Archive pour le Tag 'illusoire'

Réchauffement climatique limité à 1,5° : complètement illusoire

Réchauffement climatique limité à 1,5° : complètement illusoire

L’objectif de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels est désormais inatteignable. C’est ce qui ressort d’une étude de l’équipe scientifique du Global Carbon Project publiée mardi 5 décembre. Alors que la COP28 se tient actuellement à Dubaï, aux Emirats arabes unis, « il semble désormais inévitable que nous dépassions l’objectif de 1,5°C de l’Accord de Paris » signé en 2015 lors de la COP21, estime le professeur Pierre Friedlingstein, du Global Systems Institute d’Exeter, qui a dirigé l’étude.

« Les dirigeants réunis à la COP28 devront se mettre d’accord sur des réductions rapides des émissions de combustibles fossiles, même pour maintenir l’objectif de 2°C », alerte Pierre Friedlingstein. Le rapport note que les émissions de dioxyde de carbone (CO2) fossile ont encore augmenté globalement en 2023. Elles s’élèvent à 36,8 milliards de tonnes en 2023, en hausse de 1,1 % par rapport à 2022. Toutefois, dans certaines régions, notamment en Europe et aux États-Unis, les émissions de CO2 fossile diminuent, de 7,4 % en Union européenne, et de 3 % aux États-Unis. A l’inverse, elles sont en hausse de 8,2 % en Inde et de 4 % en Chine.

Les scientifiques expliquent que l’action mondiale visant à réduire les combustibles Le rapport estime qu’au total, les émissions mondiales totales de CO2 (fossiles et changement d’usage des terres) atteindront 40,9 milliards de tonnes en 2023, soit qu’à peu près le même niveau qu’en 2022.

L’Accord de Paris signé en 2015 a fixé comme objectif de maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale « bien en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels » et de poursuivre les efforts « pour limiter l’augmentation de la température à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels ». Pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, les émissions de gaz à effet de serre doivent culminer avant 2025 au plus tard et diminuer de 43 % d’ici 2030.

Europe : une enquête illusoire sur les voitures électriques chinoises

Europe : une enquête illusoire sur les voitures électriques chinoises

L’Europe s’aperçoit un peu tard que le marché des voitures électriques va massivement profiter aux constructeurs chinois du faie des distorsions de concurrence. On reproche aux Chinois leur compétitivité excessive en réalité soutenue par des subventions. Un phénomène qui en réalité touche l’ensemble de l’économie chinoise et qui n’est pas nouveau.

La Chine peut compter pour sa compétitivité sur un énorme marché intérieur mais aussi sur une économie administrée qui fausse évidemment les conditions de prix.

Les importations bon marché depuis la Chine «ont déjà un impact sur les parts de marché des constructeurs européens à domicile, avec une hausse massive des importations de véhicules électriques ces dernières années.

Les entreprises européennes «sont souvent battues sur le terrain des prix par des concurrents bénéficiant d’énormes subventions publiques. En outre, l’Europe s’est tiré une balle dans le pied en imposant des mesures trop rapides et trop contraignantes aux constructeurs européens. Nous n’avons pas oublié combien notre industrie solaire avait pâti des pratiques commerciales déloyales de la Chine», a reconnu mercredi la présidente de l’exécutif européen. Ursula von der Leyen a cependant plaidé pour un «dialogue» avec Pékin. En clair on n’interrompt pas le business avec la Chine même si les conditions sont très discutables. Le pire pour les voitures électriques c’est que c’est l’Europe qui aura à gérer le très difficile problème du recyclage des batteries dont le coût est exorbitant .

Politique de Défense- Programmation militaire illusoire

Politique de Défense- Programmation militaire illusoire

Le groupe Vauban livre une analyse très critique du projet de loi de programmation militaire et décortique la mécanique financière de ce projet de loi, qui va impacter, selon lui, tout aussi bien les capacités des armées que celles des industriels. Par le groupe Vauban* dans la Tribune
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Les armées resteront échantillonnaires avec un mélange déséquilibré de matériels de nouvelle génération et de vieilles plateformes à la revalorisation lente ou réduite, sans atteindre l’épaisseur nécessaire, le tout avec des réductions temporaires de capacités et des obsolescences de plus en plus marquées dans des domaines critiques.
Les armées resteront échantillonnaires avec un mélange déséquilibré de matériels de nouvelle génération et de vieilles plateformes à la revalorisation lente ou réduite, sans atteindre l’épaisseur nécessaire, le tout avec des réductions temporaires de capacités et des obsolescences de plus en plus marquées dans des domaines critiques.

Une analyse minutieuse démontre que non seulement le chiffre est démesurément gonflé mais qu’en plus il n’intègre pas une série de risques, qui, pris isolément, ne sont pas scandaleux en soi (on ne saurait tout prévoir) mais pris ensemble, rendent insincère cette LPM. De 413 à 75,9 milliards d’euros. Désormais appelé « l’homme qui vaut 400 milliards d’euros » – titre flagorneur de l’article d’Henri Gibier du 4 avril dans les Echos -, M. Lecornu n’est en réalité, et au final, que « l’homme qui vaut 75,9 milliards d’euros ».

Un « hiatus de 13,3 milliards d’euros » et des ressources extra-budgétaires optimistes
Le ministre intègre d’emblée 13 milliards d’euros de ressources extra-budgétaires sur lesquelles il estime que la moitié (5,9 milliards d’euros) est documentée et reconnue comme telle par le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP). Les ressources extra-budgétaires du ministère des Armées (immobilier, soulte venant d’un industriel, actes médicaux du SSA, etc) sont considérées comme « très optimistes » par les initiés. Quoiqu’il en soit, il manque de toute façon plus de 7 milliards d’euros à l’appel ; or, selon le HCFP, l’empilement des lois de programmation (militaire, intérieur, recherche, etc) imposera une réduction généralisée des autres dépenses de l’État : « l’effet conjugué de ce projet de loi de programmation militaire, de la loi de programmation de la recherche et de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur va contraindre fortement les autres dépenses du budget de l’État. Les crédits couverts par ces trois textes vont augmenter plus rapidement que le total de la dépense de l’État, ce qui impose une baisse en volume des autres dépenses pour atteindre les objectifs fixés dans le projet de loi de programmation des finances publiques » : comment espérer un effort supplémentaire de 7 milliards de la part des autres ministères et que faire si les autres dépenses de l’État augmentent de manière exponentielle sous le coup de nouvelles priorités ou de nouvelles crises sociales ou sanitaires ? [1]

Comme le dit pudiquement M. Moscovici, « il y a un hiatus de 13,3 milliards d’euros ». De 413,3 milliards d’euros, on descend déjà à 400 milliards ou à 405,9 milliards d’euros si l’on fait grâce au ministre de son optimisme sur les ressources extra-budgétaires de son ministère. Nulle surprise donc si certains amendements de l’opposition visent à remplacer les ressources extra-budgétaires par des crédits budgétaires si celles-là n’étaient pas au rendez-vous…

La descente aux enfers budgétaires n’est cependant pas terminée.

300 milliards d’euros de programmes déjà engagés
Le socle des programmes et des dépenses de fonctionnement incompressibles se situe autour de 300 milliards d’euros, ce qui fait que l’effort de Défense ne porte en réalité pas sur 400 milliards d’euros mais uniquement sur 100 milliards d’euros de ressources nouvelles (ou 105,9 milliards € si l’on considère « sincères » les 5,9 milliards d’euros de ressources extra-budgétaires du ministère). Faire du neuf avec du vieux est une vieille astuce politicienne de recyclage, mais le débat eût gagné en honnêteté intellectuelle si ces données avaient été portées au public.

30 milliards d’euros d’inflation, vraiment ?
Redescendue à 100 ou 105,9 milliards d’euros, la marge de manœuvre du ministère se réduit encore avec l’inflation : le ministre estime qu’elle assèchera la LPM de 30 milliards d’euros. Ce chiffre n’est nulle part documenté, comme l’a fait remarquer benoîtement M. Cambon : « De même, le rapport annexé n’apporte aucune précision quant aux effets de l’inflation, qui pourraient être de l’ordre de 30 milliards d’euros. »[2]. Loin de l’expliquer, le ministre s’est attaché à minimiser cet impact par le report de charges, la solidarité interministérielle sur le carburant, etc. Le problème est que le niveau même de l’inflation a été fixé de manière optimiste : 3% en 2024 et 1,75% à partir de 2026, soit un niveau trop optimiste par rapport aux données et projections actuelles. M. Moscovici le dira avec d’autres termes : « (…) la prévision d’inflation du Gouvernement pour 2023 est désormais légèrement optimiste. Selon le consensus des économistes du Haut Conseil, l’inflation pour 2023 devrait atteindre en effet 4,9 %, contre 4,2 % anticipés par le Gouvernement. Par ailleurs, dans son avis relatif au projet de loi de programmation des finances publiques, le Haut Conseil relevait des incertitudes à partir de 2026. Plusieurs dirigeants d’organisations internationales ont également alerté sur une résistance de l’inflation, qui doit nous faire réfléchir. Il est donc possible[3] que les prévisions à partir desquelles a été construite la loi de programmation militaire aient été sous-évaluées. ».

De 413,3 à 75,9 milliards d’euros seulement
Au bilan, avec le « hiatus de 13,3 milliards d’euros », le socle des programmes déjà engagés, l’optimisme sur l’inflation, la marge réelle du ministre n’est pas de 413,3, de 405,9 ou de 400 milliards d’euros, mais seulement de 75,9 milliards d’euros :

Annonce : 413,3 milliards d’euros
Projet de loi : 400 milliards d’euros
Ressources extra-budgétaires : 13,3 milliards d’euros
« Ressources extra-budgétaires documentées » : 5,9 milliards d’euros
Ressources non documentées : 7,4 milliards d’euros
Socle des programmes & dépenses incompressibles : 300 milliards d’euros
Effet de l’inflation : 30 milliards d’euros

Solde net de la marge de manœuvre : 75,9 milliards d’euros

Des paris et des impasses
Si la montagne de l’optimisme ministériel de 413,3 milliards d’euros a, au final, accouché d’une modeste souris de 75,9 milliards d’euros de marges réelles nouvelles, la LPM fait pire : elle minimise nombre de charges futures. En effet :

Si elle les couvre, c’est insuffisant. Ainsi en va-t-il des OPEX avec ce montant très bas de 750 millions d’euros. De deux choses l’une : ou le ministre est convaincu que la France doit affronter la haute intensité, et alors il doit provisionner des crédits pour la préparation opérationnelle de haute intensité à un niveau équivalent à Barkhane, ou alors il ne l’est pas et il minimise les provisions nécessaires. La contradiction entre la présentation d’un contexte dramatisé et la réalité des provisions d’OPEX surprend. Ainsi en va-t-il également des données macro-économiques majeures (hors inflation), comme le cours du Brent ou l’évolution $/€, post-2026 ; ainsi en va-t-il des prix de l’énergie que le ministère voit baisser après 2026… Plus grave : le taux de couverture des risques sur les « programmes à effet majeur » a été ramené de 6,4% à 3,8%…
Si elle ne les couvre pas, c’est inquiétant : les risques non couverts sur les programmes à effet majeur frôlent un niveau énorme (que l’on tait ici par confidentialité) comme d’ailleurs les besoins de financements de l’OTAN non programmés mais auxquels la France devra faire face comme membre. Même le soutien à l’Ukraine dont le ministre se rengorge d’avoir réussi à l’exclure de la LPM, nécessitera cependant un abondement chaque année du montant des contributions afin d’éviter un effet d’éviction sur la LPM et l’effet déjà constaté dans les pays de l’OTAN : le soutien à l’Ukraine désarme les contributeurs qui mettront des années à compenser ces cessions urgentes et désordonnées. Ce conflit étant sans fin appréciable, la spirale de la surenchère est enclenchée sans cran d’arrêt.
Le pari risqué des coopérations et des exportations. Dans la liste des paris financiers « audacieux » de cette LPM, il faut inclure les risques liés aux coopérations européennes et aux exportations. Notre groupe a souvent dénoncé, faits et chiffres à l’appui, la gabegie financière (et opérationnelle) des programmes en coopération européenne, à l’exception de quelques domaines dont la missilerie. Panacées pour l’énorme majorité des acteurs de la défense, ces coopérations sont pourtant un cauchemar financier. La LPM 2024-2030 fait le pari que les coopérations européennes ou internationales sur des programmes majeurs (que l’on ne détaillera pas ici par confidentialité) seront bel et bien réalisées. Or, le montant des risques liés à la non-réalisation de ces coopérations est extrêmement conséquent et donc potentiellement déstabilisateur pour la planification financière de ces programmes et, in fine, pour les capacités des armées. Deux capacités sont particulièrement déstabilisantes : l’Eurodrone, qui vire actuellement à la catastrophe industrielle (mais qui est accélérée !) et le MGCS, qui est encore dans les limbes, pris dans une guerre germano-germanique largement prévisible dès lors que Rheinmetall s’arrogeait le tiers du programme tout en construisant un programme concurrent (le KF-51 Panther) !

