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Fleurs et insectes pollinisateurs: le déclin

 

Fleurs  et insectes pollinisateurs: le déclin

 

Alors que le déclin des insectes ne ralentit pas, de nouvelles questions se posent quant à la manière dont les plantes, qui ont besoin des pollinisateurs, s’adaptent. Comment font-elles pour se reproduire dans ces conditions ? Dans une récente étude que nous avons menée, nous comparons des fleurs de pensée des champs (Viola arvensis) poussant aujourd’hui dans la région parisienne à des plantes plus anciennes de la même espèce, « ressuscitées » à partir de graines collectées il y a 20 à 30 ans. Nous avons trouvé que les fleurs actuelles sont 10 % plus petites, produisent 20 % moins de nectar que leurs ancêtres, des caractéristiques importantes pour attirer les pollinisateurs, qui viennent en conséquence moins les visiter. Ces changements montrent que les liens qui nouent les pensées à leurs pollinisateurs sont en train de se rompre. Pour mettre en évidence l’évolution des fleurs actuelles par rapport à leurs ancêtres, nous avons eu recours à une méthode appelée « écologie de la résurrection ». Cette pratique consiste à comparer des individus issus d’une même espèce, mais récoltés à plusieurs années d’intervalle.

 

par 

Doctorant en écologie évolutive, Université de Montpellier dans The Conversation

 

Dans le cas de cette étude, publiée dans le journal scientifique New Phytologist, les plantes anciennes ont été « ressuscitées » depuis des graines collectées dans les années 1990-2000 et conservées par les Conservatoires botaniques nationaux de Bailleul et du Bassin parisien. Ces plantes anciennes ont été comparées à des plantes prélevées en 2021. La comparaison entre les pensées anciennes et leurs descendantes poussant de nos jours dans les mêmes champs du Bassin parisien permet de comprendre l’évolution de l’espèce au cours de ces 20 à 30 dernières années.

C’est ainsi que nous avons pu étudier l’évolution de quatre populations de pensées des champs, une plante messicole, c’est-à-dire une plante sauvage présente dans les cultures agricoles, dans le Bassin parisien. Les plantes messicoles jouent un rôle important dans les services de pollinisation en attirant les insectes pollinisateurs et en leur offrant une ressource diversifiée. Le déclin de l’attractivité des messicoles pourrait diminuer l’attraction des pollinisateurs, pourtant nécessaires aux bons rendements de 75 % des cultures agricoles.

La moindre attractivité des fleurs pour les pollinisateurs est vraisemblablement leur réponse au déclin des insectes durant les dernières décennies, rapporté par plusieurs études à travers l’Europe. Plus de 75 % de la biomasse d’insectes volants, dont font partie les pollinisateurs, a disparu dans les aires protégées allemandes en 30 ans. Les pensées des champs, comme la majorité des plantes à fleurs, sont le fruit d’une coévolution avec leurs pollinisateurs durant des millions d’années pour arriver à une relation à bénéfice réciproque. La plante produit du nectar pour les insectes, et les insectes en contrepartie assurent le transport du pollen entre fleurs, assurant leur reproduction.

Avec le déclin des pollinisateurs, et donc du transfert de pollen entre fleurs, la reproduction des plantes devient plus difficile. Les résultats de cette étude révèlent que les pensées sont donc en train d’évoluer afin de se passer des pollinisateurs pour leur reproduction. Elles pratiquent de plus en plus l’autofécondation, qui consiste à se reproduire avec soi-même, ce qui est possible pour les plantes hermaphrodites, soit 90 % des plantes à fleurs environ.

Une évolution similaire a déjà été observée lors d’expériences où des plantes, en seulement quelques générations et en l’absence de pollinisateurs se reproduisent plus par autofécondation et produisent des fleurs avec moins de nectar et moins attractives que leurs congénères pollinisées par des insectes. Notre étude est en revanche la première à montrer que le déclin des pollinisateurs pourrait déjà être responsable d’une évolution vers l’autofécondation dans la nature.

L’autofécondation est une stratégie reproductive qui peut être efficace sur le court terme mais qui limiterait la capacité de l’espèce à s’adapter aux changements environnementaux futurs en réduisant la diversité génétique, ce qui augmenterait donc les risques d’extinction.

Ces résultats sont également une mauvaise nouvelle pour les pollinisateurs et le reste de la chaîne alimentaire. Notre étude a en effet mis en évidence un cercle vicieux : une réduction de la production de nectar par les plantes signifie moins de nourriture pour les insectes, ce qui peut à son tour contribuer à menacer les populations de pollinisateurs. Nous montrons que le déclin des pollinisateurs n’a pas que des conséquences démographiques mais également évolutives qui sont d’autant plus difficiles à inverser.

Les conséquences de la disparition des insectes

Les conséquences de la disparition des insectes

Les insectes sont indispensables à notre survie sur terre. Pourtant, depuis une cinquantaine d’années, on constate que leurs populations diminuent, et cela de plus en plus rapidement. Il est très difficile de s’en rendre compte, essentiellement car on les connaît très peu, et on les observe très peu.

Par Joan van Baaren
Professeure en écologie, Université de Rennes 1 – Université de Rennes dans The Conversation

Beaucoup de monde s’inquiète de la disparition des gorilles, des baleines ou des ours blancs : ils sont connus, ils sont les héros de nos dessins animés, on parle d’eux souvent.

Au contraire, les insectes ne nous plaisent pas et on en perçoit surtout leurs aspects négatifs : piqûres de moustiques ou invasion de fourmis dans la maison ou sur la table de pique-nique.

Pourtant, si on a la chance de visiter une région où les insecticides sont peu utilisés, on est frappés par l’abondance des insectes, mais aussi des hirondelles et des lézards par exemple.

