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Politique et réforme des retraites : la jeunesse acteur incontournable

Politique et réforme des retraites : la jeunesse acteur incontournable ?


Par Paolo Stuppia, Sociologue, membre du CESSP (Centre Européen de Sociologie et de Science Politique), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
dans The Conversation France

Après avoir participé à la première date convoquée par l’intersyndicale le 19 janvier, puis manifesté de manière autonome – appuyée par quelques organisations partisanes, notamment La France Insoumise (LFI) – le 21, réunissant entre 14 000 et 150 000 personnes dans la rue, la jeunesse scolarisée deviendra-t-elle l’acteur incontournable de la mobilisation contre la réforme des retraites voulue par l’exécutif Borne en 2023 ?

La question peut, à première vue, surprendre, tant l’histoire récente des (tentatives de) réformes de cette branche de la sécurité sociale qui se sont succédées depuis 30 ans a vu une absence relative de participation des jeunes, contrairement à des questions les concernant plus directement (enseignement secondaire et supérieur, code du travail).

Pour ne se cantonner qu’aux deux dernières décennies, 2003 reste dans les mémoires étudiantes comme l’année du mouvement – avorté – contre la réforme LMD (Licence-Master-Doctorat), certainement pas comme celle de la lutte contre la réforme des retraites dite Fillon, alignant le régime des fonctionnaires sur celui du secteur privé.
En 2007, après l’élection de Nicolas Sarkozy, le gouvernement s’attaque presque simultanément aux universités, avec la Loi de Responsabilité des Universités ( LRU) et aux régimes spéciaux de retraite, tabou depuis les grèves de 1995 contre le plan Juppé. Des tentatives ponctuelles de jonction ont lieu, mais, dans un contexte d’état de grâce postélectoral et contrairement à ce qu’il était advenu l’année précédente (lutte contre le Contrat Première Embauche (CPE), aboutissant au retrait de la mesure), l’impopularité aura eu raison de ces deux mouvements.
Grève de 1995 : 3 semaines qui ont marqué la France.

En 2010, rebelote avec la reforme dite Woerth, portant l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans : comme l’observe la sociologue Julie le Mazier, venue en « queue de comète d’une séquence contestataire particulièrement dense » (luttes anti-CPE en 2006, anti-LRU en 2007 et en 2009), la grève étudiante peine à s’aligner sur le rythme de l’intersyndicale des salarié•e•s. Le mouvement ne touchera, au final, qu’une vingtaine d’établissements.

En 2013-2014, la réforme dite Touraine, augmentant progressivement la durée de cotisations à 43 ans et demi, provoque quelques journées de manifestation contre l’exécutif socialiste, sans réel impact ni dans les lycées et les universités, ni ailleurs.Enfin, l’histoire de la tentative la plus récente (2019) est bien connue : après avoir été élu en 2017 sur un programme promettant de ne pas toucher à l’âge légal de départ à la retraite, le gouvernement a proposé une réforme mais le président Emmanuel Macron a dû renoncer face aux contraintes imposées par la crise du Covid, dans un contexte social par ailleurs particulièrement tendu à la suite des mobilisations des « gilets jaunes » de 2018-2019.

D’abord car en 20 ans, comme le note l’historien spécialiste des mouvements universitaires Robi Morder, l’augmentation des effectifs scolarisés dans le supérieur – de 2 250 000 en 2003 à 3 millions en 2023 – s’est accompagnée de profonds bouleversements sociologiques, institutionnels et pédagogiques (concurrence entre établissements, diversification des filières, développement de l’apprentissage).

Dans le même temps, le salariat étudiant a connu une croissance exponentielle : « un million d’étudiants qui travaillent représentent de 5 à 6 % du salariat français (autrement dit, un salarié sur 20 suit des études supérieures), sans compter les stages. Cela change les rapports entre les étudiants et la société, les représentations mentales, et constitue une des bases matérielles à des intersyndicalismes entre étudiants et organisations syndicales professionnelles et des actions sur des thèmes communs ».

Une deuxième raison tient à la relative diversification des mobilisations universitaires les plus récentes. Si les conditions d’études demeurent centrales (réforme « Parcoursup » en 2018, par exemple), l’emploi le devient également : luttes contre la précarité en 2006, la Loi Travail en 2016 ou en faveur de l’autonomie de la jeunesse (allocation d’études, salaire étudiant).
S’ajoute un intense activisme autour des inégalités, sociales comme de genre et d’origine ethnique. Que l’on pense par exemple au geste désespéré d’Anas, s’immolant devant le CROUS de Lyon en 2019, aux files d’attente et au développement d’associations d’aide à la distribution alimentaire pendant les confinements de 2020-2021 – mettant en exergue la question de la pauvreté étudiante….

Enfin, l’écologie, dans le sillage du mouvement pour le climat Fridays For Future de 2018, a fait une entrée fracassante dans le panorama des engagements étudiants contemporains, avec des manifestations plus ou moins radicales : de associations de filière pour la transition écologique aux grèves pour le climat le vendredi, des actions de rue de groupes tels Extinction Rebellion (XR) jusqu’à participation aux ZAD (Zones à défendre).

Cette mosaïque redouble les appels, somme toute traditionnels, à la « solidarité intergénérationnelle » et à la « convergence des luttes », en y ajoutant des préoccupations liées au futur d’une « jeunesse sacrifiée » : sacrifiée sur l’autel d’intérêts économiques supérieurs, de la persistance de rapports de domination anciens, etc.

Sans prétendre consulter une boule de cristal, la réforme des retraites de 2023 pourrait bien être perçue comme une « provocation de trop », au même titre que le CPE il y a 17 ans : non pas comme une mesure qui concerne un horizon (trop) lointain pour un•e jeune, mais bien comme une attaque ultérieure contre un horizon d’ores et déjà bouché à plusieurs étages. Les paroles recueillies par les journalistes dans le défilé du 21 janvier, le slogan « métro, boulot, caveau » inscrit sur des pancartes, tout comme la présence de collectifs queer et de militantss arborant les drapeaux multicolores du mouvement Extinction Rebellion représentent des indices allant dans ce sens.

À l’inverse, si c’est un sentiment de résignation qui s’impose, en particulier en prévision des changements climatiques à venir ou de préoccupations plus immédiates (insertion, consommation, etc.) la mobilisation pourrait s’en trouver empêchée.

Enfin, la troisième raison qui pourrait pousser les jeunes dans la rue est davantage conjoncturelle au contexte politique inédit qui s’est dessiné avec les élections de 2022 : alors que le président Macron invoque la légitimité de sa réforme par l’obtention d’un mandat « clair » dans les urnes, les opposants rappellent que leur vote, lorsqu’il a eu lieu, a été déposé par défaut, notamment au deuxième tour de la présidentielle. Rappelons en effet que dans l’entre-deux-tours, une timide mobilisation étudiante avec pour slogan « ni Macron ni Le Pen » avait vu le jour à Paris et que tous les sondages pré – ou postélectoraux ont montré que les jeunes scolarisés ont compté parmi les principaux soutiens de Jean Luc Mélenchon à la présidentielle, de la coalition Nupes aux législatives.
Plus généralement, l’unité syndicale affichée par les organisations de jeunesse, de salariés et des partis de gauche fait appel aux souvenirs de la dernière mobilisation « gagnante » qu’ait connu notre pays, celle de 2006 contre le CPE. Comparativement, elle est même plus large, certaines structures, comme la FAGE, rejoignant cette année les rangs de l’intersyndicale alors qu’elle était absente en 2006.

Reste à savoir si les distinguos qui sont peu à peu apparus, d’abord dans la Nupes autour de la date du 21 janvier, puis dans les organisations de jeunesse elles-mêmes – l’UNEF appelant à respecter le calendrier de l’intersyndicale « sans se disperser » mais aussi à des Assemblées générales dans les universités à partir du 25 janvier – représenteront un frein, parmi d’autres, à la mobilisation des jeunes scolarisés.

Réforme des retraites : la jeunesse acteur incontournable ?

Réforme des retraites : la jeunesse acteur incontournable ?


Par Paolo Stuppia, Sociologue, membre du CESSP (Centre Européen de Sociologie et de Science Politique), Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
dans The Conversation France

Après avoir participé à la première date convoquée par l’intersyndicale le 19 janvier, puis manifesté de manière autonome – appuyée par quelques organisations partisanes, notamment La France Insoumise (LFI) – le 21, réunissant entre 14 000 et 150 000 personnes dans la rue, la jeunesse scolarisée deviendra-t-elle l’acteur incontournable de la mobilisation contre la réforme des retraites voulue par l’exécutif Borne en 2023 ?

La question peut, à première vue, surprendre, tant l’histoire récente des (tentatives de) réformes de cette branche de la sécurité sociale qui se sont succédées depuis 30 ans a vu une absence relative de participation des jeunes, contrairement à des questions les concernant plus directement (enseignement secondaire et supérieur, code du travail).