De même, le ministre s’avance énormément sur l’exportation, en listant deux produits compliqués à commercialiser sur le marché mondial : l’A400M (qui n’a que quelques clients export : Malaisie, Kazakhstan et Indonésie, à chaque fois pour un nombre d’unités très faible) et la frégate FDI (le prospect cité, bien connu des initiés, est un très gros pari compte tenu de la relation bilatérale en dents de scie et de la concurrence européenne très forte sur ce segment déjà occupé par un concurrent européen). Décaler l’acquisition de 15 A400M et faire pression sur Airbus pour qu’il trouve des clients de substitution, décaler deux FDI en espérant les vendre à un client capricieux, ce n’est pas une transformation, mais bel et bien une escroquerie, c’est-à-dire dans notre définition, une mauvaise affaire qui trahit une bonne foi.

Au bilan, les paris sont tels que les hypothèses en tout genre sont toutes de très sérieuses hypothèques : si M. Moscovici n’a pas voulu parler d’insincérité à propos de la LPM, ce gros mot est, lui, bel et bien chuchoté dans d’autres enceintes.

Le modèle d’armée de 2030…en 2035
Pompeusement baptisée loi de transformation et comparée même à l’effort gaullien de constitution de la force de frappe, cette LPM repose sur un paradoxe excellemment mis en exergue par Olivier Marleix le 5 avril dernier : « Le grand paradoxe de cette LPM est l’annonce d’un investissement record, mais de reports de livraison ou de baisses de cibles d’acquisition par rapport à la LPM 2019, malgré le retour de la guerre en Europe. Alors que la précédente LPM affichait une cible de 185 Rafale en 2020, vous fixez l’objectif à 137. De même, alors que 5 FDI étaient prévues, la LPM n’en propose plus que 3 ; et la cible de 50 avions de transport A400M a été réduite à 35. En découle le sentiment que cette LPM souffre d’arbitrages négatifs pour 2024 et 2025 – liés à l’état de nos finances publiques – alors qu’il aurait fallu concentrer les moyens pour répondre à la menace ».

Mais à part cette actualisation, le ministre assume la non-comparaison des rapports annexes des deux LPM (19-25 et 24-30) : « car j’ai souhaité que l’on raisonne, non plus en termes de commandes ou d’ambition, mais de parcs, c’est-à-dire de matériel livré. Au regard de l’effort que nous allons demander à la Nation et aux contribuables, j’estime en effet qu’il faut être précis » ; le sénateur Cédric Perrin (Sénat, 3 mai) a, heureusement, remis les pendules à l’heure par une très sèche remarque : « Quant à votre affirmation que la LPM proposée porterait sur des livraisons là où la LPM actuelle ne porterait que sur des commandes, c’est faux. C’est regrettable. On aurait par exemple aimé avoir un point de passage à 2025 pour pouvoir juger de l’avancement des programmes par rapport aux cibles figurant dans la LPM actuelle. Dans la précédente loi de programmation militaire figuraient les ambitions de livraison, mais aussi les parcs d’équipements à différentes dates ; il ne reste plus que ces derniers, tandis que les matériels diffèrent et qu’il y a parfois des regroupements, comme pour le Serval »…

Outre son imprécision, ce rapport annexé oublie nombre de programmes ; le sénateur Cédric Perrin les a listés : « le VBAE, qui doit succéder au VBL, ou encore à l’engin du génie de combat. Je pense aussi au remplacement des poids lourds de l’armée de terre. La précédente LPM mentionnait un successeur pour les véhicules 4-6 tonnes, qui a ici disparu. Or la question de la logistique est fondamentale. Quant au Tigre Mark 3, il n’est pas mentionné non plus. Il est fait état de 67 hélicoptères, mais combien seront rénovés ? Quels seront les caractéristiques de ce Tigre Mk3 ou Mk2+ ? Nous aurions besoin de précisions à ce sujet, de même que sur l’armement de ce nouveau Tigre. ».

Sur la forme, donc l’opposition elle-même constate le tour de passe-passe de fond qui se dessine : la LPM n’est pas une loi de transformation, mais de stagnation où l’ensemble des armées poursuivra ses missions sur des matériels déjà anciens et fera l’impasse sur certaines capacités qui auront disparues temporairement (sous le délicieux terme de « réductions temporaires de capacités » ou RTC). Les experts de tout bord ont soigneusement listé les stagnations à venir : les 940 amendements déposés par les députés en tracent d’ailleurs largement le contour, des frégates aux chars de combat en passant par les patrouilleurs, les capacités outre-mer de débarquement, les chasseurs de mines, les hélicoptères de manœuvre et de combat, les équipements de cohérence, etc : l’article de Vincent Lamigeon dans Challenges du 10 mai (« Rafale, chars Leclerc… Les idées des députés pour améliorer la LPM ») en donne une idée assez précise.

Loin de transformer les armées, cette LPM fait glisser leur modèle 2030 à 2035, soit cinq années potentiellement perdues si la barre n’est pas redressée en 2027.

Au bilan, l’ensemble des armées y perd : la fameuse « révision de cadencement » des commandes et des livraisons est un doux euphémisme pour cacher deux réalités : renoncement et éparpillement. Renoncement à des commandes, éparpillement des investissements avec, à chaque fois des conséquences opérationnelles : les fameuses RTC. La hausse même du budget relatif aux munitions complexes ne garantit nullement que les unités enfin dotées pourront en tirer régulièrement en entraînement comme cela devrait être déjà le cas et ce qui ne l’est toujours pas si l’on en croit les remontées en provenance des armées.

Si les chefs d’état-major n’ont pas d’autre choix que d’assumer publiquement des choix qui n’étaient pas toujours les leurs à l’origine (les armes le cèdent à la toge selon l’adage romain), il revient aux acteurs parlementaires et observateurs extérieurs de le faire à leur place.

La pression sur les industriels
La dramatisation du contexte et sa théâtralisation au plus haut sommet de l’État ont donné naissance au concept incongru d’économie de guerre. Outre le fait que la France ne se trouve nullement dans les conditions d’une guerre comme en 1914 ni même à en préparer une annoncée (1939), du fait de son éloignement des conflits et de sa force de frappe voire de ses alliés, la LPM ne permet nullement d’atteindre cet objectif.

Quelle visibilité des commandes ? En ne détaillant pas l’agrégat équipement par année, contrairement à la précédente, la LPM ne garantit pas la visibilité des commandes, indispensables aux industriels : le flou n’est jamais de bon augure. Cette visibilité des commandes est pourtant LA condition essentielle pour que les industriels soient aux rendez-vous opérationnels de manière compétitive, c’est-à-dire investissent dans les stocks, les outils de production. Si l’industrie embauche actuellement, c’est moins en raison de la LPM qu’en conséquence de ses brillantes exportations…

La visibilité est également simplification : si le gouvernement veut réellement faire avancer les problèmes industriels, il devrait commencer par simplifier : alléger les exigences de SST et d’environnement, simplifier les procédures, alléger les exigences documentaires, etc. L’énorme chantier est en réalité dans la bureaucratisation des processus d’acquisition, à tous les niveaux.

Que répond la LPM face à cette exigence industrielle ? Par une insincérité politique (les hausses majeures sont prévues au-delà de l’horizon politique de ceux qui la font voter) et financière (la somme des paris macro-économiques, l’insuffisance de couverture des risques, l’impasse sur les risques prévisibles) sans s’attaquer réellement aux problèmes, identifiées pourtant depuis longtemps par l’industrie.

La conclusion s’impose d’elle-même : rien dans la LPM ne permet la création d’une économie de guerre pour un industriel sensé. La hausse de chiffres d’affaires que les sociétés nationales seront censées connaître et que le ministre a longuement listées dans son audition du 3 mai au Sénat, est ainsi pour une large part totalement virtuelle au moment où les marchés export peuvent se retourner.

Quelle visibilité du MCO ? Point important pour l’industrie comme pour les armées, l’entretien programmé des matériels (EPM) n’est, comme l’a fait remarquer judicieusement la sénatrice Michelle Gréaume, pas annualisé : « nous nous inquiétons de l’imprécision des informations qui nous sont présentées : les chiffres de progression de l’entretien programmé du matériel (EPM) sont globaux, et l’augmentation de 14 milliards d’euros qui est proposée n’est assortie d’aucune annuité. Quel en sera le rythme de réalisation ? Avec quels objectifs et quelles priorités ? Le Parlement ne devrait-il pas en être informé et en débattre ? »…(3 mai).

Les renégociations de contrats. Estimant que la LPM offre une visibilité sur les commandes futures, le ministère fait l’hypothèse interne de gains importants sur la renégociation des contrats, soit en estimant de manière très basse les coûts des futurs programmes (sans appliquer les conséquences de l’inflation), soit en économisant sur divers postes (documentation, etc). C’est une illusion que de croire que l’État peut exiger sans rien donner et en omettant chez les industriels la pression sociale sur les salaires.

Les banques, grandes absentes du débat sur l’économique de guerre. Dans le débat sur l’économie de guerre, un acteur a été très absent : les banques. M. Gomart aura été l’un des seuls à le faire remarquer dans son audition du 8 mars au Sénat : « Ma deuxième critique porte sur la notion d’ « économie de guerre ». Elle ne correspond pas à la manière dont les choses sont ressenties à la fois par les industriels et par nos concitoyens. La LPM insiste sur la nécessité de « mettre sous tension la base industrielle et technologique de défense (BITD) » pour l’encourager à produire plus et moins cher. Cette mise sous tension est à certains égards très compréhensible mais elle n’a de sens que si elle s’accompagne d’une mise sous tension du secteur bancaire censé la financer. On ne peut pas penser l’un sans l’autre. ». C’est pourtant bien ce qui est prévu.

De fait, ce sont les industriels qui feront la banque, notamment dans le cas sensible (et pour cette raison non développée ici) du porte-avions… sans avoir pleinement la certitude d’un lancement du PANG en 2028… !

Le renversement de la charge de la preuve ou l’étalement des commandes en partie justifiée par les capacités de l’industrie ! Il a été dit en audition que l’écoulement des commandes était adapté aux capacités des industriels, qui n’auraient pas pu produire plus ou plus vite : l’argument est recevable pour certaines catégories de « composants situés sur le chemin critique » (audition du général Gaudillière, 13 avril), conséquence d’un laisser-aller politique de plusieurs décennies sur ces sujets, mais est infondé pour d’autres matériels que le ministère décale alors que ne se pose ni la question de la maturité technologique, ni le débat de production des sites industriels concernés (FDI, patrouilleurs, véhicules Scorpion, revalorisation des Leclerc, Rafale…).

Au bilan, le sénateur Cédric Perrin a pleinement raison de dire que « des renoncements se traduisent par des étalements de programmes dans le temps. L’économie de guerre semble être encore davantage un concept qu’une réalité. » (3 mai).

Conclusion
Au lieu de poursuivre l’actuelle LPM jusqu’à son terme, en la corrigeant des effets des indicateurs macro-économiques, et de proposer ensuite deux lois de finances de transition (2026 et 2027), ce qui eût à la fois l’expression d’une sagesse stratégique et d’une honnêteté politique, le pouvoir a préféré lancer les travaux d’une nouvelle LPM. C’était certes son choix, mais le résultat n’est nullement convaincant tant dans les domaines doctrinaux que pratiques. Si les militaires n’ont pas pu le dire, d’emblée les groupes parlementaires, de tout bord ou presque, les observateurs attentifs des débats de défense, en ont flairé les ambiguïtés, les impasses et les risques financiers, opérationnels et industriels. Paradoxe entre affichage budgétaire et renoncements majeurs, cette loi de programmation militaire en sortira de toute façon abîmée dans l’esprit de la plupart des acteurs et observateurs.

Sur le plan stratégique d’abord, cette LPM est LA LPM de la confusion : la liste à la Prévert qu’a fournie la RNS ne forme pas une doctrine opérationnelle ni même un concept d’emploi des forces ; la LPM accentue une stratégie à base de « patchs » : le renseignement, le cyber, l’espace, les fonds sous-marins, l’Indo-Pacifique, etc, sont des domaines à la mode mais pour quel effet et pour quelle vision globale ? Comment ces domaines de lutte s’articulent-ils entre eux et avec l’élément central du système de défense national qu’est la dissuasion ? Si la LPM avait voulu faire œuvre de transformation stratégique, elle aurait eu à cœur de s’attaquer à cette articulation décisive entre dissuasion et nouveaux domaines arsenalisés. Il est dangereux d’appliquer la stratégie du « en même temps » aux armées qui ont besoin d’une hiérarchisation claire des priorités et non d’un essaimage thématique confus au gré des modes conceptuelles.

Sur le plan opérationnel, cette LPM est LA LPM de la dispersion. Faute d’avoir fixé un cap clair sur le plan doctrinal, elle crée de nouvelles branches capacitaires qui vampirisent les autres sans leur permettre pour autant de se développer vraiment. D’où cet incroyable paradoxe d’une LPM ambitieuse sur le papier mais qui accumule les renoncements et les étalements.