Dans des régions où on a pu mesurer, année après année, l’abondance des insectes, la baisse des populations est frappante : par exemple, une étude en Allemagne dans les zones protégées (réserves naturelles, parcs nationaux) montre que la biomasse d’insectes (si l’on pèse tous les insectes du milieu) a diminué de 75 % ces dernières années, et cela malgré les actions de protection, ce qui prouve que leur nombre a aussi beaucoup diminué.

Une autre étude met en évidence que 55 % des pollinisateurs (abeilles (y compris les bourdons), syrphes (pollinisateurs de la famille des mouches), papillons) ont disparu de Grande-Bretagne depuis 1980, et 50 % des insectes volants des lacs américains depuis le début des années 2000.

Il est difficile d’évaluer exactement la diminution des populations, car pour le faire il faudrait que quelqu’un, autrefois, ait évalué les populations de toutes les espèces d’insectes dans une zone pour pouvoir comparer à ce que nous avons aujourd’hui dans la même zone. Cela n’a été fait que dans quelques zones particulières, comme certaines réserves naturelles. Et c’est surtout maintenant, depuis qu’on sait que les insectes disparaissent, qu’on commence à évaluer leurs populations. De plus, comme ils sont souvent très petits, et en grande partie cachés dans leur environnement pour éviter leurs prédateurs, il est difficile de les comptabiliser. C’est pourquoi nous savons que beaucoup d’espèces sont en train de disparaître, mais nous ne savons pas exactement à quelle vitesse.

De plus, même si des milliers d’espèces d’insectes sont en voie de disparition, quelques-uns au contraire prolifèrent et nous causent de nombreux problèmes, comme les chenilles processionnaires responsables de nombreuses allergies ou le moustique tigre qui se répand vers le nord de la France depuis quelques années.

Par contre, les chercheurs ont pu identifier les causes majeures de la disparition des insectes, avec tout d’abord la disparition de leurs habitats, par exemple en France, les zones humides ou les prairies naturelles qui ont été remplacées par la construction de routes, de villes ou de zones industrielles et commerciales. De la même façon, les milieux naturels ont aussi été remplacés par les zones agricoles intensives, que ce soit de grandes cultures ou de serres. Ces zones agricoles se sont beaucoup transformées depuis les années 1960, passant de petits champs séparés par des haies, avec une alternance de pâtures, de cultures et de vergers, à une spécialisation très forte des régions.

Par exemple la Beauce, au sud et à l’ouest de Paris, est dénommée « le grenier à grains » de la France et comporte des champs de céréales immenses, avec un nombre très réduit de haies. De plus, dans ces cultures intensives, toutes les plantes sauvages sont détruites par de grandes quantités d’herbicides, et les insectes qui se nourrissent de ces cultures sont détruits par des épandages intensifs d’insecticides qui les tuent, mais qui tuent aussi toutes les autres espèces d’insectes de l’environnement.

Pourtant, seulement 1 % des espèces d’insectes s’attaquent aux plantes que nous cultivons. Ce qui laisse 99 % d’espèces d’insectes indispensables à la vie sur terre, grâce aux très nombreux services qu’elles rendent. Les 75 % des plantes que nous mangeons dépendent des insectes pollinisateurs que sont les nombreuses espèces d’abeilles (1 000 espèces en France), les papillons, les syrphes, les mouches…

Sans pollinisateurs, plus de fraises, ni de pommes, ni d’oignons, ni d’amandes, ni de pêches, ni de poires, ni de noix, ni d’oranges, ni de café, ni de piment, ni de chocolat et bien sûr plus de miel, ni de confitures… Beaucoup de légumes disparaitraient aussi, entraînant un changement de régime alimentaire des êtres humains, qui seraient limités aux plantes pollinisées par le vent, comme les céréales. Un régime alimentaire si peu diversifié augmente les cas de cancers, de diabète et de maladies cardio-vasculaires, qui sont déjà en forte augmentation.

Sans insectes, tous les organismes qui meurent (plantes, animaux) ne seraient pas décomposés. Ce qui entrainerait une diminution de la fertilité des sols, et donc l’impossibilité de cultiver nos ressources alimentaires. Sans insectes, il n’y aurait plus d’oiseaux, plus de chauves-souris, qui nous aident à réguler les espèces qui peuvent nous nuire, comme les moustiques. Sans insectes, les déjections des animaux ne seraient pas incorporées au sol, et pollueraient les cours d’eau, disséminant les maladies.

Il est donc urgent de protéger les insectes, qui subissent aussi le changement climatique. Pour les protéger, il faut enrichir l’environnement en biodiversité végétale, et en particulier remplacer les pelouses par des massifs de fleurs comportant de nombreuses espèces, permettant ainsi à beaucoup d’insectes de se nourrir, et ensuite de servir de nourriture à d’autres insectes comme les coccinelles ou les libellules, à des oiseaux ou à des mammifères comme les musaraignes.

Biodiversité : les insectes pollinisateurs toujours menacés

Biodiversité : les  insectes pollinisateurs toujours menacés

souligne dans une tribune au « Monde » Nicolas Laarman, délégué général de Pollinis.

 

Tribune. (extrait)

 

La nouvelle mouture du Plan national en faveur des insectes pollinisateurs du gouvernement – sa feuille de route face à la disparition accélérée de ces insectes indispensables – a été présentée le 11 juin et fait actuellement l’objet d’une consultation publique. Seul un mince volet concerne les pesticides, qui compte désormais la révision de l’« arrêté abeilles », prévoyant de limiter l’usage de certains pesticides pendant les périodes de floraison ou uniquement au moment du coucher du soleil, ainsi qu’un « renforcement du système d’homologation des pesticides aux niveaux européen et national ».

