Archive pour le Tag 'Jean Pisani-Ferry'

Polityique-La France , un pays en désarroi (Jean Pisani-Ferry)

La France , un pays en désarroi (Jean Pisani-Ferry)

 L’économiste, qui a supervisé le programme d’Emmanuel Macron en 2017, jette un regard inquiet sur les répercussions que la situation politique peut avoir sur l’économie.( interview dans la Tribune »)

Les marchés s’affolent… Pensez-vous que cela va durer?

JEAN PISANI-FERRY - Nous vivons un bouleversement politique considérable, les turbulences que connaissent les marchés ne vont pas se calmer tout de suite. Évidemment, ce ne sont pas les marchés qui font la politique et dictent nos choix. Mais ils imposent une contrainte de cohérence. Si les marchés jugent que notre politique – quelle qu’elle soit dit une chose et fait son contraire, ils ne suivront pas. Et nous pourrions connaître ce qu’a vécu le Royaume-Uni avec Liz Truss, la Première ministre qui n’a pas pu appliquer son programme. Même si, contrairement aux Anglais, nous ne risquons pas de crise du change car l’euro nous protège.

Est-ce que l’on risque une crise de la dette ?

L’indicateur le plus synthétique est le spread [l'écart de taux d'emprunt] entre l’Allemagne et la France. Il est actuellement à 80 points de base, contre 50 avant les élections. Ce n’est pas dramatique, mais le signal est là. La France est très endettée aujourd’hui. Et donc très soumise à l’appréciation des marchés. Quand un pouvoir fait une série de promesses auxquelles les investisseurs ne croient pas, les marchés ne suivent plus. Et cela peut déboucher sur une crise de la dette comme il y a dix ans en Grèce, en Italie, au Portugal, qui, pour se financer, n’ont alors  pas eu d’autre choix que de se tourner vers le FMI et les fonds européens. Nous n’en sommes pas là, car il faudrait des spreads de l’ordre de plusieurs centaines de points… mais nous savons aussi que les choses peuvent aller très vite. Le second risque étant également l’absence de majorité qui empêche toute politique. Ce scénario peut aussi inquiéter.

Mais l’Europe ne nous protégerait pas ?

La Banque centrale européenne s’est dotée il y a deux ans d’un instrument nouveau pour répondre au cas où le spread s’écarterait trop. Mais dans le règlement, il est précisé que ce mécanisme, qui vise à bloquer la contagion des crises, ne peut être actionné si ces écarts sont induits par des fondamentaux. Il n’est pas fait pour contrer les effets d’une politique irresponsable.

Ils raisonnent comme si la seule question était la répartition du revenu

 

On commence à avoir des éléments de programme… que vous inspirent-ils ?

Je suis choqué par le fait que ni le RN ni le Nouveau Front populaire ne partent d’un diagnostic sur les problèmes de notre économie. Aucun ne s’intéresse à la productivité qui stagne en France ni au décrochage avec les États-Unis, qui s’est accéléré ces dernières années. Ils raisonnent comme si la seule question était la répartition du revenu. Par ailleurs, ces deux programmes tablent sur le protectionnisme: français pour le RN, européen pour le Front populaire. Certes, nous ne sommes plus dans un libéralisme à tous crins, mais il ne me semble pas que mettre des barrières partout aidera notre économie. Réfléchir à une concurrence plus encadrée est la bonne voie.

Que pensez-vous du programme du Nouveau Front populaire ?

Indexation des salaires sur l’inflation, smic à 1600 euros net, abrogation de la réforme des retraites, etc. La gauche de gouverne- ment est bien loin. La seule revalorisation de 10 % de l’indice des fonctionnaires signifie 20 milliards d’euros à trouver. Côté recettes, des hausses d’impôts sont prévues mais à hauteur de 50 milliards d’euros, alors que les dépenses devraient augmenter bien davantage.

Et coté Rassemblement national ?

Nous avons encore peu d’éléments. On peut se baser sur le programme de 2022,
et quelques déclarations. Mais une TVA à 5,5 % sur les produits énergétiques et l’essence coûterait entre 12 milliards d’euros (selon le chiffrage du RN) et 24 milliards d’euros (selon le chiffrage de Bruno Le Maire). Avec la franchise de cotisations sur les augmentations de salaires, on serait dès cet été proche de 30 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, soit 1 point de PIB. Sans oublier la nationalisation des autoroutes, des mesures en direction des familles, etc. Face à ces dépenses, le RN ne prévoit pas de rentrée d’argent.

Est-ce que la France a les moyens d’appliquer ce type de programme ?

Non, la France n’a pas les moyens d’appliquer l’un ou l’autre de ces programmes. Et nous envoyons déjà au monde le signal que le pays est en désarroi. Emmanuel Macron n’a pas réussi à créer un consensus autour d’une politique équilibrée. Au contraire, il a clivé et renforcé les extrêmes. Cela lui revient aujourd’hui en boomerang, puisque ces oppositions font des propositions outrancières. Nous pouvions toujours discuter de certains éléments de sa politique économique, ce que j’ai souvent fait, mais la colonne vertébrale – amélioration de l’attractivité, priorité à l’éducation, maîtrise des dépenses publiques, etc. – bénéficiait du consensus des économistes. Emmanuel Macron a perdu sa boussole, qui était de sortir d’un affrontement largement factice entre la droite et la gauche pour reconstruire un consensus, en matière de valeurs, de réformes et d’équilibres. Nous ne pouvons que le regretter.

La France , un pays en désarroi (Jean Pisani-Ferry)

  La France , un pays en désarroi (Jean Pisani-Ferry)

 L’économiste, qui a supervisé le programme d’Emmanuel Macron en 2017, jette un regard inquiet sur les répercussions que la situation politique peut avoir sur l’économie.( interview dans la Tribune »)

Les marchés s’affolent… Pensez-vous que cela va durer?

