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Impacts économiques de la guerre en Ukraine pour l’Europe

Impacts économiques de la guerre en Ukraine pour l’Europe 

 

La guerre menée par Vladimir Poutine contre l’Ukraine et la réponse apportée par l’Europe et l’Amérique sous forme de sanctions redistribuent les cartes sur le plan économique pour l’ensemble des pays européens. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, Professeurs à l’ESSEC.( dans la Tribune) 

L’invasion de l’Ukraine par la Russie est un acte de guerre d’une violence inouïe dont nul ne peut encore prédire la durée. Notre propos est de nous cantonner strictement à notre domaine de compétence et de ne traiter que les perspectives macroéconomiques de cette guerre pour l’économie européenne.

En premier lieu, cette guerre va profondément modifier les vieux arbitrages budgétaires en termes de dépenses militaires dans de nombreux pays européens. En effet, la relative faiblesse des forces armées des pays européens a été mise en lumière ainsi que le coût géopolitique de cette faiblesse. Le réarmement général est à l’ordre du jour, tout comme la réindustrialisation était une priorité en 2020. En particulier, l’Allemagne a d’ores et déjà annoncé un objectif budgétaire de dépenses militaires de l’ordre de 2% de son PIB, comparé à 1,2% par an dans la décennie 2010-2020 (Données SIPRI). Ce passage à une économie de préparation à la guerre renforce le poids de l’État dans l’économie via la redirection de ressources directement vers la base industrielle de défense.

Sur plan strictement macroéconomique, les conséquences économiques d’une guerre s’apparentent aux conséquences économiques d’une pandémie mortelle. Comme la guerre contre le Covid-19, la guerre en Ukraine va générer à la fois un choc de demande et un choc d’offre.

Le choc de demande vient principalement de la réaction des consommateurs et des investisseurs à la forte montée de l’incertitude.  La consommation des ménages diminue au profit de l’épargne. L’investissement diminue également, les entreprises passant dans une posture prudente et attentiste, excepté dans les secteurs liés à la défense. L’évolution des bourses européennes depuis le début du conflit reflète bien ce climat. La demande nette de l’étranger risque également de se détériorer. Côté exportations, la détérioration est portée par la même logique que la baisse de la demande intérieure. Côté importations, l’augmentation des prix de l’énergie, des minerais et de certains produits agricoles va fortement augmenter la facture.

Le choc d’offre vient essentiellement de la hausse des coûts de l’énergie, le pétrole ayant déjà augmenté de 20% contre 80% pour le prix du gaz depuis une semaine. Le Brent est passé de 91 dollars à 111 dollars et le prix spot du gaz en Allemagne est passé de 95 euros/MWh à 175 euros/MWh. Il en va de même avec un certain nombre de métaux pour lesquels la Russie est un producteur majeur comme le palladium, le vanadium ou le titane, des métaux indispensables notamment pour les industries automobiles et aéronautiques. L’Ukraine est un gros exportateur de blé et 36% des échanges mondiaux de blé (et 80% de l’huile de tournesol) passent par la Mer Noire. Les chaînes d’approvisionnement vont subir de nouvelles désorganisations qui vont générer la hausse de coûts de production.

En effet, de nombreux sous-équipementiers de l’industrie d’Europe de l’Est sont installées en Ukraine et ne peuvent plus fournir leurs clients européens. Les filiales d’entreprises européennes installées en Russie (de même que les filières installées en Europe d’entreprises russes) vont fermer, la Russie se retrouvant confinée. Enfin, les coûts de transport devraient augmenter également, notamment le fret aérien avec l’Asie du fait des interdictions de survol de la Russie mais aussi le fret maritime.

Ces deux chocs – offre et demande – vont se renforcer mutuellement dans leur impact négatif sur l’activité économique. En revanche, l’effet net sur les prix va dépendre de leur taille relative l’un par rapport à l’autre. En effet, un choc de demande a un effet dépressif sur les prix alors qu’un choc d’offre à un impact inflationniste. Notre intuition serait que le choc d’offre va être plus important.

Les dirigeants européens se trouvent confrontés à une situation économique complexe, car un choc d’offre amène toujours avec lui le difficile arbitrage entre l’inflation et le chômage. Le problème est que les options sont maintenant réduites par les conséquences des arbitrages passés en faveur du chômage pendant la crise du Covid-19. C’est dans un contexte d’inflation déjà galopante à 5,8% dans la zone euro et un endettement public élevé (100% du PIB dans la zone euro) que ce nouveau choc d’offre se présente. En revanche, les pays européens sont revenus à leur niveau de production et de chômage relativement bas d’avant la crise du Covid-19.