Sur le plan politique, cette LPM est La LPM de l’illusion. Elle crée une ambition dont le pouvoir actuel s’enorgueillit mais dont l’exécution – d’ailleurs imprécise (comme l’atteste le rapport annexé) – sera à la charge de la future majorité de 2027. L’opposition n’est pas tombée dans le piège : ses amendements visant à placer les hausses budgétaires dès 2024 et jusqu’en 2027, démontrent que la ficelle politicienne était trop grosse pour passer inaperçue.

Sur le plan budgétaire, cette LPM est également LA LPM de l’insincérité, puisqu’elle repose sur des ressources extra-budgétaires et des prévisions bien trop optimistes non seulement au vu du contexte macro-économique mais également de la situation de dérive incontrôlée des finances publiques (11,6% de dette publique avec des taux d’intérêt en hausse). Elle multiplie les paris (sur les OPEX, les renégociations de contrats, les programmes en coopération et l’exportation). La combinaison de cet optimisme immodéré et de ces risques non couverts ou insuffisamment couverts est telle que la LPM est frappée d’insincérité.

Sur le plan capacitaire, cette LPM est LA LPM de la stagnation : les armées feront du neuf avec du vieux, en traversant la décennie à venir sans le sursaut d’un réarmement énergique et d’un rééquilibrage de formats intégralement garantis mais avec de vrais déserts capacitaires. Les armées resteront échantillonnaires avec un mélange déséquilibré de matériels de nouvelle génération et de vieilles plateformes à la revalorisation lente ou réduite, sans atteindre l’épaisseur nécessaire, le tout avec des réductions temporaires de capacités et des obsolescences de plus en plus marquées dans des domaines critiques. Comme l’a si bien dit M. Marleix, « le grand paradoxe de cette LPM est l’annonce d’un investissement record, mais de reports de livraison ou de baisses de cibles d’acquisition par rapport à la LPM 2019, malgré le retour de la guerre en Europe ». Pire : la LPM aura réussi le tour de force de disperser les capacités épuisées des armées dans de nombreux domaines nouveaux largement confus.

Sur le plan industriel, enfin, cette LPM est LA LPM du miroir aux alouettes : elle enterre elle-même sa créature, l’économie de guerre, puisque la visibilité financière ne sera pas au rendez-vous compte tenu du calendrier de ses marches budgétaires.

Au bilan, si la LPM a transformé quelque chose, c’est bien l’or des intentions et des ambitions en plomb budgétaire et politique.

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[1] M. Moscovici donne un chiffre précieux : « dans la mesure où environ 20 % des dépenses de l’État sont désormais couvertes par les lois de programmation sectorielles, qui autorisent des augmentations importantes de moyens, les dépenses restantes, qui représentent 80 % des dépenses de l’État, nécessitent faire l’objet d’une maîtrise encore plus stricte pour permettre le respect de la trajectoire visée par le projet de LPFP. ». C’est nous qui soulignons.

[2] Remarques introductives de M. Cambon, Sénat, 3 mai 2023.

[3] Ce « il est donc possible » devrait être en soi une source d’inquiétude, non ?

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[*] Le groupe Vauban regroupe une vingtaine de spécialistes des questions de défense.

Défense- Programmation militaire illusoire

Défense- Programmation militaire illusoire

Le groupe Vauban livre une analyse très critique du projet de loi de programmation militaire et décortique la mécanique financière de ce projet de loi, qui va impacter, selon lui, tout aussi bien les capacités des armées que celles des industriels. Par le groupe Vauban* dans la Tribune
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Les armées resteront échantillonnaires avec un mélange déséquilibré de matériels de nouvelle génération et de vieilles plateformes à la revalorisation lente ou réduite, sans atteindre l’épaisseur nécessaire, le tout avec des réductions temporaires de capacités et des obsolescences de plus en plus marquées dans des domaines critiques.
Les armées resteront échantillonnaires avec un mélange déséquilibré de matériels de nouvelle génération et de vieilles plateformes à la revalorisation lente ou réduite, sans atteindre l’épaisseur nécessaire, le tout avec des réductions temporaires de capacités et des obsolescences de plus en plus marquées dans des domaines critiques.

Une analyse minutieuse démontre que non seulement le chiffre est démesurément gonflé mais qu’en plus il n’intègre pas une série de risques, qui, pris isolément, ne sont pas scandaleux en soi (on ne saurait tout prévoir) mais pris ensemble, rendent insincère cette LPM. De 413 à 75,9 milliards d’euros. Désormais appelé « l’homme qui vaut 400 milliards d’euros » – titre flagorneur de l’article d’Henri Gibier du 4 avril dans les Echos -, M. Lecornu n’est en réalité, et au final, que « l’homme qui vaut 75,9 milliards d’euros ».

Un « hiatus de 13,3 milliards d’euros » et des ressources extra-budgétaires optimistes
Le ministre intègre d’emblée 13 milliards d’euros de ressources extra-budgétaires sur lesquelles il estime que la moitié (5,9 milliards d’euros) est documentée et reconnue comme telle par le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP). Les ressources extra-budgétaires du ministère des Armées (immobilier, soulte venant d’un industriel, actes médicaux du SSA, etc) sont considérées comme « très optimistes » par les initiés. Quoiqu’il en soit, il manque de toute façon plus de 7 milliards d’euros à l’appel ; or, selon le HCFP, l’empilement des lois de programmation (militaire, intérieur, recherche, etc) imposera une réduction généralisée des autres dépenses de l’État : « l’effet conjugué de ce projet de loi de programmation militaire, de la loi de programmation de la recherche et de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur va contraindre fortement les autres dépenses du budget de l’État. Les crédits couverts par ces trois textes vont augmenter plus rapidement que le total de la dépense de l’État, ce qui impose une baisse en volume des autres dépenses pour atteindre les objectifs fixés dans le projet de loi de programmation des finances publiques » : comment espérer un effort supplémentaire de 7 milliards de la part des autres ministères et que faire si les autres dépenses de l’État augmentent de manière exponentielle sous le coup de nouvelles priorités ou de nouvelles crises sociales ou sanitaires ? [1]

Comme le dit pudiquement M. Moscovici, « il y a un hiatus de 13,3 milliards d’euros ». De 413,3 milliards d’euros, on descend déjà à 400 milliards ou à 405,9 milliards d’euros si l’on fait grâce au ministre de son optimisme sur les ressources extra-budgétaires de son ministère. Nulle surprise donc si certains amendements de l’opposition visent à remplacer les ressources extra-budgétaires par des crédits budgétaires si celles-là n’étaient pas au rendez-vous…

La descente aux enfers budgétaires n’est cependant pas terminée.

300 milliards d’euros de programmes déjà engagés
Le socle des programmes et des dépenses de fonctionnement incompressibles se situe autour de 300 milliards d’euros, ce qui fait que l’effort de Défense ne porte en réalité pas sur 400 milliards d’euros mais uniquement sur 100 milliards d’euros de ressources nouvelles (ou 105,9 milliards € si l’on considère « sincères » les 5,9 milliards d’euros de ressources extra-budgétaires du ministère). Faire du neuf avec du vieux est une vieille astuce politicienne de recyclage, mais le débat eût gagné en honnêteté intellectuelle si ces données avaient été portées au public.

30 milliards d’euros d’inflation, vraiment ?
Redescendue à 100 ou 105,9 milliards d’euros, la marge de manœuvre du ministère se réduit encore avec l’inflation : le ministre estime qu’elle assèchera la LPM de 30 milliards d’euros. Ce chiffre n’est nulle part documenté, comme l’a fait remarquer benoîtement M. Cambon : « De même, le rapport annexé n’apporte aucune précision quant aux effets de l’inflation, qui pourraient être de l’ordre de 30 milliards d’euros. »[2]. Loin de l’expliquer, le ministre s’est attaché à minimiser cet impact par le report de charges, la solidarité interministérielle sur le carburant, etc. Le problème est que le niveau même de l’inflation a été fixé de manière optimiste : 3% en 2024 et 1,75% à partir de 2026, soit un niveau trop optimiste par rapport aux données et projections actuelles. M. Moscovici le dira avec d’autres termes : « (…) la prévision d’inflation du Gouvernement pour 2023 est désormais légèrement optimiste. Selon le consensus des économistes du Haut Conseil, l’inflation pour 2023 devrait atteindre en effet 4,9 %, contre 4,2 % anticipés par le Gouvernement. Par ailleurs, dans son avis relatif au projet de loi de programmation des finances publiques, le Haut Conseil relevait des incertitudes à partir de 2026. Plusieurs dirigeants d’organisations internationales ont également alerté sur une résistance de l’inflation, qui doit nous faire réfléchir. Il est donc possible[3] que les prévisions à partir desquelles a été construite la loi de programmation militaire aient été sous-évaluées. ».

De 413,3 à 75,9 milliards d’euros seulement
Au bilan, avec le « hiatus de 13,3 milliards d’euros », le socle des programmes déjà engagés, l’optimisme sur l’inflation, la marge réelle du ministre n’est pas de 413,3, de 405,9 ou de 400 milliards d’euros, mais seulement de 75,9 milliards d’euros :

Annonce : 413,3 milliards d’euros
Projet de loi : 400 milliards d’euros
Ressources extra-budgétaires : 13,3 milliards d’euros
« Ressources extra-budgétaires documentées » : 5,9 milliards d’euros
Ressources non documentées : 7,4 milliards d’euros
Socle des programmes & dépenses incompressibles : 300 milliards d’euros
Effet de l’inflation : 30 milliards d’euros

Solde net de la marge de manœuvre : 75,9 milliards d’euros

Des paris et des impasses
Si la montagne de l’optimisme ministériel de 413,3 milliards d’euros a, au final, accouché d’une modeste souris de 75,9 milliards d’euros de marges réelles nouvelles, la LPM fait pire : elle minimise nombre de charges futures. En effet :

Si elle les couvre, c’est insuffisant. Ainsi en va-t-il des OPEX avec ce montant très bas de 750 millions d’euros. De deux choses l’une : ou le ministre est convaincu que la France doit affronter la haute intensité, et alors il doit provisionner des crédits pour la préparation opérationnelle de haute intensité à un niveau équivalent à Barkhane, ou alors il ne l’est pas et il minimise les provisions nécessaires. La contradiction entre la présentation d’un contexte dramatisé et la réalité des provisions d’OPEX surprend. Ainsi en va-t-il également des données macro-économiques majeures (hors inflation), comme le cours du Brent ou l’évolution $/€, post-2026 ; ainsi en va-t-il des prix de l’énergie que le ministère voit baisser après 2026… Plus grave : le taux de couverture des risques sur les « programmes à effet majeur » a été ramené de 6,4% à 3,8%…
Si elle ne les couvre pas, c’est inquiétant : les risques non couverts sur les programmes à effet majeur frôlent un niveau énorme (que l’on tait ici par confidentialité) comme d’ailleurs les besoins de financements de l’OTAN non programmés mais auxquels la France devra faire face comme membre. Même le soutien à l’Ukraine dont le ministre se rengorge d’avoir réussi à l’exclure de la LPM, nécessitera cependant un abondement chaque année du montant des contributions afin d’éviter un effet d’éviction sur la LPM et l’effet déjà constaté dans les pays de l’OTAN : le soutien à l’Ukraine désarme les contributeurs qui mettront des années à compenser ces cessions urgentes et désordonnées. Ce conflit étant sans fin appréciable, la spirale de la surenchère est enclenchée sans cran d’arrêt.
Le pari risqué des coopérations et des exportations. Dans la liste des paris financiers « audacieux » de cette LPM, il faut inclure les risques liés aux coopérations européennes et aux exportations. Notre groupe a souvent dénoncé, faits et chiffres à l’appui, la gabegie financière (et opérationnelle) des programmes en coopération européenne, à l’exception de quelques domaines dont la missilerie. Panacées pour l’énorme majorité des acteurs de la défense, ces coopérations sont pourtant un cauchemar financier. La LPM 2024-2030 fait le pari que les coopérations européennes ou internationales sur des programmes majeurs (que l’on ne détaillera pas ici par confidentialité) seront bel et bien réalisées. Or, le montant des risques liés à la non-réalisation de ces coopérations est extrêmement conséquent et donc potentiellement déstabilisateur pour la planification financière de ces programmes et, in fine, pour les capacités des armées. Deux capacités sont particulièrement déstabilisantes : l’Eurodrone, qui vire actuellement à la catastrophe industrielle (mais qui est accélérée !) et le MGCS, qui est encore dans les limbes, pris dans une guerre germano-germanique largement prévisible dès lors que Rheinmetall s’arrogeait le tiers du programme tout en construisant un programme concurrent (le KF-51 Panther) !

De même, le ministre s’avance énormément sur l’exportation, en listant deux produits compliqués à commercialiser sur le marché mondial : l’A400M (qui n’a que quelques clients export : Malaisie, Kazakhstan et Indonésie, à chaque fois pour un nombre d’unités très faible) et la frégate FDI (le prospect cité, bien connu des initiés, est un très gros pari compte tenu de la relation bilatérale en dents de scie et de la concurrence européenne très forte sur ce segment déjà occupé par un concurrent européen). Décaler l’acquisition de 15 A400M et faire pression sur Airbus pour qu’il trouve des clients de substitution, décaler deux FDI en espérant les vendre à un client capricieux, ce n’est pas une transformation, mais bel et bien une escroquerie, c’est-à-dire dans notre définition, une mauvaise affaire qui trahit une bonne foi.