JEAN PISANI-FERRY - Nous vivons un bouleversement politique considérable, les turbulences que connaissent les marchés ne vont pas se calmer tout de suite. Évidemment, ce ne sont pas les marchés qui font la politique et dictent nos choix. Mais ils imposent une contrainte de cohérence. Si les marchés jugent que notre politique – quelle qu’elle soit dit une chose et fait son contraire, ils ne suivront pas. Et nous pourrions connaître ce qu’a vécu le Royaume-Uni avec Liz Truss, la Première ministre qui n’a pas pu appliquer son programme. Même si, contrairement aux Anglais, nous ne risquons pas de crise du change car l’euro nous protège.

Est-ce que l’on risque une crise de la dette ?

L’indicateur le plus synthétique est le spread [l'écart de taux d'emprunt] entre l’Allemagne et la France. Il est actuellement à 80 points de base, contre 50 avant les élections. Ce n’est pas dramatique, mais le signal est là. La France est très endettée aujourd’hui. Et donc très soumise à l’appréciation des marchés. Quand un pouvoir fait une série de promesses auxquelles les investisseurs ne croient pas, les marchés ne suivent plus. Et cela peut déboucher sur une crise de la dette comme il y a dix ans en Grèce, en Italie, au Portugal, qui, pour se financer, n’ont alors  pas eu d’autre choix que de se tourner vers le FMI et les fonds européens. Nous n’en sommes pas là, car il faudrait des spreads de l’ordre de plusieurs centaines de points… mais nous savons aussi que les choses peuvent aller très vite. Le second risque étant également l’absence de majorité qui empêche toute politique. Ce scénario peut aussi inquiéter.

Mais l’Europe ne nous protégerait pas ?

La Banque centrale européenne s’est dotée il y a deux ans d’un instrument nouveau pour répondre au cas où le spread s’écarterait trop. Mais dans le règlement, il est précisé que ce mécanisme, qui vise à bloquer la contagion des crises, ne peut être actionné si ces écarts sont induits par des fondamentaux. Il n’est pas fait pour contrer les effets d’une politique irresponsable.

Ils raisonnent comme si la seule question était la répartition du revenu

 

On commence à avoir des éléments de programme… que vous inspirent-ils ?

Je suis choqué par le fait que ni le RN ni le Nouveau Front populaire ne partent d’un diagnostic sur les problèmes de notre économie. Aucun ne s’intéresse à la productivité qui stagne en France ni au décrochage avec les États-Unis, qui s’est accéléré ces dernières années. Ils raisonnent comme si la seule question était la répartition du revenu. Par ailleurs, ces deux programmes tablent sur le protectionnisme: français pour le RN, européen pour le Front populaire. Certes, nous ne sommes plus dans un libéralisme à tous crins, mais il ne me semble pas que mettre des barrières partout aidera notre économie. Réfléchir à une concurrence plus encadrée est la bonne voie.

Que pensez-vous du programme du Nouveau Front populaire ?

Indexation des salaires sur l’inflation, smic à 1600 euros net, abrogation de la réforme des retraites, etc. La gauche de gouverne- ment est bien loin. La seule revalorisation de 10 % de l’indice des fonctionnaires signifie 20 milliards d’euros à trouver. Côté recettes, des hausses d’impôts sont prévues mais à hauteur de 50 milliards d’euros, alors que les dépenses devraient augmenter bien davantage.

Et coté Rassemblement national ?

Nous avons encore peu d’éléments. On peut se baser sur le programme de 2022,
et quelques déclarations. Mais une TVA à 5,5 % sur les produits énergétiques et l’essence coûterait entre 12 milliards d’euros (selon le chiffrage du RN) et 24 milliards d’euros (selon le chiffrage de Bruno Le Maire). Avec la franchise de cotisations sur les augmentations de salaires, on serait dès cet été proche de 30 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, soit 1 point de PIB. Sans oublier la nationalisation des autoroutes, des mesures en direction des familles, etc. Face à ces dépenses, le RN ne prévoit pas de rentrée d’argent.

Est-ce que la France a les moyens d’appliquer ce type de programme ?

Non, la France n’a pas les moyens d’appliquer l’un ou l’autre de ces programmes. Et nous envoyons déjà au monde le signal que le pays est en désarroi. Emmanuel Macron n’a pas réussi à créer un consensus autour d’une politique équilibrée. Au contraire, il a clivé et renforcé les extrêmes. Cela lui revient aujourd’hui en boomerang, puisque ces oppositions font des propositions outrancières. Nous pouvions toujours discuter de certains éléments de sa politique économique, ce que j’ai souvent fait, mais la colonne vertébrale – amélioration de l’attractivité, priorité à l’éducation, maîtrise des dépenses publiques, etc. – bénéficiait du consensus des économistes. Emmanuel Macron a perdu sa boussole, qui était de sortir d’un affrontement largement factice entre la droite et la gauche pour reconstruire un consensus, en matière de valeurs, de réformes et d’équilibres. Nous ne pouvons que le regretter.

Faire l’inventaire des dépenses publiques (Jean Pisani-Ferry)

Faire l’inventaire des dépenses publiques (Jean Pisani-Ferry)

Par Jean Pisani-Ferry , Professeur d’économie à Sciences Po (Paris), à l’Institut Bruegel (Bruxelles) et au Peterson Institute for International Economics (Washington) dans  » Le Monde ».

Le péril financier n’a rien d’immédiat, mais il doit conduire à un réexamen collectif du budget et de son financement, sans exclure ni emprunt, ni impôt, ni réductions, plaide l’économiste dans sa chronique.

 

L’annonce, fin mars, d’un déficit des comptes publics sensiblement plus élevé que prévu (5,5 % du PIB en 2023, contre 4,9 % retenus dans la loi de finances) a signifié la fin du « quoi qu’il en coûte » et marqué l’entrée de la France dans une crise budgétaire qui est appelée à durer. Les 10 milliards d’euros d’économies annoncées en février ne suffiront pas, à l’évidence, à colmater la brèche, et pour le budget 2025 Bercy envisage déjà 20 milliards de coupes supplémentaires.

