Vaccination Covid: Stratégies internationales égoïstes et inefficaces
Viser un niveau uniforme de couverture vaccinale dans tous les pays revient à gaspiller des ressources, explique, dans une tribune au « Monde », Isabelle Defourny, médecin et directrice des opérations de MSF, qui préconise de se concentrer sur « les personnes les plus à risque dans les zones les plus affectées par le virus ».
Tribune.
Nous nous trouvons aujourd’hui dans une nouvelle phase de la pandémie de Covid-19 : même si le virus continue de circuler largement, certains pays parmi les plus touchés – comme la France et le Royaume-Uni – ont vacciné suffisamment de personnes pour alléger la pression sur leurs systèmes de santé. Et avec plus d’un milliard de vaccins fabriqués par mois, il devrait théoriquement y en avoir suffisamment pour tout le monde.
Il existe pourtant un problème de distribution des vaccins : dans d’autres pays, certaines personnes qui en ont un besoin urgent, comme le personnel de santé ou les personnes susceptibles de développer une forme grave de Covid-19 en raison de leur âge ou de comorbidité, n’y ont pas accès.
Pour autant, la stratégie proposée par les Nations unies, qui vise à vacciner « 40 % des personnes dans tous les pays d’ici à la fin de l’année, 70 % d’ici à mi-2022 » est trop simpliste. Cette réponse universelle, qui ne tient pas compte des conditions épidémiologiques et politiques locales, risque de détourner les efforts d’où ils sont le plus nécessaires.
Le développement des vaccins contre le Covid-19 a été l’un des plus rapides de l’histoire de la médecine. Mais nous devons être clairs quant à l’objectif poursuivi : s’ils sont d’excellents outils pour nous protéger contre les formes graves de la maladie, ils sont moins efficaces pour empêcher la transmission. Nous n’éradiquerons pas la maladie avec les vaccins dont nous disposons actuellement. C’est pourquoi nous devons nous concentrer sur des approches adaptées au niveau local, incluant la vaccination des personnes les plus à risque, dans les zones les plus affectées par le virus. Ces approches doivent tenir compte de l’ensemble des outils dont nous disposons, et pas seulement des vaccins.
L’ONG Médecins sans frontières (MSF) a apporté différentes réponses à la pandémie de Covid-19 dans près de 80 pays. Dans certains d’entre eux, où nous intervenons pour traiter les cas sévères et participer à la vaccination, nous mettons aujourd’hui fin à nos opérations. Soit parce que la couverture vaccinale est désormais très élevée, comme en France, soit parce que les autorités peuvent gérer la réponse malgré la persistance de l’épidémie dans le pays, comme au Pérou. Dans d’autres pays, nous n’avons jamais vraiment mené d’interventions d’envergure, comme au Niger, car le pays ne connaît que très peu de cas graves.
Mais, dans d’autres régions, nous assistons encore à des vagues successives et violentes de Covid-19, avec une incidence très élevée de formes graves de la maladie, des taux de vaccination très faibles et une capacité locale limitée de gestion des épidémies. C’est particulièrement vrai dans certains pays d’Asie et du Moyen-Orient : l’Afghanistan, l’Irak et le Yémen continuent d’être gravement touchés, et nous continuons à y traiter des patients qui développent les formes les plus graves de la maladie. Au Yémen, où beaucoup meurent faute de soins administrés à temps, en raison de l’état très dégradé du système de santé, à peine plus de 1 % de la population a été vaccinée.