Au bilan, les paris sont tels que les hypothèses en tout genre sont toutes de très sérieuses hypothèques : si M. Moscovici n’a pas voulu parler d’insincérité à propos de la LPM, ce gros mot est, lui, bel et bien chuchoté dans d’autres enceintes.

Le modèle d’armée de 2030…en 2035
Pompeusement baptisée loi de transformation et comparée même à l’effort gaullien de constitution de la force de frappe, cette LPM repose sur un paradoxe excellemment mis en exergue par Olivier Marleix le 5 avril dernier : « Le grand paradoxe de cette LPM est l’annonce d’un investissement record, mais de reports de livraison ou de baisses de cibles d’acquisition par rapport à la LPM 2019, malgré le retour de la guerre en Europe. Alors que la précédente LPM affichait une cible de 185 Rafale en 2020, vous fixez l’objectif à 137. De même, alors que 5 FDI étaient prévues, la LPM n’en propose plus que 3 ; et la cible de 50 avions de transport A400M a été réduite à 35. En découle le sentiment que cette LPM souffre d’arbitrages négatifs pour 2024 et 2025 – liés à l’état de nos finances publiques – alors qu’il aurait fallu concentrer les moyens pour répondre à la menace ».

Mais à part cette actualisation, le ministre assume la non-comparaison des rapports annexes des deux LPM (19-25 et 24-30) : « car j’ai souhaité que l’on raisonne, non plus en termes de commandes ou d’ambition, mais de parcs, c’est-à-dire de matériel livré. Au regard de l’effort que nous allons demander à la Nation et aux contribuables, j’estime en effet qu’il faut être précis » ; le sénateur Cédric Perrin (Sénat, 3 mai) a, heureusement, remis les pendules à l’heure par une très sèche remarque : « Quant à votre affirmation que la LPM proposée porterait sur des livraisons là où la LPM actuelle ne porterait que sur des commandes, c’est faux. C’est regrettable. On aurait par exemple aimé avoir un point de passage à 2025 pour pouvoir juger de l’avancement des programmes par rapport aux cibles figurant dans la LPM actuelle. Dans la précédente loi de programmation militaire figuraient les ambitions de livraison, mais aussi les parcs d’équipements à différentes dates ; il ne reste plus que ces derniers, tandis que les matériels diffèrent et qu’il y a parfois des regroupements, comme pour le Serval »…

Outre son imprécision, ce rapport annexé oublie nombre de programmes ; le sénateur Cédric Perrin les a listés : « le VBAE, qui doit succéder au VBL, ou encore à l’engin du génie de combat. Je pense aussi au remplacement des poids lourds de l’armée de terre. La précédente LPM mentionnait un successeur pour les véhicules 4-6 tonnes, qui a ici disparu. Or la question de la logistique est fondamentale. Quant au Tigre Mark 3, il n’est pas mentionné non plus. Il est fait état de 67 hélicoptères, mais combien seront rénovés ? Quels seront les caractéristiques de ce Tigre Mk3 ou Mk2+ ? Nous aurions besoin de précisions à ce sujet, de même que sur l’armement de ce nouveau Tigre. ».

Sur la forme, donc l’opposition elle-même constate le tour de passe-passe de fond qui se dessine : la LPM n’est pas une loi de transformation, mais de stagnation où l’ensemble des armées poursuivra ses missions sur des matériels déjà anciens et fera l’impasse sur certaines capacités qui auront disparues temporairement (sous le délicieux terme de « réductions temporaires de capacités » ou RTC). Les experts de tout bord ont soigneusement listé les stagnations à venir : les 940 amendements déposés par les députés en tracent d’ailleurs largement le contour, des frégates aux chars de combat en passant par les patrouilleurs, les capacités outre-mer de débarquement, les chasseurs de mines, les hélicoptères de manœuvre et de combat, les équipements de cohérence, etc : l’article de Vincent Lamigeon dans Challenges du 10 mai (« Rafale, chars Leclerc… Les idées des députés pour améliorer la LPM ») en donne une idée assez précise.

Loin de transformer les armées, cette LPM fait glisser leur modèle 2030 à 2035, soit cinq années potentiellement perdues si la barre n’est pas redressée en 2027.

Au bilan, l’ensemble des armées y perd : la fameuse « révision de cadencement » des commandes et des livraisons est un doux euphémisme pour cacher deux réalités : renoncement et éparpillement. Renoncement à des commandes, éparpillement des investissements avec, à chaque fois des conséquences opérationnelles : les fameuses RTC. La hausse même du budget relatif aux munitions complexes ne garantit nullement que les unités enfin dotées pourront en tirer régulièrement en entraînement comme cela devrait être déjà le cas et ce qui ne l’est toujours pas si l’on en croit les remontées en provenance des armées.

Si les chefs d’état-major n’ont pas d’autre choix que d’assumer publiquement des choix qui n’étaient pas toujours les leurs à l’origine (les armes le cèdent à la toge selon l’adage romain), il revient aux acteurs parlementaires et observateurs extérieurs de le faire à leur place.

La pression sur les industriels
La dramatisation du contexte et sa théâtralisation au plus haut sommet de l’État ont donné naissance au concept incongru d’économie de guerre. Outre le fait que la France ne se trouve nullement dans les conditions d’une guerre comme en 1914 ni même à en préparer une annoncée (1939), du fait de son éloignement des conflits et de sa force de frappe voire de ses alliés, la LPM ne permet nullement d’atteindre cet objectif.

Quelle visibilité des commandes ? En ne détaillant pas l’agrégat équipement par année, contrairement à la précédente, la LPM ne garantit pas la visibilité des commandes, indispensables aux industriels : le flou n’est jamais de bon augure. Cette visibilité des commandes est pourtant LA condition essentielle pour que les industriels soient aux rendez-vous opérationnels de manière compétitive, c’est-à-dire investissent dans les stocks, les outils de production. Si l’industrie embauche actuellement, c’est moins en raison de la LPM qu’en conséquence de ses brillantes exportations…

La visibilité est également simplification : si le gouvernement veut réellement faire avancer les problèmes industriels, il devrait commencer par simplifier : alléger les exigences de SST et d’environnement, simplifier les procédures, alléger les exigences documentaires, etc. L’énorme chantier est en réalité dans la bureaucratisation des processus d’acquisition, à tous les niveaux.

Que répond la LPM face à cette exigence industrielle ? Par une insincérité politique (les hausses majeures sont prévues au-delà de l’horizon politique de ceux qui la font voter) et financière (la somme des paris macro-économiques, l’insuffisance de couverture des risques, l’impasse sur les risques prévisibles) sans s’attaquer réellement aux problèmes, identifiées pourtant depuis longtemps par l’industrie.

La conclusion s’impose d’elle-même : rien dans la LPM ne permet la création d’une économie de guerre pour un industriel sensé. La hausse de chiffres d’affaires que les sociétés nationales seront censées connaître et que le ministre a longuement listées dans son audition du 3 mai au Sénat, est ainsi pour une large part totalement virtuelle au moment où les marchés export peuvent se retourner.

Quelle visibilité du MCO ? Point important pour l’industrie comme pour les armées, l’entretien programmé des matériels (EPM) n’est, comme l’a fait remarquer judicieusement la sénatrice Michelle Gréaume, pas annualisé : « nous nous inquiétons de l’imprécision des informations qui nous sont présentées : les chiffres de progression de l’entretien programmé du matériel (EPM) sont globaux, et l’augmentation de 14 milliards d’euros qui est proposée n’est assortie d’aucune annuité. Quel en sera le rythme de réalisation ? Avec quels objectifs et quelles priorités ? Le Parlement ne devrait-il pas en être informé et en débattre ? »…(3 mai).

Les renégociations de contrats. Estimant que la LPM offre une visibilité sur les commandes futures, le ministère fait l’hypothèse interne de gains importants sur la renégociation des contrats, soit en estimant de manière très basse les coûts des futurs programmes (sans appliquer les conséquences de l’inflation), soit en économisant sur divers postes (documentation, etc). C’est une illusion que de croire que l’État peut exiger sans rien donner et en omettant chez les industriels la pression sociale sur les salaires.

Les banques, grandes absentes du débat sur l’économique de guerre. Dans le débat sur l’économie de guerre, un acteur a été très absent : les banques. M. Gomart aura été l’un des seuls à le faire remarquer dans son audition du 8 mars au Sénat : « Ma deuxième critique porte sur la notion d’ « économie de guerre ». Elle ne correspond pas à la manière dont les choses sont ressenties à la fois par les industriels et par nos concitoyens. La LPM insiste sur la nécessité de « mettre sous tension la base industrielle et technologique de défense (BITD) » pour l’encourager à produire plus et moins cher. Cette mise sous tension est à certains égards très compréhensible mais elle n’a de sens que si elle s’accompagne d’une mise sous tension du secteur bancaire censé la financer. On ne peut pas penser l’un sans l’autre. ». C’est pourtant bien ce qui est prévu.

De fait, ce sont les industriels qui feront la banque, notamment dans le cas sensible (et pour cette raison non développée ici) du porte-avions… sans avoir pleinement la certitude d’un lancement du PANG en 2028… !

Le renversement de la charge de la preuve ou l’étalement des commandes en partie justifiée par les capacités de l’industrie ! Il a été dit en audition que l’écoulement des commandes était adapté aux capacités des industriels, qui n’auraient pas pu produire plus ou plus vite : l’argument est recevable pour certaines catégories de « composants situés sur le chemin critique » (audition du général Gaudillière, 13 avril), conséquence d’un laisser-aller politique de plusieurs décennies sur ces sujets, mais est infondé pour d’autres matériels que le ministère décale alors que ne se pose ni la question de la maturité technologique, ni le débat de production des sites industriels concernés (FDI, patrouilleurs, véhicules Scorpion, revalorisation des Leclerc, Rafale…).

Au bilan, le sénateur Cédric Perrin a pleinement raison de dire que « des renoncements se traduisent par des étalements de programmes dans le temps. L’économie de guerre semble être encore davantage un concept qu’une réalité. » (3 mai).

Conclusion
Au lieu de poursuivre l’actuelle LPM jusqu’à son terme, en la corrigeant des effets des indicateurs macro-économiques, et de proposer ensuite deux lois de finances de transition (2026 et 2027), ce qui eût à la fois l’expression d’une sagesse stratégique et d’une honnêteté politique, le pouvoir a préféré lancer les travaux d’une nouvelle LPM. C’était certes son choix, mais le résultat n’est nullement convaincant tant dans les domaines doctrinaux que pratiques. Si les militaires n’ont pas pu le dire, d’emblée les groupes parlementaires, de tout bord ou presque, les observateurs attentifs des débats de défense, en ont flairé les ambiguïtés, les impasses et les risques financiers, opérationnels et industriels. Paradoxe entre affichage budgétaire et renoncements majeurs, cette loi de programmation militaire en sortira de toute façon abîmée dans l’esprit de la plupart des acteurs et observateurs.

Sur le plan stratégique d’abord, cette LPM est LA LPM de la confusion : la liste à la Prévert qu’a fournie la RNS ne forme pas une doctrine opérationnelle ni même un concept d’emploi des forces ; la LPM accentue une stratégie à base de « patchs » : le renseignement, le cyber, l’espace, les fonds sous-marins, l’Indo-Pacifique, etc, sont des domaines à la mode mais pour quel effet et pour quelle vision globale ? Comment ces domaines de lutte s’articulent-ils entre eux et avec l’élément central du système de défense national qu’est la dissuasion ? Si la LPM avait voulu faire œuvre de transformation stratégique, elle aurait eu à cœur de s’attaquer à cette articulation décisive entre dissuasion et nouveaux domaines arsenalisés. Il est dangereux d’appliquer la stratégie du « en même temps » aux armées qui ont besoin d’une hiérarchisation claire des priorités et non d’un essaimage thématique confus au gré des modes conceptuelles.

Sur le plan opérationnel, cette LPM est LA LPM de la dispersion. Faute d’avoir fixé un cap clair sur le plan doctrinal, elle crée de nouvelles branches capacitaires qui vampirisent les autres sans leur permettre pour autant de se développer vraiment. D’où cet incroyable paradoxe d’une LPM ambitieuse sur le papier mais qui accumule les renoncements et les étalements.

Sur le plan politique, cette LPM est La LPM de l’illusion. Elle crée une ambition dont le pouvoir actuel s’enorgueillit mais dont l’exécution – d’ailleurs imprécise (comme l’atteste le rapport annexé) – sera à la charge de la future majorité de 2027. L’opposition n’est pas tombée dans le piège : ses amendements visant à placer les hausses budgétaires dès 2024 et jusqu’en 2027, démontrent que la ficelle politicienne était trop grosse pour passer inaperçue.

Sur le plan budgétaire, cette LPM est également LA LPM de l’insincérité, puisqu’elle repose sur des ressources extra-budgétaires et des prévisions bien trop optimistes non seulement au vu du contexte macro-économique mais également de la situation de dérive incontrôlée des finances publiques (11,6% de dette publique avec des taux d’intérêt en hausse). Elle multiplie les paris (sur les OPEX, les renégociations de contrats, les programmes en coopération et l’exportation). La combinaison de cet optimisme immodéré et de ces risques non couverts ou insuffisamment couverts est telle que la LPM est frappée d’insincérité.