A ce stade, cependant, le choc est plus politique que financier. L’écart des coûts de financement entre la France et l’Allemagne reste aux alentours de 50 points de base (0,5 point de taux) et si la nervosité est forte à l’approche du verdict des agences de notation, les conséquences d’une éventuelle dégradation de la note française resteraient sans doute limitées : le coût des emprunts souverains de l’Espagne, qui est moins bien notée que la France, n’est que de 80 points de base supérieur à celui de l’Allemagne. Le péril n’est donc pas immédiat.

Que faut-il viser ? Comme le dit à juste titre Olivier Blanchard, l’objectif pour la France à horizon cinq-dix ans devrait être de ramener à zéro le déficit hors charge d’intérêts, de façon à stabiliser le ratio de dette publique et à écarter le risque d’une évolution explosive. Or ce déficit, dit « primaire », a été de 104 milliards en 2023, soit 3,7 % du PIB.

Climat : « Quel financement pour décarboner l’économie », alerte l’économiste Jean Pisani-Ferry

Climat : « Quel financement pour décarboner l’économie », alerte l’économiste Jean Pisani-Ferry

« On va devoir faire beaucoup d’investissements pour décarboner l’économie », a alerté lundi 22 mai sur franceinfo l’économiste Jean Pisani-Ferry professeur à Science Po, missionné par la Première ministre pour évaluer les impacts économiques de la transition écologique, alors que la Première ministre a présenté le nouveau plan de la France pour juguler les émissions de gaz à effet de serre. « Pour atteindre nos objectifs en 2030, nous devons doubler le rythme de baisse de nos émissions de gaz à effet de serre », a affirmé Elisabeth Borne.


Observons cependant que les modalités de financement paraissent relativement floues voire peu crédibles
NDLR

Jean Pisani-Ferry, auteur d’un rapport sur le financement des mesures à mettre en œuvre se dit « pas du tout pessimiste sur le moyen terme pour après 2030″. Il estime que « le climat est une bonne raison de s’endetter parce que c’est quelque chose qui va produire des effets ». « Pourquoi ne pas demander un effort aux 10 % les plus aisés », s’interroge l’économiste.

Selon votre rapport, la transition énergétique est possible mais elle aura un coût pour la France à court terme.

Je ne suis pas du tout pessimiste sur le moyen terme pour après 2030, parce que je pense qu’il y a un nouveau progrès technique qui est disponible, qu’on n’est pas du tout obligé de choisir entre climat et croissance. En revanche, on ne peut pas se cacher que, dans l’immédiat, on va devoir faire beaucoup d’investissements pour décarboner l’économie. Et ce sont des investissements qui n’auront pas d’impact positif sur le potentiel de croissance, pour la simple raison que les entreprises ou les ménages, au lieu d’investir pour améliorer leurs performances, pour améliorer leur bien être, vont investir pour se passer des combustibles fossiles.

Quel sera le coût estimé de cette transition énergétique ?

C’est entre 65 et 70 milliards par an à l’horizon 2030. Donc ça fait à peu près deux points de produit intérieur brut, ce qui est important.

Qui va devoir supporter ce coût ?

En partie, ce seront bien sûr les entreprises, les ménages aisés, donc ceux qui ont la capacité de supporter ce coût. Mais il va falloir que les finances publiques en prennent une partie à leur charge. D’abord, évidemment tout ce qui revient aux administrations publiques, par exemple l’entretien des bâtiments, la rénovation thermique des écoles et des bâtiments publics. Et puis ensuite, il va falloir aider les ménages, non seulement à faibles revenus, mais même les ménages de la classe moyenne. Parce que, quand on regarde ce que coûte soit la rénovation thermique d’un logement, soit le changement de véhicule, ça coûte pour la classe moyenne à peu près un an de revenus en investissement. Donc c’est beaucoup. Et ça, on ne peut pas dire aux gens « faites-le ». Il va falloir les soutenir.

Est-ce que c’est pour ça que vous proposez dans ce rapport, de taxer les plus aisés, une sorte d’ISF climatique ?

Je suis à la recherche de financements. Le premier financement, c’est évidemment le redéploiement des dépenses brunes. Il y a encore dans le budget de l’Etat, entre dépenses et dépenses fiscales, 10 milliards de dépenses brunes par an. C’est la première source de financement. La deuxième, cela peut être l’endettement, bien que la France soit aujourd’hui très endettée. Je pense que le climat est une bonne raison de s’endetter parce que c’est quelque chose qui va produire des effets, et va produire un rendement économique assez rapidement. Et puis le troisième, c’est d’aller chercher du côté des prélèvements obligatoires. Et parmi ces prélèvements obligatoires, pourquoi ne pas, pour le climat, demander un effort aux 10 % les plus aisés et en gros leur dire, pourquoi est-ce que vous ne donneriez pas une fois pour toutes 5 % de votre patrimoine pour le climat ? On créerait par ce canal une dette que vous auriez à l’égard des administrations fiscales et il y aurait différentes modalités pour s’acquitter de cette dette. Pour certains, ça peut être à prélèvements annuels pendant un certain nombre d’années. Pour d’autres, ça peut être à l’occasion d’une cession. Il ne faut pas nécessairement que ce soit la même chose pour tout le monde.

Renforcer encore la guerre économique avec la Russie ( Jean Pisani Ferry)

Renforcer encore la guerre économique avec la Russie ( Jean Pisani Ferry)

 

L’Europe a les moyens de prouver que les représailles économiques peuvent faire reculer l’agresseur russe, analyse l’économiste Jean Pisani-Ferry  dans « le Monde ».

 

Chronique. Provocante, certainement, la formule du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, n’en était pas moins juste : c’est bien une « guerre économique et financière totale » qui s’est engagée contre la Russie. Son enjeu dépasse l’Ukraine : il s’agit de savoir si les représailles économiques peuvent faire reculer un agresseur, ou bien si seule la force armée peut arrêter la force armée.

