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Campagne présidentielle : l’école instrumentalisée ?

Un édito du Monde explique que l’école actuellement en grande souffrance est instrumentalisée pour servir les batailles idéologiques des candidats aux présidentielles.

Un papier intéressant mais cependant qui ne saurait faire l’impasse sur le rôle des pédagogies fumeuses qui ont permis de tirer le niveau faire le bas. Une approche systémique de la crise de l’école doit aussi prendre en compte cet aspect-là.

 

Tout se passe comme si l’école servait de prétexte pour aborder des thèmes comme le « déclin de la France ». Or les maux dont elle souffre ne sont pas solubles dans des batailles idéologiques.

 

Dans un pays où la République s’est construite par et autour de l’école, il n’est guère étonnant que la campagne pour l’élection présidentielle de 2022 hisse l’institution scolaire parmi ses principaux thèmes de débat. Après tout, l’école est à la fois une des premières préoccupations quotidiennes des Français et le creuset où se jouent l’avenir économique et intellectuel du pays ainsi que la capacité de ses citoyens à vivre ensemble. L’école est aussi l’une des premières cibles des attaques qui visent la République, dont elle est le cœur battant, comme l’anniversaire de l’assassinat de Samuel Paty l’a tragiquement rappelé.

On pourrait se réjouir de voir un sujet crucial s’inviter si précocement dans l’élection qui mobilise le plus les Français. Logiquement, la gauche insiste sur la nécessité de revaloriser les salaires et, dans le sillage de syndicats d’enseignants, critique la réforme du lycée et du baccalauréat. De son côté, la droite défend le rétablissement de l’autorité, le retour aux « savoirs fondamentaux ». A l’extrême droite, on cultive la caricature présentant des enseignants abandonnés par l’institution et livrés à des élèves hostiles.

 

Mais les candidats parlent-ils de la réalité vécue dans les établissements scolaires ? Ont-ils en tête la complexité de ce qui se passe dans chaque classe, entre professeur et élèves ? De ce qui se joue entre les établissements scolaires et un monde aux prises avec le clanisme et les manipulations des réseaux sociaux ? S’intéressent-ils au casse-tête des parents en matière d’orientation ? S’agit-il pour eux de s’attaquer aux faiblesses de notre système scolaire qui, dans les classements internationaux, est l’un des moins efficaces des grands pays développés pour compenser l’origine sociale dans les performances et les trajectoires ?

En réalité, tout se passe comme si l’école servait de prétexte pour aborder des thèmes comme le « déclin de la France », la remise en cause de son identité ou le recul de l’autorité. Comme si l’institution scolaire était prise en otage par la surenchère identitaire qui alimente une féroce bataille de personnes à droite et que la gauche, elle aussi en pleine querelle d’ego, peine à dépasser.

Or les maux dont souffre l’école ne sont pas solubles dans des batailles idéologiques. Ils sont réels, systémiques. Ils se nomment inégalité entre établissements, affectation des professeurs les moins expérimentés dans les établissements les plus difficiles, salaires trop bas, priorités budgétaires favorisant les formations d’élite, mécanisme de répartition des élèves qui contourne l’exigence de mixité.

 

Pour lutter contre le « darwinisme social » dénoncé par le sociologue François Dubet, il faut réformer la carte scolaire afin de limiter l’« entre-soi », changer le mécanisme d’affectation des enseignants, faciliter le dialogue entre établissements et familles, démocratiser l’information des parents sur l’orientation et l’accès aux meilleures filières.

Pour changer l’école, des points d’appui existent : le rapprochement parents-professeurs consécutif à la pandémie de Covid-19, le consensus sur l’indigence des salaires des enseignants, les comparaisons internationales inquiétantes.

Il reste aux candidats à la présidentielle à cesser d’instrumentaliser l’institution scolaire et à mettre élèves, familles et enseignants, et non leur stratégie présidentielle, au centre de leurs discours. Eux qui promettent d’« élever le niveau scolaire » devraient commencer par donner l’exemple en élevant le niveau de la campagne.

Coronavirus :  » La science doit servir le pouvoir et non être instrumentalisée »

Coronavirus :  » La science doit servir le pouvoir et non être instrumentalisée »

 

Le professeur de droit public Alexandre Viala analyse, dans une tribune au « Monde », les liens entre scientifiques et politiques .

Tribune. Si la « guerre » sanitaire contre la pandémie de coronavirus met en première ligne le personnel soignant auquel il faut rendre hommage, elle confère également beaucoup de visibilité aux scientifiques, qui occupent soudainement le rôle de conseillers du prince. Depuis le 10 mars, un conseil scientifique installé par le ministre de la santé et présidé par l’immunologue Jean-François Delfraissy éclaire le président de la République pour l’aider à prendre les décisions qui s’imposent au pays afin de lutter contre la propagation du virus.

Le 24 mars, le pouvoir exécutif a décidé de renforcer le dispositif en l’assortissant d’un Comité analyse recherche et expertise (CARE) dirigé par la virologiste Françoise Barré-Sinoussi. Une batterie d’experts issus du monde médical intervient désormais au sein des plus hautes sphères de l’Etat. Est-ce à dire que la science a pris le pouvoir au risque d’infléchir nos institutions démocratiques et de les faire évoluer, à la faveur de cette crise, vers une forme de despotisme éclairé que les Anglo-Saxons appellent l’épistocratie (étymologiquement : « pouvoir des savants ») ?

Depuis quelques jours, la publication des avis du conseil scientifique, qui précèdent les décisions du président de la République sur le déclenchement, la durée et les modalités d’un confinement national lourd de conséquences sur notre vie quotidienne, révèle un processus institutionnel érigeant la science au rang de source normative. Il est vrai que la science n’est pas exclusivement spéculative et peut avoir une portée pragmatique, à l’instar de la médecine dont la fonction est de comprendre le corps humain dans le but de le soigner. Mais le rôle qui lui est assigné à l’heure actuelle contredit ce à quoi elle est habituellement destinée : décrire le monde et non prescrire des normes.

 

Ce cas de figure dans lequel un pouvoir (cratos) serait exercé par les détenteurs du savoir scientifique (épistémè), n’est pas mentionné dans la typologie classique des régimes politiques qui distingue, depuis Montesquieu, la république (démocratique ou aristocratique), la monarchie et le despotisme. Et aucune Constitution, dans le monde, ne confère explicitement le pouvoir à des savants.

 

 




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