Le dumping logistique qui favorise les importations chinoises
Les plateformes chinoises comme Shein et Temu prospèrent non pas grâce à une stratégie commerciale brillante, mais par une distorsion des règles économiques, exploitant des tarifs postaux dérisoires et une logistique optimisée. Ce système a un impact profond sur le commerce local et l’environnement, menaçant ainsi l’économie européenne. Il est temps de réagir. Par Rémi Lantieri-Jullien CMO Upela (*) dans La Tribune
Le succès de plateformes comme Shein ou Temu repose moins sur leur génie commercial que sur une distorsion massive des règles du jeu. Grâce à une logistique ultra-optimisée et des tarifs postaux dérisoires, ces géants chinois inondent l’Europe de produits à bas coût, parfois vendus à perte, sans qu’aucune régulation ne vienne véritablement équilibrer la concurrence. Ce dumping logistique est un poison lent pour nos commerçants, pour notre tissu économique local, et pour l’environnement.
Derrière les prix défiant toute concurrence se cache une stratégie bien rodée. Les produits vendus sur Temu ou Shein sont proches du prix usine. Leurs frais annexes – marketing, structure, logistique – sont réduits à l’extrême. Ils bénéficient d’accords de mutualisation logistique très avantageux, du type de ceux que seules des plateformes massivement fréquentées peuvent négocier. Résultat : des prix de livraison à l’international si faibles qu’ils défient toute logique économique.
Le cœur de cette absurdité : les tarifs ultra préférentiels accordés par l’Union Postale Universelle aux pays en développement. Ironie de l’histoire, la Chine en bénéficie encore largement. Résultat : faire venir une brosse à dents ou une coque de téléphone de l’autre bout du monde coûte parfois moins cher qu’un timbre local. À cela s’ajoutent les stratégies de micro-entreposage et la fragmentation volontaire des colis pour rester sous le seuil des 150 euros, seuil en dessous duquel les droits de douane sont inexistants ou très limités.
La France ne peut plus rester passive. Les effets sont connus : nos commerçants ne peuvent plus rivaliser, les recettes fiscales échappent à l’État, et l’impact écologique de ces envois fragmentés, souvent aériens, est désastreux. À titre d’exemple, la livraison d’un même produit depuis la Chine génère un coût carbone au moins 16 fois supérieur à celui d’un produit transporté par voie maritime – un chiffre qui atteint même jusqu’à 200 fois plus lorsqu’on privilégie le transport aérien. D’un point de vue environnemental, chaque colis « à 1 euro » représente ainsi un désastre écologique considérable.
Il est temps d’imposer la vérité des prix, notamment en matière de transport. Cela passe par la fin des exemptions douanières sur les petits colis, mais surtout par une refonte des tarifs postaux internationaux. Il ne s’agit pas de fermer les frontières, mais d’exiger une équité élémentaire : à produit égal, conditions équitables. Et si cela pousse les plateformes à ouvrir des entrepôts en Europe, tant mieux : cela créera de l’emploi et permettra un meilleur contrôle.
Offrir un coût de transport loyal, c’est donner une chance aux acteurs locaux. C’est favoriser l’émergence de modèles durables. Et surtout, c’est une source de richesse et de développement pour nos économies locales, en France comme en Europe.
(*) Rémi Lantieri est diplômé de l’ISEG et de la Dublin Business School, et enseigne aujourd’hui la data intelligence à l’ISEG Paris.