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Fin des automobiles thermiques en 2035: une illusion

>Fin des automobiles thermiques en 2035: une illusion

La fin des voitures thermiques en 2035 pourrait bien relever d’une illusion. D’abord il sera impossible de remplacer le parc avant 2070 au moins. Ensuite parce que le ressenti du prix de l’électrique par l’acheteur potentiel n’est pas acceptable. Ensuite parce que la solution technique ne constitue pas le remède final à la question écologique. Sans parler des considérations économiques qui pourraient tuer l’industrie européenne. L’Europe s’apprête d’ailleurs à revoir les directives et le calendrier relatif à la mutation de la motorisation automobile. dans the conversation

par Alexis Poulhès
Enseignant à l’École des Ponts, ingénieur de recherche au Laboratoire Ville Mobilité Transport, École des Ponts ParisTech (ENPC)

Cyrille François
Ingénieur en génie de l’environnement et docteur en urbanisme, Université Gustave Eiffel

Le 8 juin 2022, le Parlement européen a voté l’interdiction des ventes de voitures neuves thermiques en 2035 sur son territoire. Cette mesure intervient dans le cadre des objectifs européens de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) avec pour échéances -55 % en 2030 et la neutralité carbone en 2050.

Avec cette décision, les politiques européennes portent le véhicule électrique (VE) comme la solution pour diminuer les émissions de GES dans le secteur du transport. Aujourd’hui la vente de VE augmente de manière quasi exponentielle représentant presque 10 % des ventes de voitures particulières en Europe. Cette échéance de 2035 semble donc en phase avec l’évolution actuelle du marché automobile et l’urgence climatique.

Ce développement à marche forcée laisse cependant une impression d’inéluctabilité et de solution finalement trop évidente par rapport à des problèmes planétaires si complexes. Il est nécessaire de prendre conscience des conséquences environnementales, mais aussi des enjeux économiques et sociaux.

D’un point de vue environnemental, de nombreuses études se sont penchées sur la comparaison entre les émissions de GES de la voiture thermique et celles de son équivalent électrique. Les émissions en phase d’usage de la voiture électrique dépendent directement du niveau d’émission du mix électrique utilisé pour recharger les véhicules.

Dans le cas de la France, la production d’électricité est peu carbonée car fortement nucléarisée, ce qui n’est pas le cas de tous les pays européens. La construction du VE et surtout de sa batterie étant très émettrice de GES, les bénéfices environnementaux n’apparaissent que si la voiture roule suffisamment. Ce qui n’aide pas la diffusion des messages de sobriété, pourtant levier majeur de l’atténuation climatique.

En 2021, 40 % des voitures immatriculées en Europe ne sont déjà plus des véhicules à essence.

En ne sélectionnant que les émissions libérées sur le territoire, les méthodes de comptabilité carbone ne sont pas adaptées aux solutions qui induisent des pollutions hors du territoire national. Avec ces choix comptables, le VE apparaît alors comme très efficace pour réduire le bilan carbone national… Le désir de l’adopter en France est donc compréhensible, mais sa vertu ne s’applique pas à l’échelle planétaire.

Outre les problèmes climatiques, l’interdiction à la vente des véhicules thermiques en 2035 doit répondre à l’enjeu de qualité de l’air présent dans la plupart des grandes villes du monde avec des impacts locaux économiques et de santé publique.

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Le secteur du transport étant une source importante de cette pollution, le VE représente une alternative pour réduire ces émissions – une baisse qui reste toutefois mesurée car les particules liées à l’abrasion des pneus, freins et route demeurent fortes.

En imposant des Zones à faibles émissions, de nombreuses villes européennes contraignent les propriétaires de véhicules polluants à acheter une voiture plus récente émettant moins de polluants locaux, potentiellement un véhicule électrique.

La révolution électrique du parc automobile d’ici à 2035 va bousculer tout le système économique autour de la route. Avec la réduction de consommation de carburants fossiles, les recettes liées à la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) vont décroître.

Or, cette taxe qui a rapporté 33,3 milliards d’euros en 2019 est centrale dans le budget de l’État et des collectivités locales. Le remplacement de la TICPE par une taxe sur l’électricité pourrait combler une partie des pertes fiscales mais affecterait l’ensemble des ménages, y compris ceux se déplaçant moins en voiture.

Le système de subventions mis en place (bonus et prime à la reconversion), qui a fortement contribué au niveau d’électrification actuel, coûtera de plus en plus cher. En 2020, il représentait 700 millions d’euros pour 20 % de part de marché, véhicules hybrides inclus. En comparaison, le plan « vélo et mobilités actives » de 2018 prévoit 350 millions d’euros sur sept ans pour les aménagements cyclables.

Les avantages fiscaux et aides à l’achat d’un véhicule électrique profitent aujourd’hui davantage aux zones urbaines, qui adoptent plus rapidement cette technologie, du fait de conditions favorables. Les espaces ruraux et périurbains représentent pourtant un défi majeur dans cette course à l’électrification, leurs habitants n’ayant d’autres choix que d’utiliser la voiture.