Sur ce nouveau point, crucial, le gouvernement se contente d’une annonce floue et superficielle pendant que le débat se focalise opportunément sur les horaires d’épandage, en entretenant la confusion entre abeilles domestiques et pollinisateurs sauvages. Les horaires d’épandage aideront peut-être marginalement les abeilles domestiques, contraintes de plus en plus souvent de butiner dans les grandes cultures et des vergers saturés de pesticides…


Mais « l’arrêté abeilles » n’aura qu’un impact négligeable sur la sauvegarde des milliers d’espèces de pollinisateurs sauvages – papillons, abeilles sauvages (bourdons, osmies, andrènes, eucères…), syrphes… Problème : ce sont eux, et non les abeilles domestiques, les véritables garants de la pollinisation. Grâce à la grande variété de leurs caractéristiques physiques (poils auxquels s’attache le pollen, langues de différentes tailles capables de butiner tous types de fleurs sur divers temps de floraison), ils pollinisent les fleurs sauvages et une très grande partie de nos cultures : d’eux dépend notre sécurité alimentaire.

La responsabilité des pratiques agricoles

Ces précieux insectes évoluent aujourd’hui dans des milieux contaminés par des substances hautement toxiques, qui interagissent entre elles dans des proportions inconnues, et qu’on retrouve dans les poussières, l’air, les eaux de surfaces, les rivières, les fleurs sauvages qu’ils butinent, les sols, où nichent la plupart des abeilles solitaires et où les molécules persistent souvent plusieurs années.

Qu’importe alors que ces substances soient pulvérisées de nuit ? Vont-elles disparaître à l’aube, comme par magie ? Quid des innombrables espèces de papillons de nuit, incontournables pollinisateurs dont les populations s’effondrent en France et en Europe. Depuis vingt-cinq ans, plus d’un millier d’études scientifiques documentent les effets létaux des pesticides sur les pollinisateurs.

Environnement : les insectes pollinisateurs toujours menacés

Environnement : les  insectes pollinisateurs toujours menacés

souligne dans une tribune au « Monde » Nicolas Laarman, délégué général de Pollinis.

 

Tribune. (extrait)

 

La nouvelle mouture du Plan national en faveur des insectes pollinisateurs du gouvernement – sa feuille de route face à la disparition accélérée de ces insectes indispensables – a été présentée le 11 juin et fait actuellement l’objet d’une consultation publique. Seul un mince volet concerne les pesticides, qui compte désormais la révision de l’« arrêté abeilles », prévoyant de limiter l’usage de certains pesticides pendant les périodes de floraison ou uniquement au moment du coucher du soleil, ainsi qu’un « renforcement du système d’homologation des pesticides aux niveaux européen et national ».

Sur ce nouveau point, crucial, le gouvernement se contente d’une annonce floue et superficielle pendant que le débat se focalise opportunément sur les horaires d’épandage, en entretenant la confusion entre abeilles domestiques et pollinisateurs sauvages. Les horaires d’épandage aideront peut-être marginalement les abeilles domestiques, contraintes de plus en plus souvent de butiner dans les grandes cultures et des vergers saturés de pesticides…


Mais « l’arrêté abeilles » n’aura qu’un impact négligeable sur la sauvegarde des milliers d’espèces de pollinisateurs sauvages – papillons, abeilles sauvages (bourdons, osmies, andrènes, eucères…), syrphes… Problème : ce sont eux, et non les abeilles domestiques, les véritables garants de la pollinisation. Grâce à la grande variété de leurs caractéristiques physiques (poils auxquels s’attache le pollen, langues de différentes tailles capables de butiner tous types de fleurs sur divers temps de floraison), ils pollinisent les fleurs sauvages et une très grande partie de nos cultures : d’eux dépend notre sécurité alimentaire.

La responsabilité des pratiques agricoles

Ces précieux insectes évoluent aujourd’hui dans des milieux contaminés par des substances hautement toxiques, qui interagissent entre elles dans des proportions inconnues, et qu’on retrouve dans les poussières, l’air, les eaux de surfaces, les rivières, les fleurs sauvages qu’ils butinent, les sols, où nichent la plupart des abeilles solitaires et où les molécules persistent souvent plusieurs années.

Qu’importe alors que ces substances soient pulvérisées de nuit ? Vont-elles disparaître à l’aube, comme par magie ? Quid des innombrables espèces de papillons de nuit, incontournables pollinisateurs dont les populations s’effondrent en France et en Europe. Depuis vingt-cinq ans, plus d’un millier d’études scientifiques documentent les effets létaux des pesticides sur les pollinisateurs.

La lumière artificielle responsable de la disparition des insectes

La lumière artificielle responsable de la  disparition des insectes

,Les insectes nocturnes ont mis au point il y a quelques millénaires une technique imparable jusqu’à la création de l’ampoule: fixer un astre et se déplacer en gardant un angle constant par rapport à lui. L’arrivée de l’éclairage artificiel, autour duquel ils tournent frénétiquement jusqu’à épuisement, expliquerait en partie leur disparition progressive. Selon une étude de scientifiques américains publiée dans la revue Biological Conservation le 16 novembre dernier - la plus importante synthèse des connaissances sur ce sujet à ce jour - la pollution lumineuse serait un facteur important, mais négligé, du déclin des populations d’insectes à travers le monde.

La  lumière artificielle peut affecter tous les aspects de la vie des invertébrés: leur mort autour des ampoules, la recherche de nourriture, la disparition des signaux d’accouplement des lucioles et des éphémères, qui ne se voient que dans le noir le plus total, ou encore le fait d’être vulnérables face à leurs prédateurs (rats ou grenouilles). «Nous croyons fermement que la lumière artificielle nocturne – combinée à la perte d’habitat, le recours aux pesticides et aux engrais de synthèse, l’agriculture intensive, les espèces envahissantes et le changement climatique – est en train de provoquer la disparition des insectes», ont conclu les auteurs de cette étude inédite, qui fait la synthèse de plus de 150 recherches antérieures. Et de conclure: «Nous postulons ici que la lumière artificielle est un facteur important – mais souvent négligé – de l’apocalypse des insectes».