Sur le plan capacitaire, cette LPM est LA LPM de la stagnation : les armées feront du neuf avec du vieux, en traversant la décennie à venir sans le sursaut d’un réarmement énergique et d’un rééquilibrage de formats intégralement garantis mais avec de vrais déserts capacitaires. Les armées resteront échantillonnaires avec un mélange déséquilibré de matériels de nouvelle génération et de vieilles plateformes à la revalorisation lente ou réduite, sans atteindre l’épaisseur nécessaire, le tout avec des réductions temporaires de capacités et des obsolescences de plus en plus marquées dans des domaines critiques. Comme l’a si bien dit M. Marleix, « le grand paradoxe de cette LPM est l’annonce d’un investissement record, mais de reports de livraison ou de baisses de cibles d’acquisition par rapport à la LPM 2019, malgré le retour de la guerre en Europe ». Pire : la LPM aura réussi le tour de force de disperser les capacités épuisées des armées dans de nombreux domaines nouveaux largement confus.

Sur le plan industriel, enfin, cette LPM est LA LPM du miroir aux alouettes : elle enterre elle-même sa créature, l’économie de guerre, puisque la visibilité financière ne sera pas au rendez-vous compte tenu du calendrier de ses marches budgétaires.

Au bilan, si la LPM a transformé quelque chose, c’est bien l’or des intentions et des ambitions en plomb budgétaire et politique.

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[1] M. Moscovici donne un chiffre précieux : « dans la mesure où environ 20 % des dépenses de l’État sont désormais couvertes par les lois de programmation sectorielles, qui autorisent des augmentations importantes de moyens, les dépenses restantes, qui représentent 80 % des dépenses de l’État, nécessitent faire l’objet d’une maîtrise encore plus stricte pour permettre le respect de la trajectoire visée par le projet de LPFP. ». C’est nous qui soulignons.

[2] Remarques introductives de M. Cambon, Sénat, 3 mai 2023.

[3] Ce « il est donc possible » devrait être en soi une source d’inquiétude, non ?

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[*] Le groupe Vauban regroupe une vingtaine de spécialistes des questions de défense.

réforme des retraites :Un retour à 60 ans illusoire

Réforme des retraites :Un retour à 60 ans illusoire


Une centaine d’élus socialistes se sont fendus d’une tribune dans les colonnes du journal Le Monde pour dénoncer le projet de réforme des retraites du gouvernement et son obstination à vouloir reculer l’âge de départ de 62 à 64 ans malgré la pression de la rue. « Imposer 64 ans ne changerait rien ou presque à la vie des plus privilégiés, mais tout à celle des premier(e) s de corvée : infirmiers, aides à domicile, auxiliaires de vie, ripeurs, agents de propreté, salarié(e) s de la grande distribution, camionneurs, ouvriers agricoles ou du BTP… », écrivent-ils dans ce long texte, mis en ligne lundi en milieu de journée. À première vue, la charge sonne comme une attaque en bonne et due forme contre le projet présidentiel, à quelques jours de l’acte II du débat sur les retraites : le texte sera examiné au Sénat à parti du 28 février en commission, avant d’arriver dans l’hémicycle le 2 mars. Mais les signataires s’en prennent aussi à l’idée d’une retraite à 60 ans après 40 annuités, pourtant au centre de l’accord électoral qui a présidé, à gauche, à la création de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (Nupes).

« Avec honnêteté : si nous accédions au pouvoir, ferions-nous vraiment les 60 ans, 40 annuités de cotisation pour tous ? Voilà moins un horizon qu’une illusion. Son coût exorbitant priverait l’Etat de moyens vitaux pour d’autres politiques publiques : santé, éducation… », lit-on dans cette tribune. De fait, le texte ravive l’opposition au sein du PS entre les partisans d’un retour aux 60 ans et ceux qui restent attachés à la réforme dite « Touraine » qui a acté, sous François Hollande, une augmentation progressive de la durée de cotisations à 43 ans pour une retraite à taux plein. Dans son programme présidentiel, Anne Hidalgo s’en référait encore à la retraite à 62 ans. En creux, transparaît aussi la bataille d’influence que se livrent deux pôles au sein du parti à la rose depuis les législatives : les partisans de l’alliance avec le mouvement de Jean-Luc Mélenchon d’un côté, et de l’autre ceux qui dénoncent un assujettissement trop important aux Insoumis et à leur programme. La liste des signataires de la tribune publiée par Le Monde rassemble ainsi de nombreux opposants à la ligne défendue par le premier secrétaire Olivier Faure, tels que Nicolas Mayer-Rossignol, le maire de Rouen ; Carole Delga, la présidente de la région Occitanie ; ou encore Patrick Kanner, le président des sénateurs socialistes.

« Cette tribune est une interpellation interne aux socialistes »
La publication d’un tel texte à quelques jours d’une nouvelle séquence parlementaire sur les retraites rappelle à quel point le débat reste vif chez les socialistes. Alors que la gauche, et notamment LFI, s’est vue reprocher par les syndicats la stratégie d’obstruction qui a dominé à l’Assemblée nationale, les divisions du PS pourraient offrir un angle d’attaque tout trouvé à la majorité présidentielle qui fait face, depuis plusieurs semaines, au bloc uni des oppositions de gauche. « Cette tribune est une interpellation interne aux socialistes, mais elle ne fragilise pas pour autant notre opposition, car le projet du gouvernement n’en reste pas moins injuste », démine auprès de Public Sénat l’un de ses signataires, le sénateur Rémi Féraud. « Il est possible de s’opposer intelligemment », assure-t-il.

Pour le sénateur Jean-Pierre Sueur, autre signataire, ce n’est pas seulement la violence des débats au Palais Bourbon qui a rendu inaudible toute tentative de contre-réforme, mais aussi une absence de projet. « J’ai été effaré par le débat à l’Assemblée nationale. L’attitude du gouvernement, ses approximations sur les concessions faites à la droite m’ont choqué, mais je n’ai pas approuvé non plus l’obstruction parlementaire de LFI. Nous avons besoin d’une gauche qui critique, qui s’oppose mais surtout qui propose. Et je dois dire qu’on n’a pas très bien vu ce que la gauche avait à proposer à l’Assemblée, et notamment les députés socialistes », tacle-t-il. « Dans les boucles de discussion, tous mes collègues socialistes le répètent : il ne faut pas faire le même débat qu’à l’Assemblée nationale, ce serait dramatique. On ne peut pas rester dans le flou intégral », martèle l’élu du Loiret.

Faire sauter l’âge légal de départ
De là l’idée d’un contre-projet, dont l’objectif est de démontrer qu’une « réforme de gauche » reste possible même chez ceux qui ne croient pas au retour à 60 ans. Astucieusement, les signataires de la tribune font disparaître la référence aux 62 ans et proposent, tout simplement, de faire sauter l’âge légal de départ, devenu pomme de discorde. « Pourquoi s’arc-bouter sur le couperet de l’âge légal ? Nous proposons de l’abandonner au profit d’une modulation large de la durée de cotisations, selon la pénibilité des métiers. Ce serait une façon de permettre aux uns qui ont connu des métiers difficiles de partir à la retraite plus tôt pendant que les autres pourraient, s’ils le souhaitent, partir bien plus tard », écrivent-ils. Cette proposition est en partie inspirée de la motion défendue par Nicolas Mayer-Rossignol au congrès de Marseille, dont le texte évoquait « des possibilités de départ échelonnées à la retraite ». « Dans ce cas de figure, on peut tout à fait imaginer de voir certains ouvriers partir avant 60 ans », défend Rémi Féraud pour qui la tribune ne doit « pas être surinterprétée de façon politicienne ». « Nous proposons des choses tout à fait consensuelles à l’ensemble des socialistes », argue-t-il. Ainsi, parmi les pistes de financement évoquées : une taxation des superprofits, le retour de l’ISF ou encore la mise en place d’une cotisation patronale sur les revenus des dividendes.

L’agacement des soutiens d’Olivier Faure
Pas sûr que ces douceurs suffisent à faire passer la pilule dans l’entourage d’Olivier Faure. « Je peux vous dire qu’ils ne l’ont pas bien pris du tout », souffle une cadre socialiste à Public Sénat. « Ils ont été aussi bien agacés par le timing choisi que par le fond. Cela met en lumière le fait qu’il n’y a pas eu de travail sur un vrai projet alternatif. La direction continue de s’appuyer largement sur ce que propose LFI ». Contactés par Public Sénat, ni le Premier secrétaire du PS ni Boris Vallaud, le patron des députés socialistes, n’ont donné suite à nos sollicitations.

« Je n’étais pas au courant. Personne ne m’a invité à signer ce texte. Notre président de groupe ne nous a pas tenus informés. J’ai découvert, avec d’autres, cette tribune après sa publication », indique, laconique, le sénateur de la Somme Rémi Cardon, l’un des soutiens d’Olivier Faure au dernier congrès du PS. Le sujet a occupé une partie de la réunion de groupe ce mardi matin, a appris Public Sénat. Une dizaine d’élus se sont agacés auprès de leur chef de file, Patrick Kanner, de ce qui leur apparaît comme une initiative de dernière minute, d’autant que la matinée devait être consacrée à élaborer, en coordination avec les autres groupes de gauche au Sénat, la stratégie d’opposition face au projet de réforme. « Nous avons attendu plus d’une heure avant d’avoir une explication. Il nous a seulement dit qu’il était important que tous les socialistes puissent s’exprimer dans les médias », confie un sénateur blasé. « Tout cela ressemble plutôt à une tribune post-congrès. Je ne comprends pas, au moment où le front syndical affiche son unité devant un sujet aussi grave, que l’on en est encore à chipoter sur ça ou ça. D’autant que certains signataires ont milité pour le passage aux 60 ans en 1982 ! », poursuit ce parlementaire. Si les sénateurs socialistes s’étaient d’abord montrés assez critiques lors de la création de la Nupes, rappelons que plus de la moitié des membres du groupe (qui compte 65 élus) ont finalement apporté leur soutien à Olivier Faure au dernier congrès.

« Les partisans de la retraite à 60 ans savent très bien que ça ne se fera pas »
Toutefois, le psychodrame autour de la réélection du député de Seine-et-Marne au poste de Premier secrétaire, fin janvier, n’a pas permis de trancher entre les deux lignes qui s’affrontent sur les retraites. Si Olivier Faure s’est maintenu à la tête du PS, un accord a vu ses deux principaux opposants, Nicolas Mayer-Rossignol et Hélène Geoffroy, nommés respectivement « premier secrétaire délégué » et « présidente du conseil national », le parlement du PS. Un attelage baroque qui a permis d’éloigner le risque de scission. « Bien sûr, tous les socialistes sont pour le rassemblement, mais le rassemblement post-congrès ne veut pas dire que nous n’avons plus le droit de nous exprimer », poursuit Jean-Pierre Sueur. « Les partisans de la retraite à 60 ans savent très bien que ça ne se fera pas. Je n’ai pas vu beaucoup de réactions de leur part à cette tribune, parce qu’ils savent que c’était une concession inutile à LFI, qui a des effets négatifs puisqu’elle porte atteinte à notre crédibilité. »

Faut-il s’attendre à voir le contenu de la tribune retranscrite sous la forme d’amendements lors de l’examen au Sénat ? « Certaines idées seront reprises, mais on ne bâtit pas un projet de contre-réforme uniquement par amendements », nuance Rémi Féraud. « Pour élaborer un véritable projet, il va falloir que le PS se mette au travail. Il y aura des débats, des conventions, et elles pourront se conclure par un vote des militants », explique-t-il. Mais ces travaux devront encore attendre que la nouvelle direction, tenant compte des équilibres du congrès, se soit complètement installée. Bref, un calendrier qui apparaît complètement déconnecté du débat parlementaire.

Zones rurales : une reconquête illusoire des commerces

Zones rurales : une reconquête illusoire des commerces

Un plan de reconquête sympathique mais illusoire des commerces dans les zones rurales. Avec un budget à la hauteur de l’illusion : une douzaine de millions pour toute la France; A comparer par exemple aux 100 milliards promis pour 2040 concernant le ferroviaire et les métros destinés à desservir les grandes villes. ( . En réalité, ces commerces sédentaires ou itinérants sont surtout utilisés par des personnes peu mobiles notamment des anciens. Des anciens qui eux-mêmes se rapprochent de zones urbanisées disposant de commerces et de services publics suffisants.

Pour revitaliser le centre de villages ruraux il faudrait autre chose et notamment un développement économique et donc des emplois. Or la politique générale est orientée vers des formes de sur -urbanisation favorisant les grandes métropoles et les grandes villes ( le phénomène de disparition des petits commerces concerne aussi les petites villes.)

Les habitants de zones rurales actifs n’ont d’autres solutions que de ce déplacer à 20 ou 30 km pour trouver un travail et c’est près de ces emplois qu’ils effectuent également leurs achats.