Ce qui se joue aujourd’hui, c’est d’abord l’existence d’un pays. Mais ce qui se teste, c’est notre capacité à faire levier de la puissance économique. Si nous parvenons à faire plier Poutine, la leçon sera claire : entre prédation et prospérité, il faut choisir. Si nous échouons, la volonté de puissance aura le champ libre.

 

Nous avons des atouts pour cette confrontation. Comme l’a dit Jason Furman, l’ancien conseiller économique de Barack Obama, la Russie n’est, pour l’économie mondiale, qu’une « grande station-service ». Elle est, en revanche, tributaire de l’extérieur pour la technologie, la finance, les biens d’équipement et les biens de consommation. La sanctionner lui fait beaucoup plus mal que cela ne nous coûte.

 

Les Etats-Unis et l’Europe ont instantanément mobilisé tous les moyens que leur donnent un quasi-monopole sur les monnaies de réserve, le contrôle des infrastructures financières internationales (dont la messagerie Swift n’est qu’un élément) et la suprématie technologique. L’effet de souffle des sanctions illustre une thèse formulée en 2019 par les politistes Henry Farrell et Abraham Newman sous le nom de « weaponized interdependence » (« l’interdépendance comme arme »). Les structures en réseau, disaient-ils, se sont développées pour des raisons économiques, mais elles confèrent un énorme pouvoir aux pays qui les contrôlent.

Ce n’était cependant que la première manche. Certes, la Russie est devenue un Etat paria, les oligarques sont privés de Riviera et la classe moyenne de meubles Ikea. Mais la dépendance énergétique de l’Europe l’a conduite à limiter le champ des sanctions. Seules certaines banques ont été mises au ban ; seules certaines technologies sont interdites d’exportation ; seules certaines entreprises ont définitivement choisi de plier bagage. Chaque jour, la Russie engrange près d’un milliard de dollars de recettes d’exportations énergétiques. Elle va rapidement retrouver les moyens d’importer.

Moscou subit déjà, en partie, l’ombre portée de sanctions pas encore arrêtées. Il n’est pas interdit d’acheter du pétrole russe. Mais, par crainte de mesures à venir, armateurs, banquiers et assureurs hésitent à participer à ce commerce. L’expérience des sanctions secondaires américaines de 2018, qui avaient banni toutes les entreprises en relation avec l’Iran, reste dans les mémoires. Résultat : le pétrole de l’Oural subit une décote importante, de 25 dollars par baril.

Relance économique : suivre l’exemple des États-Unis (Jean Pisani-Ferry )

Relance économique : suivre l’exemple des États-Unis  (Jean Pisani-Ferry )

 

L’économiste, Jean Pisani-Ferry ,  observe, dans sa chronique au Monde , la conversion de l’administration Biden à une politique résolument expansionniste et suggère à l’Europe de suivre cette même voie

Chronique.

 

 Nonobstant des controverses bruyantes sur l’ampleur du plan Biden, un consensus émerge aujourd’hui aux Etats-Unis : la meilleure stratégie pour effacer les séquelles de la crise sanitaire et atténuer les lourds problèmes sociaux du pays, c’est de placer l’économie en régime de haute pression.

L’idée n’est pas neuve. Elle remonte à Arthur Okun (1928-1980), un économiste keynésien, ancien conseiller de Lyndon Johnson. Mais elle a été évoquée par Janet Yellen, peu avant sa nomination comme secrétaire au Trésor, et inspire visiblement Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale (Fed).

De quoi s’agit-il ? Depuis une célèbre conférence prononcée par Milton Friedman en 1968, les politiques macroéconomiques s’articulent généralement autour de l’idée qu’il existe un taux de chômage d’équilibre en dessous duquel on ne peut descendre qu’au prix d’une inflation croissante. A l’approche de ce seuil, il faut freiner la croissance pour éviter une surchauffe. C’est ce qu’on a fait régulièrement depuis les années 1980, au point d’aboutir à une inflation trop basse dont on n’arrive pas à se dépêtrer.

La thèse d’Okun, formulée en 1973, est au contraire qu’il faut tester les limites à la baisse du chômage pour tenter de faire fonctionner l’économie en régime de rareté des ressources en travail. Cela demande un peu plus d’efforts de recrutement et de formation aux entreprises, mais ramène vers l’emploi celles et ceux qui en sont le plus loin : chômeurs de longue durée, personnes tombées dans l’inactivité, salariés à faibles qualifications, minorités. En cas de succès, le bénéfice est double : un potentiel de production plus élevé (de 2 à 3 points pour chaque point de baisse du chômage, selon Okun) et une amélioration sensible de la situation des plus défavorisés.

Jamais complètement oubliée outre-Atlantique, l’idée est à nouveau en vogue. En août 2020, la Fed a révisé sa stratégie monétaire. Elle vise maintenant à minimiser le déficit d’emploi par rapport au maximum atteignable. Cette formulation signifie que les risques inflationnistes associés à un niveau d’emploi trop élevé sont tenus pour moins graves que ceux induits par un niveau d’emploi trop faible. Et Jerome Powell, dans l’explication de texte qu’il en a donné le même jour, souligne les bienfaits qu’un marché du travail tendu apporte aux « communautés à faible revenu », notamment aux minorités ethniques.

Début 2020, avant le choc du Covid-19, ces bienfaits étaient visibles. Alors que le taux de chômage des Noirs et des non-diplômés était, en 2009, supérieur de cinq points au chômage moyen, l’écart n’était plus que de deux points et demi début 2020. Parallèlement, les taux d’activité augmentaient et les salaires du bas de l’échelle progressaient sensiblement plus vite que la moyenne. L’expansion à tout-va de Donald Trump avait produit les effets annoncés par Okun.