La différence avec les autres facteurs de déclin est que la pollution lumineuse est plutôt facile à prévenir, soulignent les chercheurs. Il suffit en effet d’éteindre les lumières inutiles et d’utiliser des ampoules appropriées. «Cela pourrait ainsi réduire considérablement la perte d’insectes, et ce très rapidement», ont écrit les chercheurs. Pour Brett Seymoure, auteur principal de la revue et membre de l’Université Saint-Louis de Washington, la lumière artificielle «est un éclairage provoqué par l’homme, allant des lampadaires aux torches à gaz pour extraire le pétrole. Cela peut affecter les insectes dans presque tous les aspects de leur vie».

À la fin du XIXe siècle, les insectes constituaient les deux tiers (66 %) des espèces terrestres. Soit un peuple diversifié de près d’un million d’espèces sur Terre, dont la moitié vit la nuit. Aujourd’hui, selon un bilan réalisé par des chercheurs australiens et publié en février dernier, près de la moitié des insectes sont en déclin rapide dans le monde entier. «La conclusion est claire, soulignent les auteurs, à moins que nous ne changions nos façons de produire nos aliments, les insectes auront pris le chemin de l’extinction en quelques décennies». Aujourd’hui, environ un tiers des espèces sont menacées d’extinction «et chaque année environ 1% supplémentaire s’ajoute à la liste», ont calculé Francisco Sanchez-Bayo et Kris Wyckhuys, des universités de Sydney et du Queensland. Ce qui équivaut, notent-ils, «au plus massif épisode d’extinction» depuis la disparition des dinosaures.

En accord avec cette précédente étude, les scientifiques américains jugent que la disparition des insectes aurait «des conséquences dévastatrices pour la vie sur cette planète». Exemple de service vital rendu par les insectes, et sans doute le plus connu, la pollinisation des cultures. À l’inverse, exemple d’impact de leur disparition sur toute la chaîne alimentaire: le déclin «vertigineux» des oiseaux des campagnes révélé en France en 2018. Selon une étude parue fin 2017 et basée sur des captures réalisées en Allemagne, l’Europe aurait perdu près de 80% de ses insectes en moins de 30 ans, contribuant à faire disparaître plus de 400 millions d’oiseaux. Oiseaux, mais aussi hérissons, lézards, amphibiens, poissons… tous dépendent de cette nourriture.

Menaces de disparition des insectes

Menaces de disparition des insectes

Alors que les oiseaux ont disparu à hauteur de 30% en France, en 20 ans du fait de l’agrochimie et de la destruction des habitats, des chercheurs australiens prévoient que les insectes pourraient bien disparaître de la surface du globe d’ici quelques dizaines années d’après le compte rendu de France info.  Environ un tiers des oiseaux ont disparu des campagnes ces vingt dernières années, selon les observations du CNRS et du Muséum d’histoire naturelle.  L’ensemble du cortège des oiseaux de plaine a diminué, quelle que soit l’espèce, avec des vitesses différentes selon les espèces. L’espèce la plus abondante, l’alouette des champs, a par exemple diminué de 35% en l’espace d’un peu plus de vingt ans. Les dégâts sont encore plus spectaculaires pour d’autres espèces, comme les perdrix, qui ont diminué de 80 à 90% sur les vingt-trois dernières années. Il y a évidemment un lien de cause à effet aussi entre la disparition des oiseaux et des insectes eux aussi très menacés. Ainsi les chercheurs australiens estiment que près de la moitié des espèces d’insectes, essentiels aux écosystèmes comme aux économies, sont en déclin rapide dans le monde entier, «La conclusion est claire: à moins que nous ne changions nos façons de produire nos aliments, les insectes auront pris le chemin de l’extinction en quelques décennies», soulignent les auteurs de ce bilan «effrayant», synthèse de 73 études, qui pointe en particulier le rôle de l’agriculture intensive.

Aujourd’hui, environ un tiers des espèces sont menacées d’extinction «et chaque année environ 1% supplémentaire s’ajoute à la liste», ont calculé Francisco Sanchez-Bayo et Kris Wyckhuys, des universités de Sydney et du Queensland. Ce qui équivaut, notent-ils, «au plus massif épisode d’extinction» depuis la disparition des dinosaures. «La proportion d’espèces d’insectes en déclin (41%) est deux fois plus élevée que celle des vertébrés et le rythme d’extinction des espèces locales (10%) huit fois plus,» soulignent-ils.

.Or les insectes sont «d’une importance vitale pour les écosystèmes planétaires»: «un tel événement ne peut pas être ignoré et devrait pousser à agir pour éviter un effondrement des écosystèmes naturels qui serait catastrophique», insistent les scientifiques, dans ces conclusions à paraître dans la revue Biological

Exemple de service vital rendu par les insectes, et sans doute le plus connu, la pollinisation des cultures. À l’inverse, exemple d’impact de leur disparition sur toute la chaîne alimentaire: le déclin «vertigineux» des oiseaux des campagnes révélé en France en 2018. «Il n’y a quasiment plus d’insectes, c’est ça le problème numéro un», expliquait alors un des auteurs de l’étude française, Vincent Bretagnolle: car même les volatiles granivores ont besoin d’insectes à un moment dans l’année, pour leurs poussins… Selon une étude parue fin 2017 et basée sur des captures réalisées en Allemagne, l’Europe aurait perdu près de 80% de ses insectes en moins de 30 ans, contribuant à faire disparaître plus de 400 millions d’oiseaux. Oiseaux, mais aussi hérissons, lézards, amphibiens, poissons… tous dépendent de cette nourriture.