Pour ne se cantonner qu’aux deux dernières décennies, 2003 reste dans les mémoires étudiantes comme l’année du mouvement – avorté – contre la réforme LMD (Licence-Master-Doctorat), certainement pas comme celle de la lutte contre la réforme des retraites dite Fillon, alignant le régime des fonctionnaires sur celui du secteur privé.
En 2007, après l’élection de Nicolas Sarkozy, le gouvernement s’attaque presque simultanément aux universités, avec la Loi de Responsabilité des Universités ( LRU) et aux régimes spéciaux de retraite, tabou depuis les grèves de 1995 contre le plan Juppé. Des tentatives ponctuelles de jonction ont lieu, mais, dans un contexte d’état de grâce postélectoral et contrairement à ce qu’il était advenu l’année précédente (lutte contre le Contrat Première Embauche (CPE), aboutissant au retrait de la mesure), l’impopularité aura eu raison de ces deux mouvements.
Grève de 1995 : 3 semaines qui ont marqué la France.

En 2010, rebelote avec la reforme dite Woerth, portant l’âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans : comme l’observe la sociologue Julie le Mazier, venue en « queue de comète d’une séquence contestataire particulièrement dense » (luttes anti-CPE en 2006, anti-LRU en 2007 et en 2009), la grève étudiante peine à s’aligner sur le rythme de l’intersyndicale des salarié•e•s. Le mouvement ne touchera, au final, qu’une vingtaine d’établissements.

En 2013-2014, la réforme dite Touraine, augmentant progressivement la durée de cotisations à 43 ans et demi, provoque quelques journées de manifestation contre l’exécutif socialiste, sans réel impact ni dans les lycées et les universités, ni ailleurs.Enfin, l’histoire de la tentative la plus récente (2019) est bien connue : après avoir été élu en 2017 sur un programme promettant de ne pas toucher à l’âge légal de départ à la retraite, le gouvernement a proposé une réforme mais le président Emmanuel Macron a dû renoncer face aux contraintes imposées par la crise du Covid, dans un contexte social par ailleurs particulièrement tendu à la suite des mobilisations des « gilets jaunes » de 2018-2019.

D’abord car en 20 ans, comme le note l’historien spécialiste des mouvements universitaires Robi Morder, l’augmentation des effectifs scolarisés dans le supérieur – de 2 250 000 en 2003 à 3 millions en 2023 – s’est accompagnée de profonds bouleversements sociologiques, institutionnels et pédagogiques (concurrence entre établissements, diversification des filières, développement de l’apprentissage).

Dans le même temps, le salariat étudiant a connu une croissance exponentielle : « un million d’étudiants qui travaillent représentent de 5 à 6 % du salariat français (autrement dit, un salarié sur 20 suit des études supérieures), sans compter les stages. Cela change les rapports entre les étudiants et la société, les représentations mentales, et constitue une des bases matérielles à des intersyndicalismes entre étudiants et organisations syndicales professionnelles et des actions sur des thèmes communs ».

Une deuxième raison tient à la relative diversification des mobilisations universitaires les plus récentes. Si les conditions d’études demeurent centrales (réforme « Parcoursup » en 2018, par exemple), l’emploi le devient également : luttes contre la précarité en 2006, la Loi Travail en 2016 ou en faveur de l’autonomie de la jeunesse (allocation d’études, salaire étudiant).
S’ajoute un intense activisme autour des inégalités, sociales comme de genre et d’origine ethnique. Que l’on pense par exemple au geste désespéré d’Anas, s’immolant devant le CROUS de Lyon en 2019, aux files d’attente et au développement d’associations d’aide à la distribution alimentaire pendant les confinements de 2020-2021 – mettant en exergue la question de la pauvreté étudiante….

Enfin, l’écologie, dans le sillage du mouvement pour le climat Fridays For Future de 2018, a fait une entrée fracassante dans le panorama des engagements étudiants contemporains, avec des manifestations plus ou moins radicales : de associations de filière pour la transition écologique aux grèves pour le climat le vendredi, des actions de rue de groupes tels Extinction Rebellion (XR) jusqu’à participation aux ZAD (Zones à défendre).

Cette mosaïque redouble les appels, somme toute traditionnels, à la « solidarité intergénérationnelle » et à la « convergence des luttes », en y ajoutant des préoccupations liées au futur d’une « jeunesse sacrifiée » : sacrifiée sur l’autel d’intérêts économiques supérieurs, de la persistance de rapports de domination anciens, etc.

Sans prétendre consulter une boule de cristal, la réforme des retraites de 2023 pourrait bien être perçue comme une « provocation de trop », au même titre que le CPE il y a 17 ans : non pas comme une mesure qui concerne un horizon (trop) lointain pour un•e jeune, mais bien comme une attaque ultérieure contre un horizon d’ores et déjà bouché à plusieurs étages. Les paroles recueillies par les journalistes dans le défilé du 21 janvier, le slogan « métro, boulot, caveau » inscrit sur des pancartes, tout comme la présence de collectifs queer et de militantss arborant les drapeaux multicolores du mouvement Extinction Rebellion représentent des indices allant dans ce sens.

À l’inverse, si c’est un sentiment de résignation qui s’impose, en particulier en prévision des changements climatiques à venir ou de préoccupations plus immédiates (insertion, consommation, etc.) la mobilisation pourrait s’en trouver empêchée.

Enfin, la troisième raison qui pourrait pousser les jeunes dans la rue est davantage conjoncturelle au contexte politique inédit qui s’est dessiné avec les élections de 2022 : alors que le président Macron invoque la légitimité de sa réforme par l’obtention d’un mandat « clair » dans les urnes, les opposants rappellent que leur vote, lorsqu’il a eu lieu, a été déposé par défaut, notamment au deuxième tour de la présidentielle. Rappelons en effet que dans l’entre-deux-tours, une timide mobilisation étudiante avec pour slogan « ni Macron ni Le Pen » avait vu le jour à Paris et que tous les sondages pré – ou postélectoraux ont montré que les jeunes scolarisés ont compté parmi les principaux soutiens de Jean Luc Mélenchon à la présidentielle, de la coalition Nupes aux législatives.
Plus généralement, l’unité syndicale affichée par les organisations de jeunesse, de salariés et des partis de gauche fait appel aux souvenirs de la dernière mobilisation « gagnante » qu’ait connu notre pays, celle de 2006 contre le CPE. Comparativement, elle est même plus large, certaines structures, comme la FAGE, rejoignant cette année les rangs de l’intersyndicale alors qu’elle était absente en 2006.

Reste à savoir si les distinguos qui sont peu à peu apparus, d’abord dans la Nupes autour de la date du 21 janvier, puis dans les organisations de jeunesse elles-mêmes – l’UNEF appelant à respecter le calendrier de l’intersyndicale « sans se disperser » mais aussi à des Assemblées générales dans les universités à partir du 25 janvier – représenteront un frein, parmi d’autres, à la mobilisation des jeunes scolarisés.

Le mensonge constitutif incontournable de la politique ?

Le mensonge constitutif incontournable de la politique ?

Pourquoi les politiques se sentent-ils (parfois) obligés de mentir ? par  Luca Cortinovis, Université de Lille

 

Quel rapport les politiques entretiennent-ils à la vérité ? La question est vaste mais on peut entamer une amorce de réponse en revenant sur l’« affaire Taha Bouhafs » qui a agité la dernière campagne des élections législatives.

Le 10 mai 2022, le « journaliste-militant », annonçait sur Twitter se retirer de la course à la députation dans la 14e circonscription du Rhône. Pour expliquer son retrait, il accusait alors un système fait pour « broyer », lui interdisant « d’exister politiquement ».

Il est vrai que les nombreuses polémiques entourant Taha Bouhafs avait fait le bonheur de ses détracteurs : accusations de communautarisme, d’antisémitisme, « exubérance » – lorsqu’on le voyait agiter un masque de Marine Le Pen au bout d’une pique dans une manifestation en 2016 -, rien ne manquait pour servir la propagande adverse.

À partir du 11 mai, le paradigme change. On apprend dans la presse qu’une enquête avait été ouverte quelques jours plus tôt par le comité de suivi contre les violences sexistes et sexuelles de LFI contre l’ex-candidat, mis en cause par une femme l’accusant de violences sexuelles. La veille de son retrait, Taha Bouhafs est mis au courant de cette accusation. A-t-il été désinvesti à cause de cette plainte ? S’est-il retiré, comme il le dit dans son communiqué, à cause du racisme ambiant, ou alors pour étouffer l’affaire ?

Le 5 juillet, le jeune militant publie sur Twitter sa vérité : le 9 mai, on le pousse – par l’intermédiaire de la députée de la France insoumise Clémentine Autain – à se retirer en lui intimant de justifier cela par les attaques incessantes dont il fait l’objet depuis l’annonce de sa candidature. Il demande une procédure contradictoire pour se défendre de l’accusation de violences sexuelles ; on la lui refuse, car on serait obligé dans ce cas de l’exposer médiatiquement, ce qui ne va pas dans son « intérêt ». En somme, selon lui, on l’a incité à cacher la vérité car elle serait mauvaise pour tout le monde.

