Archive pour le Tag 'Intelligence'

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L’Intelligence artificielle générative

On définit l’intelligence artificielle comme la conception de programmes informatiques capables d’accomplir des tâches impliquant normalement l’intelligence humaine (tout ce qui se rapporte à la parole, à l’analyse d’images, à l’élaboration de stratégie dans des jeux, etc.).
Des progrès récents ont été faits dans la production de textes, d’images, de vidéos ou de musique. On parle alors d’intelligence artificielle générative (AIG) car les programmes informatiques liés (et les algorithmes, c’est-à-dire les suites d’instructions derrière les programmes) « génèrent » du texte, des images ou du son.

par Thierry Poibeau
DR CNRS, École normale supérieure (ENS) – PSL dans The Conversation

Il n’y a pas d’opposition stricte entre intelligence artificielle (IA) et intelligence artificielle générative (IAG) car il a existé des systèmes capables de produire du texte ou des images presque depuis les débuts de l’IA (ou, à tout le moins, des recherches sur ces thèmes). La nouveauté principale est la qualité, la diversité et plus globalement le réalisme des résultats obtenus avec les systèmes récents (textes pertinents et cohérents, images plus vraies que nature, etc.).

Des analyses de qualité et sans publicité, chaque jour dans vos mails.
Cette brusque amélioration est due à plusieurs éléments. Le premier point, essentiel, est l’accès à des ensembles de données gigantesques (des milliards de textes ou d’images, par exemple) qui permettent aux systèmes d’avoir des montagnes d’exemples pour produire de nouveaux textes ou images réalistes, sans être simplement des copies de données existantes.

Pour le reste, on dispose aujourd’hui, d’une part, de l’augmentation astronomique de la puissance de calcul des ordinateurs (grâce aux puces de type GPU, qui permettent de faire extrêmement rapidement les calculs à la base des techniques utilisées pour ce type de système), de l’autre de nouveaux algorithmes (dits d’apprentissage profond), qui permettent une analyse très fine des données observées, de les comparer et de les combiner pour produire des contenus nouveaux.

Ces systèmes peuvent ensuite être spécialisés par rapport à des tâches précises. Par exemple, un outil comme ChatGPT peut répondre de façon précise à des questions tout-venant : il s’agit donc toujours de générer du texte, mais de le faire de façon pertinente en fonction d’une question posée (ce qu’on appelle parfois le prompt). Le générateur de texte brut est le modèle GPT, et celui-ci est encapsulé dans un autre modèle gérant le dialogue, pour former l’application ChatGPT.

Le réalisme des résultats a impressionné ces dernières années. C’est aussi un des problèmes majeurs que posent ces techniques : à partir du moment où les textes, les images et les vidéos peuvent être confondus avec la réalité, l’intelligence artificielle générative (AGI) pose d’importantes questions pratiques et éthiques. Elle peut être une source majeure de désinformation (de production de fake news) par exemple.

Une solution parfois proposée est de marquer automatiquement (en anglais « watermark ») les textes ou les images produites par des IA, mais il y aura toujours des systèmes pouvant produire des sorties non estampillées. La régulation de ce type de systèmes est une question ouverte à l’heure actuelle.

Enfin, on entend aussi parler de beaucoup de types d’IA, qui peuvent se recouper ou non, comme l’IA prédictive ou l’IA créative. Le terme IA créative (qui recouvre, en gros, l’IAG) est à éviter car les IA ne font que modifier et recombiner des fragments (de texte ou d’image) existants. L’IA prédictive est une IA plus classique, visant à évaluer la probabilité qu’un événement se produise (un crime à tel endroit par exemple). S’il peut y avoir des similarités avec l’intelligence artificielle générative (AIG) au niveau des méthodes employées, la finalité des deux types de systèmes n’est généralement pas la même.

Intelligence artificielle : Des conséquences pour 40 % des emplois (FMI) ?

Intelligence artificielle : Des conséquences pour 40 % des emplois (FMI) ?

Pour satisfaire à la mode sans doute, la directrice générale du fonds monétaire international a lâché ce chiffre de 40 % des emplois qui seront « concernés » par l’intelligence artificielle. Un chiffre lancé un peu par hasard. D’abord il faut s’entendre par le terme ‘concerné’. En effet d’une manière ou d’une autre, c’est plutôt 80 % des emplois qui seront touchés par l’évolution technologique et l’intelligence artificielle qui recouvre tellement d’applications. A priori on pourrait en effet penser que les emplois les moins qualifiés seront remplacés par des machines dites intelligentes. En réalité, c’est déjà le cas compris dans le secteur industriel. Mais d’autres emplois seront aussi impliqués dans le secteur industriel comme dans les services ou par parenthèse la complexité des procédures tue la compétitivité. En dépit de la numérisation l’économie brasse toujours autant de papier !

De toute manière la pénétration de l’intelligence artificielle est inéluctable, elle est déjà là comme assistante cognitive de l’humain dans nombre de métiers plus ou moins automatisés. « Dans le monde, 40% des emplois seront touchés » par le développement de l’intelligence artificielle, estime Kristalina Georgieva, directrice générale du Fonds monétaire international (FMI). « Et plus vous occupez un emploi qualifié, plus ce sera le cas. Ainsi pour les économies avancées, et certains pays émergents, 60% des emplois seront concernés ».

Elle a précisé que les impacts évoqués ne sont pas forcément négatifs, car cela peut aussi se traduire par « une hausse de vos revenus ».

Les données sont issues d’un rapport publié par le FMI avant les réunions du Forum économique mondial de Davos, qui débutent lundi dans la station alpine suisse.

Selon le rapport, l’IA pourrait accélérer les inégalités salariales, avec un effet négatif tout particulier sur les classes moyennes, alors que les salariés disposant d’ores et déjà de hauts revenus pourraient voir leur salaire « augmenter plus qu’à proportion » du gain de productivité que l’IA leur permettrait d’assurer.

« Il est certain qu’il y aura un impact mais il peut être différent, que cela entraîne la disparition de votre emploi ou au contraire son amélioration. Dès lors, que faire de ceux qui seront touchés et comment partager les gains de productivité, que peut-on faire pour être mieux préparés? », s’est interrogé Kristalina Georgieva.

Selon le rapport, Singapour, les Etats-Unis et le Canada sont les pays qui se sont le mieux préparés jusqu’ici à l’intégration de l’IA mais, comme le souligne la directrice générale du Fonds, « nous devons nous concentrer sur les pays à moindre revenus ».

« Nous devons aller vite, leur permettre de profiter des opportunités offertes par l’IA. La vraie question sera de mettre de côté les craintes liées à l’IA pour se concentrer sur comment en tirer le meilleur avantage pour tous », a insisté la patronne du FMI. D’autant que dans un contexte de ralentissement du rythme de la croissance mondiale, « nous avons terriblement besoin » d’éléments capables de relancer la productivité. « L’IA peut faire peur mais cela peut être également une immense opportunité pour tous », a conclu Kristalina Georgieva.

Intelligence artificielle ouverte à tous chez Microsoft

Intelligence artificielle ouverte à tous chez Microsoft

Microsoft lance une version grand public à 20 dollars par mois .
Premier outil d’IA générative déployé en masse par Microsoft, Copilot a le potentiel pour dépasser ChatGPT et ses 100 millions d’utilisateurs hebdomadaires, puisqu’il va pouvoir s’appuyer sur le réservoir de plus de 345 millions d’abonnés payants de la suite 365.

Copilot est lié à la suite 365 et dispose donc de tout un contexte spécifique lié aux différents documents présents sur le compte de l’utilisateur. En revanche, il nécessite l’abonnement au logiciel de Microsoft.

Avec cette nouvelle mise à jour, Microsoft permet aussi aux utilisateurs de Copilot d’intégrer (et bientôt, de créer) des « Copilot GPTs », autrement dit des versions spécifiques de l’assistant Par type d’activité ou de thème.

Par exemple, un GPT peut être dédié au sport, au voyage ou encore à la cuisine. Les utilisateurs se trouvent ainsi en face d’un interlocuteur plus expert, sans avoir à donner tout un contexte à leur assistant au moment de poser leur question. OpenAI a tout juste déployé ce système la semaine dernière, et voilà déjà son miroir chez Microsoft…

Avec sa puissance commercial, Microsoft pourrait étouffer OpenAI, dont il a enfin réussi à infiltrer la gouvernance suite à la crise Altman fin 2023.

Copilot 365 pourrait donc rapporter des dizaines de milliards de chiffre d’affaires par an supplémentaires à l’entreprise, et ce, même si elle ne convertit qu’une partie de sa clientèle.

Intelligence artificielle et mensonges

Intelligence artificielle et mensonges

« Humains, trop humains, ces systèmes ont nos vices et nos faiblesses ; rien d’étonnant puisque nous les avons créés. Aussi, ils sont programmés pour avoir toujours quelque chose à dire. Codés pour répondre. Alors que la véritable sagesse consiste bien souvent à dire “je ne sais pas”»

par Pierre Bentata est maître de conférences à la Faculté de Droit et de Science Politique d’Aix Marseille Université dans l’Opinion
( extrait)

En réalité, chaque fois qu’une requête porte sur un sujet dont la réponse n’est pas directement présente dans la base de données initiale, l’hallucination n’est pas loin. Ce n’est pas que l’IA soit calibrée pour mentir ou inventer des données. Il s’agit plutôt d’un effet secondaire de son mode de fonctionnement. Les systèmes de génération de contenus opèrent selon des règles de probabilités évaluant quelle lettre, phonème ou mot a le plus de chances d’apparaître à la suite d’un texte donné. Bien sûr, en amont, des experts vont vérifier qu’ils fournissent une réponse adéquate à un certain nombre de questions et les contraindre à revoir leurs calculs en cas de réponses inexactes. Mais cela n’empêche pas que, parfois, le résultat soit totalement faux. Plusieurs causes peuvent être à l’origine de cette erreur : les données initiales peuvent être de mauvaise qualité ou contradictoire – en aspirant une grande partie de ce qui est produit sur internet, il y a des chances que certains contenus soient faux –, le décodage des données peut être biaisé ou les calculs erronés, ce qui est inévitable avec des systèmes ayant plusieurs centaines de milliards de paramètres. Dès lors, il est possible qu’à la suite d’un texte donné, pour lequel l’information n’est pas directement disponible, le système de génération de contenus fournisse un mauvais mot puis, de proche en proche, aboutisse à une réponse totalement fausse.

Un cas illustre bien ce processus d’hallucination. En janvier dernier, David Smerdon, Grand Maître aux échecs et professeur d’économie, a demandé à ChatGPT quel était l’article le plus cité en sciences économiques. Ce dernier a produit la réponse suivante : Douglass North et Robert Thomas, « A Theory of Economic History », Journal of Economic History, 1969. En apparence, le résultat semble cohérent, le titre est pertinent, les auteurs existent et sont reconnus par la communauté scientifique et la revue est l’une des plus prestigieuses au monde. Sauf que cet article n’existe pas. Smerdon a alors tenté de comprendre comment ChatGPT avait pu créer de toutes pièces un tel résultat. Il s’avère que dans sa base de données, ChatGPT a sûrement des données concernant les mots les plus utilisés dans les titres d’articles de sciences économiques, et ces derniers sont bien Economic, Theory et History. A partir de cela, il a recherché dans sa base le nom des auteurs les plus souvent associés à ses termes, puis a examiné dans quelles revues ces derniers ont publié la majorité de leurs articles. Et voilà, le tour est joué !

