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Inégalités- L’inflation plombe davantage les ménages pauvres

Inégalités- L’inflation plombe davantage les ménages pauvres


De récentes études montrent que les ménages pauvres sont davantage plombés par l’inflation que les autres. En cause, le niveau des revenus plus faibles évidemment mais aussi la modification de la structure de consommation. En effet à l’intérieur de l’inflation ce sont surtout les prix de l’alimentation et de l’énergie qui se sont envolés. Des dépenses contraintes et qui prennent une part de plus en plus importante dans les ménages aux revenus faibles. À l’inverse, pour les revenus aisés ,la part consacrée à ces deux types de dépenses pèse relativement beaucoup moins.

Depuis près de deux ans, l’inflation a fait son retour soudain dans le monde occidental, après quarante ans de disparition. Ce retour bouleverse les comportements des ménages comme des entreprises et met au défi les économistes. Deux études publiées ce mardi éclairent le phénomène, soulignant notamment les inégalités nourries par l’inflation.

Dans son opus intitulé «Les politiques publiques au défi de l’inflation», le conseil d’analyse économique (CAE) s’applique à mieux comprendre les conséquences économiques concrètes de ce phénomène. Car si la hausse des prix ralentit – l’indicateur est passé sous la barre des 5 % pour la première fois depuis plus d’un an -, elle est cependant appelée à s’installer durablement dans le paysage économique. Pour les ménages, l’étude insiste sur les inégalités face à l’inflation du point de vue du coût de la vie.

Inégalités-Les marges en hausse mais baisse des salaires (OCDE)

Inégalités-Les marges en hausse mais baisse des salaires (l’OCDE)

Alors que les salaires ont continué de baisser de 4 % en euros constants, les marges parallèlement s’envolent d’après une étude de l’OCDE. Les entreprises de la plupart des pays affichent donc des profits suffisamment importants pour pouvoir absorber des hausses de salaires nécessaires à un environnement d’inflation élevé, a déclaré l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) .

Entreprises n’ont pas augmenté les salaires au même rythme que l’inflation dans 31 pays sur les 34 suivis dans le dernier rapport des perspectives de l’emploi, publié par l’organisme basé à Paris.

Une fois l’inflation prise en compte, les salaires ont chuté de 3,8% sur un an au premier trimestre 2023, celui des hongrois affichant la plus forte régression, en baisse de 15,6%, selon le rapport.

Si l’inflation a érodé le pouvoir d’achat des travailleurs, les profits des entreprises ont progressé plus rapidement que les salaires après la pandémie dans tous les pays suivis dans le rapport.

« Une crise du coût de la vie doit être partagée entre les gouvernements, les entreprises et les travailleurs », a déclaré Stefano Scarpetta, directeur de la direction de l’emploi, du travail et des affaires sociales (ELS) de l’OCDE.

« Il y a un peu de marge pour que les profits s’ajustent à des salaires plus élevés sans générer de spirale prix/salaires », a-t-il ajouté.

Ces augmentations de salaires varient en fonction des pays et des secteurs, a-t-il précisé.

Environnement–ZFE : des inégalités et des risques de révolte

Environnement–ZFE : des inégalités et des risques de révolte


Un nouveau sujet explosif: les ZFE, c’est-à-dire ces zones qui seront interdites aux voitures des plus anciennes. Une forme de discrimination économique et sociale supplémentaire. En effet ce sont souvent ceux qui n’ont pas les moyens financiers de résider dans le centre des villes qui conjuguent habitat éloigné et voitures forcément plus polluantes puisque plus anciennes. Notons que dans ces populations, les salariés occupent souvent des emplois de service tôt le matin et tard le soir quand les transports collectifs deviennent quasiment inexistants. Or le rythme de réduction de l’utilisation de l’automobile devrait se faire au rythme de développement des transports alternatifs.

Missionnés par le gouvernement sur les zones à faibles émissions (ZFE), le Toulousain Jean-Luc Moudenc et la Strasbourgeoise Anne-Marie Jean viennent de remettre leur rapport au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu. Les deux élus de France urbaine y érigent en priorité les mesures sociales d’accompagnement des plus modestes. L’exécutif vient de reporter la plupart des décisions au mois de septembre

« Changer les règles de façon à éviter une explosion sociale du type Gilets jaunes puissance 10 ». Tel est l’objectif de Jean-Luc Moudenc et d’Anne-Marie Jean avec leur rapport rendu ce 10 juillet au gouvernement, comprenant 25 mesures pour une application « plus juste » et « plus cohérente » des zones à faibles émissions (ZFE). Au nom de l’association d’élus France urbaine, le maire (ex-LR) et président de Toulouse métropole, ainsi que sa co-autrice vice-présidente (Divers gauche) de l’Eurométropole strasbourgeoise, viennent de mener de multiples auditions et remontées de terrain.

« Nous avons voulu synthétiser les constats émanant du terrain et les difficultés recensées dans la mise en œuvre de ces ZFE (…) L’idée consiste à moins brutaliser les gens. C’est une transition que nous devons organiser et, par définition, une transition induit une nécessaire progressivité, et non de l’immédiateté, en allant dans une direction donnée. Actuellement, nous y allons un peu trop à marche forcée », témoigne Jean-Luc Moudenc interrogé par La Tribune.

Jusqu’à présent, 11 ZFE étaient déjà en œuvre et 32 autres devaient suivre, d’ici au 1er janvier 2025, dans les agglomérations de plus de 150.000 habitants. Avec des calendriers de mise en application différents et des périmètres géographiques concernés pas forcément cohérents. Mais, ce 10 juillet, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a redessiné la carte des ZFE : Paris, Marseille, Strasbourg, Rouen et Lyon sont confirmées comme ZFE, à la différence des autres agglomérations qui sont désormais catégorisés « Territoires de vigilance ».

« Ces ZFE ont été décidées en 2019 pour lutter contre la pollution atmosphérique. Seulement, la situation économique était totalement différente. Les problématiques de pouvoir d’achat d’aujourd’hui n’existaient pas », poursuit le maire de Toulouse.

Environnement–ZFE : des inégalités et des risques de révolte

Environnement–ZFE : des inégalités et des risques de révolte


Un nouveau sujet explosif: les ZFE, c’est-à-dire ces zones qui seront interdites aux voitures des plus anciennes. Une forme de discrimination économique et sociale supplémentaire. En effet ce sont souvent ceux qui n’ont pas les moyens financiers de résider dans le centre des villes qui conjuguent habitat éloigné et voitures forcément plus polluantes puisque plus anciennes. Notons que dans ces populations, les salariés occupent souvent des emplois de service tôt le matin et tard le soir quand les transports collectifs deviennent quasiment inexistants.

Missionnés par le gouvernement sur les zones à faibles émissions (ZFE), le Toulousain Jean-Luc Moudenc et la Strasbourgeoise Anne-Marie Jean viennent de remettre leur rapport au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu. Les deux élus de France urbaine y érigent en priorité les mesures sociales d’accompagnement des plus modestes. L’exécutif vient de reporter la plupart des décisions au mois de septembre

« Changer les règles de façon à éviter une explosion sociale du type Gilets jaunes puissance 10 ». Tel est l’objectif de Jean-Luc Moudenc et d’Anne-Marie Jean avec leur rapport rendu ce 10 juillet au gouvernement, comprenant 25 mesures pour une application « plus juste » et « plus cohérente » des zones à faibles émissions (ZFE). Au nom de l’association d’élus France urbaine, le maire (ex-LR) et président de Toulouse métropole, ainsi que sa co-autrice vice-présidente (Divers gauche) de l’Eurométropole strasbourgeoise, viennent de mener de multiples auditions et remontées de terrain.