Si Clémentine Autain dément le jour même sur Twitter – ne répondant pas réellement aux points soulevés par Taha Bouhafs mais critiquant le rapport du système à la parole des femmes -, le mal est fait. Le tapis est soulevé, le scandale apparaît : peu importe la vérité effective, une formation politique a voulu manipuler les faits pour ne pas s’exposer, répondant ainsi à l’éternelle exigence politique de paraître plutôt que d’être. Le 8 mai, Clémentine Autain confirme à demi-mot, s’étonnant qu’il eût fallu dire simplement la vérité aux Français.

La construction d’une image

À tête reposée, lorsque nous sortons des arcanes de la vie politique, il apparaît aisé de critiquer et de se scandaliser devant les manœuvres politiciennes qui émaillent l’actualité. Un ministre se mettant à faire des vidéos sur TikTok, des députés refusant de serrer la main de certains collègues « infréquentables » ou encore un président acceptant un « concours d’anecdotes » avec deux célèbres youtubeurs, ce ne sont là que des exemples récents de l’immuabilité de cette nécessité politique : plaire, ou a minima conforter sa base.

Clémentine Autain, par cette petite phrase, ne fait qu’énoncer une réalité banale pour un acteur de la chose publique. Toute vérité est-elle bonne à dire ? Pas sûr. Le philosophe Blaise Pascal écrivait bien que « dire la vérité est utile à celui à qui on la dit, mais désavantageux à ceux qui la disent, parce qu’ils se font haïr », a fortiori lorsqu’on commence à gravir les marches du pouvoir.

Un prétendant aux responsabilités se doit donc d’œuvrer à ne se servir de la vérité qu’avec parcimonie, sous peine de se desservir. Ainsi, Clémentine Autain choque en faisant l’erreur de dire tout haut ce que le public sait tacitement : on lui vend des idées, une direction, mais aussi une image et un récit. Le politique dit ce qu’il doit dire pour obtenir et conserver le pouvoir. Il peut sincèrement se draper dans une vision vertueuse de son action, mais viendra obligatoirement le moment où les intérêts supérieurs de la chose publique vont lui imposer l’usage de l’illusion politique afin d’éclipser une vérité effective nuisible.

La nécessité de paraître

Si le politique se sent obligé d’agir de la sorte, c’est qu’il a conscience de l’émotionnalité et de l’affectivité des gouvernés. Il faut absolument parler à ses instincts, répondre à ses désirs, sonder ses attentes. En ce sens, le contrôle du message que l’on transmet est indispensable si l’on souhaite pouvoir façonner le cadre dans lequel les électeurs/sujets vont s’engager.

 

Le philosophe et sociologue Pierre Ansart énonce ainsi que la gestion des passions politiques par le contrôle des mots et des discours :

« Selon une intuition constante des gouvernants, il y a, en quelque sorte, un pouvoir des mots et le contrôle des mots constitue une forme de pouvoir et l’un de ses instruments. Il s’agit, en particulier, d’atteindre, à travers cet élément accessible, l’insaisissable des attitudes affectives ».

Dans notre cas d’espèce, le choix de la part de La France insoumise de motiver le retrait de Taha Bouhafs par la vague de racisme et d’acharnement médiatique à laquelle il est confronté, plutôt que d’énoncer ouvertement que l’accusation de violences sexuelles dont il fait l’objet est la cause principale de cette décision, est symptomatique de cette volonté de contrôle du message politique. Il est en effet bien plus « positif » pour le parti de Jean-Luc Mélenchon de dire que seules les discriminations sont à l’origine de cet échec ; ainsi, on montre à sa base que des moteurs de l’action politique pour lesquels elle s’est mise à soutenir le mouvement, à savoir l’antiracisme et la lutte contre l’islamophobie, ne sont pas des luttes vaines ou abouties.

Le politique se donne l’obligation de paraître pour plaire à ceux qu’il est amené à dominer. Dans la réalité de la chose publique, beaucoup considèrent que ce sont les sentiments, plus encore que les idées, qui animent le corps civil, le mettent en mouvement. En ce sens, il est bien plus aisé de manipuler l’opinion en créant une illusion politique plutôt que d’imposer une vision qui, même si elle est juste et va dans l’intérêt commun, pourrait faire figure de contrainte dans l’esprit des gouvernés.

Pouvoir des mots

Chaque époque a ses mœurs et son propre climat politique. La nôtre n’a, dans les jeux de pouvoir, qu’une violence symbolique : « Les mots sont des armes ». Il n’est plus acceptable de nos jours – hormis chez certains groupes radicalisés d’extrême droite ou parmi la mouvance antifasciste – que les affrontements politiques prennent la forme de lutte armée, de ratonnades ou d’intimidations.

Généralement, tout fait divers sur une agression de militant entraîne une condamnation quasi unanime de la scène politique – bien que cela soit à relativiser selon la nature partisane des militants agressés. Les hommes et femmes politiques ne se livrent bataille qu’au travers d’une guerre logorrhéique sans fin, le vainqueur étant celui qui parvient à capter l’attention médiatique le plus fréquemment. Aujourd’hui, l’acmé de l’immoralité politique est atteinte lorsqu’un élu se réclamant d’une probité sans faille se retrouve empêtré dans un scandale de corruption.

À l’époque de Machiavel, la réalité du quotidien est bien différente et le cynisme emprunte des voies ô combien plus tortueuses. Il ne s’agit plus simplement de manipuler l’opinion en substituant telle ou telle information, il faut infléchir la volonté des peuples par l’usage de méthodes beaucoup plus radicales.

L’un des exemples les plus célèbres date de la Renaissance et repose dans l’un des faits d’armes de César Borgia (1475-1507), fils de pape et aspirant tyran.

Machiavel nous conte cet événement dans le chapitre VII du Prince. Souhaitant pacifier les territoires de Romagne qu’il avait nouvellement acquis, Borgia plaça comme plénipotentiaire l’un de ses bras droits, Rimirro de Orco, avant de partir vers d’autres conquêtes. Connaissant la nature sadique et impitoyable de son lieutenant, il l’enjoignit à user de tous les moyens possibles pour soumettre cette population réputée indomptable. Rimirro ne se fit pas prier et administra « efficacement » la région, usant d’une violence non restreinte et se créant de fait de nombreux ennemis las de subir ses cruautés.

C’est dans cette configuration que revint son maître quelques mois plus tard. Voilà ce qui s’ensuivit : « Et puisque [César Borgia] savait que les rigueurs passées avaient engendré quelque haine à [l'égard de Rimirro], pour purger les esprits de ces peuples et les gagner tout à fait il voulut montrer que, si quelque cruauté s’était ensuivie, elle n’était pas née de lui, mais de la cruelle nature de son ministre. Et tirant occasion de cela, un matin, à Cesena, il le fit mettre en deux morceaux sur la place, avec un billot de bois et un couteau ensanglanté à côté de lui : la férocité de ce spectacle fit demeurer ces peuples en même temps satisfaits et stupéfaits ». Ce faisant, Borgia usa du monstre qu’il avait créé à son avantage. Il avait beau être la véritable cause des souffrances de son peuple, on ne vit finalement en lui que le bienfaiteur les ayant libérés de la poigne de fer du ministre. L’assassinat symbolique permit à son action politique de s’exercer avec une efficacité qu’il n’aurait pu avoir qu’à grand-peine sinon ; ce n’est pas pour rien qu’au moment de sa chute quelques années plus tard, et ce malgré son emprisonnement, les forteresses romagnoles lui restèrent fidèles jusqu’à l’extrême limite.

Demeure une volonté de plus en plus prégnante ces dernières années, l’aspiration des citoyens à une vie politique plus accessible, ou en tout cas moins opaque. C’est dans cette optique, par exemple, qu’a été créée en décembre 2013 la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, organe administratif chargé de contrôler le patrimoine et les éventuels conflits d’intérêts ou fraudes de responsables publics. Par ce biais, François Hollande répondait à une légitime aspiration du public, marquée notamment cette année-là par les ravages de l’affaire Cahuzac.

Plus récemment, au début de la pandémie en 2020, un autre scandale avait entouré les annonces du gouvernement concernant l’inutilité supposée des masques pour empêcher la propagation du virus. N’aurait-il pas été plus opportun de dire aux Français qu’il n’y en avait juste pas assez pour palier à la crise, au lieu d’affirmer par la voix du porte-parole du gouvernement qu’ils n’étaient pas nécessaires pour se protéger ? Tout le monde sait pourtant qu’on pardonne facilement à celui qui dévoile honnêtement ses carences ; bien plus qu’à celui qui se trouve devant les méfaits accomplis. Machiavel, dans ses Discours, rappelait cet axiome cicéronien : « Les peuples, quoiqu’ignorants, sont capables d’apprécier la vérité, et ils s’y rendent aisément quand elle leur est présentée par un homme qu’ils estiment digne de foi ». La confiance, ça se mérite.

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Par Luca Cortinovis, Doctorant, Université de Lille.

