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Société–Croissance et sobriété incompatibles

Société–Croissance et sobriété incompatibles ?

Un thème intéressant mais article un peu général voire confus et qui manque de documentation. Un papier davantage militant que scientifique et qui pose d’ailleurs la question de la compétence de l’ADEME NDLR

Changement climatique, déclin rapide et massif des espèces, recul continu du jour du dépassement, accroissement des inégalités… À mesure que les signaux d’alerte sociaux et environnementaux se multiplient, nos modes de développement apparaissent de plus en plus incompatibles avec un avenir positif et durable.

Dans ce contexte, le modèle économique « en volume », universellement partagé, n’est plus tenable. Il induit une création de valeur via l’augmentation du chiffre d’affaires – et des bénéfices – qui passe nécessairement par une hausse des flux (vente de biens et de services) et par conséquent par des consommations de ressources.

Il s’agit donc de penser à de nouveaux modèles de production et de consommation à la hauteur de ces enjeux. Par la vision de société qu’elle porte, la sobriété peut constituer une réponse intéressante à explorer. Encore faut-il savoir ce qui se cache derrière cette notion parfois floue.

Assimilée à la modération ou à la frugalité, la notion de sobriété trouve ses racines dans des traditions philosophiques et religieuses anciennes. Le sujet suscite un regain d’intérêt au XXe siècle, en lien avec des questionnements sur les modes de vie modernes, les systèmes productifs et consuméristes actuels et leurs conséquences sur l’environnement, le lien social et le bien-vivre.

La sobriété, dans notre vie quotidienne, renvoie généralement au « moins mais mieux », en reliant consommation, bien-être, santé, environnement et qualité de vie (et non pas niveau de vie).

Le « moins » peut être rattaché à la notion de limite planétaire ; il peut s’illustrer, par exemple, par la réduction du nombre de produits ou équipements dont nous nous entourons (textiles, électroniques…) ou la limitation des distances ou des kilomètres réalisés (tourisme)…

Le « mieux », qui vise à développer une consommation de biens et services plus « responsables » (production et acquisition de produits à moindres impacts sur l’environnement) soulève également des questionnements au regard de son accessibilité pour les publics plus défavorisés.

Par ailleurs, la définition du « moins » et du « mieux » est rendue difficile par les distinctions complexes entre « besoins » et « désirs », « essentiel » et « non essentiel ».

En dehors des démarches pionnières de sobriété émergent à l’échelle individuelle et de petits collectifs, les enquêtes menées par l’Ademe et ses partenaires depuis quelques années révèlent un désir croissant pour une consommation plus responsable et une aspiration à repenser nos modèles économiques.

Les Français expriment avec constance une forte sensibilité aux enjeux environnementaux et ils sont aujourd’hui 58 % à penser qu’il faudra modifier nos modes de vie pour faire face au changement climatique. Par ailleurs, 88 % des Français considèrent que l’on vit dans une société qui nous pousse à acheter sans cesse et 83 % des Français souhaiteraient que la consommation y prenne moins de place.

Selon eux, il s’agirait de la réduire, plus globalement, et de supprimer le superflu pour consommer de manière responsable. Plus de la moitié d’entre eux (52 %) pensent aussi qu’il faut sortir du mythe de la croissance infinie et revoir complètement notre modèle économique.

Toutefois, malgré une sensibilité à la sobriété de plus en plus prégnante, une majorité de Français reste très attachée à la consommation et aspire même ce qu’elle augmente : 60 % des Français souhaitent « pouvoir se payer plus souvent des choses qui leur font envie » et 35 % déclarent céder à la tentation lors de leurs achats.

On relève ainsi un paradoxe fort entre des aspirations croissantes à un autre modèle de société remettant en cause le système économique actuel et des pratiques qui demeurent largement ancrées dans un modèle consumériste.

Trois difficultés peuvent être ici relevées.