L’État sera donc fortement mis à contribution pour accompagner les entreprises et les particuliers dans cette transformation, reste à savoir quel choix politique sera fait pour redistribuer ce coût entre les contribuables. Malgré l’installation de nouveaux générateurs électriques, la progression de la demande va largement faire gonfler la facture électrique des Français, surtout si le secteur résidentiel prend aussi la voie de l’électrique pour le chauffage.

À l’échelle mondiale, à l’instar de l’or noir, l’or blanc, le lithium et une grande part des métaux sont devenus des ressources stratégiques pour supporter une mobilité électrique. Or la forte demande et le déséquilibre géographique des gisements et de l’exploitation créent des tensions qui fragiliseront l’approvisionnement et les prix des matières premières.

L’électrification de l’Europe sera donc tributaire des importations de ces matières premières, laissant planer des doutes sur la capacité à pourvoir l’ensemble du marché européen et mondial en VE et cela à un prix raisonnable.

L’électrification du parc automobile est une fuite en avant, fondée sur une innovation qui ne remet pas en cause le fonctionnement de notre société. Si le VE s’inscrit dans la stratégie de neutralité carbone pour 2050, il ne suffira pas et continuera d’entretenir un système instable dépendant d’une forte artificialisation des sols et des consommations de ressources et d’énergies abondantes.

L’urgence climatique, avec des objectifs ambitieux en 2030 et 2050, rend solvables des solutions de court terme, telles que le VE, qui ne seront plus viables en 2100, notamment par manque de ressources naturelles au-delà de 2050. En survendant ses bienfaits écologiques, le véhicule électrique étouffe de potentielles actions pour changer notre système fondé sur la voiture. Promouvoir la sobriété demeure la solution la plus sûre et la plus naturelle avec de multiples bénéfices environnementaux et sociaux.

Le système de mobilité, l’aménagement du territoire et les modes de vie sont néanmoins pris dans une inertie vieille de plusieurs décennies, centrés sur la vitesse et la consommation. Malgré l’urgence de mettre fin à ce modèle écocide, les réflexions sur l’avenir des territoires de la voiture, entre les centres urbains et le rural, restent atones.

La fin de la voiture thermique en 2035 ne devrait pas être synonyme de remplacement systématique par une voiture électrique mais comme une remise en cause profonde de sa place dans nos imaginaires et notre quotidien.

Inflation: Le retour rapide de la BCE à 2 % est une illusion

Inflation: Le retour rapide de la BCE à 2 % est une illusion

La Banque centrale européenne (BCE) continuera à relever ses taux d’intérêt pour freiner la dynamique « sous-jacente des prix, qui reste trop élevée », a déclaré ce mercredi sa présidente Christine Lagarde, lors d’une audition au Parlement européen. Comme la plupart des banques centrales dans le monde, la BCE maintient donc sa cible d’inflation à 2 %, un objectif inchangé depuis la fin des années 1990. Certains économistes commencent pourtant à douter de la crédibilité de cette cible. Faut-il la relever à 3 %, voire 4 % ? C’est le débat de la semaine de La Tribune entre Christopher Dembik, directeur de la recherche macroéconomique de Saxo Bank, et Gilles Moëc, chef économiste de chez Axa.

Le sujet est tabou chez les banquiers centraux mais il commence à agiter le cénacle des économistes. Le débat a été (re)lancé par Olivier Blanchard, ex-chef économiste du FMI, en novembre dernier. Dans une tribune publiée dans le Financial Times, cet économiste respecté et écouté plaide pour que la cible d’inflation (« inflation targeting ») des grandes banques centrales – actuellement de 2 % – soit revue à la hausse, à au moins à 3%. La question mérite en effet d’être posée alors que l’inflation est désormais bien supérieure à 5 % dans les pays développés.

Cette cible d’inflation à 2 % est devenue au fil des années l’alpha et l’oméga des politiques monétaires, surtout à la Banque centrale européenne (BCE) dont le premier mandat est la stabilité des prix en zone euro. Elle permet en principe aux banques centrales de gérer les anticipations d’inflation des agents économiques dans une communication bien cadrée, avec une marge de manœuvre suffisante pour ajuster la politique monétaire.

Pourtant, cet objectif d’inflation ne repose sur aucune base scientifique. La petite histoire raconte que c’est un ministre de l’économie néo-zélandais qui avait estimé, dans les années 1980, que le niveau d’inflation idéal serait de 2 %, avant de demander à la banque centrale de son pays de trouver des arguments pour appuyer ses dires ! Toujours est-il que toutes les banques centrales ont depuis progressivement convergé vers cette cible de 2%, même, plus tardivement, la Réserve fédérale aux Etats-Unis, pourtant pas très adepte de ce genre de dogme.

Cet objectif est resté à 2 %, y compris pendant la longue période de désinflation qui a accompagné la mondialisation des échanges. Mais la pandémie, la guerre en Ukraine, les tensions sino-américaines et la flambée des prix de l’énergie marquent le grand retour de l’inflation. Et cette inflation, longtemps considérée comme « provisoire » par les grands argentiers, semble bien installée dans nos économies, et pour longtemps. Ne serait-ce qu’en raison du coût de la transition énergétique qui fera de facto flamber les prix. Le consensus des économistes est sans appel : les économies seront confrontées à une période d’inflation structurellement plus élevée que ces trente dernières années.
Alors, les banques centrales doivent-elles relever les objectifs d’inflation ?