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

OMICRON: Le retour incontournable du confinement

OMICRON: Le retour incontournable du confinement 

 

Le nouveau variant omicron présente la particularité d’une contagiosité cinq ou six fois plus importante que le variant delta. Dès lors,  dles autorités conviennent même qu’ un très fort taux de vaccination ne permettra pas de ralentir la pandémie.

De nouvelles mesures restrictives vont donc s’imposer et parmi elles des mesures de confinement et des arrêts d’activité. Une catastrophe sur le plan sanitaire mais aussi économique

Une «action forte» est «urgente» face à la progression rapide du variant Omicron car «la vaccination seule ne suffira pas», a mis en garde l’agence européenne chargée des épidémies. «Dans la situation actuelle, la vaccination seule ne nous permettra pas d’empêcher l’impact du variant Omicron, car il n’y a pas le temps pour combler les déficits de vaccination toujours existants», a déclaré la directrice du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC),

L’agence sanitaire de l’Union européenne a également relevé d’un cran, à «très élevée», son évaluation des risques du nouveau variant pour la santé publique, en recommandant une série de mesures dont le retour au télétravail et une prudence accrue lors des célébrations et voyages de fin d’année. Selon elle, il est «très probable» que le nouveau variant provoque des hospitalisations et des décès en plus de ceux déjà prévus par les précédentes prévisions centrées sur le variant Delta, jusqu’ici dominant.

Covid Europe : un retour incontournable de mesures restrictives

Covid Europe : un retour incontournable de mesures restrictives

D’après l’organisation mondiale de la santé l’Europe est redevenue l’épicentre de la pandémie.. En Allemagne, au Royaume-Uni, en France, en Espagne, ou encore en Italie, aux Pays-Bas et en Belgique, le nombre de nouveaux cas poursuit sa progression. Il tend au contraire à refluer à l’est du continent, où la nouvelle vague avait démarré plus tôt .

En France, le taux d’incidence « progresse très rapidement, de l’ordre de 40 à 50 % par semaine » depuis début novembre, a souligné mercredi le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal. Le secrétaire d’Etat a insisté sur la « situation d’alerte dans notre pays

Partout en Europe,  on commence à prendre de nouvelles mesures restrictives en Autriche par exemple avec le retour du confinement pour les non vaccinés des mesures du même ordre devrait être pris en Allemagne, aussi en Belgique.

On devrait aussi assister  à un retour du télétravail aussi à des mesures plus contraignantes dans les lieux fréquentés par le public.

Les autorités publiques notamment françaises hésitent cependant renforcer la politique sanitaire avant les fêtes de fin d’année. Ce n’est sans doute qu’une fois cette échéance passée et malheureusement avec l’envolée des statistiques de la pandémie que des mesures plus strictes seront prises en début d’année. Bref, risque d’affronter la cinquième vague avec un mois de retard.

Inflation :Un envol des prix incontournable

 

 

Un envol des prix incontournables qui affecte l’énergie notamment le gaz électricité, les matières premières y compris alimentaires , les métaux. Une inflation qui a d’abord atteint le système de production et qui commence à se transmettre à la consommation. La hausse du gaz, celle prévisible de l’électricité, de nombreux services et de produits alimentaires de consommation.

Officiellement l’inflation en France est inférieure à celle de l’union européenne. L’INSEE ne constate qu’une inflation de l’ordre de 2 % sur un an. En Europe l’inflation est supérieure à 3 %. En cause, évidemment le faite que l’indice de mesure de l’évolution des prix de l’INSEE est faussé du fait de la modification structurelle des dépenses des consommateurs depuis la crise sanitaire. En gros, les dépenses contraintes ont notoirement augmenté et les dépenses ajustables ont vu leur part diminuer

Les énergies sont surtout concernées , le gaz bien sûr, également l’électricité. Si les particuliers restent encore relativement protégés du fait des tarifs réglementés, la mise en place prochaine d’une « tarification dynamique » pourrait changer la donne. Et pour les industriels électro-intensifs, comme la sidérurgie, la chimie, l’agroalimentaire, et l’industrie du papier, tout juste sortis de la crise du covid 19, c’est également une très mauvaise nouvelle, d’autant que pour ne rien arranger, certains font déjà face à une hausse des cours mondiaux des matières premières).

 

Exemples , le prix de gros de l’électricité est passé de 15 euros à 152 euros pour une livraison en 2022 , le gaz a pris 60 %. Un grand pays industriel comme l’Italie a d’ailleurs décidé de mettre en urgence 5 milliards d’euros sur la table pour aider ses industries à faire face à ces augmentations fulgurantes.

Économie :Un envol des prix incontournable

Économie :Un envol des prix incontournable

 

Un envol des prix incontournables qui affecte l’énergie notamment le gaz électricité, les matières premières y comprises alimentaires ,les métaux. Une inflation qui a d’abord atteint le système de production et qui commence à se transmettre à la consommation. La hausse du gaz, celle prévisible de l’électricité, de nombreux services et de produits alimentaires de consommation.

Officiellement l’inflation en France est inférieure à celle de l’union européenne. L’INSEE ne constate qu’une inflation de l’ordre de 2 % sur un an. En Europe l’inflation est supérieure à 3 %. En cause, évidemment le faite que l’indice de mesure de l’évolution des prix de l’INSEE est faussé du fait de la modification structurelle des dépenses des consommateurs depuis la crise sanitaire. En gros, les dépenses contraintes ont notoirement augmenté et les dépenses ajustables ont vu leur part diminuer

Les énergies sont surtout concernées , le gaz bien sûr, également l’électricité. Si les particuliers restent encore relativement protégés du fait des tarifs réglementés, la mise en place prochaine d’une « tarification dynamique » pourrait changer la donne. Et pour les industriels électro-intensifs, comme la sidérurgie, la chimie, l’agroalimentaire, et l’industrie du papier, tout juste sortis de la crise du covid 19, c’est également une très mauvaise nouvelle, d’autant que pour ne rien arranger, certains font déjà face à une hausse des cours mondiaux des matières premières).

 

Exemples , le prix de gros de l’électricité est passé de 15 euros à 152 euros pour une livraison en 2022 , le gaz a pris 60 %. Un grand pays industriel comme l’Italie a d’ailleurs décidé de mettre en urgence 5 milliards d’euros sur la table pour aider ses industries à faire face à ces augmentations fulgurantes.

Un envol des prix incontournable

Un envol des prix incontournable

 

Un envol des prix incontournables qui affecte l’énergie notamment le gaz électricité, les matières premières y comprises alimentaires ,les métaux. Une inflation qui a d’abord atteint le système de production et qui commence à se transmettre à la consommation. La hausse du gaz, celle prévisible de l’électricité, de nombreux services et de produits alimentaires de consommation.

Officiellement l’inflation en France est inférieure à celle de l’union européenne. L’INSEE ne constate qu’une inflation de l’ordre de 2 % sur un an. En Europe l’inflation est supérieure à 3 %. En cause, évidemment le faite que l’indice de mesure de l’évolution des prix de l’INSEE est faussé du fait de la modification structurelle des dépenses des consommateurs depuis la crise sanitaire. En gros, les dépenses contraintes ont notoirement augmentées et les dépenses ajustables ont vu leur part diminuer

Les énergies sont surtout concernées , le gaz bien sûr, également l’électricité. Si les particuliers restent encore relativement protégés du fait des tarifs réglementés, la mise en place prochaine d’une « tarification dynamique » pourrait changer la donne. Et pour les industriels électro-intensifs, comme la sidérurgie, la chimie, l’agroalimentaire, et l’industrie du papier, tout juste sortis de la crise du covid 19, c’est également une très mauvaise nouvelle, d’autant que pour ne rien arranger, certains font déjà face à une hausse des cours mondiaux des matières premières).

 

Exemples , le prix de gros de l’électricité est passé de 15 euros à 152 euros pour une livraison en 2022 , le gaz a pris 60 %. Un grand pays industriel comme l’Italie a d’ailleurs décidé de mettre en urgence 5 milliards d’euros sur la table pour aider ses industries à faire face à ces augmentations fulgurantes.

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Tech : La régulation incontournable pour les plates-formes

Tech : La régulation  incontournable pour les plates-formes

 

Sheryl Sandberg, directrice des opérations de Facebook, et Jack Dorsey, PDG de Twitter expliquent  que la régulation est devenue incontournable pour les plates-formes dans le Wall Street Journal (extrait)

 

 

 

 

Apparemment, tout le monde dans la tech – et bien d’autres au-delà – veut avoir une activité de plateforme. Uber a utilisé ce terme à 747 reprises dans son prospectus d’introduction en Bourse en mai. We Co., la maison-mère du loueur de bureaux en difficultés WeWork, se targuait d’avoir une plateforme mondiale dans les documents de son introduction en Bourse qui n’a finalement pas eu lieu. Peloton Interactive, qui fabrique des équipements sportifs connectés, se désigne comme « la plus grande plateforme fitness interactive au monde ». Même Beyond Meat aime parler de ses « plateformes de produits à bases de plantes ».

