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Enseignement : Intégrer davantage la problématique de l’environnement

Enseignement : Intégrer davantage la problématique de l’environnement

Par
Alessia Lefébure
Sociologue, membre de l’UMR Arènes (CNRS, EHESP), École des hautes études en santé publique (EHESP)


Les jeunes souhaitent contribuer à un monde meilleur, ils s’en sentent responsables, et attendent de leur école ou de leur université de les préparer à un métier en accord avec leurs convictions. Il s’agit d’un sérieux défi pour les établissements d’enseignement supérieur qui doivent répondre à ces attentes s’ils souhaitent rester attractifs et continuer à former les talents de chaque nouvelle génération. Les ambitions et les aspirations des jeunes convergent mondialement. Quel que soit le pays, leur implication dans la question écologique est croissante. Dans l’enquête menée en 2019 par WISE, Ipsos et JobTeaser dans cinq pays, la responsabilité sociale des entreprises (RSE) faisait son entrée parmi les cinq critères intervenant dans le choix d’un emploi les plus cités.

Les enquêtes sur la situation en France donnent des résultats similaires. Selon la 5e édition du baromètre de Boston Consulting Group–Conférence des Grandes Écoles–Ipsos, publiée en mai 2023, et dans la continuité des résultats des éditions précédentes, étudiants et diplômés des grandes écoles françaises expriment une déception massive par rapport à l’engagement RSE des grandes entreprises, des PME et de l’État.

Même s’ils reconnaissent à plus de 70 % que les employeurs s’impliquent davantage qu’il y a dix ans, ils considèrent que cela reste motivé par la nécessité d’améliorer leur image, pas par la conviction. Cela ne les empêche pourtant pas de vouloir rejoindre les entreprises pour leur carrière ou « pour les faire changer de l’intérieur » (48 %), notamment dans les deux secteurs les plus recherchés pour leur premier emploi : l’environnement (76 %) et l’énergie (68 %).

C’est précisément cette exigence qui est exprimée publiquement depuis quelques années par des discours prononcés lors des cérémonies de remise des diplômes, par la signature de manifestes et de tribunes dans la presse ainsi que par des mobilisations collectives pour éveiller la conscience écologique des grandes entreprises ou contester leur présence sur les campus.

Quelles leçons tirer de ces tendances ? Ces chiffres et ces mobilisations peuvent paraître épisodiques mais c’est la convergence des aspirations qui est notable. Depuis plus de cinq ans, chaque cohorte de jeunes issue des meilleures formations s’interroge sur les valeurs et l’engagement sociétal et environnemental de ceux qui les embaucheront.

Si les jeunes générations ont des aspirations claires, elles ne se sentent pas toujours préparées à les réaliser, au regard des connaissances et compétences requises. Une enquête conduite en France auprès des 18-35 ans en 2021 par la Fondation de France avait montré que beaucoup de jeunes, bien que préoccupés par les questions environnementales, avouaient ne pas bien connaître la signification d’expressions telles que « gaz à effet de serre » (46 % des répondants) ou « empreinte écologique » (55 % des répondants).

En effet, toutes les écoles et universités ne sont pas encore en mesure de bien cibler les compétences à mobiliser pour devenir acteurs de la transition écologique, car les cursus de formation sont souvent organisés selon des logiques disciplinaires. Et quand les compétences sont identifiées, elles le sont par métier ou alors elles relèvent des compétences transversales ou « soft skills », ce qui ne correspond pas aux attentes des étudiants pour se positionner sur des métiers à fort impact.

Dans certains cas, ce sentiment d’impréparation s’appuie sur ce que les médecins définissent comme « éco-anxiété » ou « solastalgie », une détresse mentale que de nombreux adolescents et étudiants développent à mesure qu’ils deviennent plus conscients de l’état de l’environnement.

Paradoxalement, plus les étudiants sont formés, plus ils acquièrent les clefs de compréhension des mécanismes du vivant et des limites planétaires, plus leur revendication est forte. Ce sont avant tout les étudiants et diplômés des grandes écoles d’ingénieur qui ont exprimé le besoin d’une formation plus ambitieuse. Si savoir, c’est comprendre les interdépendances entre l’action humaine et les crises écologiques, cette prise de conscience de sa propre responsabilité génère un devoir d’action. Se rendre compte que leur mode de vie est une partie de la cause, met les étudiants face à un impératif éthique d’agir pour changer le cours des choses.

Dans ce contexte, beaucoup de responsables d’établissements d’enseignement supérieur ont pris des mesures pour retenir les étudiants et prouver leur pertinence aux employeurs. Dans un premier temps, ces mesures ont principalement été des déclarations publiques.

Au lendemain de la COP21 de Paris, sous la houlette de Columbia University, 115 écoles de santé publique et de médecine de tous les continents ont décidé de lancer une initiative commune, visant à former les futurs professionnels médicaux aux effets du changement climatique sur la santé. En 2017, un consortium mondial sur l’éducation au climat et à la santé (GCCHE) a été créé, au nom d’un « impératif pour une action rapide ». Les présidents de ces établissements reconnaissaient ainsi que le climat était sous-représenté dans les programmes de santé et s’accordaient sur la nécessité de poursuivre le renforcement des compétences par la formation.

Des initiatives similaires ont vu le jour dans différentes régions du monde au cours des cinq dernières années. Au Royaume-Uni, par exemple, les 24 universités qui composent le Russell Group ont déclaré publiquement en décembre 2019 leur engagement à « lutter contre le changement climatique par la recherche, l’enseignement et des pratiques plus durables ». Le Russell Group a donc à son tour créé un Environmental Sustainability Network afin « d’apprendre les uns des autres, de renforcer les efforts pour réduire les déchets, augmenter le recyclage » et réduire les émissions de CO2 sur le campus.

En France aussi, les responsables de l’enseignement supérieur on fait entendre leur volonté d’introduire davantage d’enseignements liés au climat et à l’environnement. L’année 2019 a été ponctuée de déclarations appelant le gouvernement à consacrer des ressources financières supplémentaires dans le but de pouvoir former tous les étudiants aux questions climatiques et écologiques.