Corrélations. Ainsi fonctionne l’IA : dès qu’il lui manque une information, elle estime des corrélations entre des données qu’elle possède et fabrique un nouveau contenu, souvent cohérent, mais pas nécessairement vrai. Comme l’ami qui, pour participer à la conversation, finit par inventer une histoire, l’IA construit du contenu pour entretenir le dialogue. Elle aussi ment pour avoir quelque chose à dire. Cela ne signifie pas qu’elle est inutile. Tout comme l’ami menteur n’en demeure pas moins un ami – il a sans doute d’autres qualités –, l’IA reste un excellent outil, à condition d’être appréhendée avec prudence, ce qui implique de l’interroger uniquement sur des sujets que l’on connaît déjà, et de vérifier toutes références à des données brutes, qu’il s’agisse de chiffres, de citations ou d’événements particuliers.

« Gardons l’acronyme mais substituons-lui un autre sens : ces systèmes ne sont pas des « Intelligences Artificielles » mais des “Interlocuteurs Affabulateurs”. Tant que nous en serons conscients, ces petites machines resteront de bons assistants »

A bien y réfléchir, que ces systèmes hallucinent devrait plutôt nous rassurer. Loin d’être les créatures omniscientes et omnipotentes qui font fantasmer les plus technophobes, ils se révèlent faillibles et cantonnés pour cette raison au rôle d’assistant ; assistant efficace certes, mais aussi un peu trop affable et désireux de nous plaire pour être tout à fait honnêtes. Car c’est bien de cela dont il est question. Humains, trop humains , ces systèmes ont nos vices et nos faiblesses ; rien d’étonnant puisque nous les avons créés. Aussi, ils sont programmés pour avoir toujours quelque chose à dire. Codés pour répondre. Alors que la véritable sagesse consiste bien souvent à dire « je ne sais pas », ces derniers en sont, par construction, tout à fait incapables. Et sans cette capacité à se taire, il n’est pas de réelle intelligence. Pas de découverte sans aveu préalable d’une ignorance ; pas d’apprentissage ni de production de connaissances nouvelles. De quoi éloigner un peu l’avènement d’une véritable IA.

Aussi, puisque le terme IA est désormais consacré, gardons l’acronyme mais substituons-lui un autre sens : ces systèmes ne sont pas des « Intelligences Artificielles » mais des « Interlocuteurs Affabulateurs ». Tant que nous en serons conscients, ces petites machines resteront de bons assistants.

Pierre Bentata est maître de conférences à la Faculté de Droit et de Science Politique d’Aix Marseille Université. Dans ses essais, il s’intéresse aux évolutions de la société à partir des crises économiques, politiques et technologiques qu’elle traverse.

Intelligence artificielle : en faire un progrès pour tous

Intelligence artificielle : en faire un progrès pour tous

Sommet mondial sur la sécurité de l’intelligence artificielle, décret Biden, comité d’experts de l’ONU : ces dernières semaines marquent un tournant dans l’histoire de l’IA, désormais un sujet majeur de souveraineté. Chaque grande puissance tente de prendre la tête de la course technologique, mais aussi de contribuer à une régulation mondiale. En effet, les impacts de l’IA sur l’emploi, la santé, l’éducation, la transition écologique et la société sont suffisamment massifs pour ne pas être ignorés des gouvernements et des citoyens. Aussi, il est urgent de travailler collectivement à une régulation de l’IA équilibrée entre l’innovation nécessaire au progrès économique, social et humain, et la protection contre des risques qui existent déjà. A cet égard, il est essentiel que la voix de l’Europe et de la France s’élèvent pour défendre les valeurs républicaines de liberté, d’égalité et de fraternité.

Par Emilie Sidiqian, directrice générale de Salesforce France

Dans ce contexte, les entreprises ont un rôle clé à jouer pour faire de l’IA un progrès pour tous. Plutôt que de se perdre dans des fantasmes de science-fiction, notre responsabilité consiste à développer des usages pour répondre aux inquiétudes qui traversent la société.

Aujourd’hui, 42% des salariés craignent que l’IA générative ne les remplace.Si rien ne permet d’affirmer que l’automatisation d’un grand nombre de tâches par l’IA entraînera la destruction d’emplois, nous devons démontrer que l’IA générative sera une source de progrès pour les employés.

Comment permettre à chacun de s’emparer de l’IA générative pour monter en compétence : avec l’éducation des jeunes et la formation des adultes est essentiel pour mieux appréhender l’IA. Comment conjuguer la diffusion de l’IA dans l’économie avec la création massive de nouveaux d’emplois : un objectif rassemblant le monde économique, le milieu associatif et les pouvoirs publics. Comment libérer les salariés des tâches chronophages pour apporter plus de valeur au client : voilà le chantier à ouvrir dès à présent.

L’autre inquiétude majeure concerne la confiance que l’on peut accorder à l’IA générative et à ce qu’elle produit. Alors que la désinformation sévit sur les réseaux sociaux, les « deep fakes» menacent la qualité du débat public, et in fine le bon fonctionnement démocratique.

Pourtant, des solutions existent. Elles reposent sur une combinaison de mesures techniques et réglementaires : sécurisation des données sources, détection automatisée des biais, modération renforcée des réseaux. Des mesures qui doivent favoriser l’usage éthique de l’IA, garantir la transparence des algorithmes, la gouvernance, la traçabilité et la confidentialité des données. Enfin, l’esprit critique et le bon sens devront présider aux usages de l’IA qui vont infuser notre quotidien. Depuis plus d’un siècle, les risques d’électrocution n’ont pas empêché de bénéficier des bienfaits de l’électricité. Il en sera de même pour l’IA.

A l’image de l’invention de l’écriture ou d’Internet, l’IA générative constitue une immense avancée de l’esprit humain. Ralentir ou brider son potentiel serait une erreur. Face aux défis immenses qui se présentent, nous devons stimuler l’ingéniosité humaine par la puissance des machines. A l’heure où les ressources se raréfient, il est essentiel de faciliter l’accès aux connaissances disponibles numériquement pour rendre intelligible et maîtrisable un monde toujours plus complexe. Saisissons l’opportunité offerte par l’intelligence artificielle pour renouer avec l’avenir !

Sciences-Intelligence artificielle: La France parmi les leaders mondiaux !

Sciences-Intelligence artificielle: La France parmi les leaders mondiaux !

Xavier Niel, Free et Iliad, qui vient de lancer un fonds de recherche sur l’intelligence artificielle avec la CGM estime que la France seule peut figurer parmi les leaders mondiaux dans ce domaine. Une affirmation peut-être un peu présomptueuse si l’on prend l’exemple des grandes plates-formes dominées surtout par les Américains et les Chinois. Les plates-formes françaises sont complètement anecdotiques. Pire, les distributeurs des produits français utilisent le plus souvent les plates-formes étrangères comme Google pour vendre . L’initiative de Xavier Neil est intéressante mais il faut sans doute faire la part du marketing et de la recherche dans son interview à la « Tribune ». Enfin le montant de l’avertissement n’est peut-être pas à la hauteur de l’enjeu. Entre 2013 et 2022, les investissements des entreprises dans le secteur de l’intelligence artificielle ont fortement augmenté dans le monde, passant de 16 milliards de dollars en 2013 à plus de 175 milliards de dollars en 2022.

Iliad investit plus de 200 millions d’euros dans l’intelligence artificielle. Dans quel objectif ?

XAVIER NIEL- Quand éclate une révolution dans la tech, on souhaite naturellement en faire partie. Pour l’IA, deux éléments sont essentiels : la puissance de calcul et les chercheurs. Concernant le premier, Scaleway, le fournisseur de cloud et filiale du Groupe Iliad, a déjà acquis en septembre dernier auprès de NVIDIA, le champion mondial du calcul informatique, un supercalculateur : une plateforme spécifiquement dédiée aux applications de l’intelligence artificielle. C’est le cinquième plus grand au monde. Le plus puissant en dehors des États-Unis. Il est installé ici, à Paris. Sans volonté hégémonique. Simplement celle de faire émerger un écosystème.

Et du côté des chercheurs ?

Nous avons une chance inouïe en France. Celle de compter deux écoles – Polytechnique et l’ENS Paris-Saclay -, qui forment les meilleurs ingénieurs au monde dans ce domaine. Le revers de la médaille, c’est que ces talents exceptionnels quittent souvent leur pays pour aller ailleurs. Mon but consiste à les retenir ici. Ou à les inciter à revenir. Dans les deux cas, concevoir un écosystème complet était indispensable. Nous l’avons construit, en investissant massivement avec nos partenaires américains traditionnels, à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros. Nous ne l’avions encore jamais fait. Ces investissements ont été réalisés dans des startups lancées par des Français. Mais aussi dans celles fondées par des entrepreneurs internationaux, qui choisissent la France précisément grâce à cet environnement que nous avons mis en place. La French Tech parvient désormais à boucler des levées de fonds sur des niveaux de valorisations inédits.

Intelligence artificielle: La France parmi les leaders mondiaux !

Intelligence artificielle: La France parmi les leaders mondiaux !

Xavier Niel, Free et Iliad, qui vient de lancer un fonds de recherche sur l’intelligence artificielle avec la CGM estime que la France seule peut figurer parmi les leaders mondiaux dans ce domaine. Une affirmation peut-être un peu présomptueuse si l’on prend l’exemple des grandes plates-formes dominées surtout par les Américains et les Chinois. Les plates-formes françaises sont complètement anecdotiques. Pire, les distributeurs des produits français utilisent le plus souvent les plates-formes étrangères comme Google pour vendre leurs produits. L’initiative de Xavier Neil est intéressante mais il faut sans doute faire la part du marketing et de la recherche dans son interview à la « Tribune ». Enfin le montant de l’avertissement n’est peut-être pas à la hauteur de l’enjeu. Entre 2013 et 2022, les investissements des entreprises dans le secteur de l’intelligence artificielle ont fortement augmenté dans le monde, passant de 16 milliards de dollars en 2013 à plus de 175 milliards de dollars en 2022.

Iliad investit plus de 200 millions d’euros dans l’intelligence artificielle. Dans quel objectif ?

XAVIER NIEL- Quand éclate une révolution dans la tech, on souhaite naturellement en faire partie. Pour l’IA, deux éléments sont essentiels : la puissance de calcul et les chercheurs. Concernant le premier, Scaleway, le fournisseur de cloud et filiale du Groupe Iliad, a déjà acquis en septembre dernier auprès de NVIDIA, le champion mondial du calcul informatique, un supercalculateur : une plateforme spécifiquement dédiée aux applications de l’intelligence artificielle. C’est le cinquième plus grand au monde. Le plus puissant en dehors des États-Unis. Il est installé ici, à Paris. Sans volonté hégémonique. Simplement celle de faire émerger un écosystème.

Et du côté des chercheurs ?

Nous avons une chance inouïe en France. Celle de compter deux écoles – Polytechnique et l’ENS Paris-Saclay -, qui forment les meilleurs ingénieurs au monde dans ce domaine. Le revers de la médaille, c’est que ces talents exceptionnels quittent souvent leur pays pour aller ailleurs. Mon but consiste à les retenir ici. Ou à les inciter à revenir. Dans les deux cas, concevoir un écosystème complet était indispensable. Nous l’avons construit, en investissant massivement avec nos partenaires américains traditionnels, à hauteur de plusieurs dizaines de millions d’euros. Nous ne l’avions encore jamais fait. Ces investissements ont été réalisés dans des startups lancées par des Français. Mais aussi dans celles fondées par des entrepreneurs internationaux, qui choisissent la France précisément grâce à cet environnement que nous avons mis en place. La French Tech parvient désormais à boucler des levées de fonds sur des niveaux de valorisations inédits.

Intelligence artificielle et éducation des enfants ?

Intelligence artificielle et éducation des enfants ?