Porté par la ministre déléguée chargée des PME, Olivia Grégoire – qui est en déplacement dans le Cantal ce jeudi pour dévoiler le plan -, et son homologue chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, le «programme de reconquête» doit donc inverser la tendance. Concrètement, celui-ci vise à inciter de nouveaux commerces à s’implanter dans les zones rurales, en leur fournissant des fonds pour acquérir les locaux, les aménager, faire des travaux si nécessaire et installer l’activité. Le programme sera doté d’une enveloppe de douze millions d’euros pour 2023 : l’État apportera une aide «à l’installation en ruralité de commerces sédentaires multiservices ainsi que de commerces itinérants permettant de desservir plusieurs communes rurales, avec des aides à l’investissement», détaille l’exécutif. Celle-ci «va permettre de soutenir le commerce, qu’il soit en dur ou itinérant», résume le cabinet d’Olivia Grégoire.

De nombreux types de commerces sont envisagés, ajoute l’entourage de la ministre déléguée, qu’il s’agisse de l’épicerie, de la boulangerie ou d’une autre activité comme un commerce multiservice, mais pas l’esthétique, ni la coiffure ( pourquoi ?). «On a écouté les élus locaux, qui nous ont demandé d’être pragmatiques», note-t-on. De même, les communes concernées ne sont pas définies par un nombre d’habitants, mais plutôt par la présence ou non de commerces sur le territoire.

Le montant des aides varie selon le type de commerce : pour les sédentaires, l’acquisition du local et les travaux seront pris en charge à 50%, «dans une limite de 50.000 euros» à laquelle pourront s’ajouter 20.000 euros supplémentaires pour aménager les locaux et acquérir du matériel. Cette somme pourra même atteindre 25.000 euros «si le projet présente un intérêt particulier en matière de développement durable, ou un caractère innovant dans son modèle économique», comme un fonctionnement en circuit court ou s’il propose d’insérer des publics défavorisés.

Pour les commerces itinérants, le montant est fixé à «50% des dépenses d’investissement [...], dans une limite de 20.000 euros». Enfin, les commerçants en herbe pourront bénéficier de 5000 euros de plus pour solliciter des «prestations d’accompagnement», pour concevoir et opérer leur projet. Les sommes ne pourront être utilisées pour des dépenses de fonctionnement ou l’achat des stocks. En outre, les projets pourront être publics ou privés, mais ils devront être soutenus par la commune d’implantation dans le second cas.

Un guichet sera ouvert auprès des préfectures de département le 1er mars : les porteurs de projets devront s’y signaler, «après avoir pris connaissance des critères de sélection et d’éligibilité» sur le site de Bercy ou de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. La sélection se fera par les ministères, «au cas par cas, en fonction de la conviction des porteurs de projets» et de la solidité du projet mais l’exécutif veut aussi garder une logique d’équilibre territorial. Mieux vaudra, également, avoir l’appui des élus locaux et proposer une activité répondant aux besoins de la commune d’implantation, pour «faire en sorte que le projet arrive à terme».

Une «première volée de sélection de dossiers» est espérée début mai, afin de fournir des fonds à temps pour que des travaux soient lancés dès cet été dans les commerces concernés. Grâce à l’ouverture de nouveaux commerces en dur et d’autres itinérants, l’exécutif espère ainsi améliorer le quotidien des «habitants de 1000 communes» à travers l’Hexagone. Reste à voir si les activités parviendront à tirer leur épingle du jeu, dans des territoires parfois isolés, et dans un contexte d’inflation massive. De son côté, le cabinet d’Olivia Grégoire se dit confiant, rappelant que les commerces multiservices sont compétitifs et attractifs pour les populations locales.

Budget 2023–2027: une trajectoire financière illusoire rejetée par l’Assemblée

Budget 2023–2027: une trajectoire financière illusoire rejetée par l’Assemblée

La trajectoire financière du gouvernement pour la période 2023–2027 est complètement illusoire que l’assemblée a rejeté les orientations du gouvernement. Pour l’essentiel cette trajectoire financière prévoyait de ramener le déficit public à moins de 3 % du produit intérieur brut alors qu’en 2021 ce déficit est de 6,1 %. Par ailleurs, la dérive sera toujours importante en 2022 mais surtout à partir de 2023 en raison de la baisse d’activité économique d’une part et de la sous-estimation des dépenses publiques.

En réalité ses propositions de trajectoire financière sont surtout dessinées à faire croire à Bruxelles que la France est bien décidée à rétablir ses grands équilibres. Une promesse souvent faite mais rarement réalisée.En outre, sur la période indiquer il faudra tenir compte du gonflement de la dette provoquée par la remontée des taux d’intérêt qui va faire croître de manière inquiétante la charge financière supportée par le budget pour le remboursement des emprunts.Par 243 voix pour, 309 contre, les députés ont rejeté ce mardi en première lecture le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. C’est une première, qui était attendue, toutes les oppositions s’étant liguées contre le texte. Lors de son examen en séance la semaine dernière, le projet de loi avait déjà été largement dénaturé. Les articles, très politiques, demandant des efforts financiers aux collectivités locales ayant été notamment été supprimés.
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« C’est un rejet qui était attendu, a commenté Gabriel Attal, le ministre des Comptes publics (…), alors que le projet avait été rejeté en commission des finances le 4 octobre dernier. Vous avez choisi de garder une cohérence, qui est celle de s’opposer quoi qu’il en coûte aux textes qui sont présentés par le gouvernement. » Le concept de loi de programmation des finances publiques a été introduit en 2008 dans le droit parlementaire. Malgré cette entorse, l’exécutif a déjà annoncé la couleur : il n’utilisera pas l’article 49-3 de la Constitution pour faire adopter le projet de loi, comme pour le budget. L’impact d’un rejet est en effet limité en France.

C’est à Bruxelles que cela pose essentiellement problème. Le pacte budgétaire européen, un traité adopté en pleine crise des dettes souveraines en 2012, impose en effet aux États membres de publier à intervalles réguliers de tels textes. Le rejet pourrait aussi faire sourciller les investisseurs soucieux de la crédibilité de la France en matière de gestion des finances publiques. Le texte prévoyait notamment de ramener le déficit public à moins de 3 % du produit intérieur brut (PIB) d’ici à cinq ans.

Transport-Voitures électriques : L’objectif illusoire de 2035 !

Transport-Voitures électriques : L’objectif illusoire de 2035 !

Macron annonce un objectif volontariste de 2 millions de voitures électriques produites en 2030. À comparer évidemment avec le parc existant de 40 à 50 millions d’automobiles en ce moment. À ce rythme de tortue on voit mal comment et quand l’ensemble du parc sera totalement électrifié. Il faut rappeler que l’Union économique et la France bien entendu interdiront la vente de voitures à moteur thermique à partir de 2035.Les problèmes de cet objectif sont multiples en particulier le fait que la majorité des composants essentiels de la voiture électrique vienne de Chine, que la question du poids de 300 à 400 kg pour les batteries n’est pas résolue par l’avantage que leur pollution. Enfin n’est pas posée le problème plus large du droit au transport collectif et significatif au regard de besoins pas seulement à Paris.

Même avec cet objectif « volontariste », il faudra de 20 à 40 ans pour renouveler l’ensemble du parc automobile. D’ici là il, se pourrait d’ailleurs que la voiture électrique actuelle soit devenue caduque du fait par exemple de la montée en puissance de la filière hydrogène; le président français préconise un « soutien fort » et le « plus vite possible » à la filière automobile européenne face à la Chine et aux Etats-Unis. « Je défends fortement une préférence européenne sur ce volet et un soutien fort à la filière automobile. Il faut l’assumer et cela doit advenir le plus vite possible », avance-t-il.

Côté production, le chef de l’Etat dit viser un million de véhicules électriques produits en France d’ici 2027, 2 millions d’ici 2030, avec le passage au tout électrique en 2035.
Enfin, la location de voitures à 100 euros par mois pour les foyers les plus modestes devrait être lancée au deuxième semestre 2023.

Vaccination : une immunité collective illusoire (OMS)

Vaccination : une immunité collective illusoire (OMS)

Le directeur de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en Europe Hans Kluge s’est montré plus pessimiste vendredi sur la capacité d’un taux élevé de vaccination à stopper à lui seul la pandémie, du fait des variants qui ont réduit la perspective d’une immunité collective. Selon des épidémiologistes, il semble désormais illusoire d’atteindre l’immunité collective uniquement grâce aux vaccins, mais ceux-ci restent tout de même cruciaux pour circonscrire la pandémie.

Après Covid : Un “retour à la normale” illusoire

Après Covid : Un  “retour à la normale” illusoire

Pour Maxime Sbaihi, directeur général du think tank GénérationLibre , un retour à la normale après Covid-19 est illusoire car il va laisser de nombreuses traces notamment socio-économiques .( Tribune dans l’Opinion)

L’année 2020 nous a plongés dans le bain froid d’une crise sanitaire, économique et politique. L’annus horribilis touche bientôt à sa fin calendaire avec une heureuse succession d’annonces de vaccins efficaces contre la Covid, ravivant l’espoir d’une sortie de crise. S’il ne faut pas faire l’économie de bonnes nouvelles par les temps qui courent, gardons-nous néanmoins de confondre désir et réalité. Un prompt « retour à la normale » est une illusion dangereuse.

Il n’y a pas si longtemps, l’humanité traversait les pandémies avec fatalisme. Les progrès de la science, et la puissance de la mondialisation libérale, nous ont permis de remplacer le hasard de la nature par le volontarisme d’un vaccin. Mais cette perspective de résolution est lointaine : les vaccins devront être soumis à d’autres tests, obtenir des autorisations de mise sur le marché, être fabriqués à très grande échelle, transportés puis stockés dans des conditions contraignantes, avant de devoir être distribués mondialement et par ordre de priorité. Cela va prendre du temps, sans compter qu’il faudra vraisemblablement vacciner chaque personne deux fois à un mois d’intervalle, se confronter aux réticences de la population, au risque de mutation du virus, et aux doutes persistants sur l’efficacité du vaccin à terme. « Un vaccin va compléter les autres outils que nous avons, pas les remplacer », a prévenu le directeur général de l’OMS.

Le vaccin est une lueur d’espoir bienvenue mais cette lueur est lointaine et la lumière au bout du long tunnel de restrictions n’aura pas le même éclat qu’à l’entrée. Le vaccin ne refermera pas une parenthèse pour revenir à la normale, car entre-temps les confinements à répétition ont provoqué de graves dégâts. En l’espace de neuf mois, certains secteurs d’activité ont été tellement fragilisés qu’ils ne retrouveront jamais leur allure d’avant crise. Les prévisions économiques les plus optimistes ne voient pas le PIB français retrouver son niveau de 2019 avant 2022 ou 2023. Le comportement d’épargne de ménages anxieux continuera de plomber l’activité, et le gel des investissements et embauches va peser lourd sur la croissance potentielle du pays.

« Les jeunes cassés dans leur élan à leur entrée sur le marché du travail, les petits commerçants forcés de mettre la clé sous la porte, les précaires devenus pauvres vont porter longtemps les stigmates de cette crise »

Réveil pénible. Les victimes du confinement, moins visibles mais plus nombreuses que les morts de la Covid, vont payer longtemps l’arrêt brutal d’une économie qui tarde à rebondir. Les jeunes cassés dans leur élan à leur entrée sur le marché du travail, les petits commerçants forcés de mettre la clé sous la porte, les précaires devenus pauvres et les 1,3 million de personnes qui ont sollicité le Secours Populaire au premier confinement vont tous porter longtemps les stigmates de cette crise. Un vaccin ne fera pas non plus disparaître la rougeur des comptes publics et du passif financier des entreprises.

Penser que la situation actuelle n’est que passagère, une simple déviation vouée à revenir sur le chemin du monde d’avant, c’est ignorer l’effet persistant de toutes ces séquelles. C’est aussi une attitude dangereuse car attentiste et décalée par rapport à une nouvelle réalité, un « new normal » dans lequel nous avons déjà basculé. Le vaccin résoudra, à terme, la crise sanitaire mais ne pourra guérir ses dégâts économiques. « L’avenir à chaque instant presse le présent d’être un souvenir », écrit Aragon. Scruter le futur avec la nostalgie du souvenir promet un réveil pénible dans une nouvelle réalité.

Maxime Sbaihi est directeur général du think tank GénérationLibre.

Un “retour à la normale” illusoire

Un  “retour à la normale” illusoire

Pour Maxime Sbaihi, directeur général du think tank GénérationLibre , un retour à la normale après Covid-19 est illusoire car il va laisser de nombreuses traces notamment socio-économiques .( Tribune dans l’Opinion)

 

L’année 2020 nous a plongés dans le bain froid d’une crise sanitaire, économique et politique. L’annus horribilis touche bientôt à sa fin calendaire avec une heureuse succession d’annonces de vaccins efficaces contre la Covid, ravivant l’espoir d’une sortie de crise. S’il ne faut pas faire l’économie de bonnes nouvelles par les temps qui courent, gardons-nous néanmoins de confondre désir et réalité. Un prompt « retour à la normale » est une illusion dangereuse.

