Macron : un président isolé et usé jusqu’à la corde ( « Le Monde »)
« Incapable de redonner un élan clair à la suite de son quinquennat, le Macron 2022 semble usé, sans cap, isolé »
CHRONIQUE de Audrey Tonnelier dans « le Monde »
C’était il y a six ans, c’était il y a un siècle. Emmanuel Macron, président même pas quadragénaire, marchait triomphalement dans la cour du Louvre, à Paris, au son de l’Ode à la joie, de Beethoven. Se revendiquant de la social-démocratie, l’ancien poulain de François Hollande, passé par Bercy avant de se lancer dans la course à l’Elysée, était élu, le 7 mai 2017, avec l’idée de faire souffler sur la France un « esprit de conquête » – les premiers mots de son livret programmatique. Pro-européen, pro-entreprises, professant n’être ni de droite ni de gauche, l’ex-ministre de l’économie prônait le « libérer, protéger », auquel il adjoindrait, un an plus tard, un troisième mot, « unir ».
Six ans plus tard, la comparaison est douloureuse. La réforme des retraites a fait descendre dans la rue des centaines de milliers de Français et transformé l’Assemblée nationale en chaudron. Figure pour une partie du pays d’un pouvoir autoritaire et sourd à leurs véritables aspirations, sujet de perplexité sur son programme jusque chez ses électeurs historiques, incapable de redonner un élan clair à la suite de son quinquennat, le « Macron 2022 » semble usé, sans cap, isolé.
Et ce ne sont pas seulement les manifestants, les syndicats ou les oppositions qui le disent, mais aussi des proches et des figures du macronisme originel. Tel le député (Renaissance) Sacha Houlié, qui s’avoue « déçu ». « En 2017, on a été élus sur deux éléments qui sont aujourd’hui renversés. D’abord, l’idée que le travail émancipe, or il est devenu pour beaucoup de Français un effort, presque une douleur. Ensuite, un message d’espoir – créer, entreprendre –, or, aujourd’hui, les gens ont peur : de la crise climatique, de l’inflation… On n’a jamais vraiment répondu à la crise des “gilets jaunes”, qui pointaient l’inadéquation entre fin du monde et fin du mois », analyse celui qui fut cofondateur, en 2015, du mouvement Les Jeunes avec Macron et délégué national du parti présidentiel à son lancement, en 2016.
« C’est compliqué de parler d’émancipation par le travail quand le rapport au travail a changé, que les gens se lèvent tôt et ont du mal à boucler les fins de mois », abonde cette cadre de la majorité, qui fit partie de l’équipe de campagne du président, il y a six ans. Tout en reconnaissant des « difficultés conjoncturelles pour ce début de second mandat » − telle la guerre en Ukraine, qui a largement accaparé le candidat Macron pendant la campagne de 2022 −, elle estime que la majorité « n’a pas suffisamment pris acte, dans [ses] politiques publiques, des transformations du pays entre 2017 et 2022 ».