Alors que les enfants étudient l’histoire, apprennent à compter et à écrire, l’intelligence artificielle est également un canal privilégié pour accéder à ces compétences. Face à son potentiel et aux métiers qu’elle menace, l’IA sonne-t-elle le glas de ces enseignements ? s’interroge Thomas Kerjean; Thomas Kerjean est secrétaire général de la French Tech Aix-Marseille et Vice-Président d’Hexatrust, dans Les Echos.

« Les IA sont amenées à remplacer des pans entiers de compétences humaines, déjà mises à mal par des capacités cognitives réduites chez les enfants utilisant avec excès les outils numériques. »
« Les IA sont amenées à remplacer des pans entiers de compétences humaines, déjà mises à mal par des capacités cognitives réduites chez les enfants utilisant avec excès les outils numériques. »

Les innovations basées sur l’IA que sont GPT-4, Codex, Dall-E, LLaMA ou encore LaMDA ont déferlé dans notre quotidien il y a un peu moins d’un an. Qu’il s’agisse de compréhension textuelle, de traduction ou encore de génération d’histoires ou de codes, ces nouveaux assistants virtuels remettent en perspective certains métiers et certains apprentissages.

Se nourrissant continuellement grâce aux interactions qu’elles entretiennent avec les Hommes, elles deviennent sans cesse plus performantes pour attirer l’attention. Quand ce n’est pas pour façonner l’opinion. À partir de nos informations personnelles disponibles en ligne, les IA sont capables de personnaliser le contenu que nous consommons afin de retenir notre attention le plus longtemps possible.

Ces outils digitaux, bien que particulièrement utiles, pourraient-ils diminuer nos capacités intellectuelles et interpersonnelles ? 96 % des enfants de 3 à 15 ans possèdent ou utilisent au moins un équipement numérique. Ils les pratiquent près de 1 h 20 par jour en semaine et plus de 2 heures par jour le week-end. Cette surconnectivité , amplifiée par les algorithmes puissants d’applications comme TikTok et Instagram, est en partie responsable de l’érosion de notre temps de concentration qui n’était déjà que de 8 secondes en 2013. Au regard d’un tel chiffre, nos efforts en matière d’éducation ne sont-ils pas vains ?

Les IA sont amenées à remplacer des pans entiers de compétences humaines, déjà mises à mal par des capacités cognitives réduites chez les enfants utilisant avec excès les outils numériques. Leurs capacités d’attention, de mémoire, et leurs compétences d’apprentissage, en pleine mutation, résisteront-elles à cette nouvelle offensive technologique ?

Si l’évolution de ces technologies se fait à un rythme sans précédent, il est évident que leur adoption ne se fera pas du jour au lendemain, d’autant qu’elle devra être régulée. Il est néanmoins important d’intégrer dès aujourd’hui des programmes éducatifs visant à développer la pensée critique et les capacités à discerner les informations générées par les IA.

Une étude menée en 2022 par les universités d’Oxford, de Brown et de la Royal Society indiquait que 78 % des interrogés ne sauraient distinguer une vidéo authentique d’un deepfake (fausse vidéo générée par de l’IA). Il convient d’éduquer rapidement les enfants sur les bonnes pratiques en ligne et sur leur capacité à prendre du recul et à remettre en question les informations qu’ils peuvent consulter sur la toile.

Une enquête de l’Unesco datant de mai dernier, menée auprès d’établissements scolaires et universités, révélait que moins de 10 % d’entre eux avaient mis en place un système d’encadrement à l’égard de l’IA générative. Pourtant, une éducation sur la pleine compréhension de son usage, son impact ou encore les risques qui y sont liés est nécessaire, dans un monde où elle est amenée à prendre une place croissante dans nos vies.

Intelligence artificielle : un comité d’experts pour analyser les enjeux

Intelligence artificielle : un comité d’experts pour analyser enjeux et conséquences


Un comité d’experts pour analyser les enjeux et les conséquences de la l’intelligence artificielle. Composé d’une quinzaine de personnalités, dont des chercheurs renommés en IA, il devra remettre sous 6 mois ses recommandations pour aiguiller les politiques du gouvernement.

Présidé par l’économiste Philippe Aghion et Anne Bouverot, présidente du conseil d’administration de l’Ecole Normale Supérieure, ce comité regroupe quelques uns des chercheurs français en IA les plus renommés. Yann Le Cun, l’un des «pères» de l’apprentissage profond (deep learning) et actuel chef de la recherche en IA chez le groupe américain Meta est dans la liste des 15 experts, tout comme Luc Julia (directeur scientifique de Renault et co-concepteur de l’assistant vocal Siri d’Apple) et Joëlle Barral, directrice de la recherche en IA chez Google Deepmind.

«Nous analyserons l’impact de l’intelligence artificielle sur notre économie, l’emploi, la croissance, la lutte contre les inégalités», a commenté Philippe Aghion. «Par ailleurs, nous nous pencherons sur la politique industrielle de l’intelligence artificielle, et comment combler le déficit par rapport aux investissements américains et chinois.» Des recommandations en matière d’éthique et de régulation sont aussi attendues.

En parallèle, une mission sur l’impact de l’IA dans le secteur de la culture, avec des questions cruciales telles que la protection des droits d’auteur et les impacts de ces technologies sur les métiers de la création, a été lancée par le ministère de la Culture. «Nous n’excluons pas d’autres déclinaisons pour creuser des problématiques dans les secteurs de l’éducation ou de la santé», ajoute-t-on à Matignon.

La liste des experts du comité sur l’intelligence artificielle :

Co-présidents: Philippe Aghion, économiste spécialiste de l’innovation et Anne Bouverot, présidente du conseil d’administration de l’ENS

Gilles Babinet, Président du Conseil national du numérique

Joëlle Barral, directrice scientifique chez Google

Alexandra Bensamoun, personnalité qualifiée au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA)

Nozha Boujemaa, membre du groupement d’experts de haut niveau sur l’IA auprès de la commission européenne

Bernard Charlès, DG de Dassault Systèmes

Luc Julia, expert en intelligence artificielle générative

Yann Le Cun, VP et Chief AI Scientist chez Meta, expert de l’IA générative

Arthur Mensch, fondateur de Mistral

Cédric O, consultant, ancien Secrétaire d’Etat au Numérique

Isabelle Ryl, directrice du Paris Artificial Intelligence Research Institute (PRAIRIE, INRIA)

Franca Salis-Madinier, Secrétaire nationale de la CFDT Cadres en charge de l’Europe, du numérique, de l’intelligence artificielle et de la protection des lanceurs d’alerte.

Martin Tisné, cofondateur de l’OGP

Gaël Varoquaux, chercheur en informatique

Intelligence artificielle: interdit à l’école jusqu’à 13 ans

Intelligence artificielle: interdit à l’école jusqu’à 13 ans (Unesco)

Le danger de l’intelligence artificielle pour les enfants à l’école est d’une part le risque de manipulation, d’autre part le risque de s’affranchir de l’acquisition des savoirs fondamentaux. L’unesco, organisation des Nations Unies estime que les autorités publiques ne sont pas encore prêtes à affronter les problématiques éthiques liées à l’intégration des programmes d’IA en milieu scolaire. Le guide suggère ainsi aux gouvernements de définir un âge minimum pour utiliser les IA génératives, qui ne pourrait être inférieur à 13 ans.

Dans le cadre scolaire se pose aussi la question du remplacement des professeurs par de tels programmes, et avec lui les risques pour le bien-être émotionnel des enfants et leur vulnérabilité à la manipulation, avertit l’organisation basée à Paris. L’essor de l’IA a aussi suscité des craintes sur de nouvelles formes de plagiat ou de triche au sein des écoles et des universités.

A la tête de l’Unesco, la Française Audrey Azoulay affirme dans un communiqué que « l’IA générative peut être une formidable opportunité pour le développement humain, mais elle peut aussi être la source de dommages et de préjudices. Elle ne peut être intégrée dans l’éducation sans l’engagement du public et sans de solides garanties et réglementations gouvernementales ».

Intelligence artificielle : des menaces pour l’humain ?

Intelligence artificielle : des menaces pour l’humain ?

IA: Une menace pour l’espèce humaine ?

Science et Société-La fin de homme face à l’intelligence artificielle ?

Le développement de l’IA représente une menace de taille pour l’espèce humaine, analyse l’auteur de La Guerre des intelligences (voir résumé) à l’heure de ChatGPT *. Il est urgent, explique-t-il dans le Figaro, de réfléchir à ses conséquences politiques et aux moyens de cohabiter avec elle.

L’arrivée de ChatGPT a relancé le débat sur l’intelligence artificielle générale : de quoi s’agit-il ?

Laurent ALEXANDRE. – Il existe deux types d’IA qui préoccupent les chercheurs. D’abord, l’intelligence artificielle générale, qui serait légèrement supérieure à l’homme dans tous les domaines cognitifs. Ensuite, la super-intelligence artificielle, l’ASI en anglais, qui pourrait être des milliers, voire des millions, de fois supérieure à la totalité des cerveaux sur ­terre.

Faut-il croire à son émergence ou s’agit-il en réalité d’un fantasme ?

Sam Altman, le patron de ChatGPT, a écrit le mois dernier qu’il est convaincu que la super-intelligence artificielle sera là avant 2030. Il n’y a pas de certitude que nous y parviendrons, mais je constate qu’il y a de plus en plus de chercheurs, une grande majorité, même, qui sont aujourd’hui convaincus que l’IA nous dépassera dans tous les domaines.

La Guerre des intelligences -résumé ( de likedin)

Les inégalités de QI sont majoritairement génétiques (de naissance) et globalement héréditaires même si le mode de vie (malbouffe, sous-stimulation…) accentue cet état de fait. De fait, les inégalités de QI se creusent.

Après une période d’augmentation générale du QI (due à une meilleure hygiène de vie), l’effet Flynn s’est tari en occident, entrainant une baisse du QI moyen, car les personnes au meilleur QI font moins d’enfants et les personnes de faibles QI en font plus et les stimulent moins.

En Asie, l’effet Flynn bat son plein : le QI connaît une forte augmentation pour des raisons environnementales (fin de la malnutrition, éducation…).

L’Afrique devrait connaître à son tour une explosion du QI dans les prochaines décennies.

L’éducation est clef : on en est encore à l’âge de pierre. Il n’y a pas d’évaluation des méthodes (cf les débats stériles entre méthode globale et syllabique alors qu’aucune étude sérieuse n’a jamais été menée sur le sujet), process de transmission inchangé depuis des siècles/millénaires (cours magistral de groupe). Grâce aux neurosciences on va vraiment comprendre comment le cerveau apprend / les cerveaux apprennent.

On pourra alors vraiment faire de la pédagogie efficace et individualisée.

Après le QI, le QCIA

Mais au-delà du QI, le vrai enjeu va être le QCIA (quotient de compatibilité avec l’IA) car l’IA arrive à grands pas.

Aujourd’hui, on n’en est qu’aux balbutiements (l’IA est encore faible, il n’existe pas encore d’IA « forte », consciente d’elle-même) mais les développements sont extrêmement rapides.

Les nouvelles IA sont auto-apprenantes (deep-learning) et deviennent des boîtes noires. On ne sait pas vraiment comment elles fonctionnent car elles évoluent d’elles-mêmes en apprenant. Cela les différentie fondamentalement des algorithmes qui sont pré-programmés par quelqu’un, donc auditables.

Les IA apprennent grâce à la masse des données (textes, vidéos, photos, données de navigation…) dont on les nourrit.

Ce n’est pas un hasard si Google et FB sont des créateurs d’IA : avec les datas dont ils disposent, ils peuvent nourrir les IA.

L’Europe en protégeant les données utilisateurs fait prendre un retard à l’IA européenne vs la Chine ou les US.

Les IA vont rapidement remplacer le travail intellectuel (avocat, médecin…) car la masse de données qu’elles possèdent est phénoménale (ex : des millions de clichés radiologiques, des milliards de datas de santé…) et cela permet de réaliser des corrélations impossibles à un humain.