Il est désormais clair que l’inflation va se maintenir pendant au moins plusieurs années au-dessus de la cible de 2%. Ce qui pose logiquement un problème de crédibilité pour les banques centrales. Certes, les anticipations d’inflation à long terme sont ancrées autour des 2 % dans de nombreux pays. Mais cela ne veut pas dire pour autant que la cible d’inflation est réaliste. Le vrai sujet, me semble-t-il, concerne le changement profond de nos économies, et en particulier, la transition énergétique vers une économie décarbonée qui doit s’étaler sur des décennies. Ce temps long correspond d’ailleurs à l’horizon des banques centrales.

Il faudra bien ajuster l’objectif d’inflation au coût inflationniste de la politique énergétique, et d’une manière plus générale, au changement structurel du rythme d’inflation. Pour autant, le débat est sans doute prématuré aujourd’hui. Les banques centrales ne peuvent pas ouvrir deux fronts à la fois, l’un concret, sur la lutte contre l’inflation, et l’autre, plus académique sur le niveau idoine d’inflation dans les années à venir.

La priorité des banques centrales est bien de ramener les anticipations des agents économiques vers les 2 %. Cependant, nous devrions être capable d’amorcer ce débat à la fin de l’année, lorsque les effets de base pèseront sur le niveau d’inflation, sous réserve que les prix de l’énergie ne s’envolent pas à nouveau au second semestre, avec la hausse de la demande chinoise.
Ce débat doit être posé même si les banques centrales acceptent finalement que l’objectif d’inflation puisse être dépassé pendant un certain temps. C’est une question de crédibilité. Les agents économiques doivent faire confiance à la banque centrale pour ramener l’inflation au taux cible.

Il existe en effet des forces structurelles dans l’économie qui sont inflationnistes, comme le coût du verdissement de l’économie, les changements démographiques ou, peut-être, une déglobalisation. Dès lors, nous pouvons comprendre que maintenir un objectif d’inflation à 2 %, alors que la tendance ressort plutôt à 3 %, risque de plonger les banques centrales dans des politiques monétaires perpétuellement restrictives. Pourtant, relever l’objectif d’inflation serait à la fois extrêmement difficile à faire et même potentiellement dangereux à court terme. En pratique, ce n’est jamais le bon moment pour le faire !

Lorsque l’inflation était très faible, certains économistes plaidaient déjà pour relever l’objectif d’inflation pour tenter de relever les anticipations des agents économiques en signalant que les politiques monétaires n’allaient pas rester très accommodantes pour longtemps. Un raisonnement valide mais dans un contexte où les banques centrales avaient déjà du mal à arrimer l’inflation à un niveau proche de 2%. Monter à 3 % risquait alors d’accentuer le problème de crédibilité de la banque centrale.

C’est un peu la même chose aujourd’hui. Dans les faits, ramener l’inflation à 3% contre 6% actuellement en zone euro serait déjà une performance, mais relever l’objectif d’inflation à 3 % dans ce contexte c’est prendre le risque d’installer durablement une inflation à 4%. Regardez comment les marchés ont salué la décision de la Réserve fédérale de remonter ses taux de 25 points de base : ils montent parce qu’ils anticipent une baisse des taux directeurs au second semestre. Alors, imaginez si les banques centrales décident de relever leur objectif d’inflation à 3 % : cela renforcerait les anticipations de baisse des taux, ce qui serait totalement contre-productif dans la lutte contre l’inflation en assouplissant les conditions financières.

Enfin, du moins en Europe, ce débat serait une croisade perdue d’avance. La BCE et de nombreux gouverneurs de banques centrales sont en effet profondément attachés à cette cible de 2%. Car la lutte contre l’inflation est consubstantielle à la BCE.

Et puis, dernier mot, nous avons très bien vécu lorsque l’inflation était en-dessous de 2 %. Nous pouvons faire de même au-dessus sans modifier explicitement l’objectif. A partir du moment où la BCE n’affiche pas sa préférence, nous pouvons désormais considérer l’objectif de 2 % comme un plancher, et non plus comme un plafond, comme ces dernières années. Les agents économiques s’ajusteront toujours à ce que souhaitent les banques centrales.

Métavers : espérance ou illusion

Métavers : espérance ou illusion

Métavers, qui devait révolutionner Internet voit ses perspectives revues nettement en baisse au point même que chez Facebook on s’interroge sur un projet qui comme la grenouille voulait se faire plus gros que le bœuf. Une passion triste, tel est le sens de l’utopie développée par le projet métavers, estiment, dans une tribune au « Monde », la philosophe Valérie Julien Grésin et Alexandre Menais, vice-président d’Atos.