Le recul des insectes, qui forment les deux tiers des espèces terrestres, remonte au début du XXe siècle, mais s’est accéléré dans les années 1950-60 pour atteindre «des proportions alarmantes» ces vingt dernières années. Parmi les plus affectés, les lépidoptères (les papillons), les hyménoptères (abeilles, guêpes, fourmis, frelons… présents sur tous les continents sauf en Antarctique) et les coléoptères (scarabées, coccinelles). Quelque 60% des espèces de bousiers sont ainsi sur le déclin dans le bassin méditerranéen. Et une espèce d’abeilles sur six a disparu au niveau régional, dans le monde. Les insectes aquatiques ne sont pas épargnés, qu’il s’agisse des libellules ou des éphémères.

«Restaurer les habitats, repenser les pratiques agricoles, avec en particulier un frein sérieux à l’usage de pesticides et leur substitution par des pratiques plus durables, s’impose urgemment», soulignent les auteurs du rapport, qui appellent aussi à assainir les eaux polluées, en ville comme en milieu rural.

Disparition des insectes : la fin de la vie sur terre

Disparition  des insectes : la fin de la vie sur terre

 

Les insectes pourraient disparaître d’ici Ia fin du  siècle. Et la vie devenir insupportable pour les humains à cette échéance ce que pense Henri-Pierre Aberlenc, entomologiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).(Interview France Info)

 

Que faut-il retenir de l’étude publiée par Biological Conservation 

 

Henri-Pierre Aberlenc : Il y a deux ans, des articles faisaient déjà état de la disparition des insectes, il y avait déjà eu beaucoup d’agitation de la part des médias. Mais, depuis, on n’en parle plus. Le principal mérite de ce rapport est d’enfoncer le clou et de relancer le débat sur le sujet.

En revanche, il y a un oubli très net de certains paramètres importants qui sont à l’origine de leur disparition, comme la pollution lumineuse, très néfaste notamment pour les insectes nocturnes. Les chercheurs ne citent que la pollution chimique par différents poisons.

Un autre paramètre qui a été minoré dans cette étude, c’est la déforestation des forêts primaires tropicales – c’est-à-dire des forêts telle que la nature les a faites, sans intervention de l’homme. Les forêts qui peuvent pousser à la place d’une forêt primaire ne recèlent qu’un pourcentage infime de la biodiversité présente dans les forêts primaires. La déforestation a un rôle important dans la disparition des insectes, voire même plus que les pesticides et l’agriculture intensive. 

Les forêts primaires détiennent l’essentiel de la biodiversité des insectes de la planète. En les détruisant, on fait disparaître des millions d’insectes.Henri-Pierre Aberlenc, entomologisteà franceinfo

La forêt joue un grand rôle contre les sécheresses. Les forêts ont besoin de population équilibrée d’insectes, qui soient en interaction avec les arbres et les plantes. C’est un ensemble qui s’autorégule. Donc, pas de forêt sans insectes.

Enfin, un dernier paramètre a été fortement oublié dans cette étude, c’est la circulation automobile, qui est aussi un facteur de destruction considérable de la faune.

Avez-vous des chiffres qui permettent de démontrer la disparition des insectes ? 

 

Personnellement, mes recherches ne se sont jamais basées sur des chiffres, mais sur mon expérience en tant que naturaliste. Sur le terrain, j’ai constaté un déclin flagrant. Par exemple, il y a une trentaine d’années, lorsque je ramassais des bousiers dans le Midi de la France, je pouvais voir des Copris, qui sont de beaux scarabées coprophages [qui se nourrit d'excréments]. En une heure d’exploration sur le terrain, je pouvais en trouver plusieurs dizaines. Or, il y a cinq ans, j’ai envoyé une étudiante au même endroit pour qu’elle fasse des recherches sur les mêmes bousiers. En trois mois de terrain, elle a vu un seul individu.

Cette disparition est très nette au niveau de l’apiculture avec le déclin des abeilles. Beaucoup d’apiculteurs ont perdu 100% de leurs abeilles et ont dû arrêter leur activité. La disparition des abeilles et les problèmes que rencontrent les apiculteurs sont un exemple particulier de la manière dont cela nous porte préjudice. On sait que l’on commence à avoir des déficits de pollinisation dans les champs cultivés du fait de la baisse des abeilles et des insectes sauvages.

En quoi le déclin de ces insectes est-il une mauvaise nouvelle ? 

Si l’on garde l’exemple des bousiers, ils ont pour fonction d’enterrer les excréments des animaux. Quand ils les enterrent, ils transforment ces excréments en engrais.  Si les bousiers disparaissent, les excréments deviennent un polluant qui ne fertilise plus le sol, ce qui est fâcheux pour les équilibres généraux de la nature.

Un autre exemple concerne le déficit de pollinisation. Les insectes jouent un rôle-clé dans l’équilibre des écosystèmes. Quand il est rompu, la vie ne peut plus fonctionner correctement. Certaines espèces vont continuer de proliférer alors que les autres disparaissent. On le voit notamment avec la pyrale du buis [introduite accidentellement en Europe dans les années 2000]. Cette chenille détruit les buis, car elle n’a pas d’ennemi naturel chez nous qui pourrait la manger ou la parasiter. Elle a été importée sans les espèces régulatrices.

Le rôle d’une partie des insectes est de réguler la biodiversité, comme tous les parasites et les prédateurs. Henri-Pierre Aberlenc, entomologiste à franceinfo

Les insectes jouent le rôle de régulateur et de nettoyeur, mais aussi de nourriture pour les poissons et les oiseaux. Si on a hérité d’une belle planète, c’est dû à la présence des insectes et des oiseaux. Sans eux, la planète est inhabitable. Une agriculture biologique ne peut se faire sans insectes, et il ne peut y avoir de gestion forestière ou des plantes sans eux.