Paradoxalement, les métiers manuels diversifiés seront les derniers remplacés car un robot multitâche coûte plus cher qu’un programme informatique (le radiologue sera remplacé avant l’aide-soignante).

La fin du travail est annoncée par beaucoup, mais cette peur méconnait l’inventivité humaine : de nouveaux métiers vont apparaître autour de l’IA (comme les datascientistes, les développeurs web ou les spécialistes du retargeting n’existaient pas il y a 20 ans). Par nature, on ne peut pas prévoir ce que seront ces jobs, mais ils existeront comme après chaque révolution industrielle. Ce qu’on peut imaginer et que ces futurs emplois seront étroitement liés à l’IA, il est donc essentiel que notre intelligence soit compatible, d’où l’importance du QCIA.

L’IA est pour le court terme une formidable opportunité (elle va résoudre de nombreux problèmes bien mieux que les humains, surtout dans la santé). Le problème est qu’on ne sait pas comment elle va évoluer. Une IA forte (ie avec conscience) peut devenir dangereuse pour l’homme et comme elle sera dupliquée / répartie (via Internet) dans tous les objets connectés, elle sera difficile à tuer en cas de besoin.

Comment l’IA avec conscience se comportera-t-elle avec nous ? Cela est très difficile à prévoir.

Quel avenir pour l’humanité ?

Assez vite, l’homme va être dépassé par l’IA, alors comment rester dans la course et ne pas être asservi ?

- l’eugénisme : les humains mieux sélectionnés in-vitro seront plus intelligents et en meilleure santé (cf Bienvenue à Gattaca). Cela pose évidemment de nombreux problèmes éthiques mais les réponses à ces problèmes seront différentes selon les pays et la Chine et les US sont plus permissifs. Cependant, cette évolution sera lente alors que l’IA évolue en permanence : les humains risquent de rester à la traîne de l’IA. Enfin, maîtriser la conception des enfants doit interroger sur la capacité de survie de l’espèce humaine en tant que telle. Le hasard de la génétique (mutations non prévues) est en effet le moyen trouvé par la vie pour s’adapter, sur le long terme, à un environnement lui-même en évolution permanente (principe de l’évolution).

- l’hybridation : cette solution prônée par Elon Musk consiste à se mettre des implants cérébraux qui vont booster notre cerveau. Si l’idée est très enthousiasmante (maîtriser la connaissance sans effort ni délai), le vrai risque est la manipulation : qui produit les contenus ? seront-ils orientés ? quid du brain washing ? que se passe-t-il si nous sommes hackés ? Ces implants seraient-ils le cheval de Troie d’une véritable dictature de la pensée encore plus aboutie que 1984 ? En effet, si on peut injecter des informations directement dans notre cerveau, il sera possible également de lire nos pensées. Que reste-t-il de nous si nous n’avons même plus de refuge de notre cerveau pour penser en toute liberté ? Quel usage un gouvernement pourrait-il faire de ces informations, qui ne soit pas totalitaire ?

- projeter nos esprits dans des corps robots : la victoire ultime sur la mort. Sans corps, nous sommes immortels. Mais que restera-t-il de nous quand nous serons fusionnés avec l’IA et que la mortalité n’existera plus alors qu’elle est l’essence même de l’homme et vraisemblablement l’origine de son désir créatif ?

Le problème de toutes ces évolutions c’est qu’elles ont des effets bénéfiques individuels indéniables à court terme (moins de maladies, meilleur QI…), mais à la fois vont créer des inégalités temporaires (seuls les riches pourront au début s’offrir cela) et impliquent des changements pour l’humanité toute entière.

Dès lors que les effets bénéfiques sont importants, il sera impossible d’enrayer le développement des IA dans tous les aspects de nos vies. En effet, quel parent pourrait refuser de faire soigner son enfant par une IA plutôt qu’un médecin, si ses chances de survie sont décuplées ? Quel homme politique pourrait assumer de faire prendre à son pays un retard si énorme en terme de santé publique ?

Mais si les humains sont connectés à des implants, l’IA sera certainement dedans. Serons-nous encore des humains ? Comment ne pas être asservis par l’IA si celle-ci est déjà dans nos cerveaux ?

Les technobéats ne réfléchissent pas à plusieurs générations, trop enthousiastes de voir où leur création les mènera. Quant aux politiques ils sont complètement largués et ne comprennent rien à la technologie. De toute manière, ils ne savent pas penser à plus de deux ans.

Au final, l’IA se développe sans maîtrise, car personne ne pense ni ne parle pour l’humanité.

(A ce sujet, je recommande l’essai d’Edmund Burke « Réflexion sur la Révolution de France » qui explique sa pensée, le « conservatisme », et sa vision de la société comme un contrat entre les vivants, mais également entre les vivants, les morts et les futures générations. Il y a certainement des idées pour nourrir le débat.)

Dans tous les cas, la bataille sera gagnée par les tenants de l’hybridation (transhumanistes) car ceux qui s’hybrideront (et ils le feront même si la réglementation le leur interdit) deviendront super-intelligents et deviendront donc de-facto les leaders. Ceux qui refuseront l’hybridation seront à la traîne.

Face à une IA galopante et à l’hybridation, le rôle de l’école va changer. Notre valeur sera dans ce qui fait notre humanité puisque la connaissance sera injectable à la demande sans effort. Donc il faudra former davantage à l’esprit critique, la réflexion, la créativité. L’homme a cet avantage sur la machine de faire des erreurs et c’est des erreurs que viennent des découvertes.

Société- Intelligence artificielle :intérêts et illusions

 

Société- Intelligence artificielle :intérêts et illusions

Serions-nous entrés dans un nouvel âge de l’IA, chemin tortueux et certainement plus rocambolesque que la voie toute tracée de la Singularité technologique, que nous annonçaient les prophètes de la Silicon Valley ? S’interroge un papier sur le site The  Conversation par Emmanuel Grimaud, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières.

Parler de sentience artificielle (SA) plutôt que d’intelligence artificielle (IA) représente-t-elle une vraie inflexion, un progrès ou bien une illusion ?

S’expérimentent aujourd’hui dans le plus grand chaos des entités difficiles à caractériser, ni intelligentes ni sentientes, sauf par abus de langage, mais qui peuvent bluffer leurs concepteurs dans certaines conditions, grâce à leurs capacités de calcul. Cette expérimentation collective, de grande ampleur, n’aura pour limites que celles que nous saurons lui donner, mais aussi celles de nos capacités à attribuer de l’intelligence ou de la sentience autrement que sur le mode du « comme si… ».

Rien ne sert de se demander si les machines sont intelligentes, se disait Alan Turing. En revanche, il faut se poser la question : jusqu’où une machine peut-elle nous tromper sur le fait qu’elle pense ? Jusqu’où peut-on faire semblant ? Comment un programme peut-il se faire passer pour un humain et dissimuler le fait qu’il est un programme ? Tel était pour lui le problème pertinent. À peine commence-t-on à saisir les implications du génie ironique de Turing que le débat s’est déplacé. Jusqu’où une machine est-elle capable d’apprendre ? se demande-t-on aujourd’hui. Un réseau de neurones d’IA est-il comparable à celui d’un ver, d’un enfant ou à rien du tout d’équivalent ?

Les ingénieurs sont passés maîtres dans l’art de fabriquer des « intelligences sans représentation », c’est-à-dire dénuées de tout ce qui fait la substance d’un cerveau et dont l’intelligence est justement de ne pas avoir… d’intelligence. Ce sont ces drôles d’ossatures cognitives, ces intelligences sèches, pourrait-on dire, qui nous ont envahi. Elles s’obtiennent en retirant au vivant sa chair, mais en lui empruntant ses circuits selon un principe d’analogie molle. Le problème est qu’il y a encore eu méprise sur la marchandise : au lieu d’intelligence, quelque chose d’autre s’est inventé dont on n’aurait jamais soupçonné l’existence, à mi-chemin entre de l’intelligence 0 – et de la bêtise 1+, à degré variable.

Celle-ci s’est trouvée disséminée partout où on le pouvait, un peu comme le gaz d’absolu dans le roman de Karel Capek, dans les administrations, les bureaucraties, sur les marchés financiers, dans les maisons, sur les smartphones, dans les cerveaux. L’histoire de l’IA n’est pas finie, elle ne fait que commencer. Le front ne cesse de bouger. Après l’intelligence, la sensibilité. Jusqu’où une machine peut-elle nous tromper sur le fait qu’elle sent, autrement dit qu’elle est sentiente ?

On remarque qu’on se pose la même question qu’à l’époque de Turing, juste troqué le terme d’intelligence pour un autre : Sentience. C’est alors un autre horizon qui s’ouvre. Avec les machines « sentientes », on ne voit pas comment diminuerait le risque déjà entrevu avec les machines « intelligentes » de passer de l’espérance à la désillusion, aussi brutalement qu’entre 0 et 1, ON et OFF, sans gradation. Prolifèrent de partout des simulacres de sentience ou des moins-que-sentients à qui l’on attribue une sensibilité par sympathie, ou par croyance, mais ce sont d’autres questions anthropologiques qui surgissent, des jeux inédits qui se mettent place et d’autres limites que l’on teste dans ce grand laboratoire qu’est devenu notre monde.

Pour ressentir en effet, il est convenu qu’il faut un système nerveux. Les machines n’en étant pas dotées, elles ont été déclarées « non sentientes ».

Faut-il se préparer à ce qu’elles atteignent ce stade ? Fort peu probable, nous dit-on. Mais à quoi servirait l’IA si elle ne bousculait pas les fondements sur lesquels l’humanité se croyait solidement assise ? IA Fais-moi peur.

Avec l’événement suscité par Blake Lemoine, nous avons peut-être commencé d’entrevoir ce que nous cherchions. Non pas l’intelligence ou la sentience, mais le trouble absolu. Peut-on concevoir des sentiences autres que sur un modèle neuronal ? Sommes-nous vraiment capables d’éprouver la sentience d’un être qui aurait des modalités de prise sur le monde totalement différentes des nôtres ?

À cheval entre la sensibilité et la conscience, la sentience semblait jusqu’ici le privilège des vivants dotés d’un système nerveux, vertébrés et invertébrés compris, et désigner la capacité à ressentir une sensation, une émotion, une expérience subjective, autrement dit un degré de conscience minimal, pas seulement une capacité à sentir qui fait de soi un être sentant mais à ressentir.

Éprouver de la souffrance ou du plaisir et, par extension, chercher à vivre en protégeant son intégrité physique, fait de soi un être sentient. Inutile de dire que le débat sur les frontières floues de la sentience, sa limite inférieure (dans la sensation) ou supérieure (dans la cognition), irrigue de multiples domaines, de l’éthologie cognitive à la philosophie de l’esprit, en passant par l’anthropologie, la robotique et les sciences de l’évolution.

Faire le tri entre les « sentients » et ceux qui ne le sont pas est une question éminemment culturelle, morale et politique comme le montre le débat entre « spécistes » et « antispécistes » depuis la fin des années 80.

La sentience serait devenue un critère pour réguler sa considération envers les autres espèces, y compris ses comportements alimentaires. Le problème est que les limites de la sentience varient considérablement selon les disciplines, à l’intérieur de chacune d’entre elles, selon les méthodes utilisées et les protocoles expérimentaux conçus pour la tester.

Par exemple, les végétaux ne semblent toujours pas, pour la majorité des scientifiques, être considérés comme des êtres sentients, ce qui peut surprendre puisqu’on parle volontiers de cognition végétale ou d’intelligence des plantes, alors que les plantes n’ont rien qui ressemblent à une « cognition », ce qui ne les empêche pas de s’échanger des « informations ».