Dans son livre Le Jeu vidéo ou l’Aliénation heureuse (Post Editions, 2019), Douglas Hoare décrit avec minutie le processus de dépersonnalisation auquel s’exposent les joueurs : « Plus l’avatar est libre, plus le joueur est esclave. En jouant à un jeu vidéo, on échange une soumission réelle contre une liberté simulée. »

Plus ambitieux que le jeu vidéo (qui compte plus de 2,7 milliards de joueurs), plus constant, plus sérieux, un nouveau monde d’avatars se conquiert dans l’espace numérique, dont le nom, hérité du roman de science-fiction Le Samouraï virtuel [paru aux Etats-Unis en 1992, en France en 1996], de Neal Stephenson, le métavers, donne le « la ».

Le métavers, « au-delà de l’univers », porte l’ambition de faire converger les technologies du numérique existantes ou en cours de développement, pour créer un monde virtuel, persistant, interactif, interconnecté et immersif, soutenu par une volonté d’interopérabilité entre les plates-formes dans la portabilité des données.

Si le métavers n’est pas nouveau, ce qui l’est, en revanche, c’est la valorisation de tout ce que l’on peut y trouver, grâce à la blockchain et aux NFT [pour « non fungible token », « jetons non ­fongibles », des certificats numériques qui authentifient le caractère unique d’objets virtuels, comme des œuvres d’art]. En effet, le marché du métavers représente une fusion de trois technologies existantes, dont les capacités sont évolutives : les plates-formes rendues possibles par une capacité de calcul et une connectivité accrues ; puis la réalité augmentée – réalité virtuelle, réalité mixte ; et enfin les actifs numériques et Web3 activés par la blockchain.

Bien qu’il soit encore trop tôt pour dire exactement quelles technologies ou quelles plates-formes domineront, les grands acteurs des technologies ont pourtant déjà déterminé comment ils comptaient participer à l’écosystème du métavers – en achetant, comme Republic Realm, un terrain sur The Sandbox pour 4,3 millions de dollars (environ 4,07 milliards d’euros). Mais, plus encore, plusieurs grandes marques dans le commerce B to C (business to consumer, de l’entreprise au consommateur, comme les marques Gucci, H&M, etc.) ou B to B (business to business, commerce entre les entreprises) se sont lancées dans ce nouvel eldorado (Microsoft, avec le rachat pour 69 milliards d’Activision).

Nouvelles technologies- Métavers: la cruelle illusion ?

Nouvelles technologies- Métavers: la cruelle illusion ?

Il semble bien que l’immense projet metavers de Facebook va se transformer en véritable catastrophe économique. Facebook ( Meta) avait créé l’illusion d’une véritable révolution technologique grâce à la virtualité. Un an après, tous les projets déçoivent et il n’y a plus d’argent Meta a créé une illusion collective. Un an après, tout le monde a entendu parler de métavers mais peu savent bien le définir, surtout, très peu le fréquentent et pire, encore moins le désirent.

Un échec pourtant prévisible. Une passion triste, tel est le sens de l’utopie développée par le projet métavers, estiment, dans une tribune au « Monde », la philosophe Valérie Julien Grésin et Alexandre Menais, vice-président d’Atos.

Dans son livre Le Jeu vidéo ou l’Aliénation heureuse (Post Editions, 2019), Douglas Hoare décrit avec minutie le processus de dépersonnalisation auquel s’exposent les joueurs : « Plus l’avatar est libre, plus le joueur est esclave. En jouant à un jeu vidéo, on échange une soumission réelle contre une liberté simulée. »

Plus ambitieux que le jeu vidéo (qui compte plus de 2,7 milliards de joueurs), plus constant, plus sérieux, un nouveau monde d’avatars se conquiert dans l’espace numérique, dont le nom, hérité du roman de science-fiction Le Samouraï virtuel [paru aux Etats-Unis en 1992, en France en 1996], de Neal Stephenson, le métavers, donne le « la ».
Le métavers, « au-delà de l’univers », porte l’ambition de faire converger les technologies du numérique existantes ou en cours de développement, pour créer un monde virtuel, persistant, interactif, interconnecté et immersif, soutenu par une volonté d’interopérabilité entre les plates-formes dans la portabilité des données.

Si le métavers n’est pas nouveau, ce qui l’est, en revanche, c’est la valorisation de tout ce que l’on peut y trouver, grâce à la blockchain et aux NFT [pour « non fungible token », « jetons non ¬fongibles », des certificats numériques qui authentifient le caractère unique d’objets virtuels, comme des œuvres d’art]. En effet, le marché du métavers représente une fusion de trois technologies existantes, dont les capacités sont évolutives : les plates-formes rendues possibles par une capacité de calcul et une connectivité accrues ; puis la réalité augmentée – réalité virtuelle, réalité mixte ; et enfin les actifs numériques et Web3 activés par la blockchain.