Si on supprime les insectes, on supprime aussi des quantités d’oiseaux et de chauve-souris, ainsi que de différents vertébrés.

Cette disparition est-elle inéluctable ? 

C’est inéluctable s’il n’y a pas un changement radical du système économique actuellement en vigueur. Or, pour l’instant, ce système a peu de raisons de changer radicalement, parce que cela dérangerait trop de personnes. Je pense que malheureusement, c’est inévitable et que nous allons à une catastrophe.

Il sera trop tard quand on s’apercevra que l’on aurait dû faire quelque chose. Je ne suis pas très optimiste, mais je ne vois pas comment on peut modifier la façon dont fonctionne actuellement l’économie mondiale.

C’est la modernisation de l’économie qui détruit la biodiversité. Henri-Pierre Aberlenc, entomologiste à franceinfo

Pour sauver les insectes, il faut offrir des services pour une agriculture durable, c’est-à-dire raisonnée et biologique. Mais il faudrait aussi renoncer à la mythologie de la croissance dans les pays développés. C’est-à-dire prôner la frugalité et une austérité généralisée, mais qui ne seraient tolérables que par des politiques égalitaires.

Fin des insectes , fin de la vie» ?

Fin des insectes , fin de la vie» ?

 

On connait le rôle des insecte pour la biodiversité, il assurent notamment la pollinisation aussi le recyclage des végétaux et autres déchets entretiennent la vie des sols . Un article du monde souligne l’enjeu de ce massacre.

Selon une étude publiée fin octobre, la biomasse d’arthropodes a chuté de 67 % au cours de la dernière décennie, relève Stéphane Foucart, journaliste au « Monde ».

« La probabilité est forte que l’information la plus importante de la semaine écoulée vous ait échappé. On cherche en vain sa trace dans la conversation publique : elle en est complètement absente. Et pour cause, en France, à peu près aucun média, ni audiovisuel, ni imprimé, ni électronique, n’en a rendu compte (à l’exception du Monde). Elle a pourtant été publiée dans l’édition du 31 octobre de la revue Nature, la plus prestigieuse des revues scientifiques, mais l’attention médiatique était alors, semble-t-il, ailleurs.

La revue britannique publiait ce jour-là l’étude la plus ambitieuse et la plus précise conduite à ce jour sur le déclin des insectes (et des arthropodes en général) ; elle montre, au-delà du doute raisonnable, que le crash en cours des populations d’invertébrés terrestres est plus rapide encore que les estimations publiées jusqu’à présent. Ses résultats sont à vous glacer le sang.

Les auteurs – une vingtaine de chercheurs appartenant à une dizaine d’institutions scientifiques d’Allemagne, de Suisse et d’Autriche – ont analysé l’évolution des captures d’arthropodes sur 300 sites (en prairie ou en forêt) de trois régions allemandes, entre 2008 et 2017.

Le travail qu’ils ont accompli est considérable. Les chercheurs ont analysé un million d’individus capturés au cours de cette décennie, et ont recensé les quelque 2 700 espèces auxquelles ils appartiennent. Ils ont ensuite estimé l’évolution de ces populations grâce à plusieurs indicateurs : le nombre d’individus capturés, leur biomasse et la diversité des espèces représentées. Quelle que soit la métrique considérée, le désastre est à peu près total, les chiffres sidérants.

Au cours de la dernière décennie, sur l’échantillon de 150 prairies analysées par Wolfgang Weisser, Sebastian Seibold (Université technique de Munich, Allemagne) et leurs collègues, la biomasse d’arthropodes a chuté de 67 %. Le nombre d’individus capturés s’est effondré de 78 % et leur diversité a chuté d’un tiers. En moyenne, dans les milieux forestiers, la biomasse de ces bestioles volantes et rampantes a perdu 41 % et la diversité des individus capturés a décliné de 36 %.

« Il y a vingt ans, je n’aurais pas cru qu’un tel effondrement fût possible, dit le professeur Wolfgang Weisser. Je pensais que la plus grande part du déclin des insectes avait eu lieu dans les années 1950-1960, avec la grande période de transformation de l’agriculture européenne. »

 

 

« L’effondrement de la vie avec la fin des insectes » ?

« L’effondrement de la vie avec la fin des insectes » ?

 

On connait le rôle des insecte pour la biodiversité, il assurent notamment la pollinisation aussi le recyclage des végétaux et autres déchets entretiennent la vie des sols . Un article du monde souligne l’enjeu de ce massacre.

Selon une étude publiée fin octobre, la biomasse d’arthropodes a chuté de 67 % au cours de la dernière décennie, relève Stéphane Foucart, journaliste au « Monde ».

« La probabilité est forte que l’information la plus importante de la semaine écoulée vous ait échappé. On cherche en vain sa trace dans la conversation publique : elle en est complètement absente. Et pour cause, en France, à peu près aucun média, ni audiovisuel, ni imprimé, ni électronique, n’en a rendu compte (à l’exception du Monde). Elle a pourtant été publiée dans l’édition du 31 octobre de la revue Nature, la plus prestigieuse des revues scientifiques, mais l’attention médiatique était alors, semble-t-il, ailleurs.

La revue britannique publiait ce jour-là l’étude la plus ambitieuse et la plus précise conduite à ce jour sur le déclin des insectes (et des arthropodes en général) ; elle montre, au-delà du doute raisonnable, que le crash en cours des populations d’invertébrés terrestres est plus rapide encore que les estimations publiées jusqu’à présent. Ses résultats sont à vous glacer le sang.

Les auteurs – une vingtaine de chercheurs appartenant à une dizaine d’institutions scientifiques d’Allemagne, de Suisse et d’Autriche – ont analysé l’évolution des captures d’arthropodes sur 300 sites (en prairie ou en forêt) de trois régions allemandes, entre 2008 et 2017.

