La réforme de l’Etat indispensable pour moderniser la France (Philippe AGHION, économiste)
C’est l’un des axes que préconise l’un des économistes les plus connus, Philippe AGHION. Dans une interview au Figaro.
Philippe AGHION. - Pour au moins deux raisons. Premièrement, pour permettre à l’État de mieux concentrer ses ressources sur l’éducation, la formation, l’assurance-chômage généralisée et le soutien aux investissements innovants. Deuxièmement, nous avons hérité de structures étatiques très corporatistes: plus de 100 caisses d’assurance-maladie, 38 caisses de retraite. Cela pouvait se comprendre dans le contexte d’une économie en rattrapage ou l’on passait toute sa vie dans la même entreprise ou le même secteur. Mais dans une économie de l’innovation ou l’on change souvent de secteur ou d’entreprise, cette multiplicité de régimes sociaux devient un facteur de risque en même temps que de rigidité.
Que préconisez-vous?
À très court terme, il n’y a guère que le rabot qui puisse être utilisé pour faire des économies, et là je n’ai pas de recommandation particulière à faire au gouvernement. À moyen terme, pour faire des économies en 2018-2020, j’ai identifié trois chantiers. Le premier, c’est la suppression sur trois ans des emplois aidés dans le secteur non marchand. Cela concerne 250 000 contrats uniques d’insertion et 100 000 emplois d’avenir. À la clef, l’économie serait de 1,25 milliard d’euros dès 2018, 3,6 milliards d’euros en 2020.
Le deuxième chantier porte sur la fin des niches fiscales relatives au logement. Faut-il le rappeler? Nous dépensons 41,7 milliards d’euros dans les aides à la pierre, dont la moitié d’aides aux locataires, pour des effets redistributions ou économiques douteux… Je crois que nous pouvons supprimer tous les dispositifs de défiscalisation, comme le Pinel, au moins dans les zones non tendues, et réformer les APL par exemple en ne les accordant que pour de nouveaux baux, ce qui contribuerait à abaisser les loyers, ou mieux, en les intégrant dans une grande réforme des transferts sociaux. Troisième chantier: le non-remplacement d’une partie des fonctionnaires partant à la retraite.
Ces trois chantiers suffiront-ils à transformer l’État?
Non, ils permettront de dégager des marges de manœuvre à moyen terme. À plus long terme, nous devrons nous attaquer aux sources d’inefficacité de l’État que sont le mille-feuille territorial et le mille-feuille social. Le premier est le symptôme d’une maladie insidieuse de la décentralisation, qui provoque une accumulation des interventions, des niveaux administratifs et des effectifs. Il se traitera, par exemple, en consacrant l’intercommunalité comme unité de base en zone rurale, dont les maires de communes et les agents municipaux seront les employés. Dans le domaine social, je plaide pour des guichets uniques pour les allocations familiales, des retraites et de la Sécurité sociale, sur le modèle suédois. Voilà, brossée à grands traits, la réforme de l’État que j’espère qu’Emmanuel Macron engagera. S’il mène cette réforme en parallèle avec la réforme du marché du travail il aura remis la France sur le chemin d’une croissance juste et durable, et laissera un grand nom dans l’histoire.