Diplomatie de Macron : beaucoup d’activisme (Joëlle Garriaud-Maylam)
Joëlle Garriaud-Maylam, sénateur (LR) représentant les Français de l’étranger, secrétaire de la commission des Affaires étrangères, n’est pas la première à critiquer une diplomatie de nature activiste et peu cohérente du président de la république. En fait nombre de ces déplacements sont surtout à usage interne pour renforcer la position de grand chef d’Etat international de Macron, d’autres sont utiles mais beaucoup sont là pour satisfaire la com. du président de la république. Dans le JDD, la sénatrice Les Républicains Joëlle Garriaud-Maylam attaque la politique étrangère du Président :
« Emmanuel Macron sait parfaitement que notre sécurité et notre développement se jouent à l’étranger. Il sait aussi que l’image joue un rôle fondamental, il en use et en abuse. Aussi travaillée soit-elle, celle-ci ne peut suffire à effacer la réalité des faits ou l’absence de résultats. C’est dans cette dichotomie entre le discours et la réalité que se trouvent la fragilité du ‘en même temps’ macronien et son manque de clarté stratégique. Ce qui risque de créer des questionnements et d’obérer non seulement la lisibilité de l’action de la France, mais aussi sa crédibilité. Même si l’on sait que la diplomatie est un art de la patience et du travail au long terme, les résultats restent minces, au-delà de quelques coups politiques habiles, comme l’exfiltration du Premier ministre libanais Saad Hariri de Riyad. Mais aussi quelques actions précipitées, comme les frappes en Syrie. Si celles-ci étaient justifiées moralement par le refus des armes chimiques, elles étaient trop hâtives pour ne pas donner un sentiment de malaise. Beaucoup pensent que Macron a trop misé sur la scène internationale, avec une boulimie de déplacements un peu désordonnés, pour occulter les difficultés sur le territoire national. À quoi bon une belle image sur papier glacé, quand les médias du monde entier montrent les voitures incendiées et les atteintes à la sécurité sur le territoire français? Pourtant, cette démarche internationale est indispensable à la France. C’est sur cette base que nous pourrons aussi progresser. Mais il faut qu’elle soit réfléchie et construite. Même si nous devons parler à tout le monde, le ‘en même temps’ ne doit pas s’assimiler à un grand écart et occulter des efforts réels. Nous avons beaucoup d’excellents spécialistes des affaires internationales au Quai d’Orsay et ailleurs. Il faudrait sans doute davantage les écouter. »
« Comment réguler les Gafa ? (Joëlle Toledano, économiste)
« Comment réguler les Gafa ? (Joëlle Toledano, économiste)
Dans son dernier ouvrage, l’économiste Joëlle Toledano, professeur émérite à l’université Paris-Dauphine, prône un « changement d’approche » de la régulation européenne, pour « enfin faire respecter l’état de droit » aux géants du Net américains. Entretien dans la Tribune.
- Votre dernier livre décortique comment les Gafa [Google, Apple, Facebook, Amazon, ndlr] ont tissé leur toile jusqu’à étouffer la concurrence dans leurs secteurs respectifs. Pendant des années, ils ont échappé aux filets des régulateurs, notamment en Europe, qui est devenue une colonie numérique des Etats-Unis. Pourquoi la régulation ne fonctionne-t-elle pas avec eux ?
JOËLLE TOLEDANO - Mon livre dresse effectivement un constat d’échec de la régulation jusqu’à présent, qui n’agit qu’a posteriori une fois les dérives identifiées. Contrairement aux autres plateformes numériques, chacun de ces empires a réussi à sa façon à étendre ses activités de façon à créer de puissants écosystèmes qui sont devenus des places fortes. Les pratiques abusives de chacun des quatre Gafa sont largement connues et documentées, sans même parler de leur expertise pour l’optimisation fiscale, de l’impact d’Amazon sur le commerce et les emplois, ou encore des énormes défis démocratiques posés par les contenus haineux et les fake news sur les réseaux sociaux.
Je pense que le problème des régulateurs du XXè siècle est qu’ils arrivent toujours un peu après la bataille, à moins que les Gafa, qui sont des entreprises visionnaires, aient toujours un temps d’avance sur tout le monde. Pourquoi les autorités de la concurrence ont-elles autorisé Facebook à acquérir Instagram et WhatsApp, ce qui a offert à Mark Zuckerberg un quasi-monopole sur les réseaux sociaux ? Parce que les règles que devaient appliquer les autorités de concurrence pour évaluer et éventuellement refuser de telles acquisitions étaient beaucoup trop strictes. Nos outils de régulation sont inadaptés car ils n’empêchent pas ces acteurs non seulement de façonner des empires économiques et financiers d’une puissance inédite, mais aussi d’abuser de leurs positions et d’étouffer la concurrence.
L’enseignement que j’en tire est que pour réguler efficacement les Gafa, il faut monter en compétence et se donner les moyens de comprendre comment ils fonctionnent. Pour cela, il faut d’abord aller au cœur de leur modèle économique, c’est-à-dire inspecter sous le capot des algorithmes, s’attaquer à l’opacité qui entoure les relations économiques à l’intérieur des écosystèmes, et comprendre la façon dont s’effectue le partage de la valeur dans la publicité ou sur les places de marché. Ensuite, il faut identifier et interdire un certain nombre de pratiques qui nuisent à la concurrence. Enfin, il faut, entreprise par entreprise, prendre des mesures pour rendre possible à nouveau la concurrence.
Le constat que je dresse est donc sévère mais je ne suis pas fataliste pour autant. Je pense que réguler les Gafa est possible, mais seulement si on s’en donne les moyens intellectuels et politiques. Par contre, cela nécessite de changer profondément d’approche, et de se retrousser sérieusement les manches.