La police de demain ( Pierre Joxe)
L’ex-ministre de l’intérieur livre une réflexion sur les axes d’une nécessaire réforme de l’institution. Son maître mot : l’ouverture. ( analyse du « Monde »)
Le problème c’est que ce livre manque précisément d’ouverture sur les autres champs d’activité qui entrent en interaction avec la police NDLR
Livre.
Peut-on encore réformer la police ? Et, dans l’affirmative, quel mouvement imprimer à une entreprise aussi vaste à mener qu’elle peut se révéler politiquement périlleuse ? Ministre de l’intérieur de 1984 à 1986, et de 1988 à 1991, puis président de la Cour de comptes, Pierre Joxe dispose d’une franche légitimité pour s’emparer d’un sujet complexe, aux causes plus lointaines qu’il n’y paraît : dans les années 1980, l’ancien ministre faisait déjà l’expérience de policiers « accaparés par une multitude de tâches administratives » et des « mauvaises relations entretenues avec l’opinion publique ».
A la fois tentative de Mémoires – qu’on aurait volontiers souhaitées plus étoffées – réflexion théorique et essai de prospective, Sécurité intérieure s’attache à dresser le constat d’une institution en crise et à avancer des pistes de réflexion en faveur d’une plus grande « ouverture ». Parce que la police est l’un des rares services publics ouverts nuit et jour tout au long de l’année, assurer une meilleure connexion avec la société civile ne constitue pas seulement un moyen d’assurer une efficacité accrue à sa mission première : garantir l’ordre. Cela la prémunirait aussi d’un « corporatisme néfaste » autant que d’une dérive sécuritaire qu’imposent depuis longtemps, en réalité bien avant le passage de Nicolas Sarkozy place Beauvau, les politiques chargés du dossier.
Pour une réflexion sur le temps long
Quand la course sans fin aux moyens ou à leur modernisation offre à l’action ministérielle une immédiate et rétributive visibilité auprès de la troupe, Pierre Joxe plaide pour une réflexion sur le temps long « parce que les policiers recrutés aujourd’hui seront encore en fonctions en 2050 », une véritable révolution des pratiques au profit d’une « dimension sociale du travail du policier » ou l’introduction d’un apprentissage des sciences sociales dans le cursus de formation des fonctionnaires. Au passage, il rappelle utilement que le ministre de l’intérieur n’est pas seulement celui de la police mais, entre autres, celui des cultes et des collectivités – qu’il soit ou non flanqué d’un secrétaire d’Etat chargé de ces dossiers : en témoigne, dans le cas de l’auteur, son implication dans l’adoption d’un nouveau statut pour la Corse en 1991, dont le cadre institutionnel persiste trente ans plus tard.
Certes, il sera toujours permis de reprocher à ce livre une approche exclusivement consacrée à la sécurité publique, « cœur du métier de policier », et évacuant purement et simplement la question de la police judiciaire. En dépit d’un débat vivace sur la question, il est également difficile de suivre l’ancien ministre lorsqu’il dénonce le recours aux « armes non létales », comme le pistolet à impulsions électriques ou le lanceur de balles de défense, deux moyens de force intermédiaire qui évitent, dans le cas d’interventions risquées, le recours au pistolet réglementaire, voire à des armes encore plus lourdes dont la dotation des effectifs ne s’accompagne pas systématiquement d’une formation régulière.