Le grand emprunt à toutes les sauces
Le grand emprunt destiné aux investissements d’avenir semble mis à toutes les sauces, pour la crise automobile ; pour les hôpitaux, pour des projets immobiliers etc. . Première observation, pourquoi un grand emprunt ? Il ne s’agit que d’un emprunt de plus et la France emprunte tous les jours. Deuxième observation, pourquoi ce titre grand emprunt pour les investissements d’avenir ? Tous les investissements sont en général destinés à préparer l’avenir ; en fait il ne s’agit que d’une raison supplémentaire pour emprunter davantage. Dernier point comment distinguer ce qui relève réellement de l’investissement et du fonctionnement, dans l’enseignement supérieur par exemple ? Enfin l’enveloppe du dit emprunt est presque vide puisque sur 35 milliards il n’en reste que 8. Les milliards d’euros du grand emprunt qui n’ont pas encore été alloués sont-ils en train de se transformer en enveloppe d’urgence qui viendrait pallier toutes les situations difficiles? La semaine dernière, le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, annonçait que 350 millions de l’enveloppe des investissements d’avenir viendraient financer le plan de soutien à l’automobile – notamment pour installer des bornes de recharge de voitures électriques à Bordeaux, Grenoble, Rennes, Nice, Angoulême, etc. Cette semaine, le gouvernement réfléchirait à affecter une partie de la somme encore disponible aux hôpitaux, aujourd’hui dans une situation financière tendue. Selon Les Échos, les fonds pourraient servir à des investissements informatiques ou à des projets d’innovation thérapeutique, gelés faute de crédit bancaire. Le Sénat, qui vient de publier un rapport sur la situation des hôpitaux, aimerait aussi que le grand emprunt puisse financer les projets immobiliers des établissements de santé. Cette tentation d’une utilisation au fil de l’eau, sans réelle réflexion stratégique, le Commissariat général à l’investissement, que Louis Gallois dirige, ne veut surtout pas la laisser s’installer. «Ce n’est pas le but», prévient-on au sein du gouvernement. De fait, si la France, surendettée, s’est autorisée sous l’ère Sarkozy à emprunter à nouveau pour financer des dépenses supplémentaires, c’est à la condition impérative de préparer la croissance de demain, en investissant dans les domaines identifiés (enseignement supérieur et recherche, filières industrielles et PME, développement durable, économie numérique). Un moyen de donner toutes les chances à l’Hexagone dans la compétition mondiale et de renforcer sa compétitivité. «Il ne faut pas dévier de cet objectif défini par le précédent gouvernement, qui est le bon…», admet la nouvelle majorité. Les 350 millions annoncés par Arnaud Montebourg dans le cadre du plan automobile devraient être issus de crédits non encore dépensés du programme «véhicule du futur» – on peut donc considérer que l’objectif de renforcer la R & D dans le secteur ne sera pas détourné. Il sera en revanche plus difficile de justifier des investissements immobiliers, même dans le secteur de la santé… «Pour l’instant, rien ne nous a été demandé», temporise-t-on au sein du Commissariat, qui dépend de Matignon. En outre, le programme d’investissements d’avenir n’est pas un puits sans fonds! Sur les 35 milliards d’euros que constituait l’enveloppe initiale décidée il y a deux ans, il n’en reste que 8 à dépenser – «dans le respect des principes initiaux», insiste le dernier rapport du Comité de surveillance. Mi-juillet, près de 27 milliards avaient été affectés à des projets identifiés, selon les tout derniers chiffres du Commissariat général à l’investissement. La priorité «enseignement supérieur et recherche» représente la part la plus importante, avec un montant affecté de près de 18 milliards.