Se rendre compte que leur mode de vie est une partie de la cause, met les étudiants face à un impératif éthique d’agir pour changer le cours des choses. Shutterstock
Suivant l’exemple de nombreuses universités européennes et américaines, la majorité des présidents et directeurs d’établissements d’enseignement supérieur français, rejoints par les conférences nationales (CPU, CGE, CDEFI), ont annoncé vouloir faire du climat une « urgence », engageant ainsi leurs communautés dans une transformation efficace et rapide à travers l’évolution des cursus, la formation du personnel, l’introduction de pratiques responsables dans la gestion du campus et de la vie étudiante.

Au fil des tribunes et des rapports, la réflexion sur un cadre commun de référence, par-delà les métiers, les statuts et les secteurs, s’est imposée progressivement dans le débat public. Un consensus s’est établi sur le fait que répondre au double défi climat-biodiversité nécessite des formations renouvelées pour tous les métiers du privé et de la fonction publique, ainsi que l’introduction de la préoccupation climatique et écologique dans toutes les politiques publiques et dans les stratégies d’entreprise.

D’une formation pour spécialistes de l’environnement à une formation à l’environnement pour tous
Une enquête de 2023 menée par l’Association internationale des universités (IAU) donne un aperçu de l’engagement des établissements du monde entier sur les objectifs du développement durable (ODD). En comparaison avec les résultats des enquêtes précédentes (2016 et 2019), le nombre d’universités qui inscrit les ODD dans le plan stratégique reste stable (38 %). Près de la moitié des établissements déclarent allouer un budget spécifique et croissant aux initiatives en lien avec le développement durable.

Néanmoins, l’enquête pointe un certain nombre de difficultés qui entravent une transformation plus profonde et transversale : le manque de financement, le manque de personnel formé, le manque de mécanismes de gratification pour les cours. Si la majorité des universités (65 %) offrent des cours dédiés, ces cours sont généralement spécialisés, concentrés dans un nombre restreint de départements – appartenant le plus souvent aux STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques)- et largement inconnus sur le campus. Les approches trans et interdisciplinaires sont rares et les perspectives systémiques difficiles à mettre en œuvre.

En France, la situation est très contrastée. Jusqu’à une époque très récente, peu de cursus proposaient des cours obligatoires liés aux enjeux énergétiques et climatiques, comme le montrait un rapport publié par le Shift Project en mars 2019 sur l’enseignement supérieur et le climat. Les écoles d’ingénieurs offrent traditionnellement plus de cours que les écoles de management et, même dans les universités, les étudiants inscrits dans des programmes de science, technologie, ingénierie et mathématiques ont plus de cours liés à l’environnement que les autres. Enfin, ces cours sont généralement réservés aux cycles supérieurs, presque jamais au premier cycle, produisant ainsi de fortes inégalités d’accès.

L’enjeu a été donc de passer d’une formation pour spécialistes de l’environnement à une formation à l’environnement pour tous. C’est le rapport remis en 2020 par le paléoclimatologue Jean Jouzel et par l’écologue Luc Abbadie à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche qui a fait bouger les lignes sur ces aspects. En recommandant de généraliser l’approche environnementale à toutes les formations, le rapport fait de la transition écologique une partie intégrante des parcours de formation de premier cycle, de façon à ce que tous les étudiants de niveau bac+2, toutes filières confondues, disposent des quelques compétences communes.

La dimension pluridisciplinaire de la transition écologique – mobilisant des savoirs allant de la géographie à la biologie, de la philosophie à l’économie en passant par les sciences de la terre – ajoute un obstacle supplémentaire à la nécessaire adaptation des formations et génère des formes de résistance à tous les niveaux. En effet, un cours commun à tous les programmes d’enseignement et disciplines est beaucoup plus difficile à réaliser que n’importe quel enseignement spécialisé. Pourtant, ce que l’on attend de l’enseignement supérieur, sous peine de désaffection chronique, est la promesse de former tous les futurs professionnels, pas seulement ceux qui travailleront dans le domaine de l’énergie et de l’environnement, pour qu’ils sachent naviguer dans la complexité.

Fiscalité : intégrer patrimoine et revenu

Fiscalité : intégrer patrimoine et revenu

par Pierre-Cyrille Hautcœur,directeur d’études à l’EHESS et professeur à l’Ecole d’économie de Paris dans le Monde

L’intervention du ministre des comptes publics, Gabriel Attal, réaffirmant l’importance de la lutte contre la fraude fiscale a suscité de nombreux débats. L’impôt sur le revenu est au centre de ces débats, mais aussi les inégalités croissantes de patrimoine. Un des points les plus importants et les plus délicats est justement la distinction entre revenu et patrimoine. Un petit détour historique permet de mieux la comprendre.

Dans les sociétés européennes médiévales, le pouvoir de la noblesse résultait de la possession d’un patrimoine territorial. La noblesse vivait des revenus de ses terres, dont la vente était exclue et l’acquisition résultait en principe de l’octroi de fiefs par les princes ou de transmissions dynastiques. Le revenu et le patrimoine étaient donc très nettement séparés. Le revenu était le produit « naturel » de la terre (aidé du travail de quelques serfs…), et l’inaliénabilité du patrimoine distinguait clairement sa possession de tout autre type de propriété. Les revenus de patrimoines professionnels ou financiers n’avaient ni la même nature ni la même légitimité.

Il fallut du temps pour que le revenu d’un placement financier en dette publique (apparu au XIVe siècle) bénéficie de la même légitimité, et l’utilisation du terme de rente (sur le modèle du revenu de la terre) y contribua, contournant l’interdit par l’Eglise du prêt à intérêt. Cette assimilation faisait l’affaire des Etats, qui pouvaient ainsi emprunter relativement bon marché. Ils octroyèrent dans ce but à leurs emprunts le même statut juridique de « biens immeubles » que détenaient antérieurement les seuls patrimoines fonciers et immobiliers. Certains actifs financiers privés se greffèrent peu à peu sur ce statut public ; certains nobles, par exemple, émettaient des rentes pour doter une fille ou acheter une charge. Ainsi, l’idée d’une coupure entre patrimoine et revenu pouvait perdurer.

Lorsque, au XIXe siècle, les sociétés par actions se diffusèrent, on distingua dans leur revenu d’un côté un « intérêt du capital » fixe, dont le paiement était perçu par les actionnaires comme une obligation indépendante de la conjoncture, de l’autre le « dividende » à proprement parler, qui dépendait de la situation de l’entreprise. Quoique sans validité juridique sérieuse, cette distinction perpétuait celle entre patrimoine et revenu.

