«Quitter la zone euro pour sauver l’Europe ! (Stefan Kawalec)
L’ancien leader polonais qui a imposé un régime de cheval à la Pologne propose a peu près la même chose pour la France (sortie de la zone euro, diminution des salaires, abandon des régions attardées, dévaluation etc.). Une contribution intéressante qui témoigne du désarroi de certaines élites face à la crise (y compris dans le journal l’Opinion). En fait Kawalec oublie que le plan qu’il a imposé à la Pologne et dont il propose un copier coller pour la F rance était une stratégie pour rompre avec le régime communiste polonais. La France d’aujourd’hui en dépit de se lourdeurs n’a pas grand-chose à voir avec un régime communiste. (Tribune dans l’Opinion)
Tribune
La victoire de Marine Le Pen aux élections européennes est un signal que le Président Emmanuel Macron, s’il ne veut pas partager le sort de son prédécesseur, doit changer sa stratégie pour la France. La France a besoin de réformes. Or, les nécessaires réformes pro-marché se traduisent tout d’abord par une limitation de la demande intérieure, premier pas au ralentissement de l’économie. Si la France possédait sa propre monnaie, cet effet récessif serait compensé par un affaiblissement de la monnaie, naturel dans une telle situation. Dans la plupart des cas à travers le monde, de tels programmes d’adaptation ne réussissaient que lorsqu’ils étaient accompagnés d’une dévaluation de la monnaie rendant l’économie donnée plus compétitive et atténuant les coûts sociaux et économiques des réformes.
Au début de son mandat, Emmanuel Macron s’est engagé à effectuer les réformes que François Hollande n’avait pas réussi à mettre en œuvre. Jusque-là, ces plans n’ont été réalisés qu’en partie, ce qui a comme résultat une baisse de popularité du Président et de son parti. Si la ligne économique actuelle ne change pas, le Président risque de voir sa cote baisser.
Pour retrouver la compétitivité au niveau mondial, la France devrait réduire le coût du travail dans sa relation avec celui chez ses partenaires commerciaux. Le pays dans la zone euro qui y est parvenu, c’est l’Allemagne, grâce aux réformes du marché du travail menées dans les années 2003-2005 par le gouvernement du chancelier Schröder. Ce succès allemand n’aurait pas été possible sans une très rapide hausse des salaires dans les autres pays de la zone euro. Grâce à cette dynamique des salaires dans les autres pays, le ralentissement de la croissance des salaires en Allemagne a eu comme résultat une baisse relative des coûts du travail par rapport à ses partenaires commerciaux européens. Cependant, dans la situation dans laquelle se trouve la France depuis quelques années, quand chez ses partenaires commerciaux les salaires augmentent très lentement, l’amélioration de la compétitivité à l’échelle mondiale nécessiterait une baisse des salaires nominaux, ce qui est une tâche très risquée.
Une autre proposition d’Emmanuel Macron est le budget commun de la zone euro et l’allocation de fonds aux investissements ayant pour but de ranimer les économies battant de l’aile. Mais c’est une voie qui ne mène nulle part. Le prouvent les expériences de l’Allemagne et de l’Italie qui depuis des années tentent, à travers la politique structurelle, d’augmenter la compétitivité de leurs régions attardées. Durant des années, les transferts fiscaux provenant d’Allemagne de l’Ouest avoisinaient 25 % du PIB de l’Allemagne de l’Est. Dans le sud italien, les transferts des autres régions du pays constituent 16 % du PIB local. Et malgré tout cet argent, dans les deux cas, le processus de convergence s’est arrêté car les régions attardées ne sont pas en mesure d’améliorer leur compétitivité.
Taux de change. Les plans du Président Macron de réformer l’euro ne sont pas à même de réparer la situation dans la zone ni de rétablir la prospérité française. Mais si la France revenait au franc, elle pourrait améliorer sa compétitivité à l’échelle mondiale en adaptant le taux de change de sa monnaie. Ainsi, il lui serait plus facile de mettre en œuvre les nécessaires réformes structurelles qui dans le cadre de la zone euro sont pratiquement impossibles.
L’attachement du président Macron au projet européen mérite le respect et le soutien. Mais la monnaie unique peut plomber non seulement le second mandat de Macron mais aussi le projet européen dans son ensemble.
Il y a beaucoup de craintes justifiées liées à l’éclatement de l’euro, mais il existe une stratégie présentée par un groupe d’économistes de plusieurs pays de l’UE qui ont signé un Manifeste pour la Solidarité européenne dans lequel ils plaident pour une segmentation contrôlée de la zone euro et pour le retour aux monnaies nationales afin de sauver les plus importants acquis de l’intégration européenne, à savoir l’Union en tant que telle et le marché commun. La première étape devrait être la sortie de la zone des pays les plus concurrentiels, avant tout de l’Allemagne. Une séquence qui devrait prévenir la panique bancaire possible dans les pays qui le sont moins, s’ils étaient parmi les premiers à quitter la zone. Cette stratégie a été développée entre autres dans le livre The Economic Consequences of the Euro and the Safest Escape Plan de S. Kawalec, E. Pytlarczyk, K. Kamiński, à paraître bientôt) où sont développées des solutions précises pouvant limiter le risque et créer la confiance dans le processus de segmentation de la zone euro.
La France a un droit particulier de demander à l’Allemagne de revenir en premier à sa monnaie pour sauver le projet européen car, compte tenu des fautes historiques, les élites allemandes auraient beaucoup de mal à lancer une telle action en solitaire. Emmanuel Macron a la crédibilité pour proposer une nouvelle grande stratégie européenne qui engloberait le désendettement de certains Etats membres. Cela serait une victoire des forces proeuropéennes. Mais il ne s’agit pas pour autant de limiter le marché commun. Il y a beaucoup de domaines où une coopération européenne plus étroite est souhaitable, comme la politique de défense ou celle des migrations.
Le Président Macron a aujourd’hui besoin du courage de son grand prédécesseur Charles de Gaulle qui, il y a 60 ans, a dit à ses compatriotes que l’avenir de la France exigeait la sortie d’Algérie. Il est grand temps que Macron dise aux Français, aux Allemands et à tous les Européens que l’avenir du projet européen exige la sortie de l’euro.
Stefan Kawalec, vice-ministre des Finances entre 1991 et 1994, co-créateur du plan Balcerowicz. Ancien conseiller économique de la Plate-forme civique (PO).