Bien qu’il soit encore trop tôt pour dire exactement quelles technologies ou quelles plates-formes domineront, les grands acteurs des technologies ont pourtant déjà déterminé comment ils comptaient participer à l’écosystème du métavers – en achetant, comme Republic Realm, un terrain sur The Sandbox pour 4,3 millions de dollars (environ 4,07 milliards d’euros). Mais, plus encore, plusieurs grandes marques dans le commerce B to C (business to consumer, de l’entreprise au consommateur, comme les marques Gucci, H&M, etc.) ou B to B (business to business, commerce entre les entreprises) se sont lancées dans ce nouvel eldorado (Microsoft, avec le rachat pour 69 milliards d’Activision).

Métavers: la cruelle illusion ?

Métavers: la cruelle illusion ?
Il semble bien que l’immense projet metavers de Facebook va se transformer en véritable catastrophe économique. Facebook ( Meta) avait créé l’illusion d’une véritable révolution technologique grâce à la virtualité. Un an après, tous les projets déçoivent et il n’y a plus d’argent Meta a créé une illusion collective. Un an après, tout le monde a entendu parler de métavers mais peu savent bien le définir, surtout, très peu le fréquentent et pire, encore moins le désirent.

Un échec pourtant prévisible.

Une passion triste, tel est le sens de l’utopie développée par le projet métavers, estiment, dans une tribune au « Monde », la philosophe Valérie Julien Grésin et Alexandre Menais, vice-président d’Atos.
Dans son livre Le Jeu vidéo ou l’Aliénation heureuse (Post Editions, 2019), Douglas Hoare décrit avec minutie le processus de dépersonnalisation auquel s’exposent les joueurs : « Plus l’avatar est libre, plus le joueur est esclave. En jouant à un jeu vidéo, on échange une soumission réelle contre une liberté simulée. »
Plus ambitieux que le jeu vidéo (qui compte plus de 2,7 milliards de joueurs), plus constant, plus sérieux, un nouveau monde d’avatars se conquiert dans l’espace numérique, dont le nom, hérité du roman de science-fiction Le Samouraï virtuel [paru aux Etats-Unis en 1992, en France en 1996], de Neal Stephenson, le métavers, donne le « la ».
Le métavers, « au-delà de l’univers », porte l’ambition de faire converger les technologies du numérique existantes ou en cours de développement, pour créer un monde virtuel, persistant, interactif, interconnecté et immersif, soutenu par une volonté d’interopérabilité entre les plates-formes dans la portabilité des données.
Si le métavers n’est pas nouveau, ce qui l’est, en revanche, c’est la valorisation de tout ce que l’on peut y trouver, grâce à la blockchain et aux NFT [pour « non fungible token », « jetons non ¬fongibles », des certificats numériques qui authentifient le caractère unique d’objets virtuels, comme des œuvres d’art]. En effet, le marché du métavers représente une fusion de trois technologies existantes, dont les capacités sont évolutives : les plates-formes rendues possibles par une capacité de calcul et une connectivité accrues ; puis la réalité augmentée – réalité virtuelle, réalité mixte ; et enfin les actifs numériques et Web3 activés par la blockchain.
Bien qu’il soit encore trop tôt pour dire exactement quelles technologies ou quelles plates-formes domineront, les grands acteurs des technologies ont pourtant déjà déterminé comment ils comptaient participer à l’écosystème du métavers – en achetant, comme Republic Realm, un terrain sur The Sandbox pour 4,3 millions de dollars (environ 4,07 milliards d’euros). Mais, plus encore, plusieurs grandes marques dans le commerce B to C (business to consumer, de l’entreprise au consommateur, comme les marques Gucci, H&M, etc.) ou B to B (business to business, commerce entre les entreprises) se sont lancées dans ce nouvel eldorado (Microsoft, avec le rachat pour 69 milliards d’Activision).

La liberté au travail , une illusion ?

La liberté au travail  une illusion ?

Explorant les articulations entre travail et liberté, un ouvrage collectif démontre comment la promesse de liberté a été largement récupérée par l’idéologie néolibérale.( dans le Monde )

 

 

Le livre. Aux Etats-Unis, les clients de certains services VTC (voiture de transport avec chauffeur) peuvent faire, lors de leur commande, la demande du « mode silencieux ». En d’autres termes, exiger que le chauffeur se taise. Une « fonctionnalisation quasi totale » du conducteur aux désirs des consommateurs, mise en exergue au sein de Travail e(s)t liberté ? (Erès).Cet essai collectif, mené sous la direction d’Enrico Donaggio, de José Rose et de Mariagrazia Cairo, démontre à travers cette illustration comment les promesses de certaines entreprises sur une prétendue « libération » des travailleurs relèvent souvent de l’incantation.

Là où l’autonomie, l’indépendance et finalement l’émancipation des travailleurs sont mises en avant, il est davantage question, dans la pratique, d’« auto-exploitation »« Il ne suffit pas d’énoncer des idéaux de liberté au travail, ni même de libérer le travail des hiérarchies et procédures pour pouvoir parler de travail libre », assurent les auteurs.

A l’initiative du collectif international et interdisciplinaire ArTLib (Atelier de recherche travail et libertés), des spécialistes (philosophes, sociologues, etc.) se sont penchés sur les « articulations aujourd’hui dominantes entre travail et liberté ».