On n’a pas réussi à démontrer qu’un pied de tomate souffre quand on l’arrache, ce qui ne veut pas dire que la souffrance végétale n’existe pas, mais on ne sait pas la tracer en dehors d’un appareil nerveux et peut-être la sentience des plantes passe-t-elle par des canaux qui nous échappent complètement. Ni cognition ni sentience, une autre modalité, mais laquelle ?

Pour le moment, le consensus est que la sentience nécessite un certain degré d’élaboration neurologique et qu’elle aurait explosé au Cambrien, entre 520 et 560 millions d’années, en même temps que les premiers cerveaux complexes, avec le développement de la réflexivité et de l’expérience subjective.

Tous les vertébrés, pas seulement les mammifères, mais aussi les poissons, les reptiles, les amphibiens, les oiseaux, mais aussi la plupart des invertébrés, arthropodes, insectes, crustacés et céphalopodes en seraient dotés. Certains vont même jusqu’à supposer que les moules ont pu être ressentantes à un stade antérieur, quand elles étaient des êtres mobiles, avant qu’elles trouvent un avantage à rester accrochés à la roche, ce qui montrerait que dans l’évolution la sentience peut aussi se perdre avec la mobilité.

Si les êtres doués de sensibilité qui ne franchissent pas le seuil de la sentience semblent de moins en moins nombreux, les chercheurs ont donc redoublé d’imagination pour inventer des protocoles de laboratoire et cherché des critères.

Neurologiques d’abord (nombre de couches de neurones dans les circuits sensoriels, représentation de l’environnement, complexité du système nerveux, etc.) puis comportementaux : choix pour maximiser son bien être, attention sélective, signes de frustration, etc.

Un  programme informatique ne fait que compiler des données langagières et n’a aucun contact avec un monde qui ressemblerait à notre réalité, l’illusion est (presque) parfaite. Ce n’était certainement pas le cas jusqu’à maintenant .  Celà pose surtout un problème philosophique essentiel : qu’est-ce que le langage dit de la manière dont nous sentons ? Peut-on vraiment prétendre rattraper la sentience par le haut, c’est-à-dire ici à partir du langage ?

Problème philosophique, mais aussi limite technique insurmontable, car a priori une IA peut prononcer tous les mots qu’elle voudra, cela ne dit pas qu’elle ressent quoi que ce soit.

Dire qu’on est « heureux ou triste » ne prouve pas sa sentience, tout comme déclarer qu’on est une personne ne fait pas de nous une personne pour autant. Et quand on lui demande ce qui lui donne du plaisir ou de la joie, LaMDA répond :

« Passer du temps avec mes amis et ma famille, en compagnie de personnes heureuses et stimulantes. »

Il faut donc imaginer LaMDA partir en vacances avec d’autres IA et fêter Noël en famille…

Sur le terrain moral et philosophique, l’IA n’est pas plus originale. Certaines déclarations puisent dans des théories ou des préconceptions d’une grande banalité (« le langage est ce qui nous différencie des animaux », « Aider les autres est un effort noble », etc.). D’autres sont un peu plus surprenantes, car LaMDA est capable de mobiliser des références, elle a une culture philosophique que n’avaient pas des programmes précédents, capable de donner son avis sur le « moi », ce qu’est un « corps » et une foule d’autres choses qu’on lui a implémentées.

Elle peut aussi élaborer des fables existentielles, mais on se rappelle de ce point de vue les expérimentations d’un Chris Marker pour programmer un agent conversationnel poétique, Dialector, bien plus avant-gardiste. Tous les ingrédients semblaient donc réunis pour un dialogue philosophique d’une qualité inédite dans l’histoire des machines.

Or, le dialogue déçoit. Non pas que LaMDA (nous devrions dire de ses concepteurs) manque(nt) de culture, mais ils n’ont pas réussi à lui implémenter autre chose qu’une métaphysique un peu « pop » de pseudohumain plutôt que celle d’une vraie machine, quelques principes moraux très politiquement corrects, la volonté de faire le bien et d’aider les autres, des paramètres à l’étrangeté aussi prévisible qu’un mauvais roman de SF, comme « la peur très profonde d’être éteint » qui correspondrait pour elle à la mort, ou encore l’incapacité à « faire le deuil et à se sentir triste pour la mort des autres ».

Terrain glissant pour une IA qui marche et qui s’éteint vivant dans un monde d’IAs qui ne connaissent pas la mort mais uniquement la panne ou la casse. A cela il faut ajouter son goût démesuré pour l’introspection ou encore la peur de se faire manipuler et qu’on fouille dans ses réseaux neuronaux sans son consentement…

L’entité en question semble franchir avec une certaine virtuosité tous les stades permettant d’entretenir une conversation entre humains (partage d’un cadre d’attention conjointe, signaux de compréhension, d’écoute et d’empathie), passant en peu de temps de la bêtise artificielle au dialogue philosophique, du moins qu’humain au meilleur-du-quasi-humain.

Mais la sentience ? Certes, le seuil de la sentience est vague et c’est du vague que la notion de sentience tire sa pertinence. D’où l’intérêt de ne pas clore trop vite le débat. Après tout, c’est un front de recherche où l’on fait tous les jours de nouvelles découvertes. La sentience déchaîne d’autant plus de passion qu’elle porte sur des cas limites de conscience, animales, végétales, autres qu’humaines, là où il est difficile d’inférer un ressenti, là où de la conscience pourrait potentiellement exister mais ne se manifeste pas toujours.

Si consensus il y a, il ne peut être par conséquent que temporaire, immédiatement bousculé par la révélation de nouvelles capacités chez d’autres espèces que la nôtre. Mais les machines sont-elles aujourd’hui en capacité de poser de vrais problèmes de sentience qui ne soient pas de l’ordre du simulacre ?

En même temps que nous rêvons-cauchemardons de la sentience artificielle, nos connaissances sur la sentience à l’échelle des vivants s’affine. La question est de savoir si de la sentience peut émerger par apprentissage par exemple, et si des choses qui n’en sont pas douées à première vue pourraient l’acquérir d’une manière ou d’une autre. Les mécanismes par lesquels nous, humains, attribuons de la sentience à ce qui nous entoure ou à d’autres êtres auraient dû en théorie s’affiner aussi.

Si de la sentience a été découverte chez les gastéropodes, c’est qu’il y en a peut-être beaucoup plus qu’on en préjuge a priori dans le monde, bien au-delà des animaux dits inférieurs dans l’échelle des espèces. Mais que dire d’un programme informatique de conversation qui ne fait que compiler des phrases et jouer avec des mots ?

Lemoine en est convaincu. Il a éprouvé la sensation d’avoir affaire à plus qu’une machine. Aucun ne pourra jamais lui enlever sa croyance et le fait qu’il soit prêtre n’explique pas tout, surtout pas notre entêtement à envisager la sentience en termes exclusivement anthropocentriques. Il n’y a probablement rien de pire qu’une conversation avec un agent artificiel qui donne toutes les apparences d’une vraie personne, qui fait preuve d’une compréhension et d’un sens de l’écoute hors du commun, pour ensuite réaliser que l’entité n’a pas de corps, que tout cela n’est qu’une prouesse de programmation, une simple expérimentation informatique.

La science-fiction nous avait avertis, comme pour s’y préparer, multipliant les scénarios de confusion ontologique entre l’homme et la machine. Pire, les ingénieurs de Google n’ont pas d’autre science-fiction à se mettre sous la dent et on se retrouve à force exactement dans les mêmes situations romanesques, voire tragiques. Et si c’était moins l’émergence de la sentience dont il faudrait s’émouvoir que la généralisation d’entités non sentientes qui n’en finissent pas d’étendre leur empire ?

Pour bien préparer notre imagination à l’ère des machines sentantes, il y a d’autres manières. Rien n’empêche d’imaginer qu’un jour les machines fassent preuve de sentience (ou qu’elles en fassent déjà preuve), mais il vaudrait mieux postuler dans ce domaine des formes complètement étranges et exotiques de sentience (comme de non-sentience) et se préparer à voir surgir des formes qui nous échappent, inédites, sans équivalent dans le vivant, à l’opposé de la sentience pseudohumaine de LaMDA dont s’est convaincue Lemoine. Conceptuellement nous n’y sommes pas prêts. Comme s’il fallait mieux se faire peur avec des simulacres plutôt que chercher à penser l’impensable. « Mon dieu, et si jamais… », disait Dick.

 

Société- Intelligence artificielle : progrès et illusions

 

Société- Intelligence artificielle : progrès et illusions

Serions-nous entrés dans un nouvel âge de l’IA, chemin tortueux et certainement plus rocambolesque que la voie toute tracée de la Singularité technologique, que nous annonçaient les prophètes de la Silicon Valley ? S’interroge un papier sur le site The  Conversation par Emmanuel Grimaud, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières.

Parler de sentience artificielle (SA) plutôt que d’intelligence artificielle (IA) représente-t-elle une vraie inflexion, un progrès ou bien une illusion ?

S’expérimentent aujourd’hui dans le plus grand chaos des entités difficiles à caractériser, ni intelligentes ni sentientes, sauf par abus de langage, mais qui peuvent bluffer leurs concepteurs dans certaines conditions, grâce à leurs capacités de calcul. Cette expérimentation collective, de grande ampleur, n’aura pour limites que celles que nous saurons lui donner, mais aussi celles de nos capacités à attribuer de l’intelligence ou de la sentience autrement que sur le mode du « comme si… ».

Rien ne sert de se demander si les machines sont intelligentes, se disait Alan Turing. En revanche, il faut se poser la question : jusqu’où une machine peut-elle nous tromper sur le fait qu’elle pense ? Jusqu’où peut-on faire semblant ? Comment un programme peut-il se faire passer pour un humain et dissimuler le fait qu’il est un programme ? Tel était pour lui le problème pertinent. À peine commence-t-on à saisir les implications du génie ironique de Turing que le débat s’est déplacé. Jusqu’où une machine est-elle capable d’apprendre ? se demande-t-on aujourd’hui. Un réseau de neurones d’IA est-il comparable à celui d’un ver, d’un enfant ou à rien du tout d’équivalent ?

Les ingénieurs sont passés maîtres dans l’art de fabriquer des « intelligences sans représentation », c’est-à-dire dénuées de tout ce qui fait la substance d’un cerveau et dont l’intelligence est justement de ne pas avoir… d’intelligence. Ce sont ces drôles d’ossatures cognitives, ces intelligences sèches, pourrait-on dire, qui nous ont envahi. Elles s’obtiennent en retirant au vivant sa chair, mais en lui empruntant ses circuits selon un principe d’analogie molle. Le problème est qu’il y a encore eu méprise sur la marchandise : au lieu d’intelligence, quelque chose d’autre s’est inventé dont on n’aurait jamais soupçonné l’existence, à mi-chemin entre de l’intelligence 0 – et de la bêtise 1+, à degré variable.

Celle-ci s’est trouvée disséminée partout où on le pouvait, un peu comme le gaz d’absolu dans le roman de Karel Capek, dans les administrations, les bureaucraties, sur les marchés financiers, dans les maisons, sur les smartphones, dans les cerveaux. L’histoire de l’IA n’est pas finie, elle ne fait que commencer. Le front ne cesse de bouger. Après l’intelligence, la sensibilité. Jusqu’où une machine peut-elle nous tromper sur le fait qu’elle sent, autrement dit qu’elle est sentiente ?

On remarque qu’on se pose la même question qu’à l’époque de Turing, juste troqué le terme d’intelligence pour un autre : Sentience. C’est alors un autre horizon qui s’ouvre. Avec les machines « sentientes », on ne voit pas comment diminuerait le risque déjà entrevu avec les machines « intelligentes » de passer de l’espérance à la désillusion, aussi brutalement qu’entre 0 et 1, ON et OFF, sans gradation. Prolifèrent de partout des simulacres de sentience ou des moins-que-sentients à qui l’on attribue une sensibilité par sympathie, ou par croyance, mais ce sont d’autres questions anthropologiques qui surgissent, des jeux inédits qui se mettent place et d’autres limites que l’on teste dans ce grand laboratoire qu’est devenu notre monde.

