Intérêt général et subsidiarité : Les deux principes à inscrire dans la constitution
Inscrire ces deux « valeurs actions » dans la Constitution par voie de référendum serait le moyen le plus efficace de redonner « à l’action collective la confiance perdue en sa force », plaide, dans une tribune au « Monde », Jean-Marie Spaeth, ancien responsable à la CFDT et ex-président de l’Assurance-maladie.
Tribune.
Qu’il s’agisse des partis politiques, de droite comme de gauche, ou des organisations syndicales et associatives, il y a aujourd’hui consensus. Consensus pour considérer que notre pays est fracturé et qu’il y a une défiance croissante de nos concitoyens à l’égard des responsables, des gouvernants et des institutions. Les Français auraient décidé de s’organiser en petits îlots distincts. A coups de « il n’y a qu’à » ou « il faut qu’on », peu de propositions prospectives et réelles émergent. Les décisions des différents gouvernements et organisations, syndicales ou patronales, ont peu de prise sur la réalité et ne déclenchent pas plus de dynamiques sociales que d’enthousiasme. La remobilisation du pays autour des « valeurs actions » républicaines, humanistes et démocratiques est urgente !
Une valeur action est une ambition, un état d’esprit, une grille d’analyse des mesures proposées et des actes réalisés, qu’il s’agisse de ceux des partis politiques, des élus ou des acteurs sociaux. La période actuelle doit voir émerger deux valeurs actions comme ciment de la société : l’intérêt général et la subsidiarité. Couramment, l’expression « intérêt général » désigne les intérêts, valeurs et objectifs partagés par l’ensemble des membres d’une société et qui procurent le bien-être. Une forme d’utilitarisme moderne qui recherche « le plus grand bonheur du plus grand nombre », selon la formule des deux philosophes britanniques Jeremy Bentham (1748-1832) et Joseph Priestley (1733-1804).
Ambiguïté savamment entretenue
En France, l’intérêt général est une notion floue qui n’est pas un engagement constitutionnel. L’on entretient savamment une ambiguïté entre services publics, mission de service public et intérêt général. Le service public est un moyen, ce n’est pas une référence universelle. Lorsque, par exemple, l’un préconise de diminuer les prélèvements obligatoires, l’autre de limiter l’endettement à x % du PIB, et le troisième de diminuer le nombre de fonctionnaires, la seule question qui vaille d’être posée demeure : en quoi ces mesures contribuent-elles à l’intérêt général ?
La recherche par les financiers de la rentabilité maximale du capital les a conduits à vampiriser l’économie de marché et à mettre les entreprises sous tutelle. En quoi la recherche d’un rendement à deux chiffres du capital contribue-t-elle à l’intérêt général ? Idem lorsque l’on organise des grèves catégorielles minoritaires pour bloquer des services indispensables : là aussi, où est la dimension d’intérêt général qui peut les justifier ? Donner une définition claire, opérationnelle, ambitieuse, de l’intérêt général et l’inscrire dans la Constitution, c’est donner une clé de lecture et d’analyse de toutes les décisions, publiques ou privées, ayant un impact sur le vivre-ensemble. Cela touche plus particulièrement l’éducation, la sécurité, les domaines de l’économie et du social. L’intérêt général doit figurer dans notre Constitution.