Nos sociétés dites développées se sont structurées autour de l’accès à la consommation de masse, puissant vecteur d’inclusion sociale, et nombre de nos concitoyens aspirent légitimement à l’augmentation de leur niveau de vie.

Il est difficile pour un individu d’adopter un mode de vie sobre appliqué à l’ensemble de nos besoins essentiels (s’alimenter, s’équiper, se déplacer…) : certaines marges de manœuvre sont directement liées aux offres ainsi qu’aux infrastructures existantes, ce qui renvoie au rôle des entreprises (metteurs sur le marché des biens et services), aux collectivités territoriales et à l’État.

Par ailleurs, l’omniprésence des messages publicitaires dans notre environnement quotidien complexifie toute approche visant à se détacher d’une consommation effrénée.

Il existe en outre le risque qu’apparaissent au sein de notre société des clivages entre plusieurs populations : les plus défavorisés qui ne peuvent pas accéder à la consommation comme ils le souhaiteraient versus les plus riches qui ont souvent un mode de vie ostentatoire. Les plus désireux de changer qui peuvent se le permettre versus celles et ceux qui aspirent à consommer plus, quel que soit leur niveau de revenus.

Le lien entre sobriété et qualité de vie, santé, convivialité et épanouissement personnel reste donc à mettre en évidence pour une partie de la population, tout comme les enjeux d’inégalités qui ne peuvent être écartés.

La sobriété dans le monde économique est déjà intégrée par certains acteurs, voire incluse dans des stratégies à moyen ou long terme : le Conseil national de l’industrie évoque l’objectif de « frugalité » dans ses axes structurants d’action.

L’interprétation mise en avant porte toutefois souvent sur la progression de l’efficience (consommer moins de ressources pour la production d’un même produit) via l’amélioration des procédés, en restant dans un modèle dit « en volume » (qui vise à écouler un maximum de produits).

Cette amélioration apporte souvent des solutions techniques et technologiques permettant certes de consommer moins (matières, énergie…), mais à aucun moment ne remet en cause le modèle économique en soi.

Cela entraîne parfois des effets rebonds. L’efficacité est certes meilleure, mais les transformations techniques, comportementales ou sociales entraînent en parallèle des phénomènes de compensation qui peuvent altérer le bilan des gains réalisés.

Prenons l’exemple de la réglementation thermique des bâtiments. À mesure que leur efficacité énergétique a augmenté, la taille des maisons s’est agrandie, et l’évolution des modèles familiaux a provoqué une hausse des surfaces à chauffer.

De la même manière, le poids des véhicules a peut-être baissé (avant une nouvelle augmentation ces dernières années) grâce à une amélioration des performances des moteurs, mais l’entrée dans la société du tourisme et des loisirs a multiplié les distances parcourues par les Français. Les gains de l’efficacité sont alors annulés par les effets de ces évolutions sociétales.

D’autres remettent en cause ce modèle économique « en volume » en proposant leur propre modèle – par exemple en assurant un juste dimensionnement de leur offre – ou via de nouvelles approches comme l’économie de la fonctionnalité, qui vise à répondre à une fonction (se déplacer, s’éclairer, avoir un confort thermique…) plutôt qu’à la seule vente du produit.

Cette dernière a un rôle certainement majeur à jouer. Elle établit une nouvelle relation entre l’offre et la demande qui n’est plus uniquement basée sur la simple commercialisation de biens ou de services. La contractualisation repose sur les effets utiles (les bénéfices).

On vise par exemple à garantir un confort thermique optimisé plutôt que de vendre uniquement de l’énergie, à fournir des solutions de mobilité durable au lieu de vendre des voitures, à proposer des aides pédagogiques pour la réussite des élèves plutôt que de simples manuels scolaires, etc. C’est une économie orientée vers l’usage, l’offre s’adapte aux besoins réels des personnes, des entreprises et des collectivités. Cela implique des transformations profondes dans la façon de produire.