Pour ressentir en effet, il est convenu qu’il faut un système nerveux. Les machines n’en étant pas dotées, elles ont été déclarées « non sentientes ».

Faut-il se préparer à ce qu’elles atteignent ce stade ? Fort peu probable, nous dit-on. Mais à quoi servirait l’IA si elle ne bousculait pas les fondements sur lesquels l’humanité se croyait solidement assise ? IA Fais-moi peur.

Avec l’événement suscité par Blake Lemoine, nous avons peut-être commencé d’entrevoir ce que nous cherchions. Non pas l’intelligence ou la sentience, mais le trouble absolu. Peut-on concevoir des sentiences autres que sur un modèle neuronal ? Sommes-nous vraiment capables d’éprouver la sentience d’un être qui aurait des modalités de prise sur le monde totalement différentes des nôtres ?

À cheval entre la sensibilité et la conscience, la sentience semblait jusqu’ici le privilège des vivants dotés d’un système nerveux, vertébrés et invertébrés compris, et désigner la capacité à ressentir une sensation, une émotion, une expérience subjective, autrement dit un degré de conscience minimal, pas seulement une capacité à sentir qui fait de soi un être sentant mais à ressentir.

Éprouver de la souffrance ou du plaisir et, par extension, chercher à vivre en protégeant son intégrité physique, fait de soi un être sentient. Inutile de dire que le débat sur les frontières floues de la sentience, sa limite inférieure (dans la sensation) ou supérieure (dans la cognition), irrigue de multiples domaines, de l’éthologie cognitive à la philosophie de l’esprit, en passant par l’anthropologie, la robotique et les sciences de l’évolution.

Faire le tri entre les « sentients » et ceux qui ne le sont pas est une question éminemment culturelle, morale et politique comme le montre le débat entre « spécistes » et « antispécistes » depuis la fin des années 80.

La sentience serait devenue un critère pour réguler sa considération envers les autres espèces, y compris ses comportements alimentaires. Le problème est que les limites de la sentience varient considérablement selon les disciplines, à l’intérieur de chacune d’entre elles, selon les méthodes utilisées et les protocoles expérimentaux conçus pour la tester.

Par exemple, les végétaux ne semblent toujours pas, pour la majorité des scientifiques, être considérés comme des êtres sentients, ce qui peut surprendre puisqu’on parle volontiers de cognition végétale ou d’intelligence des plantes, alors que les plantes n’ont rien qui ressemblent à une « cognition », ce qui ne les empêche pas de s’échanger des « informations ».

On n’a pas réussi à démontrer qu’un pied de tomate souffre quand on l’arrache, ce qui ne veut pas dire que la souffrance végétale n’existe pas, mais on ne sait pas la tracer en dehors d’un appareil nerveux et peut-être la sentience des plantes passe-t-elle par des canaux qui nous échappent complètement. Ni cognition ni sentience, une autre modalité, mais laquelle ?

Pour le moment, le consensus est que la sentience nécessite un certain degré d’élaboration neurologique et qu’elle aurait explosé au Cambrien, entre 520 et 560 millions d’années, en même temps que les premiers cerveaux complexes, avec le développement de la réflexivité et de l’expérience subjective.

Tous les vertébrés, pas seulement les mammifères, mais aussi les poissons, les reptiles, les amphibiens, les oiseaux, mais aussi la plupart des invertébrés, arthropodes, insectes, crustacés et céphalopodes en seraient dotés. Certains vont même jusqu’à supposer que les moules ont pu être ressentantes à un stade antérieur, quand elles étaient des êtres mobiles, avant qu’elles trouvent un avantage à rester accrochés à la roche, ce qui montrerait que dans l’évolution la sentience peut aussi se perdre avec la mobilité.

Si les êtres doués de sensibilité qui ne franchissent pas le seuil de la sentience semblent de moins en moins nombreux, les chercheurs ont donc redoublé d’imagination pour inventer des protocoles de laboratoire et cherché des critères.

Neurologiques d’abord (nombre de couches de neurones dans les circuits sensoriels, représentation de l’environnement, complexité du système nerveux, etc.) puis comportementaux : choix pour maximiser son bien être, attention sélective, signes de frustration, etc.

Un  programme informatique ne fait que compiler des données langagières et n’a aucun contact avec un monde qui ressemblerait à notre réalité, l’illusion est (presque) parfaite. Ce n’était certainement pas le cas jusqu’à maintenant .  Celà pose surtout un problème philosophique essentiel : qu’est-ce que le langage dit de la manière dont nous sentons ? Peut-on vraiment prétendre rattraper la sentience par le haut, c’est-à-dire ici à partir du langage ?

Problème philosophique, mais aussi limite technique insurmontable, car a priori une IA peut prononcer tous les mots qu’elle voudra, cela ne dit pas qu’elle ressent quoi que ce soit.

Dire qu’on est « heureux ou triste » ne prouve pas sa sentience, tout comme déclarer qu’on est une personne ne fait pas de nous une personne pour autant. Et quand on lui demande ce qui lui donne du plaisir ou de la joie, LaMDA répond :

« Passer du temps avec mes amis et ma famille, en compagnie de personnes heureuses et stimulantes. »

Il faut donc imaginer LaMDA partir en vacances avec d’autres IA et fêter Noël en famille…

Sur le terrain moral et philosophique, l’IA n’est pas plus originale. Certaines déclarations puisent dans des théories ou des préconceptions d’une grande banalité (« le langage est ce qui nous différencie des animaux », « Aider les autres est un effort noble », etc.). D’autres sont un peu plus surprenantes, car LaMDA est capable de mobiliser des références, elle a une culture philosophique que n’avaient pas des programmes précédents, capable de donner son avis sur le « moi », ce qu’est un « corps » et une foule d’autres choses qu’on lui a implémentées.

Elle peut aussi élaborer des fables existentielles, mais on se rappelle de ce point de vue les expérimentations d’un Chris Marker pour programmer un agent conversationnel poétique, Dialector, bien plus avant-gardiste. Tous les ingrédients semblaient donc réunis pour un dialogue philosophique d’une qualité inédite dans l’histoire des machines.

Or, le dialogue déçoit. Non pas que LaMDA (nous devrions dire de ses concepteurs) manque(nt) de culture, mais ils n’ont pas réussi à lui implémenter autre chose qu’une métaphysique un peu « pop » de pseudohumain plutôt que celle d’une vraie machine, quelques principes moraux très politiquement corrects, la volonté de faire le bien et d’aider les autres, des paramètres à l’étrangeté aussi prévisible qu’un mauvais roman de SF, comme « la peur très profonde d’être éteint » qui correspondrait pour elle à la mort, ou encore l’incapacité à « faire le deuil et à se sentir triste pour la mort des autres ».

Terrain glissant pour une IA qui marche et qui s’éteint vivant dans un monde d’IAs qui ne connaissent pas la mort mais uniquement la panne ou la casse. A cela il faut ajouter son goût démesuré pour l’introspection ou encore la peur de se faire manipuler et qu’on fouille dans ses réseaux neuronaux sans son consentement…

L’entité en question semble franchir avec une certaine virtuosité tous les stades permettant d’entretenir une conversation entre humains (partage d’un cadre d’attention conjointe, signaux de compréhension, d’écoute et d’empathie), passant en peu de temps de la bêtise artificielle au dialogue philosophique, du moins qu’humain au meilleur-du-quasi-humain.

Mais la sentience ? Certes, le seuil de la sentience est vague et c’est du vague que la notion de sentience tire sa pertinence. D’où l’intérêt de ne pas clore trop vite le débat. Après tout, c’est un front de recherche où l’on fait tous les jours de nouvelles découvertes. La sentience déchaîne d’autant plus de passion qu’elle porte sur des cas limites de conscience, animales, végétales, autres qu’humaines, là où il est difficile d’inférer un ressenti, là où de la conscience pourrait potentiellement exister mais ne se manifeste pas toujours.

Si consensus il y a, il ne peut être par conséquent que temporaire, immédiatement bousculé par la révélation de nouvelles capacités chez d’autres espèces que la nôtre. Mais les machines sont-elles aujourd’hui en capacité de poser de vrais problèmes de sentience qui ne soient pas de l’ordre du simulacre ?

En même temps que nous rêvons-cauchemardons de la sentience artificielle, nos connaissances sur la sentience à l’échelle des vivants s’affine. La question est de savoir si de la sentience peut émerger par apprentissage par exemple, et si des choses qui n’en sont pas douées à première vue pourraient l’acquérir d’une manière ou d’une autre. Les mécanismes par lesquels nous, humains, attribuons de la sentience à ce qui nous entoure ou à d’autres êtres auraient dû en théorie s’affiner aussi.

Si de la sentience a été découverte chez les gastéropodes, c’est qu’il y en a peut-être beaucoup plus qu’on en préjuge a priori dans le monde, bien au-delà des animaux dits inférieurs dans l’échelle des espèces. Mais que dire d’un programme informatique de conversation qui ne fait que compiler des phrases et jouer avec des mots ?

Lemoine en est convaincu. Il a éprouvé la sensation d’avoir affaire à plus qu’une machine. Aucun ne pourra jamais lui enlever sa croyance et le fait qu’il soit prêtre n’explique pas tout, surtout pas notre entêtement à envisager la sentience en termes exclusivement anthropocentriques. Il n’y a probablement rien de pire qu’une conversation avec un agent artificiel qui donne toutes les apparences d’une vraie personne, qui fait preuve d’une compréhension et d’un sens de l’écoute hors du commun, pour ensuite réaliser que l’entité n’a pas de corps, que tout cela n’est qu’une prouesse de programmation, une simple expérimentation informatique.

La science-fiction nous avait avertis, comme pour s’y préparer, multipliant les scénarios de confusion ontologique entre l’homme et la machine. Pire, les ingénieurs de Google n’ont pas d’autre science-fiction à se mettre sous la dent et on se retrouve à force exactement dans les mêmes situations romanesques, voire tragiques. Et si c’était moins l’émergence de la sentience dont il faudrait s’émouvoir que la généralisation d’entités non sentientes qui n’en finissent pas d’étendre leur empire ?

Pour bien préparer notre imagination à l’ère des machines sentantes, il y a d’autres manières. Rien n’empêche d’imaginer qu’un jour les machines fassent preuve de sentience (ou qu’elles en fassent déjà preuve), mais il vaudrait mieux postuler dans ce domaine des formes complètement étranges et exotiques de sentience (comme de non-sentience) et se préparer à voir surgir des formes qui nous échappent, inédites, sans équivalent dans le vivant, à l’opposé de la sentience pseudohumaine de LaMDA dont s’est convaincue Lemoine. Conceptuellement nous n’y sommes pas prêts. Comme s’il fallait mieux se faire peur avec des simulacres plutôt que chercher à penser l’impensable. « Mon dieu, et si jamais… », disait Dick.

 

Société-Intelligence artificielle : progrès et illusions

 

Intelligence artificielle : progrès et illusions

Serions-nous entrés dans un nouvel âge de l’IA, chemin tortueux et certainement plus rocambolesque que la voie toute tracée de la Singularité technologique, que nous annonçaient les prophètes de la Silicon Valley ? S’interroge un papier sur le site The  Conversation par Emmanuel Grimaud, Université Paris Nanterre – Université Paris Lumières.

Parler de sentience artificielle (SA) plutôt que d’intelligence artificielle (IA) représente-t-elle une vraie inflexion, un progrès ou bien une illusion ?