Il n’y a pas si longtemps, l’humanité traversait les pandémies avec fatalisme. Les progrès de la science, et la puissance de la mondialisation libérale, nous ont permis de remplacer le hasard de la nature par le volontarisme d’un vaccin. Mais cette perspective de résolution est lointaine : les vaccins devront être soumis à d’autres tests, obtenir des autorisations de mise sur le marché, être fabriqués à très grande échelle, transportés puis stockés dans des conditions contraignantes, avant de devoir être distribués mondialement et par ordre de priorité. Cela va prendre du temps, sans compter qu’il faudra vraisemblablement vacciner chaque personne deux fois à un mois d’intervalle, se confronter aux réticences de la population, au risque de mutation du virus, et aux doutes persistants sur l’efficacité du vaccin à terme. « Un vaccin va compléter les autres outils que nous avons, pas les remplacer », a prévenu le directeur général de l’OMS.

Le vaccin est une lueur d’espoir bienvenue mais cette lueur est lointaine et la lumière au bout du long tunnel de restrictions n’aura pas le même éclat qu’à l’entrée. Le vaccin ne refermera pas une parenthèse pour revenir à la normale, car entre-temps les confinements à répétition ont provoqué de graves dégâts. En l’espace de neuf mois, certains secteurs d’activité ont été tellement fragilisés qu’ils ne retrouveront jamais leur allure d’avant crise. Les prévisions économiques les plus optimistes ne voient pas le PIB français retrouver son niveau de 2019 avant 2022 ou 2023. Le comportement d’épargne de ménages anxieux continuera de plomber l’activité, et le gel des investissements et embauches va peser lourd sur la croissance potentielle du pays.

« Les jeunes cassés dans leur élan à leur entrée sur le marché du travail, les petits commerçants forcés de mettre la clé sous la porte, les précaires devenus pauvres vont porter longtemps les stigmates de cette crise »

Réveil pénible. Les victimes du confinement, moins visibles mais plus nombreuses que les morts de la Covid, vont payer longtemps l’arrêt brutal d’une économie qui tarde à rebondir. Les jeunes cassés dans leur élan à leur entrée sur le marché du travail, les petits commerçants forcés de mettre la clé sous la porte, les précaires devenus pauvres et les 1,3 million de personnes qui ont sollicité le Secours Populaire au premier confinement vont tous porter longtemps les stigmates de cette crise. Un vaccin ne fera pas non plus disparaître la rougeur des comptes publics et du passif financier des entreprises.

Penser que la situation actuelle n’est que passagère, une simple déviation vouée à revenir sur le chemin du monde d’avant, c’est ignorer l’effet persistant de toutes ces séquelles. C’est aussi une attitude dangereuse car attentiste et décalée par rapport à une nouvelle réalité, un « new normal » dans lequel nous avons déjà basculé. Le vaccin résoudra, à terme, la crise sanitaire mais ne pourra guérir ses dégâts économiques. « L’avenir à chaque instant presse le présent d’être un souvenir », écrit Aragon. Scruter le futur avec la nostalgie du souvenir promet un réveil pénible dans une nouvelle réalité.

Maxime Sbaihi est directeur général du think tank GénérationLibre.

La loi climat européenne : une neutralité carbone illusoire en 2050

La loi climat européenne : une neutralité carbone illusoire  en 2050

Pour respecter l’Accord de Paris, l’objectif européen en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre devrait être de 65, voire de 70% au lieu d’environ 50 % prévus en 2030 explique Marie Toussaint, députée européenne EELV. Elle considère que la loi européenne n’est pas à la hauteur de l’enjeu

« Nous perdons un temps précieux. Il y a près d’un an, pourtant, la Commission européenne était élue avec ce grand cri : « Vive le Green deal ! ». Quel gâchis. Le pacte vert promis ressemble en réalité davantage à une indigeste mixture libérale, où la révolution consiste en une longue liste de législations environnementales à réviser ou à créer, sans même avoir ajusté en conséquence les objectifs qui nous permettraient d’être à la hauteur de la catastrophe annoncée.

Nous voilà à la veille du premier crash-test : la « loi climat européenne », qui vise la neutralité carbone de l’Union en 2050 et fixe les objectifs intermédiaires pour y parvenir. Votée ce mercredi en séance plénière du Parlement européen, elle devra dire si nous mettons vraiment en œuvre les mesures nécessaires à la préservation des droits humains et du climat. Cette loi est déjà dénoncée par Greta Thunberg comme une « capitulation ». Et il y a de quoi.

Pour respecter l’Accord de Paris, pour éviter les sécheresses comme celle du Doubs, où la rivière a disparu par endroits au courant du mois d’août, pour freiner l’écroulement des glaciers comme celui de Nioghalvfjerdsfjorden au nord-est du Groenland il y a trois semaines, ou juguler les records de chaleur enregistrés cet été dans 50 villes de France, l’objectif européen en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre devrait être de 65, voire de 70%. Disons le franchement : la proposition de la Commission est totalement à côté de la plaque avec sa timide promesse de viser une baisse de 55% de CO2. Un objectif qui, à la faveur de jeux de chiffres et d’experts risque fort d’être ramené à 52,8% à l’horizon 2030.

Nous perdons un temps précieux, parce que les scientifiques sont formels : si nous voulons tenir nos engagements internationaux, il nous reste dix ans pour agir. Chaque hésitation, chaque tremblement sont autant de redditions devant le chemin qu’il nous reste à parcourir pour préserver une planète vivable.

Alors certes, le Parlement européen devrait la semaine prochaine adopter une proposition ambitieuse, avec la création d’un Haut Conseil pour le climat européen, une amélioration de l’accès à la justice pour faciliter le contrôle citoyen comme tente de le faire la campagne de justice climatique l’Affaire du siècle. Bien sûr les parlementaires défendront la fin des subventions directes et indirectes aux énergies fossiles d’ici 2025. Evidemment ils rappelleront le lien étroit entre réchauffement climatique et conditions sociales.

Mais le risque est là, et il est grand, que l’Union européenne passe une nouvelle fois à côté de l’Histoire, en se dotant d’objectifs dérisoires. Et le Parlement européen, autrefois si pionnier, cède peu à peu du terrain aux productivistes et aux tenants du mirage de la croissance verte, en refusant le rapport de force avec la Commission européenne.

Pire, les parlementaires et notamment les élus LREM ont tendance à se contredire eux-mêmes, en demandant la fin des subventions directes et indirectes aux énergies fossiles d’ici 2025 tout en défendant la place du gaz dans le mix énergétique et les nouvelles infrastructures de l’Union (qui nous enfermeront dans le gaz pour les 30 à 40 prochaines années), ou en abandonnant la bataille budgétaire là où il manque au moins 470 milliards d’euros par an pour financer la transition.

Le refus d’ouvrir les yeux face aux émissions importées de l’Union européenne et de la France est une autre faute grave de la majorité de notre pays, si prompt à défendre les intérêts du climat dans les mots… et les intérêts économiques ou financiers des grandes firmes dans les actes. Ne parlons même pas des outils de contrôle de l’atteinte des objectifs climatiques de l’Union par ses Etats-membres, à peine renforcés, et certainement pas contraignants ou adossés à des sanctions.

Une nouvelle fois, les néolibéraux, les productivistes et les conservateurs semblent avoir noué une alliance indéfectible. Elle repose sur l’idée que, puisque les grandes puissances du monde sont dirigées par des climato-sceptiques, nous ne pourrions agir. Un nouveau mensonge, puisqu’y compris en termes de rationalité économique, toute innovation de notre modèle énergétique, de production et de consommation, constitue une belle promesse d’avenir, et ouvre des perspectives de millions d’emplois.

Un confortable mensonge, surtout, car l’application de ces changements sur la politique française risqueraient d’être bien lourde pour ceux qui pensent avoir intérêt au statu quo : une loi climat ambitieuse obligerait la France à un véritable moratoire sur l’artificialisation des sols et les coupes rases dans les forêts françaises, ou encore sur le déploiement de la 5G. Elle obligerait en somme le pays à tenir compte des mesures plébiscitées par la Convention citoyenne pour le climat, et le Président de la République à tenir ses promesses.

Nous perdons un temps précieux, que le gouvernement français préfère utiliser à faire passer les écologistes pour des fantaisistes rétrogrades, quand il ne porte pas des coups mortels aux quelques règles environnementales qui existent. Le tout en jurant la main sur le cœur que la planète est sa priorité. A d’autres. Nous ne transigerons pas sur notre avenir commun. »

 

Fret ferroviaire: la reconquête illusoire ?

Fret ferroviaire: la reconquête illusoire ?

 

Laurent Chalard est géographe ,travaille au European Centre for International Affairs est  très dubitatif sur cet nouvelle promesse de reconquête ferroviaire annoncée par le Premier ministre (interview Le Figaro)


Qu’est-ce que la «reconquête ferroviaire» promise par Jean Castex?

Par définition, lorsque l’on parle de «reconquête» dans un domaine, cela signifie que ce dernier a subi un déclin important au cours des dernières années. Or, concernant le secteur ferroviaire en France, si le trafic de voyageurs a doublé depuis la fin des Trente Glorieuses grâce au TGV, par contre, pour le trafic de marchandises, c’est l’inverse qui s’est passé puisqu’il a été divisé par deux depuis 1974, où il avait atteint son maximum avec 74 milliards de tonnes-kilomètres transportées. Il s’ensuit que la part du ferroviaire dans le trafic des marchandises s’est effondrée dans les dernières décennies, le trafic global ayant lui progressé fortement, principalement du fait de l’explosion du transit international consécutif de l’ouverture européenne. En effet, en 2017, selon les données du SDES, sur un trafic intérieur terrestre de 359 milliards de tonnes-kilomètre, le ferroviaire n’en transporte plus que 33,4 milliards, soit moins de 10 %, alors que cette part était encore de 19 % en 1990 et qu’à son apogée dans les années 1920, avant la généralisation du camion, jusqu’à 75 % des marchandises furent transportées par voie ferrée. En conséquence, la «reconquête ferroviaire» promise par Jean Castex a pour objectif d’inverser une tendance structurelle au déclin, en tentant de doubler sa part modale d’ici 2030, d’où un certain nombre d’annonces pour atteindre cet objectif comme l’exonération des droits de péages (mais temporaire), des aides financières pour les lignes existantes ou la création de nouvelles autoroutes ferroviaires.

Cela fait plusieurs années que l’on parle de relance du fret ferroviaire… sans aucun résultat. Pour quelles raisons?

Effectivement, ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement propose de relancer le fret ferroviaire, faisant presque figure de «serpent de mer» de la politique des Transports hexagonale. En effet, en 2000, le gouvernement de Lionel Jospin promettait déjà de doubler en 10 ans le trafic de marchandises par voie ferrée, qui devait atteindre les 100 milliards de tonnes-kilomètres en 2010, avec un échec retentissant à la clé, puisqu’à la même date, le trafic effectif a été de 33,8 milliards de tonnes-kilomètres… Puis, lors du Grenelle de l’Environnement de 2009, sous le gouvernement de François Fillon, rebelotte, l’objectif fixé étant de faire passer la part du fret ferroviaire à 25 % en 2022, sans résultat, de nouveau, à la clé, puisqu’en 2017, cette part demeure sous les 10 %. Les propositions de Jean Castex font donc figure de «déjà-vu». On peut d’ailleurs se demander s’il existe réellement une volonté de relancer le fret ferroviaire en France, où si nous avons juste des effets d’annonce périodiques pour donner un «os à ronger», pour reprendre une expression chère à notre nouveau Premier ministre, aux écologistes lorsqu’ils ont le vent en poupe!

Le transport routier de marchandises sera plus rentable que le transport ferroviaire tant qu’il n’existera pas une taxe sur le premier.

Quoi qu’il en soit, de nombreuses raisons expliquent cette situation d’échec de la relance du fret ferroviaire, mais la principale, dans un système économique européen libéral, est la question du coût. En effet, les entreprises réfléchissent avant tout en termes financiers. Or, à l’heure actuelle, le transport routier de marchandises apparaît plus rentable que le transport ferroviaire en France et cela devrait le rester tant qu’il n’existera pas une taxe sur le premier, solution qui rencontre de très fortes oppositions, comme en a témoigné le mouvement des Bonnets rouges en 2013 suite au projet gouvernemental d’écotaxe. Parallèlement, l’infrastructure n’est pas assez développée ni pleinement adaptée pour pouvoir concurrencer efficacement la route. En effet, le territoire français est couvert d’autoroutes et de voies express qui permettent aux camions de se rendre rapidement en tout point du pays, alors que le trafic de marchandises par voie ferrée ne peut s’effectuer que sur un nombre réduit d’axes lui étant entièrement dédiés, partageant la plupart des autres lignes avec les trains de voyageurs, en règle générale prioritaires. En outre, il ne faut pas sous-estimer la problématique de la qualité du service, non conforme aux attentes des entrepreneurs, que ce soit en termes de matériel ou de ponctualité, sans parler de l’impact des grèves, jugées trop systématiques en France. Nous avons donc essentiellement affaire à un problème de compétitivité du rail par rapport à la route.