La situation externe et interne ne permet pas d’envisager une baisse des dépenses publiques dans le court terme mais plutôt une hausse, et cela devrait conduire à une augmentation de l’endettement des États. Elle ne permet pas non plus d’envisager un changement de l’objectif de stabilité des prix de la Banque centrale européenne (BCE). Celle-ci doit s’attaquer à l’inflation sans plus attendre pour empêcher les anticipations d’inflation de se dégrader de manière permanente. Il serait aventureux pour la BCE de chercher à soutenir un peu plus l’activité et l’endettement en maintenant son taux directeur à zéro et son programme de rachat d’actifs. Laisser filer l’inflation pose un danger structurel trop grand et représente un poids trop élevé sur le pouvoir d’achat des classes moyennes et des classes populaires, phénomène qui empoisonne actuellement la présidence américaine. Cet arbitrage pourrait néanmoins changer si la situation de conflit avec la Russie devait s’étendre et tourner à la course aux armements. La priorité politique deviendrait alors le soutien à l’activité économique et à la défense, « quoi qu’il en coûte ».

Il ne nous parait pas judicieux de limiter par restrictions administratives la hausse des prix du gaz, pétrole et l’énergie dans la mesure où celle-ci ne serait pas une situation provisoire mais malheureusement une situation durable. Une telle mise en place de subventions pour l’énergie serait bien trop couteuse pour les finances publiques du fait même de son aspect non-transitoire. De même, cette limitation stimulerait la consommation de gaz et pétrole, au moment où stratégiquement il serait bon de la stabiliser voire la réduire.

Emmanuel Macron a pris les devants et a commencé à préparer l’opinion publique en évoquant le coût substantiel qu’aura la guerre en Ukraine sur notre société.

Si ce conflit avec la Russie est bien destiné à se prolonger, les gouvernements européens ne pourront pas faire l’économie d’une réflexion sur l’augmentation de la fiscalité. Qui dit guerre, dit effort de guerre et contributions de guerre. Une telle mesure qui va détourner des ressources de la consommation privée vers la consommation et l’investissement public aura par ailleurs un effet plutôt déflationniste.

Pour nous, il est préférable d’augmenter les impôts et de répartir équitablement la charge de la guerre sur l’ensemble des Français plutôt que faire peser la charge sur les catégories les plus pauvres par le biais de l’inflation ou des éventuelles pénuries liées aux prix administrés.

 

Marc Guyot et Radu Vranceanu 

Une sous-estimation des impacts climatiques par la BCE

Une sous-estimation des impacts climatiques par la BCE

Les professeurs Aurélien Acquier et Jérôme Creel analysent, dans une tribune au « Monde », les résultats du premier stress test climatique conduit par la Banque centrale européenne (BCE), mais se demandent si les auteurs ont bien lu les rapports du GIEC.

A la veille de l’ouverture de la COP26 (31 octobre-12 novembre 2021), la Banque centrale européenne (BCE) publiait, le 22 septembre 2021, les résultats de son étude de résilience au risque climatique (climate stress test) en Europe à l’horizon 2050, reconnaissant ainsi que « le changement climatique constitue une source majeure de risque systémique » pour les économies européennes.

Outre la composition d’une base statistique impressionnante de quatre millions d’entreprises et 1 600 banques, cette étude fait partie d’une nouvelle génération de stress tests climatiques qui dépasse les études précédentes. Jusqu’ici, elles ne portaient que sur les « risques de transition », c’est-à-dire les coûts économiques induits par les politiques visant à « décarboner » l’économie.

 

Dans ce cadre, le risque n’était envisagé qu’à travers les pertes financières des industries fortement dépendantes des énergies fossiles (industrie automobile, pétrolière). Ce faisant, ces premiers tests ignoraient les risques liés aux catastrophes climatiques (inondations, sécheresses, perte de productivité agricole, etc.).

PIB européen inférieur de 10 % en 2100

L’étude de la BCE corrige cette myopie : à côté des « risques de transition », elle intègre l’existence de « risques physiques », c’est-à-dire les dommages financiers causés par les catastrophes climatiques, vouées à s’accroître drastiquement faute d’action significative sur le front du climat.

Ce qui interpelle néanmoins, c’est l’écart entre un discours empreint de gravité dans la présentation des principales conclusions et le contenu concret et chiffré de l’étude de la BCE. Selon celle-ci, sans mesures fortes, en 2100 le PIB européen pourrait être de 10 % inférieur à ce qu’il serait dans un scénario de transition ordonnée.

Si aucune politique de lutte contre le changement climatique n’était mise en œuvre, une entreprise européenne médiane subirait une perte de 40 % de sa profitabilité et une hausse de 6 % de sa probabilité de défaut en 2050, par rapport à une situation dans laquelle l’accord de Paris serait respecté.

Aucun pays européen en conformité avec les objectifs climat

La lecture détaillée de l’étude laisse entrevoir une grave sous-estimation des impacts du changement climatique sur les économies européennes, en lien avec certaines hypothèses discutables du Network for Greening the Financial System (NGFS – réseau lancé en 2017 et qui réunit 89 banques centrales et superviseurs) sur lesquelles se fonde la BCE. Une première série de questions concerne le réalisme des scénarios retenus.




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