Microsoft va aussi intégrer l’IA dans le moteur de recherche et le navigateur

Microsoft va aussi intégrer l’IA dans le moteur de recherche et le navigateur

Réponse directe à Google, Microsoft veut aussi intégrer l’intelligence artificielle dans le moteur de recherche.

Microsoft a annoncé mardi qu’il procédait à une refonte de son moteur de recherche en ligne Bing et de son navigateur internet Edge, pour y inclure l’intelligence artificielle (IA), signalant l’une de ses démarches majeures destinées à innover en matière technologique et dans la recherche d’informations.

Le géant informatique, qui investit des milliards de dollars dans l’IA, entre ainsi en concurrence frontale avec Google, propriété d’Alphabet.

Microsoft s’est associé à la startup OpenAI avec l’objectif de devancer ses concurrents et d’engranger d’importantes recettes en proposant de nouveaux outils novateurs pour accélérer notamment la création de contenus et les tâches automatisées.

Marchés financiers :Intégrer la notion de « crise permanente »

Marchés financiers :Intégrer la notion de « crise permanente »

 

Par David Bourghelle, Université de Lille; Fredj Jawadi, Université de Lille; Pascal Grandin, Université de Lille et Philippe Rozin, Université de Lille.

 

 

D’une certaine manière les crises se succèdent aux crises et les marchés traduisent les différentes évolutions et ruptures.

Plus les investisseurs intègrent la notion de « crise permanente », moins ils ont tendance à paniquer et plus ils actent et renforcent les dynamiques de marché. On en veut pour preuve l’examen du VIX, indice de volatilité du S&P500 aussi appelé « indice de la peur ».

En effet, lors de la première vague du Covid-19, le VIX a augmenté de plus de 45 %, révélant un état de nervosité et de panique des investisseurs à même d’expliquer en partie la brutalité de la chute des marchés en mars 2020. Néanmoins, au fur et à mesure que la pandémie semblait s’installer dans la durée et que les investisseurs commençaient à s’y familiariser (port du masque, télétravail, distanciation sociale, etc.), les variations du VIX, et donc du niveau de peur, se sont atténuées. Les investisseurs ont ensuite repris confiance avec comme conséquence et le retour des investissements sur le marché.

 

Si le VIX n’est pas reparti à la hausse ces derniers mois, il n’en demeure pas moins qu’il existe désormais une forme d’inquiétude sur les marchés qui expliquent les récentes corrections. En effet, la période post-Covid-19 a marqué le retour de l’inflation aux États-Unis et en Europe, incitant les banques centrales à réduire leurs programmes d’achat des actifs financiers et à augmenter leurs taux.

Ce virage opéré par la Réserve fédérale américaine (Fed) comme, peu après, par la Banque centrale européenne (BCE), ainsi que l’assouplissement progressif des mesures économiques de soutien de la crise Covid-19 ne semblent pas rassurer les investisseurs. Ces derniers craignent désormais une baisse de la liquidité et une augmentation du coût des crédits.

Des facteurs extrafinanciers, dont en premier lieu la guerre en Ukraine déclenchée par l’invasion russe du 24 février dernier, et le choc sans précédent sur le marché des matières premières, pèsent en outre sur le cours des marchés.

Cependant, ceux-ci ne se sont pas effondrés. Depuis cette date funeste, l’évolution des grands indices se caractérise davantage par des hausses et et des baisses successives très importantes. Même si la volatilité ne bat pas les records de début 2020, elle atteint à nouveau des niveaux significatifs.

Par exemple, sur le front des valeurs technologiques, le Nasdaq a connu une baisse remarquable en juin, et des fintechs comme PayPal ou Square ont été fortement affectées par les corrections dans ces secteurs (les investissements des Américains sur des valeurs à la mode pendant la période du confinement laissaient sans doute augurer des phénomènes de réajustements assez violents).

 

Plusieurs analyses concourent pour expliquer l’imprévisibilité de ces dynamiques boursières :

D’abord, les arbitrages des investisseurs eux-mêmes. Ces derniers, considérant parfois injustifiée les baisses significatives de certaines valeurs, se ruent sur les actions dont ils estiment la valorisation sous-estimée, ce qui provoque des ruées importantes sur certains titres. Pourtant, dans ce cas, les mouvements de hausses n’ont souvent rien de durables ; il s’agit en général d’ajustements temporaires.

Deuxième explication, plus monétaire : plusieurs acteurs du marché semblent indiquer que le « pic de la Fed » aurait été atteint, ce qui signifie que la banque centrale américaine ne pourrait pas se risquer à une remontée plus brutale de ses taux. La perspective de cette modération pourrait avoir un effet incitatif sur les investisseurs.

Une troisième explication, plus structurelle, tient aux cycles économiques et au marché lui-même. Aux États-Unis, il y a un fort lien de dépendance entre les marchés boursiers et le niveau d’activité à court terme. En période d’expansion, les actions des valeurs américaines ont tendance à se valoriser, alors qu’après le retournement du cycle, des ajustements importants sont souvent constatés. Le recul surprise du PIB de 1,4 % en rythme annuel au premier semestre aux Étas-Unis a donc de quoi inquiéter les marchés.

Il apparaît clair désormais que l’inflation (voire la possible stagflation) et la politique des banques centrales ont pris le pas sur l’incertitude liée au Covid-19. Les anticipations des grandes institutions sont, semaine après semaine, toujours plus sombres ce qui pourrait inciter nombre d’investisseurs à se reporter sur des actifs potentiellement plus sûrs. Ce sont désormais ces facteurs qui, semble-t-il, préoccupent aujourd’hui vraiment les investisseurs.

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Par David Bourghelle, Maître de conférences en finance, laboratoire LUMEN, Université de Lille ; Fredj Jawadi, Professeur des Universités en finance et en économétrie, Laboratoire LUMEN, Université de Lille ; Pascal Grandin, Professeur, Université de Lille et Philippe Rozin, Maître de conférences en finance, laboratoire LUMEN, Université de Lille.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Intégrer davantage la problématique environnementale dans la formation

Intégrer davantage la problématique environnementale dans la formation

 

Nos formations sont « figées dans le monde d’avant », déplore, dans une tribune au « Monde », la politiste et maîtresse de conférences, pour qui la convention étudiante lancée par l’université Paris-Est-Créteil en 2021 est cruciale pour permettre aux jeunes de construire une société « moins destructrice ».