« Nous avons voulu synthétiser les constats émanant du terrain et les difficultés recensées dans la mise en œuvre de ces ZFE (…) L’idée consiste à moins brutaliser les gens. C’est une transition que nous devons organiser et, par définition, une transition induit une nécessaire progressivité, et non de l’immédiateté, en allant dans une direction donnée. Actuellement, nous y allons un peu trop à marche forcée », témoigne Jean-Luc Moudenc interrogé par La Tribune.

Jusqu’à présent, 11 ZFE étaient déjà en œuvre et 32 autres devaient suivre, d’ici au 1er janvier 2025, dans les agglomérations de plus de 150.000 habitants. Avec des calendriers de mise en application différents et des périmètres géographiques concernés pas forcément cohérents. Mais, ce 10 juillet, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a redessiné la carte des ZFE : Paris, Marseille, Strasbourg, Rouen et Lyon sont confirmées comme ZFE, à la différence des autres agglomérations qui sont désormais catégorisés « Territoires de vigilance ».

« Ces ZFE ont été décidées en 2019 pour lutter contre la pollution atmosphérique. Seulement, la situation économique était totalement différente. Les problématiques de pouvoir d’achat d’aujourd’hui n’existaient pas », poursuit le maire de Toulouse.

ZFE : des inégalités et des risques de révolte

ZFE : des inégalités et des risques de révolte


Un nouveau sujet explosif: les ZFE, c’est-à-dire ces zones qui seront interdites aux voitures des plus anciennes. Une forme de discrimination économique et sociale supplémentaire. En effet ce sont souvent ceux qui n’ont pas les moyens financiers de résider dans le centre des villes qui conjuguent habitat éloigné et voitures forcément plus polluantes puisque plus anciennes. Notons que dans ces populations, les salariés occupent souvent des emplois de service tôt le matin et tard le soir quand les transports collectifs deviennent quasiment inexistants.

Missionnés par le gouvernement sur les zones à faibles émissions (ZFE), le Toulousain Jean-Luc Moudenc et la Strasbourgeoise Anne-Marie Jean viennent de remettre leur rapport au ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires Christophe Béchu. Les deux élus de France urbaine y érigent en priorité les mesures sociales d’accompagnement des plus modestes. L’exécutif vient de reporter la plupart des décisions au mois de septembre

« Changer les règles de façon à éviter une explosion sociale du type Gilets jaunes puissance 10 ». Tel est l’objectif de Jean-Luc Moudenc et d’Anne-Marie Jean avec leur rapport rendu ce 10 juillet au gouvernement, comprenant 25 mesures pour une application « plus juste » et « plus cohérente » des zones à faibles émissions (ZFE). Au nom de l’association d’élus France urbaine, le maire (ex-LR) et président de Toulouse métropole, ainsi que sa co-autrice vice-présidente (Divers gauche) de l’Eurométropole strasbourgeoise, viennent de mener de multiples auditions et remontées de terrain.

« Nous avons voulu synthétiser les constats émanant du terrain et les difficultés recensées dans la mise en œuvre de ces ZFE (…) L’idée consiste à moins brutaliser les gens. C’est une transition que nous devons organiser et, par définition, une transition induit une nécessaire progressivité, et non de l’immédiateté, en allant dans une direction donnée. Actuellement, nous y allons un peu trop à marche forcée », témoigne Jean-Luc Moudenc interrogé par La Tribune.

Jusqu’à présent, 11 ZFE étaient déjà en œuvre et 32 autres devaient suivre, d’ici au 1er janvier 2025, dans les agglomérations de plus de 150.000 habitants. Avec des calendriers de mise en application différents et des périmètres géographiques concernés pas forcément cohérents. Mais, ce 10 juillet, le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a redessiné la carte des ZFE : Paris, Marseille, Strasbourg, Rouen et Lyon sont confirmées comme ZFE, à la différence des autres agglomérations qui sont désormais catégorisés « Territoires de vigilance ».

« Ces ZFE ont été décidées en 2019 pour lutter contre la pollution atmosphérique. Seulement, la situation économique était totalement différente. Les problématiques de pouvoir d’achat d’aujourd’hui n’existaient pas », poursuit le maire de Toulouse.

Croissance et inégalités

Croissance et inégalités

L’économiste français Thomas Piquety et l’historien américain, Kenneth Pomeranz, ont débattu, le 16 mai à Paris, des ressorts complexes qui relient la richesse économique, les modalités de sa répartition et l’histoire des conflits politiques et sociaux. ( dans Le Monde)

La fulgurante croissance économique qu’a connue à partir du milieu du XVIIIe siècle l’Europe de l’Ouest est-elle indissociable de sa domination coloniale sur les autres continents, et de l’esclavage des Africains en particulier ? Esclavage et colonialisme sont-ils les facteurs d’explication des inégalités actuelles entre nations et, au sein des nations les plus riches, entre des classes sociales de plus en plus « racisées » par l’héritage de l’esclavage et l’immigration depuis les anciennes colonies ?

Ces sujets lourds d’enjeux idéologiques et politiques méritaient d’être débattus entre l’économiste qui a su mettre la question des inégalités au sommet de l’agenda de sa discipline, Thomas Piketty, et l’historien qui a lancé le débat sur les origines de la « grande divergence » entre l’Europe et le reste du monde au XIXe siècle, Kenneth Pomeranz.

Pour Thomas Piketty, Une grande divergence, le livre-phare de Kenneth Pomeranz, paru en 2000, et son propre livre Une brève histoire de l’égalité, paru en 2021 – « celui qui résume le mieux le message que je veux porter », précise-t-il –, ne racontent pas deux histoires différentes ou contradictoires, mais complémentaires.

Les inégalités sociales en France d’après Oxfam

Inégalités de revenus, inégalités de patrimoine, quel que soit l’indicateur regardé, la France a des progrès à faire en matière d’égalité :

Les 10% les mieux payés gagnent en moyenne 3,5 SMIC de plus que les 10% des revenus les plus faibles.
Les 10% les plus riches détiennent plus de la moitié des richesses nationales quand les 50% les plus pauvres se partagent moins de 10 % du gâteau.
Parmi les plus riches, on compte 43 milliardaires en France, dont la richesse cumulée s’élève à 510 milliards de dollars – 8 fois plus qu’après la crise financière. Sur ces 43 milliardaires, plus de la moitié ont hérité de leur fortune, et seules 5 sont des femmes : on est bien loin de la méritocratie et de l’égalité des chances.

En France, les inégalités sociales ont reculé entre 1970 et la fin des années 1990. Mais depuis 30 ans, elles oscillent et augmentent, pour revenir aux niveaux d’inégalités des années 1980.

L’épargne des 20% des Français-e-s les plus pauvres a diminué de près de 2 milliards d’euros pendant le premier confinement, alors que les 10% des Français-e-s les plus riches ont vu leur fortune augmenter de plus de 25 milliards d’euros.
Alors qu’un million de personnes auraient basculé dans la pauvreté à cause de la crise sanitaire, les 43 milliardaires français n’ont mis que 9 mois à retrouver leur niveau de richesse d’avant la pandémie.