Pour ce faire, « ancrage théorique et historique » et « analyse de situations précises et travail d’enquête » s’entrecroisent. « Quelles sont les conséquences en termes de libertés individuelles et collectives des révolutions en cours dans le travail, ses pratiques et ses représentations ?  », s’interrogent les membres du collectif.

Sujet complexe, tant les acceptions de la notion de liberté dans un contexte professionnel sont nombreuses, et tant « les expériences du travail et les représentations qui les accompagnent sont (…) le théâtre de multiples déplacements entre liberté et nécessité, autonomie et domination, subjectivation et assujettissement, réalisation et perte de soi, appropriation et aliénation ».

Des paradoxes affleurent : si l’entreprise, lieu de compromis, a permis au travailleur d’accéder à l’indépendance économique, vecteur d’émancipation, c’est en échange de sa « subordination dans la situation de travail ».

Sujet complexe aussi parce que, indiquent les auteurs, la notion de liberté a été largement préemptée par « le modèle néolibéral ». C’est le cas dans le secteur des plates-formes numériques (VTC, livraisons de repas…), mais aussi au sein des entreprises libérées, qui peuvent être un leurre, souligne la sociologue Danièle Linhart dans sa contribution. « Le mouvement de “libération” unilatérale des entreprises témoigne de la capacité patronale à réinventer sans relâche de nouvelles modalités et légitimités de domination », estime-t-elle. Face à l’effacement de la hiérarchie, le salarié aurait in fine davantage de responsabilités et de pression au quotidien, devant porter lui-même la vision du leader face aux exigences du marché.

Société-Métavers : Illusion ou réalité ?

Société-Métavers : Illusion ou réalité ?

L’irruption des mondes virtuels dans nos vies paraît inévitable, et leurs impacts considérables : sur les ressources minières et énergétiques, sur l’environnement, sur nos personnalités… De quoi inciter à l’anticipation. Un article de Sciences et Avenir

Qu’il nous fasse rêver ou nous désespère, qu’on le désire ou non, il faut se faire une raison, le métavers est en marche. Et ce bouleversement annoncé tout droit inspiré de la science-fiction de ces cinquante dernières années aura un coût… que cette même science-fiction s’est d’ailleurs acharnée à anticiper ! Des bidonvilles métropoles recouvrant la Terre dans Ready Player One aux individus qui préfèrent l’illusion à la réalité – la fameuse « pilule bleue » dans Matrix -, nous sommes prévenus : cette fusion plébiscitée entre virtuel et réel aura un impact sur notre environnement, nos rapports sociaux, nos addictions et jusque sur notre cognition.

 

BESOINS EN INFRASTRUCTURES

En termes d’environnement, la tendance est claire « Le métavers impliquera le plus grand besoin computationnel de l’histoire humaine », assène le prospectiviste américain Matthew Ball, dans un essai de référence sur le sujet. Les mondes persistants, immersifs et actualisés en temps réels requièrent en effet des ressources inédites en termes de stockage de données, de calcul et de communication. « Ce qui reposera forcément sur des infrastructures pléthoriques », abonde Indira Thouvenin, chercheuse en réalité virtuelle à l’Université de technologie de Compiègne (UTC).

De quoi imaginer des milliers de kilomètres carrés de centres de données ? Le cloud gaming préfigure déjà ces besoins. Cette offre de plus en plus populaire permet de jouer à des jeux vidéo sur n’importe quel terminal, y compris en mobilité, en exécutant les tâches sur de puissants serveurs à distance, qui renvoient au joueur la seule vidéo en direct via internet. Pour son casque de réalité augmentée Hololens 2, Microsoft développe lui aussi un service cloud. Mais les data centers, énormes usines de serveurs ultra-optimisées, ne suffiront pas à soutenir la demande : malgré leur massification croissante, ils restent trop lointains. Des industriels planchent donc déjà sur l’edge computing, qui consiste à déporter des serveurs au plus près des utilisateurs, pour réaliser certains des calculs les plus lourds en un temps acceptable. Des mini data centers de proximité pourraient ainsi fleurir dans chaque quartier.

Le métavers s’appuiera aussi sur des réseaux de communication toujours plus performants. « La 5G telle que déployée actuellement, sur la bande de fréquence de 3,5 MHz, n’offre pas la latence inférieure à 20 millisecondes nécessaire à des expériences de réalité virtuelle vraiment fluides. Ce sera le rôle de la future bande 5G de 26 MHz et, à terme, de la 6G », pointe Dominique Boullier, chercheur spécialisé en usages numériques à Sciences Po. La 6G promet d’ailleurs de soutenir les technologies holographiques. Or ces réseaux recourront à des ondes électromagnétiques du domaine millimétrique, caractérisées par une très courte portée, de l’ordre de la centaine de mètres – contre une portée de 2 à 5 km pour les ondes 4G… Ce qui implique nécessairement une multiplication massive des antennes relais. Enfin, à terme, les flux de données pourraient aussi transiter par les nouvelles constellations de micro-satellites, conçues spécifiquement dans le but d’amener le haut débit aux zones les plus reculées de la planète. La société Starlink prévoit à elle seule de lancer en tout et pour tout quelque 42 000 microsatellites en orbite basse terrestre ; d’autres entreprises, comme Amazon, préparent leurs propres constellations.