Derrière l’engouement pour un terme en apparence anodin se cache un concept économique qui, dans ses diverses incarnations sur Internet, est devenu un tremplin pour une croissance et une richesse immenses. Les entreprises construites sur ce concept – de Facebook, YouTube et Twitter à Amazon, Uber et Airbnb – ont collectivement réuni des milliards d’utilisateurs et créé des centaines de milliards de dollars de valeur marchande en déployant des systèmes logiciels pour mettre en relation les créateurs de contenu avec une audience, les vendeurs avec les acheteurs, les chauffeurs avec les passagers, les hôtes avec les invités. Ces entreprises exercent un pouvoir sans précédent sur la façon dont les gens communiquent, sur ce qu’ils savent et regardent, et sur la façon dont ils font leurs achats et se déplacent.

Aidées par une approche non interventionniste du régulateur aux États-Unis, ces entreprises ont donné la priorité au recrutement, le plus rapide possible, de prestataires et d’utilisateur – et ont souvent balayé d’un revers de main les contraintes, contrôles et coûts supportés par les entreprises plus traditionnelles dans les secteurs qu’elles cherchaient à réinventer. « Nous sommes une plateforme », est répété à l’envi – pas un média, un commerçant, un fournisseur de services ou un exploitant de services automobiles.

Ce cadrage est désormais remis en cause de toutes parts. Utilisateurs, élus et régulateurs aux États-Unis et en Europe ont attaqué Facebook, YouTube et d’autres plateformes de réseaux sociaux pour en avoir fait trop peu alors que bigots, brutes et propagandistes étrangers inondaient leurs plateformes d’insultes et de désinformation. Amazon est sous le feu des critiques pour son contrôle laxiste de son marketplace, et Uber se bat contre une loi californienne qui pourrait obliger les entreprises de l’économie « collaborative » à traiter les chauffeurs comme des employés.

Le degré de responsabilité des entreprises technologiques à l’égard de leurs plateformes est devenu l’un des enjeux clés de notre époque. La façon dont cette question sera résolue aura des ramifications dans les décennies avenir pour le monde des affaires, l’intérêt des consommateurs et le discours social.

Pendant la plus grande partie de leur histoire, les entreprises tech ont été tellement concentrées sur les défis d’une croissance rapide que s’inquiéter de ce qui se passait sur leurs plateformes a été relégué au second plan, dit Geoffrey Parker, professeur d’ingénierie au Dartmouth College et co-auteur d’un livre sur l’essor de ces entreprises, titré Platform Revolution.

« Aujourd’hui, dit-il, cela leur pète à la figure. »

Les plateformes telles qu’on les connaît n’existeraient pas sans un texte de loi de 1996, l’article 230 230 du Communications Decency Act, qui exempte largement les services en ligne de responsabilités pour les contenus de tiers.

Ironie du sort, l’article 230 était au départ un projet visant à faciliter la modération de contenus. Il est arrivé après deux procès en diffamation avec des résultats contradictoires au début des années 1990 contre deux des entreprises qu’on appelait alors « portails Internet », hébergeurs de newsletters, forums et chat rooms où l’on trouvait des contributions d’utilisateurs.

Dans le premier cas, un tribunal fédéral a estimé que CompuServe n’était pas responsable pour les propos présumés diffamatoires à l’encontre d’un concurrent dans une newsletter de sa plateforme. CompuServe était considéré comme un distributeur : à l’instar d’une bibliothèque ou d’une librairie, il ne pouvait être tenu pour responsable pour chaque contenu qu’il véhiculait, a estimé la cour.

Quelques années plus tard, une publication anonyme sur un BBS (bulletin board system) du portail Prodigy évoquait une fraude chez le courtier Stratton Oakmont, à Long Island (N.Y.), qui sera plus tard au cœur du film de Martin Scorsese Le loup de Wall Street. Prodigy fonctionnait différemment de CompuServe, avec des directives de contenu et des modérateurs qui supprimaient parfois des messages. Stratton Oakmont a poursuivi Prodigy en justice, arguant que ces caractéristiques signifiaient qu’il était responsable de l’allégation de fraude faite sur sa plateforme. En 1995, un tribunal de l’État de New York a donné raison à Prodigy.

Cela a inquiété certains élus, qui ont eu peur que punir les entreprises tech qui modéraient certains, mais pas tous les contenus qu’elles hébergeaient, comportait le risque d’entraver le développement d’internet. Deux d’entre eux, le sénateur Ron Wyden, un démocrate de l’Orégon, et Chris Cox, alors élu républicain de Californie, ont déposé un projet de loi qui est devenu l’article 230, comportant la clause suivante : « Aucun fournisseur ou utilisateur d’un service informatique interactif ne doit être considéré comme l’éditeur ou le locuteur d’une information fournie par un autre fournisseur de contenu d’information. »

A l’époque, personne n’imaginait ce qu’internet allait devenir. Amazon n’avait pas deux ans, et Yahoo et eBay étaient également des enfants en bas âge. Google ne serait enregistré comme entreprise que deux ans plus tard, Facebook six ans plus tard, quant à Uber et Airbnb, ils n’ont vu le jour que plus d’une décennie après le vote de cette loi.

Mais cette série de mots a eu pour résultat d’offrir aux entreprises tech « une immunité incroyablement large » qui a été essentielle au développement des plateformes que nous utilisons aujourd’hui, note Jeff Kosseff, auteur d’un ouvrage sur la Section 230, intitulé, The Twenty-Six Words That Created the Internet. (« Les vingt-six mots fatidiques qui ont créé Internet »)

Get big fast

Cette loi a accompagné des évolutions technologiques et stratégiques. Le développement de connexions réseau plus rapides et d’une puissance de calcul accrue – en particulier après l’avènement du smartphone – a attiré plus de monde sur un internet toujours plus omniprésent.

En tirant parti de ce pouvoir, les entrepreneurs se sont emparés de modèles économiques qui devenaient plus intéressants pour les utilisateurs à mesure que plus de gens les utilisaient, dit le professeur Parker de Dartmouth – plus de contenu attirait plus d’utilisateurs, ce qui rendait la plateforme plus attrayante pour les créateurs de contenu, qui attiraient plus d’utilisateurs.

Ces facteurs sont liés à une autre caractéristique clé : la croissance rapide des plateformes a souvent nécessité relativement peu de coûts supplémentaires, surtout avec le bouclier juridique fourni par l’article 230. Elles étaient, comme on dit dans la Silicon Valley, hautement « scalable ».

Ces qualités – qui ont marché aussi bien pour les amis sur les réseaux sociaux que pour les vendeurs et les acheteurs, les chauffeurs et les passagers, et ainsi de suite – ont alimenté la croissance rapide des entreprises. Et les investisseurs en capital-risque et les entrepreneurs considéraient que beaucoup de ces marchés étaient des marchés où le gagnant rafle tout, d’où l’importance de grossir plus vite que la concurrence.

« Vous êtes en fait en mode survie », dit Tim Kendall, qui était directeur de la monétisation de Facebook de 2006 à 2010 ; il a plus tard été président de la société de partage d’images en ligne Pinterest. Il dit que lorsqu’il a rejoint Facebook, le site était loin derrière Myspace en nombre d’utilisateurs et qu’il n’était pas certain qu’il y arriverait. « Quand vous êtes en mode survie, vous n’êtes pas incités à prendre un peu de recul et réfléchir à la société et penser aux implications d’ordre supérieur, parce que vous voulez juste vivre et vous battre un jour de plus. »

Les dirigeants ont conservé cet état d’esprit même après que leurs entreprises sont devenues titanesques. Facebook a pris pour habitude au cours de la dernière décennie – bien après avoir conquis l’univers des réseaux sociaux – de lancer un nouveau produit ou une fonctionnalité quelconque pour mieux s’excuser après avoir été confronté à une volée de bois vert concernant les contenus, la vie privée et d’autres problèmes. Uber, aux prises avec son rival Lyft, s’est rué sur une ville après l’autre plus rapidement que les régulateurs ne pouvaient s’adapter.

« Chaque partie de votre corps vous dit que vous êtes David », indique M. Kendall, désormais à la tête d’une start-up appelée Moment qui aide les gens à diminuer le temps passé sur leurs smartphones. « Et aucune de ces entreprises ne sait quand elle devient Goliath. Elles sont pratiquement incapables de savoir qu’elles sont devenues Goliath, tant qu’elles n’ont pas été sanctionnées violemment par un régulateur ou un gouvernement ou une amende. »

Le retour de bâton

Les coups pleuvent de toutes parts ces derniers temps, et les entreprises plateformes répondent avec un mélange de défiance et d’efforts de conciliation.

Le flot de désinformation pendant la campagne présidentielle américaine en 2016 a suscité une attention sans précédent sur les responsabilités que Facebook, Twitter, YouTube et d’autres plateformes de réseau sociaux devraient assumer pour le contenu qu’elles diffusent. Le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, le DG de Twitter, Jack Dorsey, et d’autres dirigeants, convoqués à des audiences du Congrès, se sont engagés à faire plus. Facebook affirme avoir embauché des milliers de nouveaux travailleurs pour renforcer la surveillance et la sécurité sur sa plateforme – un effort rendu plus complexe et plus coûteux par la nécessité d’adapter ses mesures à la myriade de marchés où le réseau est implanté à travers le monde.