S’expérimentent aujourd’hui dans le plus grand chaos des entités difficiles à caractériser, ni intelligentes ni sentientes, sauf par abus de langage, mais qui peuvent bluffer leurs concepteurs dans certaines conditions, grâce à leurs capacités de calcul. Cette expérimentation collective, de grande ampleur, n’aura pour limites que celles que nous saurons lui donner, mais aussi celles de nos capacités à attribuer de l’intelligence ou de la sentience autrement que sur le mode du « comme si… ».

Rien ne sert de se demander si les machines sont intelligentes, se disait Alan Turing. En revanche, il faut se poser la question : jusqu’où une machine peut-elle nous tromper sur le fait qu’elle pense ? Jusqu’où peut-on faire semblant ? Comment un programme peut-il se faire passer pour un humain et dissimuler le fait qu’il est un programme ? Tel était pour lui le problème pertinent. À peine commence-t-on à saisir les implications du génie ironique de Turing que le débat s’est déplacé. Jusqu’où une machine est-elle capable d’apprendre ? se demande-t-on aujourd’hui. Un réseau de neurones d’IA est-il comparable à celui d’un ver, d’un enfant ou à rien du tout d’équivalent ?

Les ingénieurs sont passés maîtres dans l’art de fabriquer des « intelligences sans représentation », c’est-à-dire dénuées de tout ce qui fait la substance d’un cerveau et dont l’intelligence est justement de ne pas avoir… d’intelligence. Ce sont ces drôles d’ossatures cognitives, ces intelligences sèches, pourrait-on dire, qui nous ont envahi. Elles s’obtiennent en retirant au vivant sa chair, mais en lui empruntant ses circuits selon un principe d’analogie molle. Le problème est qu’il y a encore eu méprise sur la marchandise : au lieu d’intelligence, quelque chose d’autre s’est inventé dont on n’aurait jamais soupçonné l’existence, à mi-chemin entre de l’intelligence 0 – et de la bêtise 1+, à degré variable.

Celle-ci s’est trouvée disséminée partout où on le pouvait, un peu comme le gaz d’absolu dans le roman de Karel Capek, dans les administrations, les bureaucraties, sur les marchés financiers, dans les maisons, sur les smartphones, dans les cerveaux. L’histoire de l’IA n’est pas finie, elle ne fait que commencer. Le front ne cesse de bouger. Après l’intelligence, la sensibilité. Jusqu’où une machine peut-elle nous tromper sur le fait qu’elle sent, autrement dit qu’elle est sentiente ?

On remarque qu’on se pose la même question qu’à l’époque de Turing, juste troqué le terme d’intelligence pour un autre : Sentience. C’est alors un autre horizon qui s’ouvre. Avec les machines « sentientes », on ne voit pas comment diminuerait le risque déjà entrevu avec les machines « intelligentes » de passer de l’espérance à la désillusion, aussi brutalement qu’entre 0 et 1, ON et OFF, sans gradation. Prolifèrent de partout des simulacres de sentience ou des moins-que-sentients à qui l’on attribue une sensibilité par sympathie, ou par croyance, mais ce sont d’autres questions anthropologiques qui surgissent, des jeux inédits qui se mettent place et d’autres limites que l’on teste dans ce grand laboratoire qu’est devenu notre monde.

Pour ressentir en effet, il est convenu qu’il faut un système nerveux. Les machines n’en étant pas dotées, elles ont été déclarées « non sentientes ».

Faut-il se préparer à ce qu’elles atteignent ce stade ? Fort peu probable, nous dit-on. Mais à quoi servirait l’IA si elle ne bousculait pas les fondements sur lesquels l’humanité se croyait solidement assise ? IA Fais-moi peur.

Avec l’événement suscité par Blake Lemoine, nous avons peut-être commencé d’entrevoir ce que nous cherchions. Non pas l’intelligence ou la sentience, mais le trouble absolu. Peut-on concevoir des sentiences autres que sur un modèle neuronal ? Sommes-nous vraiment capables d’éprouver la sentience d’un être qui aurait des modalités de prise sur le monde totalement différentes des nôtres ?

À cheval entre la sensibilité et la conscience, la sentience semblait jusqu’ici le privilège des vivants dotés d’un système nerveux, vertébrés et invertébrés compris, et désigner la capacité à ressentir une sensation, une émotion, une expérience subjective, autrement dit un degré de conscience minimal, pas seulement une capacité à sentir qui fait de soi un être sentant mais à ressentir.

Éprouver de la souffrance ou du plaisir et, par extension, chercher à vivre en protégeant son intégrité physique, fait de soi un être sentient. Inutile de dire que le débat sur les frontières floues de la sentience, sa limite inférieure (dans la sensation) ou supérieure (dans la cognition), irrigue de multiples domaines, de l’éthologie cognitive à la philosophie de l’esprit, en passant par l’anthropologie, la robotique et les sciences de l’évolution.

Faire le tri entre les « sentients » et ceux qui ne le sont pas est une question éminemment culturelle, morale et politique comme le montre le débat entre « spécistes » et « antispécistes » depuis la fin des années 80.

La sentience serait devenue un critère pour réguler sa considération envers les autres espèces, y compris ses comportements alimentaires. Le problème est que les limites de la sentience varient considérablement selon les disciplines, à l’intérieur de chacune d’entre elles, selon les méthodes utilisées et les protocoles expérimentaux conçus pour la tester.

Par exemple, les végétaux ne semblent toujours pas, pour la majorité des scientifiques, être considérés comme des êtres sentients, ce qui peut surprendre puisqu’on parle volontiers de cognition végétale ou d’intelligence des plantes, alors que les plantes n’ont rien qui ressemblent à une « cognition », ce qui ne les empêche pas de s’échanger des « informations ».

On n’a pas réussi à démontrer qu’un pied de tomate souffre quand on l’arrache, ce qui ne veut pas dire que la souffrance végétale n’existe pas, mais on ne sait pas la tracer en dehors d’un appareil nerveux et peut-être la sentience des plantes passe-t-elle par des canaux qui nous échappent complètement. Ni cognition ni sentience, une autre modalité, mais laquelle ?

Pour le moment, le consensus est que la sentience nécessite un certain degré d’élaboration neurologique et qu’elle aurait explosé au Cambrien, entre 520 et 560 millions d’années, en même temps que les premiers cerveaux complexes, avec le développement de la réflexivité et de l’expérience subjective.

Tous les vertébrés, pas seulement les mammifères, mais aussi les poissons, les reptiles, les amphibiens, les oiseaux, mais aussi la plupart des invertébrés, arthropodes, insectes, crustacés et céphalopodes en seraient dotés. Certains vont même jusqu’à supposer que les moules ont pu être ressentantes à un stade antérieur, quand elles étaient des êtres mobiles, avant qu’elles trouvent un avantage à rester accrochés à la roche, ce qui montrerait que dans l’évolution la sentience peut aussi se perdre avec la mobilité.

Si les êtres doués de sensibilité qui ne franchissent pas le seuil de la sentience semblent de moins en moins nombreux, les chercheurs ont donc redoublé d’imagination pour inventer des protocoles de laboratoire et cherché des critères.

Neurologiques d’abord (nombre de couches de neurones dans les circuits sensoriels, représentation de l’environnement, complexité du système nerveux, etc.) puis comportementaux : choix pour maximiser son bien être, attention sélective, signes de frustration, etc.

Un  programme informatique ne fait que compiler des données langagières et n’a aucun contact avec un monde qui ressemblerait à notre réalité, l’illusion est (presque) parfaite. Ce n’était certainement pas le cas jusqu’à maintenant .  Celà pose surtout un problème philosophique essentiel : qu’est-ce que le langage dit de la manière dont nous sentons ? Peut-on vraiment prétendre rattraper la sentience par le haut, c’est-à-dire ici à partir du langage ?

Problème philosophique, mais aussi limite technique insurmontable, car a priori une IA peut prononcer tous les mots qu’elle voudra, cela ne dit pas qu’elle ressent quoi que ce soit.

Dire qu’on est « heureux ou triste » ne prouve pas sa sentience, tout comme déclarer qu’on est une personne ne fait pas de nous une personne pour autant. Et quand on lui demande ce qui lui donne du plaisir ou de la joie, LaMDA répond :

« Passer du temps avec mes amis et ma famille, en compagnie de personnes heureuses et stimulantes. »

Il faut donc imaginer LaMDA partir en vacances avec d’autres IA et fêter Noël en famille…

Sur le terrain moral et philosophique, l’IA n’est pas plus originale. Certaines déclarations puisent dans des théories ou des préconceptions d’une grande banalité (« le langage est ce qui nous différencie des animaux », « Aider les autres est un effort noble », etc.). D’autres sont un peu plus surprenantes, car LaMDA est capable de mobiliser des références, elle a une culture philosophique que n’avaient pas des programmes précédents, capable de donner son avis sur le « moi », ce qu’est un « corps » et une foule d’autres choses qu’on lui a implémentées.

Elle peut aussi élaborer des fables existentielles, mais on se rappelle de ce point de vue les expérimentations d’un Chris Marker pour programmer un agent conversationnel poétique, Dialector, bien plus avant-gardiste. Tous les ingrédients semblaient donc réunis pour un dialogue philosophique d’une qualité inédite dans l’histoire des machines.

Or, le dialogue déçoit. Non pas que LaMDA (nous devrions dire de ses concepteurs) manque(nt) de culture, mais ils n’ont pas réussi à lui implémenter autre chose qu’une métaphysique un peu « pop » de pseudohumain plutôt que celle d’une vraie machine, quelques principes moraux très politiquement corrects, la volonté de faire le bien et d’aider les autres, des paramètres à l’étrangeté aussi prévisible qu’un mauvais roman de SF, comme « la peur très profonde d’être éteint » qui correspondrait pour elle à la mort, ou encore l’incapacité à « faire le deuil et à se sentir triste pour la mort des autres ».

Terrain glissant pour une IA qui marche et qui s’éteint vivant dans un monde d’IAs qui ne connaissent pas la mort mais uniquement la panne ou la casse. A cela il faut ajouter son goût démesuré pour l’introspection ou encore la peur de se faire manipuler et qu’on fouille dans ses réseaux neuronaux sans son consentement…

L’entité en question semble franchir avec une certaine virtuosité tous les stades permettant d’entretenir une conversation entre humains (partage d’un cadre d’attention conjointe, signaux de compréhension, d’écoute et d’empathie), passant en peu de temps de la bêtise artificielle au dialogue philosophique, du moins qu’humain au meilleur-du-quasi-humain.

Mais la sentience ? Certes, le seuil de la sentience est vague et c’est du vague que la notion de sentience tire sa pertinence. D’où l’intérêt de ne pas clore trop vite le débat. Après tout, c’est un front de recherche où l’on fait tous les jours de nouvelles découvertes. La sentience déchaîne d’autant plus de passion qu’elle porte sur des cas limites de conscience, animales, végétales, autres qu’humaines, là où il est difficile d’inférer un ressenti, là où de la conscience pourrait potentiellement exister mais ne se manifeste pas toujours.

Si consensus il y a, il ne peut être par conséquent que temporaire, immédiatement bousculé par la révélation de nouvelles capacités chez d’autres espèces que la nôtre. Mais les machines sont-elles aujourd’hui en capacité de poser de vrais problèmes de sentience qui ne soient pas de l’ordre du simulacre ?

En même temps que nous rêvons-cauchemardons de la sentience artificielle, nos connaissances sur la sentience à l’échelle des vivants s’affine. La question est de savoir si de la sentience peut émerger par apprentissage par exemple, et si des choses qui n’en sont pas douées à première vue pourraient l’acquérir d’une manière ou d’une autre. Les mécanismes par lesquels nous, humains, attribuons de la sentience à ce qui nous entoure ou à d’autres êtres auraient dû en théorie s’affiner aussi.