 

La vidéo de l’appel à la désertion lancé le 30 avril par un groupe de jeunes étudiantes et étudiants de l’école AgroParisTech a été abondamment partagée et commentée. Ce qui est nouveau, ce n’est pas que la permaculture, l’agroforesterie, et des modes de vie plus respectueux de la biodiversité attirent davantage une partie des agronomes que des emplois copieusement rémunérés chez Bayer, Monsanto et consorts, mais que ce choix échauffe autant les réseaux sociaux. On peut interpréter cela comme une nouvelle preuve de l’exaspération et de la détermination d’une partie des jeunes concernant l’urgence écologique, s’il en fallait une.

Ce qui marque dans ce discours, rejoint par des normaliens et polytechniciens, c’est la dénonciation sans équivoque de l’inacceptabilité de formations universitaires « qui poussent globalement à participer aux ravages sociaux et écologiques en cours ».

Nos formations sont restées figées dans le monde d’avant, cet avant où l’on délocalisait la responsabilité du changement climatique en Chine, en Inde et au Brésil, où l’on présentait un recrutement dans une entreprise du CAC 40 comme le meilleur avenir possible tout en conseillant aux étudiants de couper l’eau pendant le brossage de dents.

Les élèves des grandes écoles sont dans de meilleures conditions socio-économiques pour crier leur révolte et leur désir de bifurcation sur les toits, et pour se faire entendre, que les étudiants d’universités exsangues, contraints de multiplier stages et diplômes, et bien conscients de la difficulté à accéder à des emplois rémunérateurs et épanouissants. Lorsqu’on les forme, qu’on leur donne des espaces de parole et qu’on prend la peine de les écouter, on peut néanmoins entendre ces jeunes exprimer leur anxiété et leur désarroi face à l’ampleur du désastre. Face, aussi, à l’impact modeste de toute action individuelle si les décideurs économiques et politiques se cantonnent aux beaux discours, prononcés pendant les conférences internationales sur le climat ou les campagnes électorales, sans jamais passer réellement à l’action.

L’éco-anxiété se révèle d’autant plus grande que leur vie étudiante est en décalage complet avec l’urgence écologique, encore rappelée par le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Puisqu’on traîne des pieds à l’échelle nationale et internationale, il est de notre responsabilité, à l’université, de nous engager immédiatement dans une refonte radicale de nos pratiques, tant sur le plan de leur soutenabilité environnementale que de nos enseignements disciplinaires et transversaux, nos méthodes et objectifs de recherche. Nous devons engager l’ensemble de la communauté universitaire, les étudiants en tête, dans cette (r)évolution, et avoir l’ambition d’entraîner les territoires, les entreprises et les organisations environnant nos campus.

Intégrer la Bosnie-Herzégovine pour éviter une autre guerre

Intégrer la  Bosnie-Herzégovine pour éviter une autre guerre

 

Dans une tribune au « Monde », l’ancien député européen Daniel Cohn-Bendit et les politistes Timothy Garton Ash, Pawel Karolewski et Claus Leggewie appellent l’Union européenne à déclarer ses intentions d’intégrer la Bosnie-Herzégovine dans une union politique « prévoyant une assistance en cas d’agression ».

 

Tribune. Le sommet européen de Versailles a raté une belle occasion : celle d’instaurer pour l’Europe un nouvel ordre de l’après-guerre dans un lieu hautement symbolique.

Nous ne sommes pas des rêveurs. Nous savons que l’adhésion à l’Union européenne (UE) n’a rien d’une balade bucolique et que l’Ukraine est, en principe, soumise aux mêmes procédures que les pays candidats issus des Balkans. Pourtant, la possibilité s’offrait de poser les jalons d’une union politique en préalable d’une adhésion à part entière. Au lieu de cela, les chefs d’Etat ont pris la voie procédurière, comme si les règles routinières de l’UE s’appliquaient invariablement, même dans un cas aussi extrême qu’une guerre en Europe. Une fois de plus, les arguties de technocrates européens ont supplanté le projet de liberté et de paix.

Dorénavant, l’Union européenne n’est plus l’union économique que nous avons connue. Sans le vouloir, Poutine l’a renvoyée à ses origines : celle d’une alliance normative et institutionnelle. C’est en tout cas ce qu’elle devrait être à nouveau. Désormais, il s’agit non seulement de protéger l’Ukraine contre l’agression russe, mais également de renforcer la protection des nouveaux membres, notamment dans les pays baltes, et d’y inclure tous les Etats souhaitant adhérer à l’UE.

Un « triangle de Weimar élargi » s’impose pour veiller, en particulier, au développement régional et concerté de la politique de sécurité de l’UE. Ce triangle Allemagne-France-Pologne et les Etats baltes doivent s’engager dans une coopération renforcée en matière de politique de sécurité, y compris dans le domaine de l’armement nucléaire si cela s’avérait nécessaire. Le Royaume-Uni doit, pour sa part, retisser l’alliance politique qu’il a imprudemment abandonnée.

Mais une protection renforcée contre la Russie nécessite également de s’attaquer aux chevaux de Troie de Poutine que sont la Hongrie d’Orban ou la Serbie de Vucic. Cela soulève évidemment des questions au sujet de l’appartenance de la Hongrie à l’UE et du statut de candidat de la Serbie.

Dans ce contexte, la Bosnie-Herzégovine mérite une attention particulière. Les politiciens serbes de Banja Luka et de Belgrade y attisent les tendances à la division. Trente ans après le début de la guerre en Yougoslavie, la fragile confédération BiH est minée et une nouvelle guerre entre groupes ethniques devient possible. Les séparatistes de la « Grande Serbie » pouvant immanquablement compter sur le soutien actif du régime de Poutine.

Environnement- Modifier les règles comptables pour intégrer l’urgence climatique

Environnement- Modifier  les règles comptables pour intégrer l’urgence climatique

 

Les chercheurs Walid Ben Amar et Isabelle Martinez plaident, dans une tribune au « Monde », pour une réforme rapide des règles de la comptabilité internationale, en lien avec l’urgence climatique.

 

Tribune.

 

Alors que la COP26 se tient du 1er au 12 novembre à Glasgow (Ecosse), la manière dont les entreprises rendent compte à leurs partenaires externes – et à la société dans son ensemble – de leurs actions face à l’urgence climatique doit d’urgence être mise en débat. La comptabilité, et concrètement les états financiers tels qu’ils sont présentés aujourd’hui, permet-elle de mettre les activités économiques en regard du dérèglement climatique ?

