Réguler le football sinon attention aux faillites (Jean-Michel Aulas)
Pour Jean-Michel Aulas, ancien président de Lyon, Le football aujourd’hui, ce sont essentiellement des investisseurs étrangers venus des USA, du golfe persique, de Chine.
Le football est entré dans une forme de démesure avec les « clubs-États ». Les investisseurs traditionnels en sont exclus. On parle de salaires entre 100 et 200 millions par joueur ! Nous sommes entrés dans un processus inflationniste sans limites, un peu comme le marché de l’art avec les prix des toiles et des sculptures qui s’envolent dans les salles de ventes. Ceci est le résultat de la non-régulation en France et en Europe. Il faudra réguler le football sinon ce sport court à la catastrophe avec des faillites et des scandales. ( intreview dans La Tribune)
Dans ce monde de la finance bis, y-a-t-il encore une place pour les supporters ?
C’est le dernier espace d’espérance parce que les supporters restent quand même l’identité du club. À partir du moment où le créateur ou le président qui était dépositaire de l’ADN du club disparaît au profit de groupes financiers ou d’émirs lointains, le supporter est le dernier rempart avec l’histoire du club. Ils sont organisés et veulent se faire entendre. Ils représentent la dimension affective du club, son histoire émotionnelle, ses valeurs.
L’un des grands projets de votre carrière est la construction du Groupama Stadium. Il a fallu dix ans d’efforts pour qu’il sorte de terre. Est ce qu’il est encore possible aujourd’hui de réaliser de telles grandes infrastructures ?
Oui je crois. En trois ans, on vient avec Bruno Bernard, le président de la communauté urbaine de Lyon et écologiste constructif, de sortir une salle ultra moderne de 16 000 places dans laquelle va jouer l’équipe de basket de l’ASVEL. On va l’inaugurer dans quelques jours et ça va devenir la salle des temps modernes avec des concerts tous les trois jours. J’avais mis dix ans pour construire le Groupama Stadium et dû affronter cent recours en justice devant les tribunaux administratifs, cour d’appel et cour de cassation… Là, on a réussi à boucler le dossier et la construction en trois ans. Comme quoi tout n’est pas perdu !
Votre stade et son environnement, ce sont 3.000 emplois permanents. C’est la « touch » Aulas ?
Ce projet porte une double vision. D’abord créer un stade et ensuite un pôle économique durable avec un hôtel, un laboratoire, une clinique et des espaces de jeux pour les jeunes. L’espace est par ailleurs entièrement connecté aux réseaux de transports de la région lyonnaise.
Les coulisses du foot ne sont jamais glorieuses. Selon des déclarations récentes de Gérard Collomb, un match entre Lyon et Montpellier aurait été « truqué » en 2003. De graves accusations ?
Elles ont été totalement démenties par les joueurs eux-mêmes. J’ai beaucoup de pudeur pour mon ami Gérard qui se bat contre la maladie. Je n’ai évidemment pas répondu et ses paroles ont sans doute dépassé sa pensée… J’adorais Loulou Nicollin (ndlr, président du club de Montpellier, aujourd’hui décédé). C’était un match comme les autres et on était très heureux à la fin parce que lui restait en première division et moi j’étais champion de France. Il n’y a eu évidemment aucune triche.
Le jour où l’Autorité des marchés financiers valide l’OPA d’Eagle Football, la holding de John Textor, la DNCG (le gendarme financier du foot français) limite les capacités financières de recrutement de l’OL pour la prochaine saison. Voilà qui risque de compliquer la gestion du repreneur ?
L’issue de l’appel devant la DNCG était malheureusement prévisible, dès lors que les garanties demandées n’étaient pas satisfaites. Je suis dépité. Je le suis à plusieurs titres. D’abord parce que quand le club que j’ai dirigé pendant 36 ans traverse une passe difficile, ça me fait mal, c’est charnel, et j’en souffre. Ensuite, je le vis d’autant plus mal que la situation était parfaitement évitable : il y a 3 mois, le dossier que j’avais transmis à la DNCG visait à obtenir une prévision de résultat de 90 millions d’euros en actionnant 4 leviers différents : refinancement du stade, cession d’OLW, cession d’OL Reign, cession de joueurs. Ces leviers étaient tous initialisés depuis mars-avril 2023… mais la DNCG fait son travail de vérification et elle traduit en actes ce qu’elle voit. Aux nouveaux dirigeants désormais d’apporter les bonnes réponses.