 

Relance économique : suivre l’exemple des États-Unis (Jean Pisani-Ferry )

Relance économique : suivre l’exemple des États-Unis  (Jean Pisani-Ferry )

 

L’économiste, Jean Pisani-Ferry ,  observe, dans sa chronique au Monde , la conversion de l’administration Biden à une politique résolument expansionniste et suggère à l’Europe de suivre cette même voie

Chronique.

 

 Nonobstant des controverses bruyantes sur l’ampleur du plan Biden, un consensus émerge aujourd’hui aux Etats-Unis : la meilleure stratégie pour effacer les séquelles de la crise sanitaire et atténuer les lourds problèmes sociaux du pays, c’est de placer l’économie en régime de haute pression.

L’idée n’est pas neuve. Elle remonte à Arthur Okun (1928-1980), un économiste keynésien, ancien conseiller de Lyndon Johnson. Mais elle a été évoquée par Janet Yellen, peu avant sa nomination comme secrétaire au Trésor, et inspire visiblement Jerome Powell, le président de la Réserve fédérale (Fed).

De quoi s’agit-il ? Depuis une célèbre conférence prononcée par Milton Friedman en 1968, les politiques macroéconomiques s’articulent généralement autour de l’idée qu’il existe un taux de chômage d’équilibre en dessous duquel on ne peut descendre qu’au prix d’une inflation croissante. A l’approche de ce seuil, il faut freiner la croissance pour éviter une surchauffe. C’est ce qu’on a fait régulièrement depuis les années 1980, au point d’aboutir à une inflation trop basse dont on n’arrive pas à se dépêtrer.

La thèse d’Okun, formulée en 1973, est au contraire qu’il faut tester les limites à la baisse du chômage pour tenter de faire fonctionner l’économie en régime de rareté des ressources en travail. Cela demande un peu plus d’efforts de recrutement et de formation aux entreprises, mais ramène vers l’emploi celles et ceux qui en sont le plus loin : chômeurs de longue durée, personnes tombées dans l’inactivité, salariés à faibles qualifications, minorités. En cas de succès, le bénéfice est double : un potentiel de production plus élevé (de 2 à 3 points pour chaque point de baisse du chômage, selon Okun) et une amélioration sensible de la situation des plus défavorisés.

Jamais complètement oubliée outre-Atlantique, l’idée est à nouveau en vogue. En août 2020, la Fed a révisé sa stratégie monétaire. Elle vise maintenant à minimiser le déficit d’emploi par rapport au maximum atteignable. Cette formulation signifie que les risques inflationnistes associés à un niveau d’emploi trop élevé sont tenus pour moins graves que ceux induits par un niveau d’emploi trop faible. Et Jerome Powell, dans l’explication de texte qu’il en a donné le même jour, souligne les bienfaits qu’un marché du travail tendu apporte aux « communautés à faible revenu », notamment aux minorités ethniques.

Début 2020, avant le choc du Covid-19, ces bienfaits étaient visibles. Alors que le taux de chômage des Noirs et des non-diplômés était, en 2009, supérieur de cinq points au chômage moyen, l’écart n’était plus que de deux points et demi début 2020. Parallèlement, les taux d’activité augmentaient et les salaires du bas de l’échelle progressaient sensiblement plus vite que la moyenne. L’expansion à tout-va de Donald Trump avait produit les effets annoncés par Okun.

 

Le dangereux déni de dette (Jean Pisani-Ferry)

Le dangereux déni de dette (Jean Pisani-Ferry)

 

Ce qui est malsain, avec la proposition d’annuler la dette, c’est le déni de réalité consistant à affirmer que l’Etat peut effacer une partie de ses engagements sans que cela ne coûte à personne, estime l’économiste dans sa chronique au Monde. .

Chronique.

 

En arrivant à la Maison Blanche, Joe Biden a trouvé une dette publique de 27 000 milliards de dollars (22 380 milliards d’euros) et un déficit public de 3 600 milliards de dollars. Sa première décision a pourtant été d’engager un plan de soutien de 1 900 milliards, qui viendra s’ajouter aux 900 milliards votés en décembre 2020 à l’initiative de son prédécesseur. Au total, 13 points de produit intérieur brut (PIB), financés par endettement, vont être injectés dans l’économie américaine au cours des mois à venir.

En France, comme dans la zone euro, un soutien budgétaire de l’ordre de 4 % du PIB a permis en 2020 de maintenir le revenu moyen des ménages. En 2021, l’effort dépendra de la situation sanitaire, mais la mécanique restera la même. Le plan européen apportera peut-être un demi-point de PIB supplémentaire. Même en comptant des stabilisateurs automatiques plus puissants, on restera très en deçà des 13 points de PIB américains.

Outre-Atlantique, l’initiative Biden fait controverse : ce plan, disent les critiques, sollicite à l’excès des marges de croissance plus limitées qu’on ne le croit, et risque de déboucher sur une poussée inflationniste. Mais l’augmentation de la dette publique n’alarme personne.

En France, en revanche, où pourtant la dette est plus faible (115 % du PIB au lieu de 129 %), c’est paradoxalement sur celle-ci que se concentrent les débats. Le premier ministre Jean Castex a chargé une commission de préparer le redressement des comptes. Certains envisagent un recul de l’âge de la retraite. Les avocats de l’impôt fourbissent leurs armes. Le cantonnement a ses partisans. Et un petit groupe d’économistes mène campagne pour une annulation des 3 000 milliards d’euros d’obligations d’Etat détenues par la Banque centrale européenne (BCE).

Ces discussions sont prématurées. Avec maintenant le spectre d’une persistance de la pandémie, personne ne sait quand la situation reviendra à la normale. Dans ce contexte, l’impératif est ailleurs : amplifier la réponse sanitaire, continuer à protéger le revenu des personnes, prévenir le décrochage des plus vulnérables, préserver les entreprises.

En raison du niveau des taux, et grâce à l’action de la BCE, les Etats peuvent s’y consacrer sans se soucier de leurs conditions d’emprunt. Le premier risque pour la France n’est pas que cette crise la laisse trop endettée, c’est qu’elle la laisse industriellement et socialement anémiée.