Les normes comptables internationales (IFRS) ne mentionnent pas explicitement la question. Mais l’organisme international chargé de l’élaboration de ces normes (l’IASB) considère que toute entreprise les appliquant est censée mentionner les risques climatiques, dès lors que ceux-ci peuvent avoir des incidences sur ses résultats, ses flux de trésorerie, ou la valeur de ses actifs, et par conséquent sur les rendements espérés.

Au-delà de la réalisation de bilans carbone informant sur leurs émissions de gaz à effet de serre, les entreprises sont donc supposées intégrer les effets de l’accélération du changement climatique dans leur comptabilité, afin d’informer correctement les investisseurs. Pourtant, à l’instar des investisseurs institutionnels pour le climat, qui regroupent plus de cent fonds de placement mobilisés sur la question, force est de constater que trop peu d’entreprises s’acquittent de ce devoir.

Pour l’émergence des innovations « vertes »

Pour que la situation évolue, que les comptes des entreprises reflètent la façon dont elles gèrent les risques climatiques et se conforment à l’objectif zéro carbone de l’accord de Paris de 2015, il est aujourd’hui indispensable de rendre les normes IFRS beaucoup plus explicites sur la manière dont ces risques doivent être intégrés dans les comptes.

Ainsi, un bâtiment, considéré en comptabilité comme une immobilisation, devrait être indiqué comme ayant une durée « d’utilité » raccourcie s’il est très consommateur d’énergie, car la réglementation environnementale empêchera bientôt qu’il soit utilisé en l’état. De même, un actif doit voir sa valeur être dépréciée avec l’évolution prévisible des marchés et la survenue d’innovations « vertes ».

En 2020, Total a, par exemple, enregistré des dépréciations exceptionnelles pour 8 milliards de dollars, en considérant qu’au-delà de 2030 les évolutions technologiques devraient réduire la demande de pétrole et affecter la valeur de ses réserves. De telles opérations comptables ne sont pas aujourd’hui suffisamment systématiques, malgré le travail des auditeurs et commissaires aux comptes, chargés d’évaluer la sincérité des états financiers.

Changer les règles comptables pour intégrer l’urgence climatique

Changer les règles comptables pour intégrer l’urgence climatique

 

Les chercheurs Walid Ben Amar et Isabelle Martinez plaident, dans une tribune au « Monde », pour une réforme rapide des règles de la comptabilité internationale, en lien avec l’urgence climatique.

 

Tribune.

 

Alors que la COP26 se tient du 1er au 12 novembre à Glasgow (Ecosse), la manière dont les entreprises rendent compte à leurs partenaires externes – et à la société dans son ensemble – de leurs actions face à l’urgence climatique doit d’urgence être mise en débat. La comptabilité, et concrètement les états financiers tels qu’ils sont présentés aujourd’hui, permet-elle de mettre les activités économiques en regard du dérèglement climatique ?

Les normes comptables internationales (IFRS) ne mentionnent pas explicitement la question. Mais l’organisme international chargé de l’élaboration de ces normes (l’IASB) considère que toute entreprise les appliquant est censée mentionner les risques climatiques, dès lors que ceux-ci peuvent avoir des incidences sur ses résultats, ses flux de trésorerie, ou la valeur de ses actifs, et par conséquent sur les rendements espérés.

Au-delà de la réalisation de bilans carbone informant sur leurs émissions de gaz à effet de serre, les entreprises sont donc supposées intégrer les effets de l’accélération du changement climatique dans leur comptabilité, afin d’informer correctement les investisseurs. Pourtant, à l’instar des investisseurs institutionnels pour le climat, qui regroupent plus de cent fonds de placement mobilisés sur la question, force est de constater que trop peu d’entreprises s’acquittent de ce devoir.

Pour l’émergence des innovations « vertes »

Pour que la situation évolue, que les comptes des entreprises reflètent la façon dont elles gèrent les risques climatiques et se conforment à l’objectif zéro carbone de l’accord de Paris de 2015, il est aujourd’hui indispensable de rendre les normes IFRS beaucoup plus explicites sur la manière dont ces risques doivent être intégrés dans les comptes.

Ainsi, un bâtiment, considéré en comptabilité comme une immobilisation, devrait être indiqué comme ayant une durée « d’utilité » raccourcie s’il est très consommateur d’énergie, car la réglementation environnementale empêchera bientôt qu’il soit utilisé en l’état. De même, un actif doit voir sa valeur être dépréciée avec l’évolution prévisible des marchés et la survenue d’innovations « vertes ».

En 2020, Total a, par exemple, enregistré des dépréciations exceptionnelles pour 8 milliards de dollars, en considérant qu’au-delà de 2030 les évolutions technologiques devraient réduire la demande de pétrole et affecter la valeur de ses réserves. De telles opérations comptables ne sont pas aujourd’hui suffisamment systématiques, malgré le travail des auditeurs et commissaires aux comptes, chargés d’évaluer la sincérité des états financiers.

Transition énergétique: Intégrer la contrainte du temps

 Transition énergétique: Intégrer la contrainte du temps

 

L’historien Jean-Baptiste Fressoz , chercheur au CNRS, rappelle, dans une chronique au Monde, que les promesses de « l’économie hydrogène » étaient déjà brandies il y a cinquante ans.

 

Chronique.

« Mr. Hydrogen » : c’est le surnom, mi-narquois, mi-admiratif, dont Cesare Marchetti avait été affublé à l’International Institute for Applied Systems Analysis (Iiasa), cet important institut de prospective situé non loin de Vienne que le savant atomiste italien rejoint en 1974, porteur d’une vision, sa vision : celle d’une « économie hydrogène ».

M. Marchetti, aujourd’hui âgé de 94 ans, est surtout connu pour un projet technologique grandiose, celui des « îles énergétiques » : bâtir les centrales atomiques au milieu des océans afin d’approvisionner le monde en hydrogène. Ce projet partait du constat suivant : le nucléaire devait conquérir d’autres marchés que celui de l’électricité et donc produire un carburant liquide pouvant se substituer au pétrole.

Les coûts importaient peu. Dans les années 1970, beaucoup pensent que le pétrole est en phase terminale : le nucléaire deviendrait par la force des choses compétitif, et même indispensable, fournissant une énergie inépuisable grâce aux surgénérateurs.