Elle permet donc d’envisager une création de valeur avec moins de ressources, mais c’est aussi une économie du « plus » car elle vise à générer de la valeur sociale et environnementale, à augmenter la satisfaction et la fidélité des clients, à développer les compétences et la créativité des salariés, à accroître la confiance et la coopération entre les acteurs d’un territoire ou d’une filière industrielle…

Plusieurs collectivités « pionnières » (avec un rôle essentiel des élus) se sont déjà lancées dans la mise en œuvre de plans d’action « sobriété », même si la définition et le périmètre de cette dernière restent mal identifiés.

Une des spécificités porte sur le nombre important d’acteurs présents sur leur territoire et de thématiques potentiellement couvertes par ces évolutions : foncier, immobilier, éclairage public, tourisme…

Une mise en lumière de ces actions et de leurs résultats est indispensable pour développer les bonnes pratiques. L’Ademe vient de publier une étude présentant plusieurs retours d’expériences en France et en Europe qui témoignent de la richesse et de l’apprentissage face à de telles démarches.

Dans la mesure où elle passe par une réévaluation des besoins et une distinction entre le superflu et le nécessaire, la sobriété interroge la construction de notre identité et de nos représentations, et donc le rôle de la publicité.

L’accès à un certain niveau de consommation garantissant un standing de vie reste cependant une préoccupation largement partagée par nos compatriotes, qui expriment année après année, depuis bientôt 40 ans, une préférence pour l’augmentation du pouvoir d’achat plutôt que du temps libre.

Aussi, les discours sur la sobriété font courir le risque de divisions au sein de la population. Il est donc essentiel de documenter les impacts et co-bénéfices des démarches de sobriété ainsi que les transformations nécessaires pour construire d’autres formes de scénarios de « vie future » et d’imaginaires collectifs.

Anaïs Rocci, Patrick Jolivet, Dominique Traineau, Marianne Bloquel et Stéphanie Guignard, qui travaillent à l’Ademe ont contribué à la rédaction de cet article paru dans the conversation

roissance et sobriété incompatibles ?

Croissance et sobriété incompatibles ?

Un thème intéressant mais article un peu général voire confus et qui manque de documentation. Un papier davantage militant que scientifique et qui pose d’ailleurs la question de la compétence de l’ADEME NDLR

Changement climatique, déclin rapide et massif des espèces, recul continu du jour du dépassement, accroissement des inégalités… À mesure que les signaux d’alerte sociaux et environnementaux se multiplient, nos modes de développement apparaissent de plus en plus incompatibles avec un avenir positif et durable.

Dans ce contexte, le modèle économique « en volume », universellement partagé, n’est plus tenable. Il induit une création de valeur via l’augmentation du chiffre d’affaires – et des bénéfices – qui passe nécessairement par une hausse des flux (vente de biens et de services) et par conséquent par des consommations de ressources.

Il s’agit donc de penser à de nouveaux modèles de production et de consommation à la hauteur de ces enjeux. Par la vision de société qu’elle porte, la sobriété peut constituer une réponse intéressante à explorer. Encore faut-il savoir ce qui se cache derrière cette notion parfois floue.

Assimilée à la modération ou à la frugalité, la notion de sobriété trouve ses racines dans des traditions philosophiques et religieuses anciennes. Le sujet suscite un regain d’intérêt au XXe siècle, en lien avec des questionnements sur les modes de vie modernes, les systèmes productifs et consuméristes actuels et leurs conséquences sur l’environnement, le lien social et le bien-vivre.

La sobriété, dans notre vie quotidienne, renvoie généralement au « moins mais mieux », en reliant consommation, bien-être, santé, environnement et qualité de vie (et non pas niveau de vie).

Le « moins » peut être rattaché à la notion de limite planétaire ; il peut s’illustrer, par exemple, par la réduction du nombre de produits ou équipements dont nous nous entourons (textiles, électroniques…) ou la limitation des distances ou des kilomètres réalisés (tourisme)…

Le « mieux », qui vise à développer une consommation de biens et services plus « responsables » (production et acquisition de produits à moindres impacts sur l’environnement) soulève également des questionnements au regard de son accessibilité pour les publics plus défavorisés.