Le plan de relance « justifié  » (Jean Pisani-Ferry )

Le plan de relance « justifié  » (Jean Pisani-Ferry )

L’économiste Jean Pisani-Ferry estime que le plan de relance se justifie, pour le moyen terme, afin de remédier à la vulnérabilité de l’industrie française. Elle a augmenté avec la crise alors que l’Allemagne s’en sort mieux et que l’Asie de l’Est est épargnée (interview dans l’Opinion

L’économiste Jean Pisani-Ferry.

 

Comment redonner confiance — le carburant de l’économie — quand la situation sanitaire inspire autant de craintes ?

Il n’y a pas de recette miracle. Avec ce choc, on peut craindre une érosion générale de la confiance. A l’égard de l’exécutif, elle a été entamée par les ratés sur les masques, les tests, l’application StopCovid. Pour répondre à cette défiance, il faut être aussi transparent que possible sur la situation, les choix possibles, leurs conséquences. Il faut dire ce que l’on sait, pas plus. Mercredi soir d’ailleurs, le président de la République n’était pas dans l’emphase, ni dans les grands projets, il a parlé de manière concrète, précise, il a reconnu l’incertitude dans la durée. Mais on doit faire plus, par exemple améliorer l’information. Les bulletins de Santé publique France délivrent des données brutes de manière brouillonne, alors qu’il faudrait les pondérer et les nettoyer pour en tirer des indicateurs pertinents.

Le plan de relance est-il toujours pertinent ?

La priorité doit aujourd’hui aller au soutien des entreprises et des ménages les plus fragiles. Il faut refaire, en l’adaptant, ce que l’on a fait ce printemps. Notre économie a montré une bonne résilience, avec la reprise de l’été. Maintenant, il est nécessaire de cibler les politiques sur les victimes de ce nouveau choc : d’abord la minorité des ménages qui n’a plus ni revenu, ni épargne, et se trouve en détresse. Les indépendants, les CDD, les intérimaires sont dans une situation très tendue. Et il faut ensuite soutenir les entreprises les plus fragilisées par cette seconde lame, en prenant en charge de manière ciblée leurs coûts fixes, comme les loyers ou les achats. Les Allemands l’avaient fait dès ce printemps. Ces problèmes sont encore d’étendue limitée : en général, les entreprises ont toujours du cash, grâce aux prêts garantis par l’Etat. Plus tard cependant, elles pourront se trouver en situation d’insolvabilité et il faudra restructurer leurs dettes et réinjecter des fonds propres. Il faut préparer les outils.

« En avril, l’activité a chuté de 30 %. Cette fois, la récession sera nettement moins forte »

Le volet compétitivité du plan de relance, avec notamment la baisse des impôts de production, est-il pertinent ?

Le gouvernement a présenté son plan et celui de l’Europe comme d’inspiration keynésienne et d’application immédiate. En réalité, ils ont été conçus comme des actions de moyen terme. Au mieux, 10 % du plan européen arrivera en 2021. Mais l’un et l’autre se justifient face au risque d’affaissement de l’économie française. L’Asie de l’Est est complètement épargnée par la crise. Elle progresse en termes d’innovations et de productivité. En Europe, l’Allemagne s’en tire mieux que la France ou les pays du Sud. La vulnérabilité de l’industrie française s’est accrue : le volet compétitivité reste pertinent pour demain.

Et le « quoi qu’il en coûte » ?

D’abord, ce nouveau confinement entend limiter les dégâts économiques en laissant les écoles ouvertes, même si ce n’est pas la seule motivation au maintien de leur fonctionnement. Désormais, on sait mieux préserver la santé au travail, les protocoles sanitaires sont au point, on organise mieux le télétravail. En avril, l’activité a chuté de 30 %. Cette fois, la récession sera nettement moins forte. Le « quoi qu’il en coûte » reviendra moins cher, car moins de salariés seront en chômage partiel. Mais il ne faut pas se cacher qu’il y aura un sujet de finances publiques. On pensait ajouter 20 points de PIB à la dette publique. Ce sera davantage. La bonne nouvelle est que les outils européens sont en place, tant du côté de la Banque centrale européenne que du plan budgétaire, qui doit toutefois être voté. Il faut donc continuer le soutien à l’économie aussi longtemps que nécessaire.

Sommes-nous condamnés au triptyque confinement, déconfinement, reconfinement ?

Ce que nous vivons actuellement ne devrait pas durer au-delà de l’été 2021. Nous faisons des progrès dans le traitement, la mortalité a baissé, sauf aux âges très élevés. Les tests antigéniques vont se mettre en place, des vaccins vont finir par arriver. Cependant la récurrence d’événements extrêmes est plus forte qu’on ne le croyait. Avec la crise financière de 2008, c’est la seconde fois, en peu de temps, que se produisent des phénomènes habituellement séculaires. A cela pourraient s’ajouter des sujets climatiques ou d’autres sujets sanitaires.

Comment mieux prendre en compte ces événements récurrents ?

Il faut une appréhension du risque différente, et donc une politique plus réactive que ce qu’on a fait depuis des décennies. Aujourd’hui, il faut maintenir le quoi qu’il en coûte, continuer de suspendre le Pacte de stabilité tant que l’activité n’est pas revenue à son niveau de 2019. C’est ce que j’appelle une stratégie contingente. Les élections allemandes, en septembre 2021, présentent un risque : les partis veulent que le budget de 2022 soit établi sur la base de l’habituelle règle allemande, un déficit structurel de 0,35 % du PIB. Je ne pense pas que cette idée soit maintenue, vu le nouveau contexte, mais il faut rester vigilant. A l’inverse, il faudra demain savoir réduire fortement le montant de la dette pour s’armer en prévision de la prochaine crise. Ce dont nous n’avons pas l’habitude en France. Ce choc, il faudra bien le payer. Comment le faire, hausse des impôts ou baisse des dépenses, ce n’est pas le sujet d’aujourd’hui, mais ce sera l’un des enjeux de la présidentielle de 2022.