 

Cesare Marchetti ne cessera de défendre ce projet. D’abord au sein du programme Euratom, où il occupe des postes importants, auprès de la multinationale américaine General Electric, qu’il conseille en matière de prospective, et surtout à travers de nombreux articles et conférences. En 1974, quand se tient à Miami le premier colloque international sur l’économie hydrogène, il fait figure de père fondateur. Un Journal of Hydrogen Energy est créé dans la foulée, dont Cesare Marchetti publie le manifeste.

Les premiers volumes de cette revue sont fascinants tant on y retrouve les promesses actuelles de l’économie hydrogène, la fin des fossiles, la pile à combustible, les électrolyseurs, les pipelines, l’hydrogène comme vecteur énergétique du futur, etc. On discute par exemple beaucoup d’avions à hydrogène, dont les ingénieurs de Lockheed dessinent les élégants fuselages. Après le choc pétrolier, M. Marchetti fait figure de prophète. Le président du Japan Atomic Energy Research Institute l’invite à présenter ses projets au plus haut niveau.

Les perspectives sont grandioses : des centrales atomiques construites sur des atolls du Pacifique produiraient de l’hydrogène par craquage thermique de l’eau (plus efficace que l’électrolyse) ; l’hydrogène serait exporté par une flotte de cryotankers ; le Japon deviendrait l’Arabie saoudite du XXIe siècle. Quant aux déchets radioactifs, en attendant la fusion, on s’en débarrasserait par auto-enfouissement : par leur propre chaleur, ils s’enfonceraient dans le socle basaltique des atolls…

Intégrer la société du grand âge

 Intégrer la société du grand âge

 

Tribune d’un collectif de spécialistes du grand âge dans le Monde

 (extraits )

 

 » Il est désormais temps que la société française prenne à bras-le-corps, avec détermination et lucidité, le défi de la longévité.

Professionnels du secteur de l’aide aux personnes âgées, syndicalistes, acteurs économiques et sociaux, associatifs ou politiques, intellectuels ou experts, citoyens engagés, nous avons comme tout le monde constaté cette implacable statistique : 92 % des victimes du coronavirus en France sont âgées de 65 ans ou plus. En braquant depuis deux mois la lumière sur le grand âge, la crise sanitaire a mis en évidence, et même accentué, nos failles collectives comme nos indéniables atouts.

Parce que nous sommes tous des vieux en devenir, il nous semble essentiel qu’aux côtés des transitions écologique et numérique, nous reconnaissions désormais la transition démographique comme un des grands défis du XXIsiècle. Cette exigence est d’autant plus urgente que la société française va être confrontée à un double défi. Le défi démographique, c’est, à partir de 2025-2030, cette triple massification du vieillissement (plus de retraités, plus de fragiles, plus de dépendants) due à l’arrivée à l’âge de 80-85 ans des « boomeurs » nés à partir de 1945. Le défi sociologique, ce sont ces « nouveaux vieux » qui, au cœur de la crise sanitaire, ont eu raison de rappeler que l’âge n’est pas une identité. En exprimant leur colère quand la barrière d’âge fut un temps envisagée (et heureusement abandonnée) pour les contraindre au confinement au-delà du 11 mai, cette génération, qui avait 18 ans en mai 1968, a crié en 2020 à l’âge de 70 ans : « Vous ne ferez plus contre nous. » Mieux : « Vous ne ferez plus sans nous. »

Ce moment nous oblige donc à repenser le lien entre les générations. Durant cette crise, c’est le virus qui a été « âgiste », pas les Français qui ont fait montre d’une immense solidarité en acceptant ce confinement drastique pour protéger les plus fragiles. Dans une société où un quart de la population est à la retraite et où, en 2050, les plus de 85 ans constitueront 7 % de la population française, nous pensons indispensable un pacte social qui lie les générations entre elles et où soit reconnue l’exigence de citoyenneté et de participation des âgés et de leurs proches. Des retraités qui sont à la fois des garants de la solidarité, en assumant la garde des petits-enfants autant que le soutien aux parents âgés, des précieux passeurs d’histoire, d’éducation et de mémoire et enfin des piliers de la citoyenneté – combien de mairies et d’associations ne tiennent aujourd’hui que par l’investissement des retraités ? »

L’intelligence artificielle : comment y intégrer l’intelligence humaine ?

L’intelligence artificielle : comment y intégrer l’intelligence humaine ?

 

Arnaud Martin, Université Rennes 1 pose la question de l’intégration de  l’incertitude humaine dans l’intelligence artificielle. (La Tribune)


« L’intelligence artificielle est devenue aujourd’hui un enjeu économique et se retrouve au cœur de nombreuses actualités. En effet les applications d’un grand nombre d’algorithmes regroupés sous le terme d’intelligence artificielle se retrouvent dans plusieurs domaines. Citons par exemple l’utilisation de l’intelligence artificielle dans les processus de recrutement ou encore pour le développement de voitures autonomes. Dans ce contexte, la France veut jouer un rôle dans lequel le rapport Villani pose les bases d’une réflexion. Ces méthodes et algorithmes d’intelligence artificielle soulèvent cependant des craintes et des critiques liées à la perte du sens commun issu des relations humaines.

Il faut toutefois avoir conscience que l’ensemble de ces approches ne font qu’intégrer des connaissances humaines qui ont été au préalable modélisées bien souvent à partir de processus d’extraction de connaissances.

C’est dans ce cadre que nous menons des recherches dans l’équipe DRUID (Declarative and Reliable Management of Uncertain, User-generated Interlinked Data) de l’IRISA (Institut de recherche en informatique et systèmes aléatoires). Il est en effet important de pouvoir modéliser de façon la plus exacte possible les connaissances des hommes aussi imparfaites qu’elles soient. Par exemple, lorsqu’on s’exprime sur les réseaux sociaux, on peut émettre des avis entachés d’incertitude ou encore d’imprécision. Il ne serait pas raisonnable de croire tout ce qui peut se dire sur les réseaux sociaux. Mais comment modéliser ces doutes que l’on a tous ?

Nous développons ainsi des approches dans le cadre de la théorie des fonctions de croyance. Cette théorie permet de modéliser à la fois le caractère incertain d’une information mais également son caractère imprécis. Par exemple, si l’on me dit qu’il pleuvra peut-être beaucoup demain, d’une part je ne suis pas certain qu’il pleuve demain et d’autre part je ne sais pas interpréter le terme « beaucoup » qui peut correspondre à la quantité d’eau qu’il va tomber ou à la durée de la pluie. Alors dois-je prendre un parapluie ?

