Ukraine : une aide insuffisante et trop tardive des États-Unis
Les alliés occidentaux de Kiev ont perdu un temps précieux à peser le pour et le contre avant de lever l’interdit concernant les missiles à longue portée. Il faut espérer que l’autorisation donnée par les Etats-Unis à l’Ukraine de frapper en profondeur le territoire russe à l’aide des ATACMS soit suivie rapidement de décisions similaires d’autres pays alliés. ( papier du Monde)
Mille jours après le début d’une guerre dont la Russie est la seule responsable, la pression des événements a été une nouvelle fois nécessaire pour tirer les Etats-Unis de leur indécision. Comme par le passé, l’autorisation finalement accordée par Washington à Kiev, le 17 novembre, pour frapper en profondeur le territoire russe à l’aide des missiles américains ATACMS, d’une portée de 300 kilomètres, a été le produit d’un constat alarmant. Il s’agit de la perspective d’une contre-attaque russe visant à repousser les forces ukrainiennes qui ont pris pied dans la région russe de Koursk au cours de l’été, pour en faire une monnaie d’échange en cas d’éventuelles négociations.
Le Kremlin a réagi en accusant Washington de « jeter de l’huile sur le feu ». L’escalade est pourtant de sa seule responsabilité, notamment sa décision d’appeler à la rescousse un pays tiers, la Corée du Nord. Cette cobelligérance réelle s’est traduite par le déploiement de soldats de Pyongyang. L’incertitude que provoque le retour programmé de Donald Trump à la Maison Blanche joue aussi certainement dans la décision de Joe Biden. En promettant imprudemment de mettre un terme en un temps record au conflit provoqué par Moscou, le président élu pousse paradoxalement les deux camps à jeter le maximum de forces dans la bataille d’ici à sa prestation de serment.
Comme lors des précédents débats concernant la fourniture d’armements tels que les canons, les chars légers puis lourds et les avions de chasse, les alliés occidentaux de Kiev ont perdu un temps précieux à peser le pour et le contre avant de lever l’interdit concernant les missiles à longue portée. Ils ont été de nouveau tiraillés entre la prise de conscience de la nécessité de rompre avec l’asymétrie, en hommes et en matériels, qui fragilise Kiev face à Moscou, et la crainte des conséquences d’un engagement accru aux côtés de l’Ukraine.
On ne peut donc que regretter, comme la vice-première ministre ukrainienne, Olga Stefanishyna, que cette annonce intervienne bien tard. « Si cette décision avait été prise plus tôt, elle aurait permis de sauver de nombreuses vies », a-t-elle regretté le 18 novembre. L’armée russe l’a par ailleurs anticipée en repositionnant notamment une majorité de ses bombardiers sur des aérodromes situés hors de portée des ATACMS. Cette autorisation américaine reste en outre assortie de conditions. Elle ne sera levée qu’au cas par cas, en fonction des objectifs ukrainiens, dans une logique qui n’est pas vraiment celle d’une guerre de haute intensité.
Il faut espérer désormais que cette annonce américaine soit suivie rapidement de décisions similaires des pays fournissant des missiles à longue portée à Kiev. Il s’agit de la France et du Royaume-Uni. Il faut également souhaiter qu’elle contribue à lever les réticences allemandes à propos de leurs missiles Taurus, dont le rayon d’action est de 500 kilomètres.
Le chancelier Olaf Scholz ne peut inviter la Russie à se tenir « prête à des négociations sérieuses avec l’Ukraine dans le but de parvenir à une paix juste et durable », comme il l’a fait au cours d’un appel téléphonique malencontreux avec le maître du Kremlin, Vladimir Poutine, le 15 novembre, sans renforcer au préalable la main de Kiev. Au lendemain de cet échange, la Russie lançait de nouveaux bombardements destructeurs contre les infrastructures énergétiques civiles ukrainiennes. Un cruel rappel à la réalité.