Les inégalités sociales ne sont pas une fatalité, elles sont le résultat d’une longue histoire de choix idéologiques, politiques et économiques. Ce sont donc aussi les choix que nous faisons en tant que société qui ont le pouvoir de faire émerger un monde plus juste.

Un système fiscal qui favorise les plus riches et pèse sur les plus pauvres
Selon les recherches menées par Thomas Piketty, les 0,1% les plus riches de la population paient proportionnellement moins d’impôt que 70% de la population active française.

Depuis 20 ans, la fiscalité française réduit les impôts progressifs, plus justes, et s’appuie de plus en plus sur des impôts à taux unique, autrement dit, qui pèsent plus sur le budget des ménages les plus pauvres et sur les classes moyennes. Ainsi, entre 2000 et 2019, les recettes de la TVA et de la CSG ont augmenté respectivement de 25% et de 370%. En parallèle, les recettes de l’impôt sur les sociétés (IS) ont baissé de 23%.

De même, la suppression de l’impôt sur la fortune ou encore la mise en place d’une flat tax sur les revenus du capital voulues par Emmanuel Macron aggravent les inégalités sociales. Une étude de l’Insee a ainsi montré que ce sont les 10% les plus riches qui ont de loin bénéficié de ces mesures.

Pandora papers, Paradise papers, LuxLeaks… Depuis plusieurs années, les scandales d’évasion fiscale se multiplient, mais les politiques pour lutter contre ces fuites vertigineuses de revenus ne font que peu de progrès.

La France perd chaque année au moins 80 milliards d’euros à cause de l’évasion fiscale des entreprises et des particuliers.

A titre de comparaison, avec 7 milliards d’euros par an, il serait possible d’augmenter de 5% le budget de l’hôpital public et d’embaucher 100 000 personnels supplémentaires.

Avec 14 milliards d’euros par an, le montant du revenu de solidarité active (RSA) pourrait être augmenté de 50% et étendu aux 18-25 ans.

Les inégalités et le mode de vie climaticide des plus riches aggravent le dérèglement climatique, qui à son tour renforce les inégalités.

Au niveau mondial, les 1% les plus riches de la population sont responsables à eux seuls de 15 % des émissions cumulées entre 1990 et 2015, soit deux fois plus que la moitié la plus pauvre de la population mondiale. Sur cette même période, la croissance totale des émissions des 1% les plus riches a été trois fois plus élevée que celle des 50 % les plus pauvres.

Pire encore, il n’y a pas que le mode de vie des plus riches qui est climaticide. La façon dont ils investissent leur capital aussi est climaticide. Par exemple, le patrimoine financier de la famille Mulliez, c’est-à-dire leurs parts dans l’entreprise Auchan, représente 3 millions de fois plus de CO2 que le patrimoine financier moyen d’un ménage français.

En 2022, Oxfam France et Greenpeace ont calculé que le patrimoine financier de 63 milliardaires français émet autant de gaz à effet de serre que celui de 50 % de la population française.

Depuis 1991, 79 % des décès enregistrés et 97 % des victimes des événements climatiques extrêmes l’ont été dans les pays en développement.

Les dérèglements climatiques pourraient faire 260 millions de réfugiés climatiques en 2030, et jusqu’à 1,2 milliards en 2050. Autant d’enfants, de femmes et d’hommes jetés sur les routes, sans logement ayant perdu leurs maisons et sources habituelles de revenus.

Les habitants des pays pauvres ont plus de 4 fois plus de risque d’être déplacé·e·s en raison de catastrophes climatiques extrêmes que les habitant·e·s des pays riches.

80% des pauvres de la planète vivent dans des zones rurales, dépendent largement de l’agriculture et de l’élevage, et sont donc particulièrement exposés à la crise climatique. Le réchauffement de la planète pourrait mener à des baisses de récoltes de 5% à 20%. Entre 2016 et 2022, la faim extrême a plus que doublé dans dix des pays les plus sensibles aux risques climatiques. Sans compter la multiplication des sécheresses et autres événements climatiques extrêmes, comme les inondations au Pakistan à l’été 2022.

Pour lutter contre la pauvreté et les inégalités, il est donc essentiel de lutter contre le réchauffement planétaire
En 2009, les pays riches se sont engagés à aider financièrement les pays pauvres à faire face à la crise climatique. Année après année, ces engagements n’ont jamais été tenus.

Loin des 100 milliards de dollars par an promis, Oxfam a calculé que l’aide réelle est de l’ordre de 10 milliards par an.

Et ce alors que les Nations-unies estiment que, rien que pour s’adapter aux changements climatiques, les pays en développement auraient besoin d’environ 70 milliards de dollars. Le coût de l’adaptation pourrait atteindre 300 milliards de dollars en 2030.

Pire encore, les prêts représentaient 71 % du financement public de la lutte contre le changement climatique en 2020. Autrement dit, les pays riches ne font pas leur part pour lutter contre le dérèglement climatique dont ils sont responsables, et, par le peu qu’ils font, perpétuent les inégalités systémiques.

À titre d’exemple, 94% de l’aide climatique de la France à l’Afrique de l’Ouest est sous forme de prêts.

En France aussi, le climat est plus dur pour les plus pauvres.

Les pauvres ont moins les moyens d’échapper aux épisodes météos extrêmes, comme les canicules ou les inondations. Il en va de même pour les conséquences de la crise climatique : augmentation des prix alimentaires, destruction de leurs maisons, etc.

Lors de la canicule de 2003, qui a fait 15 000 victimes, les deux principaux critères de décès des personnes âgées étaient le degré d’autonomie et… la catégorie socio-professionnelle.
Les agriculteurs et agricultrices font partie des populations les plus impactées par le dérèglement climatique. Or en 2018, un ménage agricole sur cinq vivait sous le seuil de pauvreté.

Inégalités : après « gilets jaunes » , les gilets rouges ?

Inégalités : après « gilets jaunes » , les gilets rouges ?

Par Magali Della Sudda est membre du Conseil de surveillance de la Fondation pour l’écologie politique et experte auprès de l’Institut La Boétie.

Le mouvement social d’opposition à la réforme des retraites qui rassemble un grand nombre de personnes et reçoit un fort soutien de l’opinion, rappelle, certes, la capacité des organisations syndicales à mobiliser mais aussi que la revendication salariale et le travail constituent encore un sujet de mobilisation collective.

Longtemps escamotée dans le débat public, elle concerne aussi bien les salaires sous leur forme de rémunération que les pensions de retraites liées aux contributions sociales.

Le conflit social qui a touché les raffineries et plates-formes pétrolières au mois d’octobre 2022 a mis en lumière la persistance de la question salariale dans la conflictualité sociale. La répartition des fruits du travail et des profits était au cœur de la contestation. Ce phénomène n’est pas nouveau mais l’absence de redistribution aux travailleuses et travailleurs des bénéfices records du groupe, au moment où l’inflation ronge la capacité des ménages à subvenir à leurs besoins élémentaires, suscite un sentiment d’injustice.

C’est l’un des points essentiels qui cimente l’opposition au projet de loi sur les retraites. C’est aussi l’un des points qui avait entraîné le mouvement des « gilets jaunes » mais dans un cadre bien différent.

Dans le contexte des dernières semaines, les syndicats ont montré leur capacité à initier et encadrer la conflictualité sociale, les uns privilégiant le compromis avec la direction, les autres la défense des revendications salariales.