Cette modélisation de l’information produite par les hommes, l’intelligence naturelle, doit être particulièrement fine lorsque l’on veut combiner ces informations issues de différentes personnes. En effet, si beaucoup de personnes pensent qu’il va peut-être pleuvoir demain, sur la base de leurs connaissances diverses et indépendantes, on peut penser qu’il y a plus de chance qu’il pleuve demain, même si les personnes initialement étaient incertaines.

 

Ainsi, plusieurs stratégies de combinaison de ces informations dans le cadre de la théorie des fonctions de croyance ont été proposées. Au cœur de ces approches, réside la notion de conflit car lorsqu’on laisse la possibilité à plusieurs personnes indépendantes de s’exprimer, inévitablement certaines opinions seront contradictoires. Le conflit peut donc être vu comme une conséquence inhérente à la diversité de l’intelligence naturelle. Atteindre un consensus devient donc un des principaux défis de l’intelligence artificielle.

C’est en effet à partir d’un consensus qu’une décision peut être prise que ce soit lors d’une assemblée de personnes ou par un algorithme. Si le consensus est mou, la décision sera moins fiable et parfois peu pertinente. Il serait illusoire de penser que les décisions prises par un algorithme d’intelligence artificielle sont indiscutables et sont prises de façon certaine. Toute décision doit donc être accompagnée d’un niveau de confiance que l’on peut lui porter. Ainsi, dans le cadre de la théorie des fonctions de croyance, plusieurs stratégies de décision sont développées pour m’aider notamment à prendre ou non un parapluie.

Bien sûr le développement de ces approches sous-entend qu’on laisse suffisamment d’expressivité aux personnes afin de préciser leur incertitude et imprécision. C’est malheureusement peu souvent le cas. Aujourd’hui on nous demande notre avis sur tout : on doit noter l’hôtel dans lequel on vient de séjourner, le chauffeur qui nous a conduits, le vendeur d’électroménager ou encore le livreur. Il est cependant bien souvent difficile d’attribuer une note ou un avis, qui reste très subjectif, alors que par exemple on ne s’est même pas encore servi de l’électroménager. Les questionnaires ne permettent pas de préciser nos incertitudes et imprécisions alors qu’il est des plus naturels de les exprimer dans le langage courant. Pire, les algorithmes d’apprentissage qui sont le fondement d’un grand nombre de méthodes d’intelligence artificielle ne permettent pas d’intégrer ces connaissances naturelles puisqu’elles n’ont pas été recueillies dans les bases de données. En particulier, des plates-formes de productions participatives (crowdsourcing en anglais) permettent, entre autres, d’acquérir des bases de connaissances nécessaires à l’apprentissage d’algorithmes de plus en plus gourmands avec la résurgence des réseaux de neurones.

Ainsi dans le cadre d’un projet de recherche qui porte sur le développement de ces plates-formes, nous cherchons à proposer des questionnaires permettant des réponses incertaines et imprécises.

Ces recherches nous paraissent essentielles pour l’intégration de l’intelligence naturelle dans les algorithmes d’intelligence artificielle. »

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Par Arnaud Martin, Intelligence Artificielle, Fouille de données, Université Rennes 1

 

Étrangers : on ne sait pas intégrer (Aurélien Taché)

Étrangers : on ne sait pas intégrer (Aurélien Taché)  

Avec une certaine honnêteté, le député Aurélien Taché  en charge d’un rapport sur l’immigration reconnaît que si la France a une politique d’accueil par contre elle ne sait pas intégrer. Le député aborde par ailleurs les questions de laïcité avec un certain flou caractéristique de LREM. Sur cette question.  Interview JDD

Vous allez remettre un rapport sur l’intégration la semaine prochaine. Que proposez-vous?
Ce rapport vise à apporter une réponse aux étrangers au moment de leur arrivée en France, dès qu’ils obtiennent un titre de séjour – au titre de l’asile ou du regroupement familial par exemple – qui les conduira à s’installer durablement. Il y a donc trois axes. Le premier : l’Etat doit donner à ces personnes des outils pour faciliter leur autonomie. Notamment concernant les cours de langue. La France fait trop peu dans ce domaine. Ces cours de français – aujourd’hui entre 50 et 200 heures, en fonction du niveau de départ – doivent être doublés, peut-être même triplés.

 

Vous souhaitez également revoir les modules d’enseignement permettant de mieux comprendre notre pays.
Actuellement, les modules durent deux journées de 6 heures et sont vraiment très théoriques. On vous apprend l’ordonnance de Villers-Cotterêts, Clovis, le Front Populaire… Ou encore la hiérarchie des normes, qui n’est pas vraiment la première chose à savoir en arrivant en France. Nous voulons complètement refondre cela pour en faire un moment plus important, plus valorisé, plus riche.

 

Quel est le troisième axe?
Il faut que, dans cette politique d’intégration elle-même, nous disposions d’un vrai volet consacré à l’insertion professionnelle. Aujourd’hui, seul 1 étranger sur 3 accueilli en France trouve un emploi dans les cinq premières années suivant son arrivée. On ne tient absolument pas compte du savoir-faire de la personne, de ce qu’elle pourrait vouloir faire en arrivant en France, de l’orientation vers des régions ou métiers où il y a des besoins… Tout ça n’est ni pensé, ni construit. La France a une politique d’accueil, pas d’intégration. Et à l’exil, on a ajouté le déclassement. C’est dramatique.

Vous dites que la France a une politique d’accueil, pas d’intégration. Comment expliquez-vous cela dans un pays comme le nôtre?
Pendant très longtemps, on a pensé que parce que l’on était la République française, issue des Lumières, le fer de lance de l’universalisme à travers le monde, il n’y avait rien besoin de faire. Que l’intégration se faisait toute seule et qu’il n’y avait pas besoin d’avoir d’actions particulières envers les étrangers accueillis. En réalité, c’était un peu naïf. On connaît la situation dans certains de nos quartiers. Sans politique spécifique, quand vous arrivez dans un pays, vous avez forcément moins de chances que les autres d’y trouver votre place. Beaucoup peuvent basculer dans la précarité, il faut l’éviter.