Le travail qu’ils ont accompli est considérable. Les chercheurs ont analysé un million d’individus capturés au cours de cette décennie, et ont recensé les quelque 2 700 espèces auxquelles ils appartiennent. Ils ont ensuite estimé l’évolution de ces populations grâce à plusieurs indicateurs : le nombre d’individus capturés, leur biomasse et la diversité des espèces représentées. Quelle que soit la métrique considérée, le désastre est à peu près total, les chiffres sidérants.

Au cours de la dernière décennie, sur l’échantillon de 150 prairies analysées par Wolfgang Weisser, Sebastian Seibold (Université technique de Munich, Allemagne) et leurs collègues, la biomasse d’arthropodes a chuté de 67 %. Le nombre d’individus capturés s’est effondré de 78 % et leur diversité a chuté d’un tiers. En moyenne, dans les milieux forestiers, la biomasse de ces bestioles volantes et rampantes a perdu 41 % et la diversité des individus capturés a décliné de 36 %.

« Il y a vingt ans, je n’aurais pas cru qu’un tel effondrement fût possible, dit le professeur Wolfgang Weisser. Je pensais que la plus grande part du déclin des insectes avait eu lieu dans les années 1950-1960, avec la grande période de transformation de l’agriculture européenne. »

 

 

Disparition des insectes : la fin de la vie sur terre

Disparition  des insectes : la fin de la vie sur terre

 

Les insectes pourraient disparaître d’ici I siècle. Et la vie devenir insupportable pour les humains à cette échéance ce que pense Henri-Pierre Aberlenc, entomologiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad).(Interview France Info)

 

Que faut-il retenir de l’étude publiée par Biological Conservation 

Henri-Pierre Aberlenc : Il y a deux ans, des articles faisaient déjà état de la disparition des insectes, il y avait déjà eu beaucoup d’agitation de la part des médias. Mais, depuis, on n’en parle plus. Le principal mérite de ce rapport est d’enfoncer le clou et de relancer le débat sur le sujet.

En revanche, il y a un oubli très net de certains paramètres importants qui sont à l’origine de leur disparition, comme la pollution lumineuse, très néfaste notamment pour les insectes nocturnes. Les chercheurs ne citent que la pollution chimique par différents poisons.

Un autre paramètre qui a été minoré dans cette étude, c’est la déforestation des forêts primaires tropicales – c’est-à-dire des forêts telle que la nature les a faites, sans intervention de l’homme. Les forêts qui peuvent pousser à la place d’une forêt primaire ne recèlent qu’un pourcentage infime de la biodiversité présente dans les forêts primaires. La déforestation a un rôle important dans la disparition des insectes, voire même plus que les pesticides et l’agriculture intensive. 

Les forêts primaires détiennent l’essentiel de la biodiversité des insectes de la planète. En les détruisant, on fait disparaître des millions d’insectes.Henri-Pierre Aberlenc, entomologisteà franceinfo

La forêt joue un grand rôle contre les sécheresses. Les forêts ont besoin de population équilibrée d’insectes, qui soient en interaction avec les arbres et les plantes. C’est un ensemble qui s’autorégule. Donc, pas de forêt sans insectes.

Enfin, un dernier paramètre a été fortement oublié dans cette étude, c’est la circulation automobile, qui est aussi un facteur de destruction considérable de la faune.

Avez-vous des chiffres qui permettent de démontrer la disparition des insectes ? 

Personnellement, mes recherches ne se sont jamais basées sur des chiffres, mais sur mon expérience en tant que naturaliste. Sur le terrain, j’ai constaté un déclin flagrant. Par exemple, il y a une trentaine d’années, lorsque je ramassais des bousiers dans le Midi de la France, je pouvais voir des Copris, qui sont de beaux scarabées coprophages [qui se nourrit d'excréments]. En une heure d’exploration sur le terrain, je pouvais en trouver plusieurs dizaines. Or, il y a cinq ans, j’ai envoyé une étudiante au même endroit pour qu’elle fasse des recherches sur les mêmes bousiers. En trois mois de terrain, elle a vu un seul individu.

Cette disparition est très nette au niveau de l’apiculture avec le déclin des abeilles. Beaucoup d’apiculteurs ont perdu 100% de leurs abeilles et ont dû arrêter leur activité. La disparition des abeilles et les problèmes que rencontrent les apiculteurs sont un exemple particulier de la manière dont cela nous porte préjudice. On sait que l’on commence à avoir des déficits de pollinisation dans les champs cultivés du fait de la baisse des abeilles et des insectes sauvages.

En quoi le déclin de ces insectes est-il une mauvaise nouvelle ? 

Si l’on garde l’exemple des bousiers, ils ont pour fonction d’enterrer les excréments des animaux. Quand ils les enterrent, ils transforment ces excréments en engrais.  Si les bousiers disparaissent, les excréments deviennent un polluant qui ne fertilise plus le sol, ce qui est fâcheux pour les équilibres généraux de la nature.

Un autre exemple concerne le déficit de pollinisation. Les insectes jouent un rôle-clé dans l’équilibre des écosystèmes. Quand il est rompu, la vie ne peut plus fonctionner correctement. Certaines espèces vont continuer de proliférer alors que les autres disparaissent. On le voit notamment avec la pyrale du buis [introduite accidentellement en Europe dans les années 2000]. Cette chenille détruit les buis, car elle n’a pas d’ennemi naturel chez nous qui pourrait la manger ou la parasiter. Elle a été importée sans les espèces régulatrices.