Le temps semble loin de la mobilisation « spontanée » des « gilets jaunes », en dehors des organisations syndicales, qui ont suivi et accompagné – plus qu’ils ne l’ont initié – la contestation des projets de loi sur les retraites de 2019-2020 et 2023.

Tours : Les « gilets jaunes », le retour ? (Nouvelle République, 14 janvier 2023).
Aujourd’hui, les « gilets jaunes », qui ont poursuivi leur mobilisation depuis novembre 2018, relaient les conflits sociaux sur les salaires et les retraites sur les réseaux sociaux et sur les ronds-points. Leur présence sur les blocages, en manifestation et plus occasionnellement sur les ronds-points à l’automne et l’hiver 2022-2023, reconfigure les relations.

Certains étaient ainsi aux côtés des syndicalistes lors de la journée d’action du 18 octobre 2022 pour demander une juste répartition des fruits du travail entre les salariés et les actionnaires. D’autres ont appelé à prendre part aux blocages des raffineries, comme à Feyzin (Rhône).

Nous avons analysé les données issues d’un questionnaire passé durant les six premiers mois des « gilets jaunes » de novembre 2018 à mars 2019. Bien que ces données comportent des limites, elles sont significatives de la diversité des personnes engagées, de leurs parcours et valeurs durant la phase la plus intense du mouvement social.

L’étude de la base de questionnaires permet d’apporter quelques éclairages sur la composition du mouvement et la présence de personnes ayant adhéré ou adhérente à un syndicat.

Malgré la surreprésentation de personnes syndiquées ou l’ayant été dans le mouvement des « gilets jaunes », les organisations syndicales sont tenues à distance, notamment pour des raisons liées à leur prise de position jugée défavorable au mouvement social.

Le secrétaire général de la Confédération générale du travail, Philippe Martinez, avait ainsi déclaré le 16 novembre 2018 :

« On ne défile ni avec les gens d’extrême droite ni avec des patrons, qui, quand ils parlent de taxes, parlent aussi de cotisations sociales et autres droits sociaux »

Ces paroles coïncident aussi avec des expériences mitigées de l’engagement syndical chez les « gilets jaunes ». Certains reprochent le manque de combativité ou de soutien des syndicats, d’autres redoutent d’être phagocytés par ces organisations.

Nos résultats montrent que le mouvement social des « gilets jaunes » témoigne d’un contournement de l’espace de la négociation collective. Face à l’impossibilité de porter cette revendication salariale dans l’entreprise, les personnes engagées dans les « gilets jaunes » l’ont revendiquée sur les ronds-points et durant les actes du samedi.

La composition du mouvement peut ainsi contribuer à éclairer la manière dont la question salariale a été contournée par les « gilets jaunes » dans un premier temps, puis concurrencée et occultée par le RIC à partir de l’Acte 8 (5 janvier 2019 et au-delà), avant que le mouvement ne s’en saisisse à nouveau sur la question des retraites en 2020 puis en 2023.

En effet, il faut se rappeler que le salaire et les revenus des plus riches sont invoqués comme motifs de colère et d’injustice. Le travail étant envisagé pour beaucoup comme une valeur centrale dans leur économie morale,mais insuffisamment. Comme le soulignent différentes enquêtes, le sujet politique des « gilets jaunes » dans les premières semaines du mouvement est le peuple du travail, ou le peuple des personnes qui vivent ou aimeraient pouvoir vivre de leur travail.

Moins visible que le référendum d’initiative citoyenne (RIC), la question salariale remonte au mois de novembre 2018 lorsque des « gilets jaunes » étaient engagés dans les blocages de raffinerie, l’occupation de sites de production ou dans des conflits sociaux, notamment dans le secteur de la santé – fonction publique hospitalière, transport sanitaire.

Nos enquêtes et celles de l’équipe du laboratoire Triangle à Lyon montrent cependant que ces revendications n’ont pas disparu et présentent une articulation plus complexe, propre aux « mouvements anti-austérité » qui ont émergé depuis la crise de 2008 pour demander davantage de justice sociale et de démocratie, mouvements qui se passent aussi parfois des organisations syndicales.

À travers une analyse des termes utilisés se dessinent différents registres d’expression de la question du travail qui permettent de comprendre comment une partie des personnes mobilisées peuvent se reconnaître dans d’autres mouvements sociaux.

À l’aune de ces données, on peut analyser aujourd’hui la manière dont les conflits sociaux actuels rechargent la contestation des « gilets jaunes » en mobilisant des personnes qui s’étaient désengagées, d’une part, et d’autre part comment les « gilets jaunes » passent d’initiateurs de mouvement social en 2018 à accompagnateurs aujourd’hui.

Ainsi, en Gironde, nous observons un nombre significatif de collectifs et de « gilets jaunes » encore actifs, partie prenante des cortèges contre le projet de loi sur les retraites présenté au Conseil des ministres du 23 janvier 2023 par Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique, et par le ministre du Travail, du plein emploi et de l’insertion, l’ancien socialiste Olivier Dussopt.

La crise climatique tolère encore moins les inégalités sociales

La crise climatique tolère encore moins les inégalités sociales

 

Loin d’être un simple « buzz », la polémique sur les jets privés est révélatrice d’un nouveau rapport aux inégalités sociales, estime Stéphane Foucart, journaliste au « Monde », dans sa chronique.

 

Quelle que soit la méthode comptable, il faut bien le reconnaître : le poids climatique des déplacements en jet privé de quelques personnes fortunées est minuscule, négligeable. Selon les estimations du ministère des transports, il ne comptait en 2019 que pour moins de 0,1 % des émissions de gaz à effet de serre de la France. Interdire ce mode de transport ne changerait rien ou presque au bilan climatique national et aurait pour seul effet de contrarier inutilement une petite minorité de personnalités, tout en fragilisant une centaine de milliers d’emplois directs ou indirects, et en détruisant une activité qui représente, selon la filière, un chiffre d’affaires annuel de l’ordre de 29 milliards d’euros.

Dépassionner la conversation, fixer les ordres de grandeur, mettre des chiffres sur les problèmes : c’est avec l’apparence d’une approche rationnelle de la question que la ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, a dans un premier temps balayé d’un revers de main la polémique. Les jets privés sont « clairement un problème très limité en termes d’impact climatique, a-t-elle dit, le 30 août, sur France Inter. Que les écologistes en fassent un combat montre à quel point ils sont à côté de la plaque. »

Quelques jours plus tard, réagissant à la polémique ouverte par les propos de l’entraîneur du PSG Christophe Galtier – ironisant sur les chars à voile que les joueurs du club pourraient utiliser en remplacement de leur transport en avions privés –, Mme Pannier-Runacher ajustait son discours à l’ampleur du tollé, estimant cette fois que « la réponse du PSG n’est pas à la mesure » de la question climatique, et appelant le club « à se saisir très sérieusement de ce sujet ».

Pourquoi un tel revirement ? Dans un premier temps, la polémique pouvait être comprise comme une instrumentalisation de la crise climatique, par les écologistes, destinée à stigmatiser le faste du train de vie des plus fortunés. Mais dans un second temps, le fait qu’un footballeur aussi adulé que Kylian Mbappé soit également la cible de l’indignation populaire – alors que les sportifs de haut niveau échappent à peu près toujours aux critiques sur leurs rémunérations – a dissipé ce malentendu.

