Djihadistes : Pour un jugement en France ?
Avocats de plusieurs familles de djihadistes français détenus dans les prisons syriennes depuis la chute de l’organisation Etat islamique, Robin Binsard et Guillaume Martine, avocats, estiment, dans une tribune au « Monde », que ces hommes, et pas seulement les femmes et les enfants, doivent être rapatriés et jugés en France.
Un point de vue qui peut faire débat sauf pour les enfants et les femmes non impliquées. Une prise de position d’avocats qu’on peut comprendre. Il n’en reste pas moins que les intéressés ont pris le risque de se mettre hors-la-loi dans les pays où ils ont servi le terrorisme. Et la justice dans ces pays est évidemment moins conciliante en général que celle de la France NDLR
Le 5 juillet, le ministère des affaires étrangères a annoncé le rapatriement de seize femmes et trente-cinq enfants des camps syriens vers la France. Pour les proches, c’est, bien sûr, un soulagement, certainement mêlé d’inquiétude, car s’ouvre désormais le temps d’une reconstruction incertaine pour ces jeunes, qui ont passé l’essentiel de leur existence dans des camps de réfugiés, et sans doute celui d’une réponse judiciaire pour les femmes concernées. Ainsi, le gouvernement français a décidé d’opérer un tournant – qui reste cependant à confirmer – de sa politique en la matière. Il semble désormais vouloir se conformer aux préconisations de nombres d’ONG et d’associations, largement relayées ces derniers mois en Europe, en particulier depuis la condamnation de la France par le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, en date du 24 février. Il demeure pourtant un angle mort dans le débat public autour de la situation des ressortissants français retenus dans les camps syriens : celui du sort des hommes.
Bien sûr, la situation des enfants, âgés de 3 ou 4 ans, vivant depuis des années dans des conditions humanitaires déplorables en plein désert syrien, soulève légitimement les plus grandes inquiétudes et les plus fermes indignations. Naturellement, le sort de leurs mères, que l’on ne saurait séparer de leurs enfants, préoccupe à juste titre. Mais s’agissant de ces hommes, qui ont choisi de rejoindre la Syrie et le territoire contrôlé par l’organisation Etat islamique, et qui se sont retrouvés retranchés, pour certains contre leur gré, dans ses derniers bastions, un silence épais s’est installé, tant la dénonciation de la situation qui leur est faite est moralement moins aisée. Elle n’en est pas pour autant moins préoccupante.
Au printemps 2019, après la chute du dernier bastion de l’organisation Etat islamique à Baghouz, la liste de ces quelques dizaines d’hommes de nationalité française qui furent faits prisonniers avait été dressée, et leur rapatriement en France, afin d’y être jugés, semblait se préparer. Puis, soudainement, le gouvernement français a changé de doctrine : ces hommes devaient finalement rester en Syrie, afin d’être jugés sur place, ou en Irak, pour les crimes qu’ils avaient commis dans la région. Et l’on se désintéressa ainsi aussitôt de leur sort, la conscience tranquille.
Pourtant, dès juin 2019, au terme de procès expéditifs, onze ressortissants français ont été condamnés à la peine de mort. Sous la pression de la France, cette peine n’a toujours pas été exécutée, et ces hommes se trouvent encore à ce jour dans le couloir de la mort. Hormis cette sinistre exception, aucun autre de ces hommes actuellement détenus dans les prisons syriennes n’a fait l’objet d’une procédure judiciaire. Plus de trois ans après la chute de l’organisation Etat islamique, la fable selon laquelle ces hommes seraient jugés sur place, dans le cadre d’un procès équitable, a fait long feu : entassés par dizaines dans la prison de Hassaké, sans accès à un juge ou à un avocat, ces hommes se retrouvent abandonnés par les autorités locales et le gouvernement français.