Amazon dit avoir dépensé 400 millions de dollars l’année dernière pour adresser le problème de la contrefaçon et des produits qui ne sont pas aux normes, et est prêt à dépenser des milliards encore dans les prochaines années, après qu’une croissance rapide de vendeurs extérieurs sur sa marketplace a déclenché un afflux de produits de cette nature.

Utilisateurs et investisseurs aussi se méfient davantage des lignes de défense de ces plateformes.

En mars, le Wall Street Journal a révélé que Care.com, le numéro un américain de la mise en relation avec des baby-sitters et aides soignants par Internet, procédait seulement à une vérification très limitée du personnel aidant, parfois avec des conséquences dramatiques. L’entreprise a répondu qu’elle était une plateforme, et que, comme d’autres plateformes, elle ne vérifiait en général pas les informations publiées par les utilisateurs. L’action Care.com a plongé en Bourse dans le sillage de ces révélations, son DG a démissionné et, en décembre, a accepté de se vendre à IAC/InterActive Corp. pour environ 60 % de sa dernière valorisation.

En parallèle, tribunaux et élus sont en train de fixer de nouvelles limites aux libertés offertes par l’article 230. L’année dernière, le Congrès a adopté à une écrasante majorité une loi supprimant l’immunité des entreprises en ligne qui facilitent le commerce du sexe en ligne. Cette loi, qui répondait à l’explosion de la prostitution en ligne sur des sites comme Backpage.com, maintenant fermé, a été fortement contestée par les entreprises du Web, qui ont alerté sur le fait qu’elle était susceptible d’éroder les protections offertes par l’article 230.

En mars, une cour d’appel fédérale en Californie a rejeté une tentative d’Airbnb et de son concurrent HomeAway, une unité du Groupe Expedia d’invoquer l’article 230 comme défense contre une ordonnance de la ville californienne de Santa Monica les obligeant à s’assurer que les annonces locales sur leurs plateformes étaient conformes aux règles de la ville.

Airbnb est aussi en train de renforcer les mesures de sécurité sur sa plateforme après plusieurs incidents, dont une fusillade mortelle pendant une soirée qui a dégénéré dans une propriété louée via Airbnb. L’entreprise devait « assumer davantage de responsabilité pour les choses sur notre plateforme », a déclaré son patron, Brian Chesky, à propos des changements en novembre. « Notre secteur connaît une transition progressive, peut-être trop progressive. »

La bataille sur la responsabilité des plateformes dépasse les contenus. La Californie a adopté une loi qui entre en application le 1er janvier qui pourrait contraindre Uber et ses concurrents à traiter leurs chauffeurs comme des employés, susceptible de prétendre au salaire minimum et à des congés maladie payés. Uber a déclaré qu’il n’a pas à changer ses pratiques en raison de cette loi, et que ce n’est pas une entreprise de VTC mais « une plateforme technologique pour plusieurs types de places de marché numériques. »

Les entreprises plateformes ne vont pas disparaître. Elles ont amassé des millions et des millions d’utilisateurs avec des services qui mettent les gens en relation de manières utiles et nouvelles. Malgré le retour de bâton, nombre d’entre elles continuent de croître.

Mais le modèle est clairement en train de changer. La responsabilité de ce qui se passe sur les plateformes n’est plus une réflexion de second plan. Se déployer rapidement à grande échelle et moindre coût n’est pas sans contraintes. C’est ce que dit le professeur Parker : « L’ère de la régulation des plateformes est arrivée. »

Tech : La régulation des plates-formes est devenue incontournable

Tech : La régulation des plates-formes est devenue incontournable

 

Sheryl Sandberg, directrice des opérations de Facebook, et Jack Dorsey, PDG de Twitter expliquent  que la régulation est devenue incontournable pour les plates-formes dans le Wall Street Journal (extrait)

 

 

 

 

Apparemment, tout le monde dans la tech – et bien d’autres au-delà – veut avoir une activité de plateforme. Uber a utilisé ce terme à 747 reprises dans son prospectus d’introduction en Bourse en mai. We Co., la maison-mère du loueur de bureaux en difficultés WeWork, se targuait d’avoir une plateforme mondiale dans les documents de son introduction en Bourse qui n’a finalement pas eu lieu. Peloton Interactive, qui fabrique des équipements sportifs connectés, se désigne comme « la plus grande plateforme fitness interactive au monde ». Même Beyond Meat aime parler de ses « plateformes de produits à bases de plantes ».

Derrière l’engouement pour un terme en apparence anodin se cache un concept économique qui, dans ses diverses incarnations sur Internet, est devenu un tremplin pour une croissance et une richesse immenses. Les entreprises construites sur ce concept – de Facebook, YouTube et Twitter à Amazon, Uber et Airbnb – ont collectivement réuni des milliards d’utilisateurs et créé des centaines de milliards de dollars de valeur marchande en déployant des systèmes logiciels pour mettre en relation les créateurs de contenu avec une audience, les vendeurs avec les acheteurs, les chauffeurs avec les passagers, les hôtes avec les invités. Ces entreprises exercent un pouvoir sans précédent sur la façon dont les gens communiquent, sur ce qu’ils savent et regardent, et sur la façon dont ils font leurs achats et se déplacent.

Aidées par une approche non interventionniste du régulateur aux États-Unis, ces entreprises ont donné la priorité au recrutement, le plus rapide possible, de prestataires et d’utilisateur – et ont souvent balayé d’un revers de main les contraintes, contrôles et coûts supportés par les entreprises plus traditionnelles dans les secteurs qu’elles cherchaient à réinventer. « Nous sommes une plateforme », est répété à l’envi – pas un média, un commerçant, un fournisseur de services ou un exploitant de services automobiles.

Ce cadrage est désormais remis en cause de toutes parts. Utilisateurs, élus et régulateurs aux États-Unis et en Europe ont attaqué Facebook, YouTube et d’autres plateformes de réseaux sociaux pour en avoir fait trop peu alors que bigots, brutes et propagandistes étrangers inondaient leurs plateformes d’insultes et de désinformation. Amazon est sous le feu des critiques pour son contrôle laxiste de son marketplace, et Uber se bat contre une loi californienne qui pourrait obliger les entreprises de l’économie « collaborative » à traiter les chauffeurs comme des employés.

Le degré de responsabilité des entreprises technologiques à l’égard de leurs plateformes est devenu l’un des enjeux clés de notre époque. La façon dont cette question sera résolue aura des ramifications dans les décennies avenir pour le monde des affaires, l’intérêt des consommateurs et le discours social.

Pendant la plus grande partie de leur histoire, les entreprises tech ont été tellement concentrées sur les défis d’une croissance rapide que s’inquiéter de ce qui se passait sur leurs plateformes a été relégué au second plan, dit Geoffrey Parker, professeur d’ingénierie au Dartmouth College et co-auteur d’un livre sur l’essor de ces entreprises, titré Platform Revolution.

« Aujourd’hui, dit-il, cela leur pète à la figure. »

Les plateformes telles qu’on les connaît n’existeraient pas sans un texte de loi de 1996, l’article 230 230 du Communications Decency Act, qui exempte largement les services en ligne de responsabilités pour les contenus de tiers.

Ironie du sort, l’article 230 était au départ un projet visant à faciliter la modération de contenus. Il est arrivé après deux procès en diffamation avec des résultats contradictoires au début des années 1990 contre deux des entreprises qu’on appelait alors « portails Internet », hébergeurs de newsletters, forums et chat rooms où l’on trouvait des contributions d’utilisateurs.

Dans le premier cas, un tribunal fédéral a estimé que CompuServe n’était pas responsable pour les propos présumés diffamatoires à l’encontre d’un concurrent dans une newsletter de sa plateforme. CompuServe était considéré comme un distributeur : à l’instar d’une bibliothèque ou d’une librairie, il ne pouvait être tenu pour responsable pour chaque contenu qu’il véhiculait, a estimé la cour.

Quelques années plus tard, une publication anonyme sur un BBS (bulletin board system) du portail Prodigy évoquait une fraude chez le courtier Stratton Oakmont, à Long Island (N.Y.), qui sera plus tard au cœur du film de Martin Scorsese Le loup de Wall Street. Prodigy fonctionnait différemment de CompuServe, avec des directives de contenu et des modérateurs qui supprimaient parfois des messages. Stratton Oakmont a poursuivi Prodigy en justice, arguant que ces caractéristiques signifiaient qu’il était responsable de l’allégation de fraude faite sur sa plateforme. En 1995, un tribunal de l’État de New York a donné raison à Prodigy.