Ce qui peut sembler un truisme augure peut-être, en réalité, d’un bouleversement profond de perception des inégalités sociales. Elles ne sont plus seulement définies par la distribution de la richesse dans la société, mais aussi par le pouvoir de destruction de l’environnement mécaniquement associé à cette richesse. Or il y a une grande différence entre ces deux façons d’envisager les inégalités socio-économiques. D’un côté, il n’existe aucune limite à la quantité de richesses produites et distribuables ; de l’autre il n’existe qu’un stock limité de carbone à émettre pour éviter de détruire un bien commun, à savoir le climat terrestre.

Inégalités: dès la naissance

Inégalités: dès la naissance

Les chercheuses Lidia Panico et Anne Solaz rappellent, dans une tribune au « Monde », que, pour être efficace, la lutte contre les inégalités doit commencer bien avant l’école.

Tribune.

La petite enfance est une phase-clé pour le développement cognitif, social et émotionnel, ainsi que pour la croissance et la santé. De fortes disparités socio-économiques existent dès les premiers jours de vie dans presque tous les pays. La France n’est pas à l’abri de ces inégalités. Jusqu’à récemment, il y avait peu d’études sur le sujet, faute de grandes enquêtes représentatives au niveau national sur les jeunes enfants permettant de croiser origines sociales, santé et bien-être des enfants. L’Etude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe), qui suit plus de 18 000 enfants nés en 2011, a permis de faire plusieurs constats.

Il en ressort que, malgré un système de protection sociale généreux envers les familles, les inégalités socioé-conomiques de santé et de développement sont très marquées en France, dès la naissance. Par exemple, on observe un plus fort risque de prématurité ou de faible poids à la naissance chez les ménages les plus défavorisés. C’est aussi visible en matière de développement du langage. Alors que, en moyenne, aux alentours de leurs 2 ans, les enfants connaissent 74 mots parmi une liste de 100 mots proposés, ceux dont la mère a un niveau de diplôme inférieur au BEPC en connaissent 4 de moins, tandis que ceux dont la mère a un diplôme bac + 2 ou plus en connaissent 6 de plus. Vers 5 ans, des inégalités en matière de santé mentale sont mesurées, avec les enfants de milieu défavorisé à plus grand risque de connaître des difficultés socio-émotionnelles.

 

Quels mécanismes produisent ces inégalités et comment y remédier ? Les politiques du quinquennat actuel ont surtout misé sur les modes d’accueil extérieurs à la famille et l’éducation précoce. Depuis 2019, l’âge de l’instruction obligatoire a été abaissé à 3 ans (au lieu de 6), avec l’objectif théorique de réduire les inégalités sociales dès le plus jeune âge. L’une de ses mesures-phares de la stratégie nationale de prévention et d’action contre la pauvreté est de favoriser l’accès en crèche aux plus fragiles, notamment à travers la création d’un bonus mixité pour encourager la diversité sociale, et d’un plan de formation des professionnels de la petite enfance.

Est-ce que ces politiques fonctionnent ? Réduisent-elles les inégalités pendant la petite enfance ? Si on manque encore, à regret, d’évaluations directes de ces mesures, nos études suggèrent que oui, mais seulement jusqu’à un certain point.

Le développement du langage, par exemple, diffère entre les enfants selon le mode d’accueil utilisé. Les enfants accueillis en crèche ont acquis un vocabulaire plus riche que ceux gardés par leurs parents ou par leurs grands-parents, et ce, surtout chez les enfants plus défavorisés. Le contact avec des professionnels de la petite enfance, proposant des activités adaptées, pourrait être source d’enrichissement du vocabulaire. Les modes d’accueil collectif pourraient donc être des outils pour atténuer les inégalités. Mais ces modes d’accueil sont encore inégalement répartis à la fois territorialement et socialement, car accessibles en priorité aux parents en activité professionnelle et pouvant en supporter le coût (même si celui-ci est souvent modulé selon les revenus).

Logement et Patrimoine : Des inégalités croissantes

Logement et Patrimoine : Des inégalités croissantes

 

L’économiste Jean-Benoît Eyméoud identifie, dans une tribune au « Monde », quatre inégalités qui concernent les jeunes générations dans leur souhait d’accéder à un logement. Celles-ci se sont même fortement accentuées depuis trente ans.

 

Tribune.

 

Depuis quelques semaines la question du logement s’est imposée dans la course à l’élection présidentielle à travers la question de la fiscalité de l’héritage. Si l’on ne peut que se réjouir de voir le thème du logement enfin devenir une question du débat, se concentrer uniquement sur les inégalités de patrimoine conduit à laisser de côté des questions de solidarité intergénérationnelle plus larges qui pourtant structurent la société et mériteraient d’être replacées au cœur du débat.

Toutes les études le montrent, depuis quelques années, le logement est devenu le premier poste de dépenses des ménages français, devant l’alimentation, les transports ou encore la santé. Si la crise sanitaire et la guerre en Ukraine n’ont pas encore d’effets tangibles sur les
prix de l’immobilier, leur impact sur le coût de l’énergie est déjà visible et viendra, à terme, alourdir encore un peu plus la barque des dépenses de logement. Pourtant, derrière cette tendance moyenne se cachent des inégalités générationnelles profondes qui méritent qu’on s’y attarde.

 

Première inégalité, l’accès au patrimoine immobilier. Si l’on ne choisit pas sa famille, on ne choisit pas non plus la période économique dans laquelle on fait ses premiers pas. A cet égard, la génération des baby-boomeurs a bénéficié de cieux économiques incomparables. Au cours de leur trajectoire professionnelle, les bébés post-seconde guerre mondiale ont eu la chance d’évoluer dans un monde prospère où le chômage était une vue de l’esprit et l’achat d’un appartement dans le centre de Paris ou Bordeaux un horizon tout à fait atteignable.

Entre 1967 et 2013, le taux de propriétaires a fortement augmenté, passant de 41 % à 58 %. A partir des années 1980, un parfait alignement de planètes s’est produit : la baisse des taux couplée à l’allongement des durées d’emprunt a rendu les ménages plus solvables et donc la demande plus forte. L’offre foncière en France étant plutôt rigide, les prix se sont envolés et les propriétaires ont pu capitaliser la hausse des prix.

Aussi, si la croissance des années 1970 a permis de créer une génération de propriétaires, la baisse des taux des années 1990 les a rendus riches. Cette histoire, certes un peu rapide, ne s’observe pas qu’en France mais dans beaucoup de pays développés, et de nombreuses études s’intéressent à ses implications économiques.

 

Ainsi, une étude américaine s’alarme que, en 1990, une génération de baby-boomeurs, dont l’âge médian était de 35 ans, possédait un tiers des biens immobiliers américains en valeur, alors qu’en 2019, une cohorte de taille similaire de milléniaux, âgés de 31 ans, n’en possédait que 4 %. Actuellement, les données françaises ne permettent pas de construire une telle statistique mais tout laisse à penser qu’une dynamique comparable est à l’œuvre.

Lutte contre les inégalités: Pour un impôt progressif sur les millionnaires

Lutte contre les inégalités: Pour un impôt progressif sur les millionnaires

 

par Lucas Chancel, économiste, est codirecteur du Laboratoire sur les inégalités mondiales, dont le nouveau rapport est publié mardi 7 décembre 2021.