L’intégration, cela peut aussi diviser, non?
En France, il y a un droit d’asile, qui est sacré, qui est un impératif démocratique. L’asile ne se discute pas, ne se quantifie pas. Ensuite, il y a ce qui relève de la politique migratoire, fixée par l’Etat. Est-ce que ça divise? Je ne sais pas. A partir du moment où nous acceptons cette part d’immigration, nous avons tous collectivement intérêt à nous donner les moyens que ces personnes trouvent leur place dans notre pays.

La politique d’immigration d’Emmanuel Macron a été critiquée par les associations, notamment à Calais. Vous y retrouvez-vous complètement?
Notre position, que je viens de développer, suppose que tout le monde ne puisse pas rester. Ceux qui se voient refuser l’asile, qui ne viennent pas rejoindre de la famille en France, qui ne rentrent pas dans les critères précis de l’immigration professionnelle doivent a priori repartir. Les sujets sont rarement totalement binaires. Si ceux qui ne l’ont pas obtenu restent, le droit d’asile n’a plus aucun sens.

Toutes les propositions de ce rapport seront-elles reprises dans le projet de loi asile et immigration?
Non, assez peu relève de la loi. L’essentiel servira à un plan pour l’intégration que le gouvernement, s’il trouve mon rapport intéressant, pourra construire à partir de ces propositions. Un comité interministériel devrait se tenir dans les semaines à venir pour statuer sur les propositions du rapport et réfléchir à ce que chaque ministère pourrait proposer. Ce sera un vrai plan avec des moyens, un pilotage, une gouvernance pour que cette politique d’intégration se mette vraiment en place en France.

Ce projet de loi asile et immigration est-il un test pour la majorité?
Je ne suis pas certain. Je discute à la fois avec des gens soucieux d’avoir ces exigences en termes de retours, et aussi avec ceux qui nous disent de faire attention à ce que notre procédure d’asile continue d’être ouverte. Il faut que chaque aspect soit aussi ambitieux l’un que l’autre pour que l’ensemble de cette majorité s’y retrouve complètement. Ce sera le cas.

 

Vous vous êtes également vu confier une réflexion sur la laïcité pour La République en marche. Les migrants, la laïcité… Vous aimez bien les sujets minés!
Ce n’est pas tellement le fait qu’ils soient minés qui m’intéressent. Mais ce sont des sujets qui révèlent des fragilités dans la société française. La gauche comme la droite en ont fait des sujets polémiques sans les traiter sur le fond. La gauche, dont je suis issu, est totalement passée à côté, soit par peur soit par désintérêt. La droite les a instrumentalisés politiquement sur des positions très réactionnaires, en tout cas depuis la droite Sarkozy-Buisson.

Vous prenez aussi le risque de crisper un peu plus les positions de chacun en remettant le sujet de la laïcité sur la table…
Les débats d’une violence inouïe qu’on a parfois sur la laïcité révèlent bien qu’il y a quelque chose à clarifier. Après, je m’en fiche de ne pas me mettre d’accord avec Laurent Wauquiez ou Jean-Luc Mélenchon sur ces questions.

Et avec Manuel Valls?
Il est dans la majorité donc je souhaite qu’on puisse être le plus d’accord possible. Mais cela n’a échappé à personne qu’il a une vision très singulière qu’il défend avec force. La réflexion que j’anime se fait dans le cadre d’un mouvement, auquel n’a pas adhéré Manuel Valls. Au sein de La République en marche, nous devons défendre un projet de vision d’une société ouverte, qui serait radicalement différent de celui d’une droite ou d’une gauche conservatrice.

 

L’objectif de ce groupe sur la laïcité, n’est-ce pas d’abord de trouver une position commune au sein de LREM?
Je ne pense pas qu’il y ait des divisions au sein du mouvement là-dessus. Cette position commune existe déjà. Il faut en revanche prendre le temps de faire ce travail. Avoir cette réflexion, c’est aborder la question de manière politique. Or, lorsqu’on évoque les fractures au sein de notre société, c’est bien le rôle du politique d’y apporter des réponses.

 

Evoquer la laïcité, n’est-ce pas une façon déguisée de parler de la place de l’islam dans notre société?
Cela revient en effet à cela dans le débat politique aujourd’hui, mais ce n’est pas normal. La laïcité est bien autre chose que l’islam. Quand on fait l’amalgame entre les deux, le débat est déjà biaisé. Il me semble donc d’abord important dans ce travail de clarifier ce qu’est la laïcité. Certains défendent des conceptions qui ne me paraissent pas fidèles à la laïcité française des origines. La loi de 1905 dit neutralité de l’Etat et liberté de conscience pour les citoyens. L’Etat est donc bien laïc, pas la société. Vouloir imposer une neutralité des citoyens dans l’espace public, ce n’est pas la laïcité telle qu’elle est construite aujourd’hui.

 

Le voile au sein des entreprises, par exemple, n’y voyez-vous aucun problème?
La laïcité n’a rien à voir avec l’entreprise. Le principe, c’est la liberté, ne venons pas tout confondre. Si l’entreprise veut faire un règlement, c’est autre chose, mais sinon les gens sont libres.

 

Le voile à l’université?
C’est pareil : comment peut-on l’interdire à des usagers des services publics, en l’occurrence des étudiants majeurs? Ce serait une atteinte à la liberté de conscience.

 

A l’Assemblée nationale?
Il n’y a pas non plus de sujet de laïcité ici. C’est un peu comme l’entreprise : on peut estimer que pour la sérénité des débats, il vaut mieux avoir une tenue assez neutre. Donc ne pas venir avec un maillot de foot comme François Ruffin, ou de porter un signe religieux. Le président de l’Assemblée, François de Rugy, a souhaité poser cette question. C’est sa conception, je l’entends, mais elle peut être discutée.

 

Vous êtes issu du Parti socialiste. Est-ce que vous vous revendiquez toujours de gauche?
Non. Je me revendique progressiste. J’étais à gauche parce que globalement le logiciel proposé était plus proche de mes idées. Mais il y avait beaucoup de choses qui ne me convenaient pas sur le plan idéologique. Je suis très attaché à la lutte contre les déterminismes sociaux, par exemple. Je viens d’un milieu très populaire, je n’avais pas fait d’études supérieures, avant de m’y inscrire par la suite, à 19 ans. Je n’ai pas le bac, ni le brevet. J’ai senti que ce combat contre les déterminismes, ce qu’Emmanuel Macron appelle les assignations à résidence, était porté de façon bien plus forte par le Président que par le PS. Là-bas, on traitait ces sujets toujours d’un revers de la manche.




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