20 mois

C’est la durée moyenne d’utilisation d’un smartphone en France, avant qu’il ne soit renouvelé. Les 18-29 ans ont possédé près de 5 téléphones mobiles dans leur vie.

QUEL EST L’IMPACT ENVIRONNEMENTAL DU METAVERS ?

Les infrastructures terrestres, spatiales, individuelles et partagées vont donc se multiplier. Or leur impact est lourd : selon l’organisation The Shift Project, la part du numérique dans les émissions mondiales de gaz à effets de serre était de 3,5 % en 2019, et en croissance préoccupante, de +6 % par an. Ce qui est jugé incompatible avec l’objectif d’un réchauffement planétaire moyen limité à 2°C. « En l’absence de réinvention des comportements, le déploiement des nouvelles générations de réseaux et le développement des usages associés – internet des objets, IA, edge computing, cloud gaming – accentueront cette tendance », note l’organisation dans un rapport publié en mars 2021. L’impact du numérique pourrait ainsi grimper à 7 %, c’est-à-dire doubler, dès 2025.

 

Cette hausse exponentielle s’explique en partie par l’effet rebond, qui veut que lorsque l’offre augmente, les usages explosent mécaniquement : l’arrivée de la 4G a par exemple généralisé le visionnage vidéo sur smartphone, inenvisageable auparavant. Reste que, pour les chercheurs, le plus préoccupant ne réside pas dans la débauche à venir de serveurs et d’antennes-relais, mais… dans la multiplication des terminaux utilisateurs. « Ils causeront 60 à 70 % de l’impact environnemental du numérique », révèle Frédéric Bordage, expert en numérique durable chez GreenIT. Car aux smartphones et PC que chacun possède aujourd’hui, pourraient s’ajouter les dispositifs de réalité virtuelle et augmentée, sans compter des gadgets connectés en tous genres. « Or ces équipements grand public se caractérisent par un taux de renouvellement très rapide », surenchérit l’expert.

Problème : la fabrication de ces objets consomme des quantités monstrueuses de matières premières ; la carte mère d’un smartphone nécessite par exemple l’extraction de 500 kg de matière. « On peut estimer que le bilan sera comparable pour les casques VR, bien qu’aucune analyse de cycle de vie n’ait été produite à ce jour », note Frédéric Bordage. Le chercheur l’assure : « Cet épuisement des ressources lié au numérique est encore plus préoccupant que sa contribution au réchauffement global. » Sont en particulier concernés les dizaines de métaux dits stratégiques (lithium, cobalt, gallium, tungstène…), de plus en plus considérés comme le pétrole du XXIe siècle. Car selon une étude de l’Institut géologique des États-Unis et du cabinet McKinsey, les réserves rentables d’une vingtaine de métaux dont l’or, le plomb, l’argent ou le nickel sont inférieures à trente ans. Certes, la systématisation du recyclage des déchets électroniques, ou la découverte de nouveaux gisements retarderont peut-être cette échéance. Mais pas indéfiniment. « Le numérique est une ressource non renouvelable que nous devrions réserver aux usages indispensables », conclut Frédéric Bordage.

 

LE METAVERS : UNE « INVENTION MALÉFIQUE » ?

Reste donc à se demander si le méta-vers en vaut la chandelle, si l’humanité ne risque pas de s’épuiser, et la Terre avec elle, dans cette chimère numérique… Jaron Lanier, l’un des pionniers en la matière, a son idée : « La réalité virtuelle pourrait être l’invention la plus maléfique de tous les temps », écrit-il dans son livre Dawn of the New Everything, publié en 2017. L’expert craint que cette technologie immersive ne renforce, à terme, les risques psychosociaux liés aux réseaux sociaux, qu’il compare à des « hypnotiseurs de masse », un nouvel opium du peuple, en quelque sorte.

 

Attention : cette question d’un danger, notamment addictif, lié au numérique ne fait pas consensus chez les chercheurs. La Classification internationale des maladies de l’OMS ne reconnaît aujourd’hui qu’un possible « trouble » associé à son usage.

« Il est difficile de parler d’addictionau sens pathologique, car aucune modification des processus biochimiques dans le cerveau, comme dans le cas des substances psychotropes, n’a été démontrée », expose Séverine Erhel, chercheuse en psychologie cognitive à l’université de Rennes. Aussi, le lien de causalité n’est pas établi. « On ne sait pas si les réseaux sociaux et les jeux vidéo provoquent des troubles chez certaines catégories de populations, ou si ces dernières souffrent de difficultés psychologiques ou de troubles préalables », éclaire la spécialiste.

Toujours est-il que les éditeurs de jeux vidéo et les grands réseaux sociaux sont passés maîtres dans l’art de capter l’attention grâce à des interfaces agréables, intuitives, fluides… Une « expérience utilisateur » qu’optimisent des services entiers de psychologues et de sociologues. Or « la frontière entre fournir une expérience agréable et rendre l’utilisateur accro est parfois fine », reconnaît Stéphane Natkin, chercheur émérite du Cnam. Certains mécanismes, appelés « dark patterns » , sont de plus en plus dénoncés pour leur efficacité insidieuse (voir encadré, page suivante).