Par ailleurs, la définition du « moins » et du « mieux » est rendue difficile par les distinctions complexes entre « besoins » et « désirs », « essentiel » et « non essentiel ».

En dehors des démarches pionnières de sobriété émergent à l’échelle individuelle et de petits collectifs, les enquêtes menées par l’Ademe et ses partenaires depuis quelques années révèlent un désir croissant pour une consommation plus responsable et une aspiration à repenser nos modèles économiques.

Les Français expriment avec constance une forte sensibilité aux enjeux environnementaux et ils sont aujourd’hui 58 % à penser qu’il faudra modifier nos modes de vie pour faire face au changement climatique. Par ailleurs, 88 % des Français considèrent que l’on vit dans une société qui nous pousse à acheter sans cesse et 83 % des Français souhaiteraient que la consommation y prenne moins de place.

Selon eux, il s’agirait de la réduire, plus globalement, et de supprimer le superflu pour consommer de manière responsable. Plus de la moitié d’entre eux (52 %) pensent aussi qu’il faut sortir du mythe de la croissance infinie et revoir complètement notre modèle économique.

Toutefois, malgré une sensibilité à la sobriété de plus en plus prégnante, une majorité de Français reste très attachée à la consommation et aspire même ce qu’elle augmente : 60 % des Français souhaitent « pouvoir se payer plus souvent des choses qui leur font envie » et 35 % déclarent céder à la tentation lors de leurs achats.

On relève ainsi un paradoxe fort entre des aspirations croissantes à un autre modèle de société remettant en cause le système économique actuel et des pratiques qui demeurent largement ancrées dans un modèle consumériste.

Trois difficultés peuvent être ici relevées.

Nos sociétés dites développées se sont structurées autour de l’accès à la consommation de masse, puissant vecteur d’inclusion sociale, et nombre de nos concitoyens aspirent légitimement à l’augmentation de leur niveau de vie.

Il est difficile pour un individu d’adopter un mode de vie sobre appliqué à l’ensemble de nos besoins essentiels (s’alimenter, s’équiper, se déplacer…) : certaines marges de manœuvre sont directement liées aux offres ainsi qu’aux infrastructures existantes, ce qui renvoie au rôle des entreprises (metteurs sur le marché des biens et services), aux collectivités territoriales et à l’État.

Par ailleurs, l’omniprésence des messages publicitaires dans notre environnement quotidien complexifie toute approche visant à se détacher d’une consommation effrénée.

Il existe en outre le risque qu’apparaissent au sein de notre société des clivages entre plusieurs populations : les plus défavorisés qui ne peuvent pas accéder à la consommation comme ils le souhaiteraient versus les plus riches qui ont souvent un mode de vie ostentatoire. Les plus désireux de changer qui peuvent se le permettre versus celles et ceux qui aspirent à consommer plus, quel que soit leur niveau de revenus.

Le lien entre sobriété et qualité de vie, santé, convivialité et épanouissement personnel reste donc à mettre en évidence pour une partie de la population, tout comme les enjeux d’inégalités qui ne peuvent être écartés.

La sobriété dans le monde économique est déjà intégrée par certains acteurs, voire incluse dans des stratégies à moyen ou long terme : le Conseil national de l’industrie évoque l’objectif de « frugalité » dans ses axes structurants d’action.

L’interprétation mise en avant porte toutefois souvent sur la progression de l’efficience (consommer moins de ressources pour la production d’un même produit) via l’amélioration des procédés, en restant dans un modèle dit « en volume » (qui vise à écouler un maximum de produits).

Cette amélioration apporte souvent des solutions techniques et technologiques permettant certes de consommer moins (matières, énergie…), mais à aucun moment ne remet en cause le modèle économique en soi.

Cela entraîne parfois des effets rebonds. L’efficacité est certes meilleure, mais les transformations techniques, comportementales ou sociales entraînent en parallèle des phénomènes de compensation qui peuvent altérer le bilan des gains réalisés.