Jean Castex a aussi annoncé la création d’autoroutes ferroviaires (Bayonne-Cherbourg, Sète-Calais, et la réouverture de la ligne Perpignan-Rungis). Celles-ci peuvent-elles redynamiser les échanges entre certaines zones territoriales?

Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement annonce la création d’autoroutes ferroviaires, plusieurs étant déjà existantes, comme l’autoroute ferroviaire alpine. Ces autoroutes ayant vocation essentiellement à mettre des camions en transit international sur des trains, leur impact en termes de redynamisation des échanges ne peut s’avérer que très limité, puisqu’il s’agit principalement d’un report modal. Les seuls territoires qui peuvent éventuellement en bénéficier sur le plan économique sont ceux abritant les nouveaux terminaux, conduisant au renforcement de leur fonction portuaire lorsqu’ils sont maritimes (Cherbourg, Sète) et/ou voyant se développer des zones d’activités logistiques, en gardant en tête que le renforcement de l’activité à un endroit peut s’effectuer au détriment d’un autre. En effet, certaines villes moyennes situées sur des carrefours autoroutiers ou de grands axes de communication internationaux, comme la vallée du Rhône, ont grandement bénéficié du développement du transport routier de marchandises. En conséquence, le renforcement du fret ferroviaire ne peut être présenté comme un enjeu économique majeur, sauf en période de crise, les autoroutes ferroviaires ayant été très utiles pendant le confinement. C’est avant tout un enjeu environnemental.

Si Jean Castex souhaite réellement résorber les déséquilibres territoriaux, il va falloir passer des logiques sectorielles à une logique interministérielle.

Y a-t-il un enjeu géographique? Dans son livre Le carnet du train jaune Jean Castex évoquait notamment comment la politique ferroviaire a façonné le destin et la géographie de son département, les Pyrénées-Orientales…

Le Premier ministre Jean Castex a parfaitement raison lorsqu’il évoque le fait que les infrastructures de transports façonnent la géographie des territoires, que ce soit le réseau ferroviaire au XIXe siècle, ou le réseau autoroutier dans la seconde moitié du XXe siècle. Cependant, concernant le fret ferroviaire, on ne peut réellement parler d’un enjeu géographique puisqu’il ne s’agit nullement de construire de nouvelles infrastructures de transports, mais d’améliorer un existant moribond. Si Jean Castex souhaite réellement résorber les déséquilibres territoriaux hexagonaux, il va falloir se montrer plus ambitieux, en passant des logiques sectorielles, dominantes à l’heure actuelle dans le fonctionnement de l’État central (les ministères sont organisés par thème), à une logique territoriale, c’est-à-dire interministérielle. C’est un changement global de mentalité à effectuer au sein des élites, reposant sur une meilleure connaissance de la diversité de la géographie hexagonale et de ses grandes dynamiques territoriales, qui évoluent au fur-et-à-mesure du temps. En effet, étant donné les modifications de plus en plus rapides de l’économie mondiale, une région à la pointe du développement il y a vingt ans peut très bien se retrouver en déclin aujourd’hui. Pour que cette politique puisse prendre corps, il conviendrait, entre autres, que Jean Castex s’affranchisse des découpages contestables de l’Insee, qui forgent les représentations des élites, donnant une vision biaisée du territoire français, censé être quasi-totalement urbanisé, ce qui est loin d’être le cas. La ruralité, si elle n’est plus majoritaire, demeure très prégnante dans notre pays.

Reconquête fret ferroviaire: une nouvelle promesse illusoire ?

Reconquête fret ferroviaire: une nouvelle promesse illusoire ?

 

Laurent Chalard est géographe ,travaille au European Centre for International Affairs est  très dubitatif sur cet nouvelle promesse de reconquête ferroviaire annoncée par le Premier ministre (interview Le Figaro)


Qu’est-ce que la «reconquête ferroviaire» promise par Jean Castex?

Par définition, lorsque l’on parle de «reconquête» dans un domaine, cela signifie que ce dernier a subi un déclin important au cours des dernières années. Or, concernant le secteur ferroviaire en France, si le trafic de voyageurs a doublé depuis la fin des Trente Glorieuses grâce au TGV, par contre, pour le trafic de marchandises, c’est l’inverse qui s’est passé puisqu’il a été divisé par deux depuis 1974, où il avait atteint son maximum avec 74 milliards de tonnes-kilomètres transportées. Il s’ensuit que la part du ferroviaire dans le trafic des marchandises s’est effondrée dans les dernières décennies, le trafic global ayant lui progressé fortement, principalement du fait de l’explosion du transit international consécutif de l’ouverture européenne. En effet, en 2017, selon les données du SDES, sur un trafic intérieur terrestre de 359 milliards de tonnes-kilomètre, le ferroviaire n’en transporte plus que 33,4 milliards, soit moins de 10 %, alors que cette part était encore de 19 % en 1990 et qu’à son apogée dans les années 1920, avant la généralisation du camion, jusqu’à 75 % des marchandises furent transportées par voie ferrée. En conséquence, la «reconquête ferroviaire» promise par Jean Castex a pour objectif d’inverser une tendance structurelle au déclin, en tentant de doubler sa part modale d’ici 2030, d’où un certain nombre d’annonces pour atteindre cet objectif comme l’exonération des droits de péages (mais temporaire), des aides financières pour les lignes existantes ou la création de nouvelles autoroutes ferroviaires.

Cela fait plusieurs années que l’on parle de relance du fret ferroviaire… sans aucun résultat. Pour quelles raisons?

Effectivement, ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement propose de relancer le fret ferroviaire, faisant presque figure de «serpent de mer» de la politique des Transports hexagonale. En effet, en 2000, le gouvernement de Lionel Jospin promettait déjà de doubler en 10 ans le trafic de marchandises par voie ferrée, qui devait atteindre les 100 milliards de tonnes-kilomètres en 2010, avec un échec retentissant à la clé, puisqu’à la même date, le trafic effectif a été de 33,8 milliards de tonnes-kilomètres… Puis, lors du Grenelle de l’Environnement de 2009, sous le gouvernement de François Fillon, rebelotte, l’objectif fixé étant de faire passer la part du fret ferroviaire à 25 % en 2022, sans résultat, de nouveau, à la clé, puisqu’en 2017, cette part demeure sous les 10 %. Les propositions de Jean Castex font donc figure de «déjà-vu». On peut d’ailleurs se demander s’il existe réellement une volonté de relancer le fret ferroviaire en France, où si nous avons juste des effets d’annonce périodiques pour donner un «os à ronger», pour reprendre une expression chère à notre nouveau Premier ministre, aux écologistes lorsqu’ils ont le vent en poupe!

Le transport routier de marchandises sera plus rentable que le transport ferroviaire tant qu’il n’existera pas une taxe sur le premier.

Quoi qu’il en soit, de nombreuses raisons expliquent cette situation d’échec de la relance du fret ferroviaire, mais la principale, dans un système économique européen libéral, est la question du coût. En effet, les entreprises réfléchissent avant tout en termes financiers. Or, à l’heure actuelle, le transport routier de marchandises apparaît plus rentable que le transport ferroviaire en France et cela devrait le rester tant qu’il n’existera pas une taxe sur le premier, solution qui rencontre de très fortes oppositions, comme en a témoigné le mouvement des Bonnets rouges en 2013 suite au projet gouvernemental d’écotaxe. Parallèlement, l’infrastructure n’est pas assez développée ni pleinement adaptée pour pouvoir concurrencer efficacement la route. En effet, le territoire français est couvert d’autoroutes et de voies express qui permettent aux camions de se rendre rapidement en tout point du pays, alors que le trafic de marchandises par voie ferrée ne peut s’effectuer que sur un nombre réduit d’axes lui étant entièrement dédiés, partageant la plupart des autres lignes avec les trains de voyageurs, en règle générale prioritaires. En outre, il ne faut pas sous-estimer la problématique de la qualité du service, non conforme aux attentes des entrepreneurs, que ce soit en termes de matériel ou de ponctualité, sans parler de l’impact des grèves, jugées trop systématiques en France. Nous avons donc essentiellement affaire à un problème de compétitivité du rail par rapport à la route.

Jean Castex a aussi annoncé la création d’autoroutes ferroviaires (Bayonne-Cherbourg, Sète-Calais, et la réouverture de la ligne Perpignan-Rungis). Celles-ci peuvent-elles redynamiser les échanges entre certaines zones territoriales?

Ce n’est pas la première fois qu’un gouvernement annonce la création d’autoroutes ferroviaires, plusieurs étant déjà existantes, comme l’autoroute ferroviaire alpine. Ces autoroutes ayant vocation essentiellement à mettre des camions en transit international sur des trains, leur impact en termes de redynamisation des échanges ne peut s’avérer que très limité, puisqu’il s’agit principalement d’un report modal. Les seuls territoires qui peuvent éventuellement en bénéficier sur le plan économique sont ceux abritant les nouveaux terminaux, conduisant au renforcement de leur fonction portuaire lorsqu’ils sont maritimes (Cherbourg, Sète) et/ou voyant se développer des zones d’activités logistiques, en gardant en tête que le renforcement de l’activité à un endroit peut s’effectuer au détriment d’un autre. En effet, certaines villes moyennes situées sur des carrefours autoroutiers ou de grands axes de communication internationaux, comme la vallée du Rhône, ont grandement bénéficié du développement du transport routier de marchandises. En conséquence, le renforcement du fret ferroviaire ne peut être présenté comme un enjeu économique majeur, sauf en période de crise, les autoroutes ferroviaires ayant été très utiles pendant le confinement. C’est avant tout un enjeu environnemental.

Si Jean Castex souhaite réellement résorber les déséquilibres territoriaux, il va falloir passer des logiques sectorielles à une logique interministérielle.

Y a-t-il un enjeu géographique? Dans son livre Le carnet du train jaune Jean Castex évoquait notamment comment la politique ferroviaire a façonné le destin et la géographie de son département, les Pyrénées-Orientales…

Le Premier ministre Jean Castex a parfaitement raison lorsqu’il évoque le fait que les infrastructures de transports façonnent la géographie des territoires, que ce soit le réseau ferroviaire au XIXe siècle, ou le réseau autoroutier dans la seconde moitié du XXe siècle. Cependant, concernant le fret ferroviaire, on ne peut réellement parler d’un enjeu géographique puisqu’il ne s’agit nullement de construire de nouvelles infrastructures de transports, mais d’améliorer un existant moribond. Si Jean Castex souhaite réellement résorber les déséquilibres territoriaux hexagonaux, il va falloir se montrer plus ambitieux, en passant des logiques sectorielles, dominantes à l’heure actuelle dans le fonctionnement de l’État central (les ministères sont organisés par thème), à une logique territoriale, c’est-à-dire interministérielle. C’est un changement global de mentalité à effectuer au sein des élites, reposant sur une meilleure connaissance de la diversité de la géographie hexagonale et de ses grandes dynamiques territoriales, qui évoluent au fur-et-à-mesure du temps. En effet, étant donné les modifications de plus en plus rapides de l’économie mondiale, une région à la pointe du développement il y a vingt ans peut très bien se retrouver en déclin aujourd’hui. Pour que cette politique puisse prendre corps, il conviendrait, entre autres, que Jean Castex s’affranchisse des découpages contestables de l’Insee, qui forgent les représentations des élites, donnant une vision biaisée du territoire français, censé être quasi-totalement urbanisé, ce qui est loin d’être le cas. La ruralité, si elle n’est plus majoritaire, demeure très prégnante dans notre pays.

Shell, comme BP une illusoire neutralité carbone en 2050

Shell, comme BP une illusoire neutralité carbone en 2050

 

Comme BP, Shell annonce curieusement une illusoire neutralité carbone en 2050 sans d’ailleurs trop préciser les moyens parvenir. Sans doute va-t-on envisager de planter des arbres pour compenser les émissions polluantes du pétrole aussi investir dans des énergies alternatives symboliques mais inutiles. Ces groupes pétroliers comme d’autres secteurs qui veulent compenser leurs émissions polluantes par des implantations d’arbres sont des imposteurs car ils ne réduisent pas l’ampleur des émissions notamment de carbone mais les transfèrent. L’objectif est évidemment de passer un coup de peinture verte sur la communication de groupe dans la nature de production est de plus en plus mise en cause. Le groupe veut en outre réduire de 65% l’intensité carbone (la quantité de gaz à effet de serre émise par unité d’énergie produite), d’ici 2050 des produits vendus à ses clients, contre un objectif précédent de 50%. Il s’engage pour l’instant à vendre davantage de produits à faible intensité carbone notamment dans le renouvelable, les biocarburants ou l’hydrogène.

La promesse de Shell sur le climat n’a pas convaincu les ONG, qui fustigent le flou entourant les mesures permettant de tenir les promesses, des critiques déjà adressées à BP.

« Un plan crédible de Shell commencerait par un engagement visant à arrêter les nouveaux forages de pétrole et de gaz », souligne Richard George, un responsable de Greenpeace pour le Royaume-Uni. Il regrette « les aspirations vagues » qui « ne s’attaquent pas à l’empreinte carbone monstrueuse de Shell et font reposer l’effort sur ses clients pour compenser les émissions ».

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