« Les phénomènes de fragilité sociale, psychologique m’inquiètent le plus. La désocialisation, la solitude absolue sont renforcés et vont faire des victimes »

Quels sont les changements majeurs induits dans notre société ?

Les phénomènes de fragilité sociale, psychologique m’inquiètent le plus. La désocialisation, la solitude absolue sont renforcés et vont faire des victimes. Il faut être très attentif à cela. Quant aux mutations économiques, il y a deux écoles : ceux qui tablent sur des changements durables et en profondeur, et ceux qui pensent que la crise est une parenthèse et que l’envie de se comporter comme avant reviendra vite. Il y a forcément un peu des deux.

Les prévisions économiques ont-elles toujours un sens ?

Pas les prévisions habituelles. Mais notre service public de la statistique, l’Insee et la Dares, a réinventé l’analyse en temps réel. Dès mars, l’Insee a chiffré la chute d’activité quand beaucoup de ses homologues européens ne le faisaient pas. Ils ont pris le risque de regarder les choses autrement, par exemple à travers la consommation d’électricité, les données bancaires, celles de Google. Il y a aussi une évolution de l’analyse : on raisonne différemment sur l’offre et la demande, sur l’interaction entre l’économique et le sanitaire. En économie, cette crise est l’occasion de grands progrès conceptuels et méthodologiques.

 

Retraites: manque de confiance dans la réforme (Jean Pisani-Ferry)

Retraites: manque de confiance dans la réforme (Jean Pisani-Ferry)

Jean Pisani-Ferry, Professeur ­d’économie à Sciences Po , un  des inspirateur de la réforme,  souligne cette nécessité et en même temps les incertitudes facteurs d’inquiétude relatifs notamment à l’indexation.

 

 

« Pour la grande majorité des actifs, et en particulier pour les plus jeunes, la question la plus lourde, en matière de retraites, est de savoir sur quel niveau de pension ils vont pouvoir compter demain. Alors que le régime universel par points se voulait une réponse à la montée de l’anxiété face à l’avenir que signalent toutes les enquêtes, le projet de réforme du gouvernement n’a jusqu’ici réussi qu’à attiser les angoisses. Et, alors que l’enjeu de la sécurisation des pensions devrait être au centre des débats sur le futur système, il est largement occulté par les controverses sur l’âge pivot et les régimes spéciaux.

Un régime par répartition est un contrat par lequel les actifs investissent collectivement dans les performances économiques futures du pays. Au lieu d’acheter des titres financiers, comme avec la capitalisation, ils acquièrent collectivement des droits sur la croissance à venir. L’objet des règles de la répartition est de définir avec précision ces droits.

La Sécurité sociale de l’après-guerre avait généralisé des droits qui se sont révélés insoutenables. Les réformes engagées à partir des années 1990 les ont donc remis en cause, en particulier en indexant les droits accumulés chaque trimestre (ce qu’on appelle « les salaires portés au compte ») sur les prix, au lieu des salaires. Combinée aux mesures d’âge qui se sont succédé, cette mesure subreptice mais puissante a permis de ramener le régime par répartition au voisinage de l’équilibre. Ce mode d’indexation n’est cependant ni équitable – il pénalise celles et ceux dont la fin de carrière a été difficile – ni économiquement défendable. Contrairement à ce que disent tous les avocats du statu quo, le temps est venu de définir, pour l’avenir, de nouvelles règles de revalorisation des droits.

Cette redéfinition figure dans le projet de loi. Les principes en sont posés : les droits – c’est-à-dire à la fois la valeur du point et son taux de conversion en pension, qu’on appelle « valeur de service » – seront indexés sur le revenu moyen par tête (la polémique qui s’est ouverte sur cet indice est sans objet car rien ne fait obstacle à sa mesure objective) ; l’âge d’équilibre évoluera en fonction de l’espérance de vie ; les pensions elles-mêmes seront, comme aujourd’hui, indexées sur les prix.

Mais le texte en discussion au Parlement reste elliptique sur plusieurs points importants : l’indexation ne sera complète qu’en 2045 ; elle s’appliquera par défaut, en l’absence de décision en sens contraire de la caisse de retraite ou du gouvernement ; et elle sera soumise à une règle d’or imposant le respect de l’équilibre financier sur cinq ans. »

« N’attendons rien de Francfort… et de l’Allemagne » Jean Pisani-Ferry

« N’attendons rien de Francfort… et de l’Allemagne » Jean Pisani-Ferry

 

 

Dans une tribune au Monde,  Jean Pisani-Ferry critique fortement l’inefficacité de la BCE dont il estime qu’il ne faut rien attendre. En creux,  il critique tout autant l’Allemagne enfermée dans les dogmes de l’orthodoxie financière qui va tuer l’Europe ; Il  préconise une relance verte pour répondre au risque de récession. Cette piste est, selon lui, la plus prometteuse.

 

Chronique.

 

«  Aurons-nous les moyens de répondre à la prochaine récession ? Si le ralentissement actuel européen se transforme en retournement, d’où pourra venir la réponse ? La menace n’est pas immédiate, mais le risque est désormais assez concret pour que la question se pose.

Entre 2015 et 2017, la croissance de la zone euro a été un peu supérieure à 2 % l’an. En 2019, elle sera sans doute moitié plus basse, et la Commission européenne n’envisage plus de rebond en 2020-2021. Dans le langage codé des prévisionnistes, c’est la marque d’une vraie inquiétude, une manière de dire qu’en dépit des initiatives de la Banque centrale européenne (BCE) et de politiques budgétaires qui ne sont plus guère austères, il n’en faudrait pas beaucoup pour que l’économie européenne bascule dans la récession.