Prenons l’exemple de la réglementation thermique des bâtiments. À mesure que leur efficacité énergétique a augmenté, la taille des maisons s’est agrandie, et l’évolution des modèles familiaux a provoqué une hausse des surfaces à chauffer.

De la même manière, le poids des véhicules a peut-être baissé (avant une nouvelle augmentation ces dernières années) grâce à une amélioration des performances des moteurs, mais l’entrée dans la société du tourisme et des loisirs a multiplié les distances parcourues par les Français. Les gains de l’efficacité sont alors annulés par les effets de ces évolutions sociétales.

D’autres remettent en cause ce modèle économique « en volume » en proposant leur propre modèle – par exemple en assurant un juste dimensionnement de leur offre – ou via de nouvelles approches comme l’économie de la fonctionnalité, qui vise à répondre à une fonction (se déplacer, s’éclairer, avoir un confort thermique…) plutôt qu’à la seule vente du produit.

Cette dernière a un rôle certainement majeur à jouer. Elle établit une nouvelle relation entre l’offre et la demande qui n’est plus uniquement basée sur la simple commercialisation de biens ou de services. La contractualisation repose sur les effets utiles (les bénéfices).

On vise par exemple à garantir un confort thermique optimisé plutôt que de vendre uniquement de l’énergie, à fournir des solutions de mobilité durable au lieu de vendre des voitures, à proposer des aides pédagogiques pour la réussite des élèves plutôt que de simples manuels scolaires, etc. C’est une économie orientée vers l’usage, l’offre s’adapte aux besoins réels des personnes, des entreprises et des collectivités. Cela implique des transformations profondes dans la façon de produire.

Elle permet donc d’envisager une création de valeur avec moins de ressources, mais c’est aussi une économie du « plus » car elle vise à générer de la valeur sociale et environnementale, à augmenter la satisfaction et la fidélité des clients, à développer les compétences et la créativité des salariés, à accroître la confiance et la coopération entre les acteurs d’un territoire ou d’une filière industrielle…

Plusieurs collectivités « pionnières » (avec un rôle essentiel des élus) se sont déjà lancées dans la mise en œuvre de plans d’action « sobriété », même si la définition et le périmètre de cette dernière restent mal identifiés.

Une des spécificités porte sur le nombre important d’acteurs présents sur leur territoire et de thématiques potentiellement couvertes par ces évolutions : foncier, immobilier, éclairage public, tourisme…

Une mise en lumière de ces actions et de leurs résultats est indispensable pour développer les bonnes pratiques. L’Ademe vient de publier une étude présentant plusieurs retours d’expériences en France et en Europe qui témoignent de la richesse et de l’apprentissage face à de telles démarches.

Dans la mesure où elle passe par une réévaluation des besoins et une distinction entre le superflu et le nécessaire, la sobriété interroge la construction de notre identité et de nos représentations, et donc le rôle de la publicité.

L’accès à un certain niveau de consommation garantissant un standing de vie reste cependant une préoccupation largement partagée par nos compatriotes, qui expriment année après année, depuis bientôt 40 ans, une préférence pour l’augmentation du pouvoir d’achat plutôt que du temps libre.

Aussi, les discours sur la sobriété font courir le risque de divisions au sein de la population. Il est donc essentiel de documenter les impacts et co-bénéfices des démarches de sobriété ainsi que les transformations nécessaires pour construire d’autres formes de scénarios de « vie future » et d’imaginaires collectifs.