Le rôle d’une partie des insectes est de réguler la biodiversité, comme tous les parasites et les prédateurs. Henri-Pierre Aberlenc, entomologiste à franceinfo

Les insectes jouent le rôle de régulateur et de nettoyeur, mais aussi de nourriture pour les poissons et les oiseaux. Si on a hérité d’une belle planète, c’est dû à la présence des insectes et des oiseaux. Sans eux, la planète est inhabitable. Une agriculture biologique ne peut se faire sans insectes, et il ne peut y avoir de gestion forestière ou des plantes sans eux.

Si on supprime les insectes, on supprime aussi des quantités d’oiseaux et de chauve-souris, ainsi que de différents vertébrés.

Cette disparition est-elle inéluctable ? 

C’est inéluctable s’il n’y a pas un changement radical du système économique actuellement en vigueur. Or, pour l’instant, ce système a peu de raisons de changer radicalement, parce que cela dérangerait trop de personnes. Je pense que malheureusement, c’est inévitable et que nous allons à une catastrophe.

Il sera trop tard quand on s’apercevra que l’on aurait dû faire quelque chose. Je ne suis pas très optimiste, mais je ne vois pas comment on peut modifier la façon dont fonctionne actuellement l’économie mondiale.

C’est la modernisation de l’économie qui détruit la biodiversité. Henri-Pierre Aberlenc, entomologiste à franceinfo

Pour sauver les insectes, il faut offrir des services pour une agriculture durable, c’est-à-dire raisonnée et biologique. Mais il faudrait aussi renoncer à la mythologie de la croissance dans les pays développés. C’est-à-dire prôner la frugalité et une austérité généralisée, mais qui ne seraient tolérables que par des politiques égalitaires.

Menaces de disparition des insectes

Menaces de disparition des insectes

Alors que les oiseaux ont disparu à hauteur de 30% en France, en 20 ans du fait de l’agrochimie et de la destruction des habitats, des chercheurs australiens prévoient que les insectes pourraient bien disparaître de la surface du globe d’ici quelques dizaines années Environ un tiers des oiseaux ont disparu des campagnes ces vingt dernières années, selon les observations du CNRS et du Muséum d’histoire naturelle.  L’ensemble du cortège des oiseaux de plaine a diminué, quelle que soit l’espèce, avec des vitesses différentes selon les espèces. L’espèce la plus abondante, l’alouette des champs, a par exemple diminué de 35% en l’espace d’un peu plus de vingt ans. Les dégâts sont encore plus spectaculaires pour d’autres espèces, comme les perdrix, qui ont diminué de 80 à 90% sur les vingt-trois dernières années. Il y a évidemment un lien de cause à effet aussi entre la disparition des oiseaux et des insectes eux aussi très menacés. Ainsi les chercheurs australiens estiment que près de la moitié des espèces d’insectes, essentiels aux écosystèmes comme aux économies, sont en déclin rapide dans le monde entier, «La conclusion est claire: à moins que nous ne changions nos façons de produire nos aliments, les insectes auront pris le chemin de l’extinction en quelques décennies», soulignent les auteurs de ce bilan «effrayant», synthèse de 73 études, qui pointe en particulier le rôle de l’agriculture intensive.

Aujourd’hui, environ un tiers des espèces sont menacées d’extinction «et chaque année environ 1% supplémentaire s’ajoute à la liste», ont calculé Francisco Sanchez-Bayo et Kris Wyckhuys, des universités de Sydney et du Queensland. Ce qui équivaut, notent-ils, «au plus massif épisode d’extinction» depuis la disparition des dinosaures. «La proportion d’espèces d’insectes en déclin (41%) est deux fois plus élevée que celle des vertébrés et le rythme d’extinction des espèces locales (10%) huit fois plus,» soulignent-ils.

. Or les insectes sont «d’une importance vitale pour les écosystèmes planétaires»: «un tel événement ne peut pas être ignoré et devrait pousser à agir pour éviter un effondrement des écosystèmes naturels qui serait catastrophique», insistent les scientifiques, dans ces conclusions à paraître dans la revue Biological

Exemple de service vital rendu par les insectes, et sans doute le plus connu, la pollinisation des cultures. À l’inverse, exemple d’impact de leur disparition sur toute la chaîne alimentaire: le déclin «vertigineux» des oiseaux des campagnes révélé en France en 2018. «Il n’y a quasiment plus d’insectes, c’est ça le problème numéro un», expliquait alors un des auteurs de l’étude française, Vincent Bretagnolle: car même les volatiles granivores ont besoin d’insectes à un moment dans l’année, pour leurs poussins… Selon une étude parue fin 2017 et basée sur des captures réalisées en Allemagne, l’Europe aurait perdu près de 80% de ses insectes en moins de 30 ans, contribuant à faire disparaître plus de 400 millions d’oiseaux. Oiseaux, mais aussi hérissons, lézards, amphibiens, poissons… tous dépendent de cette nourriture.

Le recul des insectes, qui forment les deux tiers des espèces terrestres, remonte au début du XXe siècle, mais s’est accéléré dans les années 1950-60 pour atteindre «des proportions alarmantes» ces vingt dernières années. Parmi les plus affectés, les lépidoptères (les papillons), les hyménoptères (abeilles, guêpes, fourmis, frelons… présents sur tous les continents sauf en Antarctique) et les coléoptères (scarabées, coccinelles). Quelque 60% des espèces de bousiers sont ainsi sur le déclin dans le bassin méditerranéen. Et une espèce d’abeilles sur six a disparu au niveau régional, dans le monde. Les insectes aquatiques ne sont pas épargnés, qu’il s’agisse des libellules ou des éphémères.

«Restaurer les habitats, repenser les pratiques agricoles, avec en particulier un frein sérieux à l’usage de pesticides et leur substitution par des pratiques plus durables, s’impose urgemment», soulignent les auteurs du rapport, qui appellent aussi à assainir les eaux polluées, en ville comme en milieu rural.




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