Le nouveau rapport du Laboratoire sur les inégalités mondiales (World Inequality Lab, WIL), publié mardi 7 décembre, éclaire d’un jour nouveau combien nos sociétés sont fragilisées par de multiples inégalités, monétaires, éducatives ou encore dans l’accès au soin, comme l’a rappelé la pandémie de Covid-19. Lucas Chancel, codirecteur du Laboratoire sur les inégalités mondiales, et qui a piloté ce rapport avec les économistes Thomas Piketty, Emmanuel Saez et Gabriel Zucman, souligne dans le Monde que restaurer la progressivité de l’impôt et bâtir une fiscalité verte redistributrice doivent aller de pair pour résorber les inégalités et accompagner la transition écologique.


La pandémie a souligné la nécessité d’un Etat fort pour surmonter la crise. Cela peut-il renouveler le débat sur la fiscalité ?

Absolument. La crise du Covid-19 a, d’une part, accéléré la concentration du patrimoine détenu par les milliardaires, et de l’autre, accru l’extrême pauvreté dans les pays émergents, après vingt-cinq ans de baisse. Entre ces deux extrêmes, l’intervention de la puissance publique dans les pays riches a permis d’y contenir la montée de la pauvreté. La machine redistributive de l’Etat social, financé par l’impôt, a été activée et a relativement bien fonctionné. Mais au prix d’une hausse de 15 points de la dette publique en moyenne dans ces pays. Qui paiera ? Demandera-t-on aux jeunes, qui ont subi cette crise de plein fouet, de payer ? Faudra-t-il annuler les dettes ou laisser courir l’inflation pour les rembourser ?


Chacun de ces choix a des effets plus ou moins inégalitaires dont il faut discuter. L’intérêt de la fiscalité est que c’est un outil transparent. Avec un impôt progressif sur les plus hauts patrimoines, on peut explicitement mettre à contribution ceux qui ont le plus prospéré pendant la crise. Accompagné d’un « supplément pollution » pour ceux qui possèdent des actions dans les secteurs carbonés, un tel impôt sur la fortune des multimillionnaires pourrait rapporter au moins 1,5 % à 2 % du PIB mondial. De quoi financer la quasi-totalité du surcroît d’investissements nécessaires, selon l’Agence internationale de l’énergie, pour réussir à atteindre les objectifs de l’accord de Paris sur le climat.

Les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) se sont entendus pour instaurer un taux d’imposition minimum de 15 % aux multinationales. Est-ce l’aube d’une révolution fiscale ?

C’est une avancée, qui paraissait utopiste il y a encore quinze ans. Mais il reste beaucoup à faire. Le taux plancher de 15 %, qui vise à saper le business des paradis fiscaux, est loin de celui payé par le restaurant de quartier, presque deux fois plus élevé. En Europe, nous ne sommes donc pas à l’abri d’une poursuite de la course vers le moins-disant fiscal. Par ailleurs, les règles sur le rapatriement des profits dans les pays où l’activité économique est faite sont encore peu claires, avec des possibilités d’exemption. Il faudra être très vigilants sur les détails.

Inégalités mondiales : La pandémie a accentué les écarts

Inégalités mondiales : La pandémie a accentué les écarts  

 

La pandémie de Covid-19 a accentué les écarts, avec des riches encore plus riches et des pauvres toujours plus pauvres estiment un papier du Monde. Les dirigeants doivent tout mettre en œuvre pour lutter contre ce fléau, qui sape les équilibres politiques, économiques, sociétaux et environnementaux de la planète. Les inégalités ne sont pas une fatalité, mais les combattre reste un défi gigantesque. Cette conclusion ambivalente du rapport publié, mardi 7 décembre, par le Laboratoire sur les inégalités mondiales (World Inequality Lab) montre toute la complexité d’un fléau qui sape les équilibres politiques, économiques, sociétaux et environnementaux de la planète. La menace n’est pas nouvelle, mais la crise liée au Covid-19 a exacerbé la captation des richesses mondiales par les plus fortunés, tandis qu’elle a un peu plus plongé dans la précarité les plus fragiles.  

 

De ce point de vue, le choc subi ces derniers mois est particulier. Alors que les deux guerres mondiales ou la crise financière de 1929 avaient abouti à une redistribution des cartes en défaveur des possédants, la pandémie, elle, a plutôt accentué les écarts, avec des riches encore plus riches et des pauvres toujours plus pauvres. Certes, les interventions massives des Etats dans le monde développé ont permis de préserver les revenus du plus grand nombre et de contenir l’explosion de la pauvreté. Mais ces politiques n’ont été possibles qu’au prix d’un endettement public historique et de l’injection massive de liquidités par les banques centrales dans le système financier. Si cet argent a été indispensable pour protéger les salariés et les entreprises, il a aussi largement profité aux plus gros détenteurs de patrimoine, contribuant ainsi au creusement des inégalités. En 2020, les milliardaires ont ainsi engrangé des gains de plus de 3 000 milliards d’euros grâce à la forte hausse de l’immobilier et des marchés financiers. Les 10 % les plus riches possèdent désormais les trois quarts de la richesse mondiale quand la moitié la plus pauvre de l’humanité n’en détient que 2 %. Cet écart n’est plus soutenable.

 

Trois évidences Trois évidences doivent désormais s’imposer aux dirigeants politiques. La première : les gagnants de la crise, ceux dont la fortune s’est consolidée pendant que les autres tentaient simplement de surnager, doivent contribuer davantage pour réparer les dégâts causés par la pandémie, à commencer par la dette. Cela passe par l’instauration d’un impôt progressif sur les plus hauts patrimoines et par le relèvement du taux d’impôt effectif sur les revenus des très riches. Ensuite, la création d’un taux d’imposition minimum de 15 % pour les multinationales est un pas dans la bonne direction, mais beaucoup trop d’échappatoires subsistent.   Deuxième évidence : la réduction des inégalités ne passe pas seulement par des politiques de redistribution, mais aussi par un Etat-providence capable de financer des systèmes éducatifs et sanitaires performants, et accessibles au plus grand nombre. Trop longtemps considérés comme des dépenses, ces efforts doivent être conçus comme des investissements indispensables à la réduction des inégalités. Si l’Europe est la région où celles-ci sont les moins prononcées, c’est avant tout parce que le niveau de services publics y est le plus développé. Le fait que les Etats-Unis s’inspirent désormais de ce modèle marque un progrès dans la lutte contre les injustices sociales. La troisième évidence concerne la prise en compte de la lutte contre le changement climatique par la fiscalité. Les ménages aisés, qui sont les plus gros pollueurs, doivent davantage contribuer au financement de la décarbonation. Le mouvement des « gilets jaunes » a montré que faire reposer la transition écologique sur les épaules des moins riches, c’est prendre le risque de graves tensions sociales. La crise actuelle doit nous inciter à prendre en compte ces trois évidences avant qu’il ne soit trop tard.

Inégalités enseignement : la solution n’est pas les quotas

Inégalités enseignement : la solution n’est pas les quotas

 

Un tri social dès le lycée explique pour une bonne partie la surreprésentation des enfants de cadres et des professions intellectuelles supérieures dans les grandes écoles, estime Denis Choimet, président de l’Union des professeurs de classes préparatoires scientifiques (UPS), dans une tribune au « Monde ».

 

Tribune.

 

En juin 2019, Frédérique Vidal, la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, a fait parvenir aux directions de neuf grandes écoles une lettre de mission leur demandant de formuler des « propositions de nature à permettre d’augmenter, de manière significative et selon un calendrier ambitieux, la proportion d’étudiants issus des milieux les moins favorisés ».