Anaïs Rocci, Patrick Jolivet, Dominique Traineau, Marianne Bloquel et Stéphanie Guignard, qui travaillent à l’Ademe ont contribué à la rédaction de cet article paru dans the conversation

Énergies fossiles : sur une tendance de doublement incompatibles avec l’accord de Paris

Énergies fossiles : sur une tendance de doublement incompatibles avec l’accord de Paris

 

D’après l’ONU qui a examiné les plans énergies des gouvernements, on s’oriente vers un doublement du volume d’énergie fossile. Une perspective totalement contradictoire avec l’accord de Paris et qui bien entendu va occuper le centre des discussions de la COP 26 qui va se tenir à Glasgow pendant une quinzaine de jours

Il se confirme donc que l’accord de Paris a été surtout une vache opération de communication qui en réalité n’est guère contraignante pour les signataires de cet accord. D’ailleurs dès le départ on a seulement retenu le principe que chaque État fixé librement ses objectifs et ses moyens.

D’une certaine manière on peut dire que les propos extrémistes des écolos ont contribué à lire le débat et les réalités. À écouter ses écolos souvent gauchistes la rupture énergétique était possible en quelques années seulement au plan mondial. C’était évidemment faire l’impasse totale les problématiques économiques, techniques sociales et même géopolitiques.

Les projets de ses écolos reposent en fait sur une décroissance brutale qui met en cause le développement économique et social de  nombre de pays avec  encore davantage de pauvreté. En outre, il y a une contradiction fondamentale concernant l’énergie électrique dont une grande partie est produite à partir du charbon. Et le volume de charbon utilisé ne va pas diminuer d’ici 2050. La transition énergétique sera très gourmande en électricité est forcément en énergie pour la produire

Sur la tendance actuelle, l’ONU constate que les plans des différents gouvernements conduiraient. à « une augmentation d’environ 240% du charbon, 57% du pétrole et 71% du gaz en 2030 par rapport à ce qui serait compatible avec une limitation du réchauffement climatique à 1,5°C

Le charbon, le pétrole et le gaz, sources de l’essentiel du réchauffement climatique du fait de leurs émissions, représentaient toujours 80,2% de la consommation d’énergie finale en 2019, contre 80,3% en 2009, notait le groupe de réflexion international REN21 en juin dernier. La part des énergies renouvelables, elle, est passée de 8,7% à 11,2% du total, avec une croissance annuelle de 5% en moyenne. Une croissance utile mais bien incapable de répondre aux doublement de la demande d’électricité d’ici une dizaine d’années.

Oléron : des éoliennes incompatibles avec la biodiversité ?

Oléron : des éoliennes incompatibles avec la biodiversité ? 

L’implantation d’éoliennes au large d’Oléron (Charente-Maritime) en zone Natura 2000, dans un secteur doublement protégé par le droit de l’environnement, est incompatible avec les exigences des directives européennes, juge, dans une tribune au « Monde », le professeur Laurent Bordereaux.

Tribune.

 

Après des années d’atermoiements et à la suite de la tenue du Conseil maritime de la façade Sud-Atlantique du 14 décembre 2020, la Commission nationale du débat public (CNDP) devrait très prochainement être saisie du projet controversé de parc éolien « posé » en mer d’Oléron. Vu l’ampleur des enjeux socio-économiques et environnementaux en présence, celle-ci pourrait alors décider – classiquement et selon toute vraisemblance – d’organiser un débat public pour en confier l’animation à une commission particulière. Mais est-il pertinent de soumettre au débat un projet si problématique ?

Si l’on doit prendre acte de la volonté du gouvernement d’accentuer le développement des énergies marines renouvelables (EMR) dans l’inéluctable processus de transition énergétique, surtout au regard du potentiel maritime français, on peut s’étonner de la validation politique du projet d’Oléron, tant les enjeux écologiques sont ici importants. Ce dernier serait-il un élément incontournable de la production non nucléaire d’électricité et de la filière EMR (au point de prendre de réels risques juridiques) ?

Car le parc éolien marin aujourd’hui envisagé au large du port de pêche de la Cotinière présente tout de même la singularité d’être localisé en pleine zone protégée, à savoir au cœur d’une vaste zone classée au titre du dispositif européen Natura 2000 et dans le périmètre du parc naturel marin de l’estuaire de la Gironde et de la mer des Pertuis, créé par décret en 2015. Ces deux instruments de protection de l’environnement relèvent certes d’une logique que l’on peut qualifier de « droit souple », en ce sens où ils sont animés par un esprit de conciliation et que la législation afférente n’y interdit pas en soi les activités économiques.

