement – L’argent de l’Afrique: l’exemple de l’Angola ?
Où va l’argent de l’Afrique ? Question souvent posée tellement le décalage est grand entre la richesse de ce continent et la situation socio-économique moyenne. La réponse est connue, une partie va dans les multinationales des pays développés grâce à la bienveillance d’une classe politique locale qui s’enrichit. Ainsi la totalité de l’endettement de l’Afrique correspond à peu près au patrimoine de dirigeants et anciens dirigeants africains, un patrimoine placé à l’étranger. Le problème c’est que cette culture de la corruption a largement contaminé une bonne partie du tissu socio-économique local et que cela constitue l’un des freins au développement en Afrique. L’exemple de l’Angola est significatif. La femme la plus riche d’Afrique, la milliardaire Isabel dos Santos, fille de l’ex-président angolais est accusée d’avoir « siphonné les caisses du pays » dans une enquête du Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) publiée dimanche. Elle aurait détourné plus d’un milliard de dollars de l’Angola sans parler des montages fiscaux illicites. L’intéressée est considérée cependant comme une femme d’affaires efficaces mais aussi une femme de » bonnes affaires ». La milliardaire avait ainsi protégé son patrimoine grâce à 400 sociétés plus ou moins fictives dans 40 pays en plus avec l’aide de banques d’affaires et d’avocats.
Les 36 médias internationaux membres du consortium, parmi lesquels la BBC, le New York Times ou Le Monde, ont mobilisé 120 journalistes dans une vingtaine de pays pour exploiter une fuite de 715.000 documents et révéler « comment une armée de sociétés financières occidentales, d’avocats, de comptables, de fonctionnaires et de sociétés de gestion ont aidé » cette femme de 46 ans « à cacher des avoirs aux autorités fiscales ».
Les « Luanda Leaks », du nom de la capitale de l’Angola, ont pu voir le jour grâce à une fuite de données orchestrée par un ou des anonymes depuis la société de gestion financière d’Isabel dos Santos basée au Portugal, « probablement issues d’un piratage informatique », selon Le Monde.
Celle qu’on surnomme la « princesse de Luanda » était déjà dans le radar de la justice de nombreux pays. L’enquête du ICIJ l’accable en révélant des détails inédits sur les montages financiers utilisés, ainsi que le nom des sociétés qui l’y ont aidée et les montants en jeu.
La fille de José Eduardo dos Santos, qui dirigea l’Angola d’une main de fer pendant 38 ans (1979-2017), avait vu en décembre ses comptes bancaires et ses actifs dans des entreprises angolaises gelés.
La justice angolaise la soupçonne d’avoir détourné, avec son époux danois d’origine congolaise Sindika Dokolo, plus d’un milliard de dollars des comptes des entreprises publiques Sonangol (pétrole) et Endiama (diamant) pour nourrir ses propres affaires.
Isabel dos Santos avait été nommée en 2016 par son père à la tête de la société Sonangol.
Grâce à ce que Le Monde décrit comme une « nébuleuse composée de 400 sociétés identifiés dans 41 pays », Isabel dos Santos avait mis en place un véritable « schéma d’accaparement des richesses publiques ».
L’enquête de l’ICIJ révèle entre autres que des sociétés de conseil occidentales, telles que PwC et Boston Consulting Group, ont « apparemment ignoré les signaux d’alarme », en aidant la « Princesse de Luanda » à cacher des biens publics. L’investigation s’appuie sur des lettres censurées qui montrent comment de grands noms chez les consultants, tels que Boston Consulting ou KPMG, ont cherché à lui ouvrir des comptes bancaires non transparents.
Début janvier, la justice portugaise a elle aussi annoncé l’ouverture d’une enquête sur la femme d’affaires, qui détient des intérêts dans de nombreuses entreprises du pays, pour blanchiment d’argent public. « Monaco a fait de même récemment pour les mêmes motifs », selon Le Monde.