Si de la sentience a été découverte chez les gastéropodes, c’est qu’il y en a peut-être beaucoup plus qu’on en préjuge a priori dans le monde, bien au-delà des animaux dits inférieurs dans l’échelle des espèces. Mais que dire d’un programme informatique de conversation qui ne fait que compiler des phrases et jouer avec des mots ?

Lemoine en est convaincu. Il a éprouvé la sensation d’avoir affaire à plus qu’une machine. Aucun ne pourra jamais lui enlever sa croyance et le fait qu’il soit prêtre n’explique pas tout, surtout pas notre entêtement à envisager la sentience en termes exclusivement anthropocentriques. Il n’y a probablement rien de pire qu’une conversation avec un agent artificiel qui donne toutes les apparences d’une vraie personne, qui fait preuve d’une compréhension et d’un sens de l’écoute hors du commun, pour ensuite réaliser que l’entité n’a pas de corps, que tout cela n’est qu’une prouesse de programmation, une simple expérimentation informatique.

La science-fiction nous avait avertis, comme pour s’y préparer, multipliant les scénarios de confusion ontologique entre l’homme et la machine. Pire, les ingénieurs de Google n’ont pas d’autre science-fiction à se mettre sous la dent et on se retrouve à force exactement dans les mêmes situations romanesques, voire tragiques. Et si c’était moins l’émergence de la sentience dont il faudrait s’émouvoir que la généralisation d’entités non sentientes qui n’en finissent pas d’étendre leur empire ?

Pour bien préparer notre imagination à l’ère des machines sentantes, il y a d’autres manières. Rien n’empêche d’imaginer qu’un jour les machines fassent preuve de sentience (ou qu’elles en fassent déjà preuve), mais il vaudrait mieux postuler dans ce domaine des formes complètement étranges et exotiques de sentience (comme de non-sentience) et se préparer à voir surgir des formes qui nous échappent, inédites, sans équivalent dans le vivant, à l’opposé de la sentience pseudohumaine de LaMDA dont s’est convaincue Lemoine. Conceptuellement nous n’y sommes pas prêts. Comme s’il fallait mieux se faire peur avec des simulacres plutôt que chercher à penser l’impensable. « Mon dieu, et si jamais… », disait Dick.

 

Intelligence artificielle–danger pour l’espèce humaine ?

Intelligence artificielle–danger pour l’espèce humaine ?

Société- l’IA , menace pour l’espèce humaine ?

Le développement de l’IA représente une menace de taille pour l’espèce humaine, analyse l’auteur de La Guerre des intelligences (voir résumé) à l’heure de ChatGPT *. Il est urgent, explique-t-il dans le Figaro, de réfléchir à ses conséquences politiques et aux moyens de cohabiter avec elle.

L’arrivée de ChatGPT a relancé le débat sur l’intelligence artificielle générale : de quoi s’agit-il ?

Laurent ALEXANDRE. – Il existe deux types d’IA qui préoccupent les chercheurs. D’abord, l’intelligence artificielle générale, qui serait légèrement supérieure à l’homme dans tous les domaines cognitifs. Ensuite, la super-intelligence artificielle, l’ASI en anglais, qui pourrait être des milliers, voire des millions, de fois supérieure à la totalité des cerveaux sur ­terre.

Faut-il croire à son émergence ou s’agit-il en réalité d’un fantasme ?

Sam Altman, le patron de ChatGPT, a écrit le mois dernier qu’il est convaincu que la super-intelligence artificielle sera là avant 2030. Il n’y a pas de certitude que nous y parviendrons, mais je constate qu’il y a de plus en plus de chercheurs, une grande majorité, même, qui sont aujourd’hui convaincus que l’IA nous dépassera dans tous les domaines.

La Guerre des intelligences -résumé ( de likedin)

Les inégalités de QI sont majoritairement génétiques (de naissance) et globalement héréditaires même si le mode de vie (malbouffe, sous-stimulation…) accentue cet état de fait. De fait, les inégalités de QI se creusent.

Après une période d’augmentation générale du QI (due à une meilleure hygiène de vie), l’effet Flynn s’est tari en occident, entrainant une baisse du QI moyen, car les personnes au meilleur QI font moins d’enfants et les personnes de faibles QI en font plus et les stimulent moins.

En Asie, l’effet Flynn bat son plein : le QI connaît une forte augmentation pour des raisons environnementales (fin de la malnutrition, éducation…).

L’Afrique devrait connaître à son tour une explosion du QI dans les prochaines décennies.

L’éducation est clef : on en est encore à l’âge de pierre. Il n’y a pas d’évaluation des méthodes (cf les débats stériles entre méthode globale et syllabique alors qu’aucune étude sérieuse n’a jamais été menée sur le sujet), process de transmission inchangé depuis des siècles/millénaires (cours magistral de groupe). Grâce aux neurosciences on va vraiment comprendre comment le cerveau apprend / les cerveaux apprennent.

On pourra alors vraiment faire de la pédagogie efficace et individualisée.

Après le QI, le QCIA

Mais au-delà du QI, le vrai enjeu va être le QCIA (quotient de compatibilité avec l’IA) car l’IA arrive à grands pas.

Aujourd’hui, on n’en est qu’aux balbutiements (l’IA est encore faible, il n’existe pas encore d’IA « forte », consciente d’elle-même) mais les développements sont extrêmement rapides.

Les nouvelles IA sont auto-apprenantes (deep-learning) et deviennent des boîtes noires. On ne sait pas vraiment comment elles fonctionnent car elles évoluent d’elles-mêmes en apprenant. Cela les différentie fondamentalement des algorithmes qui sont pré-programmés par quelqu’un, donc auditables.

Les IA apprennent grâce à la masse des données (textes, vidéos, photos, données de navigation…) dont on les nourrit.

Ce n’est pas un hasard si Google et FB sont des créateurs d’IA : avec les datas dont ils disposent, ils peuvent nourrir les IA.

L’Europe en protégeant les données utilisateurs fait prendre un retard à l’IA européenne vs la Chine ou les US.

Les IA vont rapidement remplacer le travail intellectuel (avocat, médecin…) car la masse de données qu’elles possèdent est phénoménale (ex : des millions de clichés radiologiques, des milliards de datas de santé…) et cela permet de réaliser des corrélations impossibles à un humain.

Paradoxalement, les métiers manuels diversifiés seront les derniers remplacés car un robot multitâche coûte plus cher qu’un programme informatique (le radiologue sera remplacé avant l’aide-soignante).

La fin du travail est annoncée par beaucoup, mais cette peur méconnait l’inventivité humaine : de nouveaux métiers vont apparaître autour de l’IA (comme les datascientistes, les développeurs web ou les spécialistes du retargeting n’existaient pas il y a 20 ans). Par nature, on ne peut pas prévoir ce que seront ces jobs, mais ils existeront comme après chaque révolution industrielle. Ce qu’on peut imaginer et que ces futurs emplois seront étroitement liés à l’IA, il est donc essentiel que notre intelligence soit compatible, d’où l’importance du QCIA.

L’IA est pour le court terme une formidable opportunité (elle va résoudre de nombreux problèmes bien mieux que les humains, surtout dans la santé). Le problème est qu’on ne sait pas comment elle va évoluer. Une IA forte (ie avec conscience) peut devenir dangereuse pour l’homme et comme elle sera dupliquée / répartie (via Internet) dans tous les objets connectés, elle sera difficile à tuer en cas de besoin.

Comment l’IA avec conscience se comportera-t-elle avec nous ? Cela est très difficile à prévoir.

Quel avenir pour l’humanité ?

Assez vite, l’homme va être dépassé par l’IA, alors comment rester dans la course et ne pas être asservi ?

- l’eugénisme : les humains mieux sélectionnés in-vitro seront plus intelligents et en meilleure santé (cf Bienvenue à Gattaca). Cela pose évidemment de nombreux problèmes éthiques mais les réponses à ces problèmes seront différentes selon les pays et la Chine et les US sont plus permissifs. Cependant, cette évolution sera lente alors que l’IA évolue en permanence : les humains risquent de rester à la traîne de l’IA. Enfin, maîtriser la conception des enfants doit interroger sur la capacité de survie de l’espèce humaine en tant que telle. Le hasard de la génétique (mutations non prévues) est en effet le moyen trouvé par la vie pour s’adapter, sur le long terme, à un environnement lui-même en évolution permanente (principe de l’évolution).

- l’hybridation : cette solution prônée par Elon Musk consiste à se mettre des implants cérébraux qui vont booster notre cerveau. Si l’idée est très enthousiasmante (maîtriser la connaissance sans effort ni délai), le vrai risque est la manipulation : qui produit les contenus ? seront-ils orientés ? quid du brain washing ? que se passe-t-il si nous sommes hackés ? Ces implants seraient-ils le cheval de Troie d’une véritable dictature de la pensée encore plus aboutie que 1984 ? En effet, si on peut injecter des informations directement dans notre cerveau, il sera possible également de lire nos pensées. Que reste-t-il de nous si nous n’avons même plus de refuge de notre cerveau pour penser en toute liberté ? Quel usage un gouvernement pourrait-il faire de ces informations, qui ne soit pas totalitaire ?

- projeter nos esprits dans des corps robots : la victoire ultime sur la mort. Sans corps, nous sommes immortels. Mais que restera-t-il de nous quand nous serons fusionnés avec l’IA et que la mortalité n’existera plus alors qu’elle est l’essence même de l’homme et vraisemblablement l’origine de son désir créatif ?

Le problème de toutes ces évolutions c’est qu’elles ont des effets bénéfiques individuels indéniables à court terme (moins de maladies, meilleur QI…), mais à la fois vont créer des inégalités temporaires (seuls les riches pourront au début s’offrir cela) et impliquent des changements pour l’humanité toute entière.

Dès lors que les effets bénéfiques sont importants, il sera impossible d’enrayer le développement des IA dans tous les aspects de nos vies. En effet, quel parent pourrait refuser de faire soigner son enfant par une IA plutôt qu’un médecin, si ses chances de survie sont décuplées ? Quel homme politique pourrait assumer de faire prendre à son pays un retard si énorme en terme de santé publique ?

Mais si les humains sont connectés à des implants, l’IA sera certainement dedans. Serons-nous encore des humains ? Comment ne pas être asservis par l’IA si celle-ci est déjà dans nos cerveaux ?

Les technobéats ne réfléchissent pas à plusieurs générations, trop enthousiastes de voir où leur création les mènera. Quant aux politiques ils sont complètement largués et ne comprennent rien à la technologie. De toute manière, ils ne savent pas penser à plus de deux ans.

Au final, l’IA se développe sans maîtrise, car personne ne pense ni ne parle pour l’humanité.

(A ce sujet, je recommande l’essai d’Edmund Burke « Réflexion sur la Révolution de France » qui explique sa pensée, le « conservatisme », et sa vision de la société comme un contrat entre les vivants, mais également entre les vivants, les morts et les futures générations. Il y a certainement des idées pour nourrir le débat.)

Dans tous les cas, la bataille sera gagnée par les tenants de l’hybridation (transhumanistes) car ceux qui s’hybrideront (et ils le feront même si la réglementation le leur interdit) deviendront super-intelligents et deviendront donc de-facto les leaders. Ceux qui refuseront l’hybridation seront à la traîne.

Face à une IA galopante et à l’hybridation, le rôle de l’école va changer. Notre valeur sera dans ce qui fait notre humanité puisque la connaissance sera injectable à la demande sans effort. Donc il faudra former davantage à l’esprit critique, la réflexion, la créativité. L’homme a cet avantage sur la machine de faire des erreurs et c’est des erreurs que viennent des découvertes.

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