Ce tassement peut largement être attribué à l’épuisement d’un modèle trop centré sur l’exportation. De 2007 à 2017, le solde extérieur de la zone euro est passé de l’équilibre à un excédent de quatre points de produit intérieur brut (PIB). Mais le commerce international est aujourd’hui à l’arrêt. Protectionnisme américain, ralentissement chinois et crise automobile sonnent le glas du tout à l’exportation.

Ce n’est pas de Francfort que viendra le salut. Pour stimuler une économie qui pique du nez, une banque centrale abaisse en moyenne son taux d’intérêt de cinq points sur la durée du cycle économique. Or le taux de la BCE est déjà nettement négatif. Quant à ses achats de titres, ils n’ont plus beaucoup d’effet sur les taux des emprunts publics. Nous touchons au bout des stratégies de soutien monétaire.

Peut-on alors compter sur le relais de la politique budgétaire ? Les Etats-Unis, dont la dette publique dépasse de vingt points celle de la zone euro, ne se privent pas de l’envisager, mais avec les règles européennes en vigueur, ni la France, ni l’Italie, ni l’Espagne, ni la Belgique ne disposent de marges d’action. Or ces pays comptent pour 52 % du PIB de la zone. L’Allemagne (qui pèse 28 %) pourrait agir, mais son propre frein constitutionnel à la dette ne lui laisse que très peu d’espace. Les Etats européens sont collectivement dans une situation de quasi-paralysie budgétaire.

Bien entendu, on peut ruser avec les règles – les Etats ne s’en privent pas. Mais cela ne suffira pas à doter la zone euro d’une capacité de réponse à la mesure des risques. Bien entendu aussi, des clauses de sauvegarde permettent de suspendre l’application des règles en cas de choc d’ampleur. Mais ces dispositions ne joueront qu’après l’enclenchement d’une récession prononcée, et pour une durée limitée. Il y a toutes chances que ce soit trop peu, trop tard. »

Macron : une méthode trop jupitérienne (Jean Pisani-Ferry )

Macron : une méthode trop jupitérienne  (Jean Pisani-Ferry )

 

C’est l’ancien responsable du programme électoral qui le dit, Macron se comporte trop comme un monarque et se coupe des réalités avec ses décisions autoritaires. – Jean Pisani-Ferry, plaide, dans une interview au JDD, pour une pratique « moins jupitérienne » du pouvoir. Extrait de l’article. »L’important, c’est que les Français deviennent les acteurs de la transformation de leur société. C’est une condition du succès. Cela suppose plus de délibération, une méthode moins jupitérienne », estime dans nos colonnes l’économiste, qui se dit « ni propriétaire ni comptable » du programme présidentiel. Jean Pisani-Ferry revient ainsi sur plusieurs mesures de l’exécutif. Il juge notamment « dommage d’avoir décalé dans le temps la baisse des cotisations salariés pour des raisons budgétaires » et estime que la « contrepartie logique » de la révision de la fiscalité du capital et de l’ISF aurait été de mettre en place « un impôt fort sur les grosses successions ». « Sauf qu’il faut un courage énorme pour le faire passer… », ajoute Jean Pisani Ferry. Quant au prélèvement à la source, ce dernier juge que si la réforme est « techniquement prêt, […] il faut y aller ».A ses yeux, l’essentiel est de prendre en compte le constat « fort et sincère » fait par Nicolas Hulot lors de sa démission : « Ce n’est pas une affaire de personne, ni même de mesures techniques. […] Il faut fixer ce que nous voulons atteindre à dix ans et en faire [de la transition écologique] un axe central de l’action gouvernementale. » Avec deux autres économistes – Philippe Aghion et Philippe Martin -, Jean Pisani-Ferry avait déjà, dans une note confidentielle, fait part en juin dernier de ses critiques à propos de la politique menée par le Président. « Notre constat [de l'époque] reste valable », assure-t-il aujourd’hui.

 

 

Macron renforcé par la journaliste Laurence Haïm et l’économiste Jean Pisani-Ferry

Macron renforcé par la journaliste Laurence Haïm et l’économiste Jean Pisani-Ferry

Dans un contexte politique caractérisé par une surenchère des promesses démagogiques et illusoires, Macron tente de se singulariser par des propositions crédibles faisant le lien entre les aspirations sociales et les capacités de réalisation notamment dans le domaine financier. Pour cela Macron se renforce dans 2 domaines : celui de l’expertise et celui de la communication. Macron bénéficie de deux récentes recrues de choix, pas des crocodiles de la politique mais un économiste très reconnu, Jean Pisani-Ferry, commissaire général de France stratégie (l’ancien commissariat au plan) et une grande spécialiste de la communication,  la très sérieuse la seule journaliste française à avoir obtenu en 2008 de pouvoir interviewer Barack Obama après son élection.  Avec surtout le recrutement de Jean Pisani-Ferry macro renforce encore sa capacité d’expertise. L’ancien Commissaire général de France Stratégie – est conscient des enjeux  «La difficulté qu’ont les partis de gouvernement à sortir de leurs habitus a rendu leur action illisible. Dans les circonstances actuelles de crise démocratique et sociale, il faut une ambition nouvelle pour tout à la fois conserver l’exigence de responsabilité et répondre à la colère des citoyens. C’est le cas de Macron. C’est un choix positif.». Macron a sans doute raison de vouloir mieux communiquer mais à partir d’analyses sérieuses et pertinentes. De ce point de vue,  il est à peu près le seul candidat qui connaisse l’économie. Les autres ayant plutôt des profils de généralistes politiques, c’est-à-dire des pros du métier de politique  depuis 10,  20 ou 30 ans. Des pros de la politique qui fonde leur proposition sur des bases idéologiques autant par conviction que par ignorance des réalités économiques socio-économiques. La plupart parlent  par exemple du travail sans jamais avoir mis les pieds dans la production ou de manière plus générale dans l’entreprise privée. Du coup, ils sont forcément contraints de s’en tenir à des réflexions très générales et souvent de nature étatiste faute de compréhension des  réalités concrétés et locales.

 




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