Cela a inquiété certains élus, qui ont eu peur que punir les entreprises tech qui modéraient certains, mais pas tous les contenus qu’elles hébergeaient, comportait le risque d’entraver le développement d’internet. Deux d’entre eux, le sénateur Ron Wyden, un démocrate de l’Orégon, et Chris Cox, alors élu républicain de Californie, ont déposé un projet de loi qui est devenu l’article 230, comportant la clause suivante : « Aucun fournisseur ou utilisateur d’un service informatique interactif ne doit être considéré comme l’éditeur ou le locuteur d’une information fournie par un autre fournisseur de contenu d’information. »

A l’époque, personne n’imaginait ce qu’internet allait devenir. Amazon n’avait pas deux ans, et Yahoo et eBay étaient également des enfants en bas âge. Google ne serait enregistré comme entreprise que deux ans plus tard, Facebook six ans plus tard, quant à Uber et Airbnb, ils n’ont vu le jour que plus d’une décennie après le vote de cette loi.

Mais cette série de mots a eu pour résultat d’offrir aux entreprises tech « une immunité incroyablement large » qui a été essentielle au développement des plateformes que nous utilisons aujourd’hui, note Jeff Kosseff, auteur d’un ouvrage sur la Section 230, intitulé, The Twenty-Six Words That Created the Internet. (« Les vingt-six mots fatidiques qui ont créé Internet »)

Get big fast

Cette loi a accompagné des évolutions technologiques et stratégiques. Le développement de connexions réseau plus rapides et d’une puissance de calcul accrue – en particulier après l’avènement du smartphone – a attiré plus de monde sur un internet toujours plus omniprésent.

En tirant parti de ce pouvoir, les entrepreneurs se sont emparés de modèles économiques qui devenaient plus intéressants pour les utilisateurs à mesure que plus de gens les utilisaient, dit le professeur Parker de Dartmouth – plus de contenu attirait plus d’utilisateurs, ce qui rendait la plateforme plus attrayante pour les créateurs de contenu, qui attiraient plus d’utilisateurs.

Ces facteurs sont liés à une autre caractéristique clé : la croissance rapide des plateformes a souvent nécessité relativement peu de coûts supplémentaires, surtout avec le bouclier juridique fourni par l’article 230. Elles étaient, comme on dit dans la Silicon Valley, hautement « scalable ».

Ces qualités – qui ont marché aussi bien pour les amis sur les réseaux sociaux que pour les vendeurs et les acheteurs, les chauffeurs et les passagers, et ainsi de suite – ont alimenté la croissance rapide des entreprises. Et les investisseurs en capital-risque et les entrepreneurs considéraient que beaucoup de ces marchés étaient des marchés où le gagnant rafle tout, d’où l’importance de grossir plus vite que la concurrence.

« Vous êtes en fait en mode survie », dit Tim Kendall, qui était directeur de la monétisation de Facebook de 2006 à 2010 ; il a plus tard été président de la société de partage d’images en ligne Pinterest. Il dit que lorsqu’il a rejoint Facebook, le site était loin derrière Myspace en nombre d’utilisateurs et qu’il n’était pas certain qu’il y arriverait. « Quand vous êtes en mode survie, vous n’êtes pas incités à prendre un peu de recul et réfléchir à la société et penser aux implications d’ordre supérieur, parce que vous voulez juste vivre et vous battre un jour de plus. »

Les dirigeants ont conservé cet état d’esprit même après que leurs entreprises sont devenues titanesques. Facebook a pris pour habitude au cours de la dernière décennie – bien après avoir conquis l’univers des réseaux sociaux – de lancer un nouveau produit ou une fonctionnalité quelconque pour mieux s’excuser après avoir été confronté à une volée de bois vert concernant les contenus, la vie privée et d’autres problèmes. Uber, aux prises avec son rival Lyft, s’est rué sur une ville après l’autre plus rapidement que les régulateurs ne pouvaient s’adapter.

« Chaque partie de votre corps vous dit que vous êtes David », indique M. Kendall, désormais à la tête d’une start-up appelée Moment qui aide les gens à diminuer le temps passé sur leurs smartphones. « Et aucune de ces entreprises ne sait quand elle devient Goliath. Elles sont pratiquement incapables de savoir qu’elles sont devenues Goliath, tant qu’elles n’ont pas été sanctionnées violemment par un régulateur ou un gouvernement ou une amende. »

Le retour de bâton

Les coups pleuvent de toutes parts ces derniers temps, et les entreprises plateformes répondent avec un mélange de défiance et d’efforts de conciliation.

Le flot de désinformation pendant la campagne présidentielle américaine en 2016 a suscité une attention sans précédent sur les responsabilités que Facebook, Twitter, YouTube et d’autres plateformes de réseau sociaux devraient assumer pour le contenu qu’elles diffusent. Le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, le DG de Twitter, Jack Dorsey, et d’autres dirigeants, convoqués à des audiences du Congrès, se sont engagés à faire plus. Facebook affirme avoir embauché des milliers de nouveaux travailleurs pour renforcer la surveillance et la sécurité sur sa plateforme – un effort rendu plus complexe et plus coûteux par la nécessité d’adapter ses mesures à la myriade de marchés où le réseau est implanté à travers le monde.

Amazon dit avoir dépensé 400 millions de dollars l’année dernière pour adresser le problème de la contrefaçon et des produits qui ne sont pas aux normes, et est prêt à dépenser des milliards encore dans les prochaines années, après qu’une croissance rapide de vendeurs extérieurs sur sa marketplace a déclenché un afflux de produits de cette nature.

Utilisateurs et investisseurs aussi se méfient davantage des lignes de défense de ces plateformes.

En mars, le Wall Street Journal a révélé que Care.com, le numéro un américain de la mise en relation avec des baby-sitters et aides soignants par Internet, procédait seulement à une vérification très limitée du personnel aidant, parfois avec des conséquences dramatiques. L’entreprise a répondu qu’elle était une plateforme, et que, comme d’autres plateformes, elle ne vérifiait en général pas les informations publiées par les utilisateurs. L’action Care.com a plongé en Bourse dans le sillage de ces révélations, son DG a démissionné et, en décembre, a accepté de se vendre à IAC/InterActive Corp. pour environ 60 % de sa dernière valorisation.

En parallèle, tribunaux et élus sont en train de fixer de nouvelles limites aux libertés offertes par l’article 230. L’année dernière, le Congrès a adopté à une écrasante majorité une loi supprimant l’immunité des entreprises en ligne qui facilitent le commerce du sexe en ligne. Cette loi, qui répondait à l’explosion de la prostitution en ligne sur des sites comme Backpage.com, maintenant fermé, a été fortement contestée par les entreprises du Web, qui ont alerté sur le fait qu’elle était susceptible d’éroder les protections offertes par l’article 230.

En mars, une cour d’appel fédérale en Californie a rejeté une tentative d’Airbnb et de son concurrent HomeAway, une unité du Groupe Expedia d’invoquer l’article 230 comme défense contre une ordonnance de la ville californienne de Santa Monica les obligeant à s’assurer que les annonces locales sur leurs plateformes étaient conformes aux règles de la ville.

Airbnb est aussi en train de renforcer les mesures de sécurité sur sa plateforme après plusieurs incidents, dont une fusillade mortelle pendant une soirée qui a dégénéré dans une propriété louée via Airbnb. L’entreprise devait « assumer davantage de responsabilité pour les choses sur notre plateforme », a déclaré son patron, Brian Chesky, à propos des changements en novembre. « Notre secteur connaît une transition progressive, peut-être trop progressive. »

La bataille sur la responsabilité des plateformes dépasse les contenus. La Californie a adopté une loi qui entre en application le 1er janvier qui pourrait contraindre Uber et ses concurrents à traiter leurs chauffeurs comme des employés, susceptible de prétendre au salaire minimum et à des congés maladie payés. Uber a déclaré qu’il n’a pas à changer ses pratiques en raison de cette loi, et que ce n’est pas une entreprise de VTC mais « une plateforme technologique pour plusieurs types de places de marché numériques. »

Les entreprises plateformes ne vont pas disparaître. Elles ont amassé des millions et des millions d’utilisateurs avec des services qui mettent les gens en relation de manières utiles et nouvelles. Malgré le retour de bâton, nombre d’entre elles continuent de croître.

Mais le modèle est clairement en train de changer. La responsabilité de ce qui se passe sur les plateformes n’est plus une réflexion de second plan. Se déployer rapidement à grande échelle et moindre coût n’est pas sans contraintes. C’est ce que dit le professeur Parker : « L’ère de la régulation des plateformes est arrivée. »

Super ligue de foot : un projet incontournable dès lorsque les clubs sont détenus par des capitaux privés

Super ligue de foot : un projet incontournable dès lorsque les clubs sont détenus par des capitaux privés

 

 

Il n’est pas certain que le projet de super ligue de foot aboutisse rapidement compte tenu des fortes oppositions des superstructures internationales de football mais aussi de certains pays. Reste que le foot, première activité sportive, suivie par les supporters du monde entier a changé de visage quand les capitaux privés ont mis la main sur les clubs. Beaucoup de ces clubs d’ailleurs sont maintenant cotés en bourse.

Dès lors  juridiquement il paraît impossible de s’opposer à la liberté dont disposent des acteurs du secteur privé d’organiser les activités. Certains objecteront qu’il s’agit surtout d’une affaire financière et c’est effectivement aussi le cas même si l’intérêt sportif est également présent.