Une telle préoccupation n’était en réalité pas nouvelle : dès 2006, le président de la République de l’époque, Jacques Chirac, avait demandé aux classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) d’accueillir un tiers d’étudiants boursiers à l’horizon 2009. Quelque quinze années plus tard, on peut dire que cet objectif n’est pas loin d’être atteint, puisque 29 % des étudiants de CPGE scientifiques sont boursiers (un chiffre comparable à ceux observés dans les masters universitaires), et autant en sortent pour intégrer les grandes écoles ou poursuivre un cursus universitaire vers l’enseignement ou la recherche.

On ne saurait pourtant se satisfaire d’une telle conclusion, car ce taux moyen cache en réalité de grandes disparités : le taux de boursiers est sensiblement moins élevé dans les CPGE les plus sélectives, alors qu’il peut dépasser 50 % dans les CPGE technologiques. Même constat à l’Ecole polytechnique et dans les Ecoles normales supérieures, où seuls 11 et 19 % des étudiants admis sont boursiers.

Plus généralement, la surreprésentation des enfants de cadres et des professions intellectuelles supérieures dans l’ensemble des grandes écoles est bien connue. Il serait tentant d’en déduire que cette « spécificité française » qu’est le modèle CPGE/concours/grandes écoles pratique l’entre-soi et la reproduction sociale, tout particulièrement dans les établissements les plus prestigieux, voire de lui imputer la stagnation de l’ascenseur social dans l’enseignement supérieur français. Mais peut-être faut-il y regarder de plus près.

D’une part, il n’est pas établi que les CPGE soient structurellement inadéquates à la promotion sociale, elles qui proposent un enseignement gratuit et débouchent sur des concours anonymes. En comparaison, un lycéen français partant étudier à l’Imperial College de Londres paiera environ 10 000 euros de frais de scolarité, près de 43 000 euros s’il intègre l’université de Harvard, et il faut compter au moins 5 000 euros pour une année de préparation privée au concours de médecine.

D’autre part, il n’est pas évident que la relance de l’égalité des chances résultera d’un simple changement des structures de l’enseignement supérieur, comme le montre l’exemple des CPES (cycles pluridisciplinaires d’études supérieures), partenariats entre CPGE et universités, dont le comité stratégique diversité sociale dans l’enseignement supérieur, présidé par Martin Hirsch et mis en place en juillet 2020, a recommandé la « démultiplication » : la filière scientifique du CPES de l’université Paris Sciences et Lettres, créée en 2012 et dont la première année se déroule au lycée Henri-IV, recrute moins de bacheliers boursiers (12 %) que la CPGE MPSI (mathématiques, physique et sciences de l’ingénieur) de ce même établissement.

Inégalités salariales cadres hommes femmes : surtout inégalités des responsabilités

Inégalités salariales cadres  hommes femmes : surtout inégalités des responsabilités 

Un article du Wall Street Journal * qui souligne que les cadres femmes sont parfois moins payées parce qu’elles demandent moins d’augmentations ; en réalité, c’est parce qu’elles se voient confier des rôles moins importants

 

 

La pandémie de Covid a épuisé les femmes confrontées à une surenchère d’exigences dans leurs vies professionnelle et familiale. Selon un récent sondage McKinsey conduit auprès de 40 000 employés d’entreprises américaines, les femmes disent se sentir davantage exténuées et victimes de stress chronique que les hommes. Ce constat est valable pour toutes les ethnies et à tous les niveaux de l’entreprise, tout particulièrement au sommet.

Ces femmes retournent aujourd’hui sur des lieux de travail où, en moyenne, à niveau égal, elles sont payées moins que les hommes, et où elles se font de plus en plus rares à mesure qu’elles gravissent l’échelle hiérarchique. Une des raisons de ce phénomène — à en croire la culture populaire et certains éminents chercheurs — tiendrait au fait que les femmes ne demandent pas autant d’argent ou de responsabilités que les hommes, qu’elles manqueraient de confiance en elles ou qu’elles feraient des « choix de carrière limitants » en recherchant des horaires flexibles ou des congés parentaux.

La solution, leur dit-on, est de s’affirmer, d’oser parler et d’affûter leurs talents de négociatrices. Des brouettes de livres de développement personnel populaires et d’ateliers de leadership enfoncent le clou et promettent aux femmes de leur expliquer comment se sortir de ces schémas.

Nous sommes d’accord avec l’idée que dans tous les métiers, les talents de négociateur sont de la plus grande importance — les recherches montrent que seulement un tiers des salariés, hommes et femmes, négocient des promotions et des augmentations, et une de nous deux, la professeure Kray, enseigne ces compétences aux femmes et aux hommes dans des MBA et des ateliers destinés aux cadres depuis des années. Mais la négociation ne suffit pas à combler les inégalités salariales.

Dans les faits, nos recherches (et elles ne sont pas les seules) montrent de façon probante que les femmes demandent des augmentations salariales aussi fréquemment que les hommes — parfois plus. En revanche, elles n’obtiennent pas les mêmes résultats. Une étude de l’University of Wisconsin datant de 2018 a mené l’enquête auprès de 4 600 employés sur 800 lieux de travail australiens pour déterminer leur tendance à demander des augmentations, et n’y a trouvé aucune différence entre les sexes. En revanche, les hommes qui en sollicitaient les obtenaient 20 % du temps, contre 15 % pour les femmes.

En 2019, nous avons réalisé cette même enquête auprès de 2 000 diplômés d’une école de commerce d’élite américaine et avons découvert qu’une plus grande proportion de femmes sollicitait des augmentations et des promotions (64 % contre 59 % pour les hommes), mais qu’elles se voyaient opposer une fin de non-recevoir deux fois plus souvent. Une autre recherche récente de Dartmouth révèle que comparé aux hommes, les femmes qui viennent à la table des négociations avec une proposition d’augmentation ferme (et, surtout, identique) sont plus susceptibles de ne rien obtenir du tout. Le mythe persistant selon lequel les femmes n’essaient pas de négocier aide à justifier le statu quo et pourrait cacher les véritables causes des inégalités salariales.

Le Bureau of Labor Statistics américain constate qu’en 2020, les femmes ont gagné 82 cents pour chaque dollar empoché par les hommes. Ce fossé est encore plus large pour les femmes de couleur et il s’accentue à mesure que les femmes prennent du galon. Dans notre étude récemment parue portant sur presque 2 000 jeunes diplômés d’écoles de commerce, nous avons découvert que dix ans après leur MBA, les professionnelles travaillant à plein temps pour des entreprises à but lucratif gagnaient encore moins : juste 74 cents pour chaque dollar perçu par un homme. Nous avons suivi des hommes et des femmes titulaires de masters, ayant suivi le même cursus et doté des mêmes diplômes, et rectifié les variables pertinentes de type carrière professionnelle, caractéristiques de poste et région géographique. La triste vérité, avons-nous constaté, est qu’obtenir davantage de diplômes et gravir l’échelle hiérarchique n’aide pas les femmes à combler ces inégalités salariales.