Un projet en pleine zone Natura 2000

Mais ils ne sont pas pour autant dépourvus de tout effet contraignant, loin s’en faut… Les pouvoirs publics peuvent-ils sérieusement avoir en tête un tel projet industriel éolien compte tenu des forts enjeux de protection de la biodiversité marine ? Les procédures ayant conduit à la création de la zone Natura 2000 concernée et du parc naturel en place ont en effet souligné toute la richesse écologique du site, au titre de ses habitats ainsi que de la faune aviaire et marine.

En la matière, le document stratégique de la façade Sud-Atlantique, récemment adopté, ne s’avère pas d’un grand secours : s’il localise bien l’implantation d’éoliennes offshore au large d’Oléron, il référence également le secteur considéré comme étant à haut potentiel environnemental, n’étant pas à une contradiction près. Il paraît donc fort peu à même de jouer le rôle pilote que le législateur a souhaité confier, semble-t-il, à ces instruments de planification marine d’un genre nouveau.

Energies fossiles : « Des orientations incompatibles avec les changements climatiques »

Energies fossiles : « Des orientations incompatibles avec les changements climatiques »

L’experte du climat Yamina Saheb souligne, dans une tribune au « Monde », la contradiction entre l’objectif de neutralité carbone affiché par le gouvernement et son soutien à la protection des investissements pétroliers par les traités internationaux.

 

Tribune. Alors qu’à Paris pleuvent les propositions de la convention citoyenne en faveur d’une relance verte visant la neutralité carbone, reprises en chœur par le gouvernement, ce même gouvernement fait, à Bruxelles, tout pour prolonger l’application du traité de la charte de l’énergie (TCE), un accord multilatéral de 1994 ratifié par la France en 1999 pour… protéger les investissements étrangers dans les énergies fossiles.

Le TCE permet aux investisseurs étrangers d’exiger des compensations exorbitantes de la part des Etats qui modifieraient leur législation dans le secteur de l’énergie, du fait de l’impact que ces changements pourraient avoir sur leurs investissements et sur leurs bénéfices escomptés. Ces demandes de compensation sont présentées devant des tribunaux d’arbitrage privés par des avocats d’affaires bien rodés à extorquer de l’argent public au nom des « attentes légitimes des investisseurs étrangers ».

A ce jour, le TCE a été invoqué dans au moins 130 cas de litige entre investisseurs étrangers et Etats. Parmi les litiges connus, 64 % sont des différends intra-européens, liés en particulier à la révision des subventions à la production d’électricité.

 

Bien souvent, les investisseurs étrangers n’attendent même pas qu’une nouvelle législation soit votée. Il leur suffit de brandir la menace d’une demande de compensation devant les tribunaux d’arbitrage privés pour que les gouvernements abdiquent. Ce fut, notamment, le cas de la loi Hulot sur la fin de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures, qui fut vidée de sa substance par la simple menace de la société canadienne Vermilion, qui considérait que la loi « viole les engagements internationaux de la France en tant que membre du traité de la charte de l’énergie de 1994 ». 

A l’origine, le TCE avait été conçu pour sécuriser l’approvisionnement de l’Europe de l’Ouest en énergies fossiles à partir des républiques du bloc soviétique, en protégeant les opérations des compagnies pétrolières occidentales dans ces pays. Mais la décision de la Russie, principal fournisseur de l’Union européenne (UE) en énergies fossiles, de se retirer du TCE en 2009 a mis ce traité en situation de mort cérébrale.

Depuis, un processus de réforme du traité a été enclenché par ses signataires, l’un des objectifs étant de remplacer la Russie par d’autres pays abritant d’importantes réserves en énergies fossiles, principalement des pays africains. Cette extension du TCE serait d’ailleurs principalement financée par les fonds de développement de l’UE.