Comment en effet maintenir le précis des grands clubs condamnés à recruter les meilleurs joueurs et à les payer entre 1 et 2 millions voire davantage par mois. La masse salariale des clubs en général dépasse même la moitié des dépenses globales. En outre, la crise sanitaire a opéré une ponction significative des ressources habituelles du football qu’il faut compenser.

Concernant la France qui semble pour l’instant ne semble pas favorable à cette perspective, elle ne pourra s’opposer longtemps à ce projet. En effet,  le foot national est souvent insipide quant à son niveau et n’est rehaussé que qu’à l’occasion de confrontation internationale soit des clubs soit de l’équipe de France.

Si ce projet devait voir le jour ,la France pourrait tout au mieux être présente dans la super ligue avec 2 clubs à savoir Paris et Lyon. Tous les autres sont loin d’être du niveau européen. De toute manière,  l’organisation du football européen devra sérieusement évoluer dans la mesure où il est démontré que les plus jeunes de 15 à 25 ans s’intéressent beaucoup moins que leurs aînés avec spectacle footballistique souvent trop soporifique.

 

Union européenne : une collision avec la Chine incontournable

Union européenne : une collision avec la Chine incontournable

Le consultant Laurent Malvezin passe en revue, dans une tribune au « Monde » les différentes options pour les entreprises européennes, confrontées à la coercition économique grandissante de la Chine.

Tribune. Les récentes difficultés de positionnement de grandes marques étrangères en Chine face aux pressions de leurs hôtes concernant le coton du Xinjiang illustrent en réalité une problématique structurelle : celle des relations entre le pouvoir politique et l’économie. Les conceptions divergent entre, notamment, l’Europe et la Chine.

La Chine se définit comme une « économie de marché socialiste », dans laquelle les acteurs économiques sont subordonnés au pouvoir politique, c’est-à-dire aux prescriptions idéologiques et aux orientations planificatrices du parti-Etat chinois. Elles s’appliquent dans ses entreprises d’Etat, mais aussi dans les sociétés à capitaux non exclusivement d’Etat, ainsi que dans les filiales des sociétés étrangères.

Afin d’assurer son monopole politique, le parti-Etat exige des sociétés étrangères sur son sol de lui déléguer tout le champ social. Cette exigence implique pour les autres seulement d’opérer une stricte séparation des affaires avec la conduite politique des affaires, la gouvernance, dont il réclame l’apanage.

C’est pourquoi, le 25 mars, le ministère du commerce, par la voix de son porte-parole, rejetait les accusations de travail forcé au Xinjiang, enjoignant aux marques occidentales de ne pas « politiser les questions de business ». Cette volonté du Parti communiste d’exclure tout droit politique et social à ses partenaires étrangers, qu’il assimile à une remise en cause de son autorité, nécessairement sans partage, s’était exprimée, en 2020, lors du déploiement de sa « stratégie diplomatique des masques ».

De nombreux diplomates chinois avaient exhorté à « ne pas faire de politique, mais à sauver des vies », provoquant de la part des pays européens une dénonciation quasi unanime pour récupération politique d’un enjeu de santé publique majeur.

Or, le projet géopolitique de la Commission Ursula von der Leyen, centré sur les valeurs d’une Europe qui recouvre sa souveraineté et protège ses entreprises et ses citoyens, ne peut qu’entrer en collision frontale avec le modèle chinois « d’économie de marché socialiste ». Les deux projets s’arment, en effet, d’un arsenal de normes prescriptives antagonistes, pour la Chine, l’étatisation de l’économie et, pour l’Europe, l’affirmation de ses standards éthiques et sociétaux.

L’exemplarité de l’idéal européen des Lumières versus l’infaillibilité du Parti communiste chinois, chacun voyant dans l’autre un cheval de Troie : Pékin voit les valeurs occidentales le subvertir de toutes parts et l’Occident redoute la soldatesque du parti dans le ventre de ses entreprises pour mieux le vider du dedans.

Le reconfinement est incontournable

Le reconfinement est incontournable

 

Selon le professeur Gilles Pialoux, infectiologue et chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Tenon à Paris, le reconfinement est incontournable déclare-t-il sur RTL car les hôpitaux et les lits de réanimation se remplissent à cause de « la situation d’organisation politique de cette gestion de la pandémie ».

Un an après le début de la crise sanitaire, la France en est au même point, il n’y a pas plus de lits en réanimation. Pour Gilles Pialoux « le problèmes des lits c’est 15 ans de politique sanitaire de fermeture de lit et de non-priorisation de l’hôpital public. Ce n’est pas maintenant qu’on peut régler ce problème-là en un an. Le problème n’est pas d’ouvrir des lits, le problème c’est de les armer en personnel ».

Gilles Pialoux explique que l’annonce du transfert de patients « nous a un peu tétanisés, parce que c’est très compliqué d’organiser les transferts« . C’est complexe au niveau logistique. Il ajoute que dans cette pandémie « ce n’est pas sur la logistique que la France a été la plus efficace ».

Il y a un mois, Gilles Pialoux alarmait sur la situation et avait déclaré « on va dans le mur parce qu’on n’a pas de marge de manœuvre sur le personnel ». Ce soir, l’infectiologue indique que « la différence avec la première vague c’est que les choses sont montées extrêmement vite et que là on est dans une marche progressive ». En Ile-de-France la situation ne peut « qu’empirer » car il faut des semaines pour descendre du niveau où on est actuellement et qui est très élevé.

Vague de faillites États-Unis : une hypothèse incontournable

Vague de faillites États-Unis : une hypothèse incontournable

 

 

Comme ailleurs, et peut-être encore davantage, nombre  d’entreprises commerciales pourraient connaître la faillite aux États-Unis. Ces risques de faillites commerciales en cours aux États-Unis «restent considérables» alors même que l’économie émerge de la pandémie de coronavirus, a en effet déclaré vendredi la Réserve fédérale dans son rapport semestriel de politique monétaire au Congrès.

Les emprunts aux entreprises «se situent désormais près des sommets historiques», a déclaré la banque centrale américaine dans le rapport. Même si d’importants soldes de trésorerie, des taux d’intérêt bas et une croissance économique renouvelée peuvent atténuer les problèmes à court terme, «les risques d’insolvabilité dans les petites et moyennes entreprises, ainsi que dans certaines grandes entreprises, restent considérables».

Si  les bilans des banques et des ménages restent dans un état raisonnable, la référence de la Fed à la dette des entreprises met en évidence le potentiel de gueule de bois économique à venir après une année historiquement difficile.

Parallèlement aux faillites d’entreprises, le rapport a noté comment les changements économiques qui sont encore en cours pourraient, par exemple, réduire le marché de l’immobilier commercial déjà très apprécié et entraîner une «forte baisse» des prix – un coup potentiel pour les investisseurs ou les prêteurs. impliqué avec ces propriétés.

Le rapport notait également que les emprunts et les dépenses utilisés dans certains pays pour lutter contre la pandémie avaient rendu leurs systèmes financiers «plus vulnérables» qu’auparavant et que la situation pourrait s’aggraver. Le stress dans certains pays émergents, avertit le rapport, pourrait se propager «et produire des tensions supplémentaires pour le système financier et l’activité économique américains».

Accepter « les règles » pour les Britanniques est incontournable pour Thierry Breton

Accepter « les règles » pour les Britanniques est incontournable pour Thierry Breton

interviewé sur Europe 1, Thierry Breton, commissaire européen chargé du marché intérieur, a réaffirmé que les choses sont claires : soit les Britanniques acceptent les règles de l’UE pour le marché intérieur, soit ils les refusent et n’en font pas partie.

« Nous sommes un continent ouvert », abonde l’ancien ministre de l’Économie entre 2005 et 2007. « Mais lorsqu’on y vient, on doit tout simplement respecter nos règles pour précisément avoir une équité, que les produits respectent les contraintes environnementales et sociales qui font notre marché intérieur ».

Et ce principe de respect des règles vaut également pour le secteur de le pêche, point de friction très important dans les négociations entre Londres et Bruxelles, alors que le Royaume-Uni s’est dit prêt à déployer sa marine pour protéger ses eaux territoriales. Refusant de se positionner sur la nature de cette communication britannique, Thierry Breton préfère rappeler qu’il est dans « l’intérêt de tout le monde de trouver un accord sur ces zones de pêche ».

D’autant que dans ce dossier, si les Britanniques possèdent effectivement des eaux « plus poissonneuses », ils ne sont pas forcément en position de force, selon Thierry Breton. « L’organisation de la pêche britannique fait que la quasi totalité de la fabrication des prises se fait sur le continent. Les pêcheurs ont besoin du continent pour transformer les produits, mais aussi pour les vendre. Il y a donc des intérêts conjoints. »

Des intérêts économiques qui font espérer au commissaire européen qu’un accord sera trouvé. Sans compter qu’en cas de « no deal », des droits de douane devront s’appliquer et faire mécaniquement « augmenter les prix de façon assez significative en Grande-Bretagne ». L’Europe « continuera à exporter, mais ce sera plus cher pour le consommateur britannique ».

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