Les emplois des hommes et des femmes adoptent des caractéristiques différentes très tôt dans leurs carrières. Nous avons découvert qu’en moyenne, à niveau hiérarchique égal avec leurs homologues féminines, les hommes se voient attribuer presque immédiatement davantage de subordonnés et dirigent des équipes plus grandes. Les managers hommes obtiennent rapidement de plus grands « espaces de contrôle » que les femmes au même niveau organisationnel, ce qui conduit à des gratifications plus élevées. Nous avons calculé les disparités d’effectifs dirigés pour les titulaires de MBA de notre échantillon et avons découvert que la taille des équipes des femmes représentait 75 % de celles des hommes lorsqu’elles sont directrices, et 63 % lorsqu’elles atteignent l’échelon de vice-présidente. La disparité des salaires s’accentue elle aussi : les femmes en moyenne gagnent 71 % de ce qu’obtiennent les hommes dans des rôles de direction, et 55 % pour les vice-présidentes.

Les préjugés basés sur le sexe dans le domaine du leadership ont des fondations solides. Dans notre étude, nous sommes allées plus loin pour comprendre pourquoi les hommes se voient octroyer de plus grandes équipes à diriger. Tandis que les participants homme et femmes ne signalaient aucune différence dans le nombre d’employés qu’ils se sentaient capables d’encadrer, les deux groupes ont confié préférer voir des hommes diriger les plus grandes équipes et des femmes les plus petites. Ils associaient des attributs considérés comme typiquement masculins (comme l’assurance et l’agressivité) aux chefs de plus grandes équipes et des caractéristiques généralement attribués aux femmes (comme la patience et la politesse) à des chefs d’équipes de taille plus modeste. Et ont affirmé que les chefs d’équipes plus grandes méritaient d’être payés davantage.

Le problème des inégalités salariales est particulièrement présent dans les entreprises technologiques. Chez Google, une ex-employée qui voulait aider ses collègues à négocier des augmentations a diffusé une feuille de calcul où chacun reportait son salaire, et qui montrait que les femmes étaient moins payées. Bien que les données de Google n’aient pas été complètes, elles validaient notre constatation que les inégalités salariales commencent de façon discrète et vont crescendo. En début de carrière chez Google pour des postes techniques, les femmes rapportent gagner en moyenne 124 000 dollars annuels en comptant les primes, soit 4 % de moins que ce que les hommes affirment gagner ; différence qui atteint 6 % en milieu de carrière, constate-t-on. Un recours collectif pour discrimination salariale contre l’entreprise a été lancé par 11 000 anciens salariés et est en cours actuellement (en réponse à ces chiffres et à une enquête du département du Travail, Google a affirmé que ses propres chiffres sont plus complets et montrent que les femmes gagnent 99,5 cents pour chaque dollar empoché par les hommes.)

Dans les années à venir, malgré des décennies d’efforts pour promouvoir les femmes dans les entreprises, celles-ci pourraient bien constater qu’elles manquent de femmes pour occuper les postes à responsabilités. Pendant le Covid, parce que les obligations familiales leur incombent la plupart du temps, les femmes ont été plus nombreuses que les hommes à cesser de travailler. Dans les sondages, elles sont plus enclines à dire qu’elles veulent télétravailler, peut-être à cause des soins à apporter aux enfants, et pourtant elles ont peur de rater les interactions informelles avec les supérieurs qui aident à progresser au sein de l’entreprise.

Alors, quelle solution ? Publier les chiffres des salaires est édifiant, mais ne fera pas bouger le curseur sans suivi systématique et continu afin de rectifier les disparités qui apparaissent. L’interdiction de poser des questions sur les rémunérations précédentes, adoptée par 21 Etats depuis que le Massachusetts a ouvert le bal en 2016, est bien utile pour corriger les inégalités préexistantes mais ne changeront pas les préjugés profondément enracinés dont les hommes continuent de bénéficier au détriment des femmes.

La solution ne réside pas dans la publication des feuilles de paie ou dans une plus grande témérité des femmes. Si nous persistons à penser que ce sont les femmes qui, individuellement, ont le pouvoir d’accéder à une égalité de rémunération par elles-mêmes, nous n’y arriverons jamais. Les chefs d’entreprise doivent analyser les schémas qui règnent au sein de leur organisation et les changer afin que les nombreuses femmes talentueuses et instruites qui y travaillent puissent s’épanouir au lieu de finir sur les rotules.

Et ils doivent aussi comprendre, et expliquer, pourquoi ils disent plus souvent non à une femme et oui à un homme.

*La docteure Kray enseigne le management à la Haas School of Business, University of California, Berkeley, et elle est directrice de faculté du Center for Equity, Gender and Leadership. La docteure Lee est chercheuse postdoctorale au Center for Equity, Gender and Leadership.

(Traduit à partir de la version originale en anglais par Bérengère Viennot)

Traduit à partir de la version originale en anglais

Enseignement : les inégalités dans l’accès aux sciences

Enseignement : les inégalités dans l’accès aux sciences

La sociologue Clémence Perronnet a travaillé sur la disparition des filles et des jeunes issus des classes populaires des filières scientifiques, pourtant réputées plus égalitaires. Elle évoque les mécanismes d’exclusion et de censure sociale qui, selon elle, expliquent cette attrition.( Interview le Monde ,extrait)

 

Doctoresse en sociologie et maîtresse de conférences en sciences de l’éducation à l’Université catholique de l’Ouest, Clémence Perronnet retranscrit dans La bosse des maths n’existe pas (Autrement, 272 p., 19 euros) les résultats de ses travaux de thèse sur le goût des enfants pour les sciences. Elle estime que l’attrition des filles et des enfants des classes populaires dans les filières scientifiques est le fruit de mécanismes d’exclusion et d’une forme de censure sociale qu’elle appelle à combattre.

Le goût pour les sciences semble s’évaporer très tôt chez les filles et les enfants des classes populaires. Vous apportez de nouvelles explications à cette situation. Comment êtes-vous arrivée à ce constat ?

Par le terrain, peut-être le meilleur point de départ. J’ai commencé cette enquête sociologique dans des classes de CM1 que j’ai retrouvées ensuite en 5e, à Lyon. La question était de savoir pourquoi il y a si peu de filles en sciences.

L’hypothèse de départ, qui a été invalidée assez vite, était que c’était sans doute qu’elles ont moins de pratiques culturelles liées aux sciences. J’ai été invitée par une association de médiation scientifique qui portait un projet avec des écoles du réseau d’éducation prioritaire, si bien que je me suis aussi posé la question pour les jeunes des classes populaires, filles et garçons. Dans ce profil social-là, c’était les filles qui avaient le plus de loisirs scientifiques hors de l’école, comme regarder les émissions de vulgarisation telles que « C’est pas sorcier ». C’était les filles qui me disaient : « Les sciences, moi j’aime ça, je veux y aller, je peux en faire, ça me passionne ! » Un enthousiasme qui s’estompait par la suite.

Vous décrivez ce décrochage au moment du collège. Qu’est-ce qui se passe à ce moment-là ?

Il y a des changements qui sont vraiment propres à l’expérience de vie des enfants, le passage à l’adolescence, la recomposition des groupes d’amis, la place dans la famille, des rôles qu’on peut y avoir, pour les filles en particulier.

Pour elles, ce qui concourt à ce basculement, c’est plutôt la vision des figures de scientifiques dans toute cette culture qu’elles consomment, pas du tout attirantes parce que ce sont souvent des hommes, vieux et moches. Elles se demandent si elles-mêmes ne vont pas devenir moches, et un peu folles, si elles poursuivent dans cette voie. Les rares personnages féminins dans les magazines de vulgarisation scientifiques ont longtemps été représentés dans des situations domestiques, ou pire, comme des cruches, même si cela progresse.

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