Il y a des signaux d’alerte : en 2019, une étude portant sur plus de 6 000 ados de 12 à 17 ans, menée par des chercheurs de l’université Johns-Hopkins, aux États-Unis, concluait que ceux qui passaient plus de 3 heures par jour sur les réseaux sociaux étaient davantage sujets à la dépression, l’anxiété ou la solitude. Révélés par la lanceuse d’alerte Frances Haugen, des documents internes à l’entreprise Méta, ex-Facebook, estiment que 13 % des jeunes Britanniques qui ont eu des pensées suicidaires les attribuent à Instagram.

Sédentarité : attention danger !

La sédentarité est devenue la norme chez de trop nombreux adolescents. Selon une expertise de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) publiée en novembre 2020, 66 % des 11-17 ans français présentent un risque sanitaire préoccupant, caractérisé par plus de deux heures d’écran et moins d’une heure d’activité physique par jour. Et pour près de la moitié d’entre eux (49 %), le risque est même considéré très élevé (plus de 4 h 30 d’écran et/ou moins de 20 minutes d’activité physique quotidiennement). Or ce phénomène est une véritable bombe à retardement sanitaire : la sédentarité est en effet associée à des risques accrus de maladies telles que l’obésité, le diabète, les pathologies cardio-vasculaires ou encore les états anxieux et dépressifs.

COMPORTEMENTS COMPULSIFS

L’autre source d’inspiration du métavers, l’usage des jeux vidéo, n’est pas en reste : « Les comportements problématiques liés touchent 2 à 3 % de la population mondiale, selon l’OMS, avec une plus forte prévalence sur la tranche 18-25 ans », expose Séverine Erhel. Les comportements sont définis comme excessifs et compulsifs lorsqu’ils nuisent à l’état psychologique du joueur – sentiment de culpabilité, dépression ; ou qu’ils perturbent ses interactions sociales élémentaires – solement, fuite du réel. Mais la psychologue nuance : « Il faut distinguer passion et usage compulsif. Certaines personnes peuvent jouer 20 heures par semaine et se sociabiliser presque exclusivement en ligne, sans que cela soit gênant pour elles. » Comment les nouveaux usages liés au métavers viendront-ils s’imbriquer dans ce constat actuel ? Quid des répercussions d’une démocratisation de la réalité virtuelle, par exemple ? Les études pertinentes sur ses effets psychosociaux sont encore rares ; les premiers éléments suggèrent néanmoins qu’elle peut avoir un impact comportemental. Mais les répercussions ne sont pas que négatives : les travaux de Mel Slater, à l’université de Barcelone, ont montré que le fait de s’incarner dans un autre corps, d’un genre ou d’une couleur de peau différents, pouvait faire évoluer positivement les préjugés sociaux ! « Certains usages de la réalité virtuelle ont aussi un effet démontré dans les thérapies contre le syndrome post-traumatique ou les phobies », commente Laure Leroy, chercheuse à l’université Paris 8.

De là à supposer que, à l’inverse, des situations négatives comme le harcèlement ou les violences, vécues en réalité virtuelle dans le métavers, pourraient s’avérer particulièrement traumatisantes, il n’y a qu’un pas… que les chercheurs ne pourront pas étudier en amont. Cela car les barrières éthiques empêchent la conception d’expériences potentiellement nocives pour les sujets. « En l’absence de certitude, la question d’avertir l’utilisateur sur les effets potentiels se pose clairement », conclut l’Anses dans une expertise sur les conséquences sanitaires de la VR publiée en juin. Tous les avertissements du monde ne suffiront pas. C’est une fois le pied bien posé dans le métavers, pendant sa construction et à chaque étape de son exploration, que ses effets, bons et mauvais, se préciseront. Après le Far-West américain, après les premières expéditions spatiales, l’humain saute à nouveau dans l’inconnu. Préparez-vous à la conquête du virtuel.

« Nous devons réfléchir à la gouvernance du métavers »

Entretien avec Dominique Boullier, chercheur à Sciences Po, spécialiste des usages numériques.

Science & Vie : Peut-on vraiment encadrer le métavers ?

Dominique Boullier : Internet s’est développé si vite que les gouvernements n’ont pas pu instaurer de véritable gouvernance mondiale. Force est de constater que l’idéal très décentralisé des débuts s’est transformé en une semi-hégémonie des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). Avec ce métavers, dont l’avènement est clairement annoncé, nous avons l’occasion de reprendre les choses en main. La Chine le fait de manière brutale en limitant les jeux vidéo à une heure par jour et en mettant au pas ses géants du numérique. Sans aller jusque-là, les gouvernements européens pourraient imposer un cahier des charges.

S&V : Serait-il possible d’y prévenir la propagation virale de contenus sensationnels, parfois toxiques, ou encore les comportements ou usages à risque ?

D. B. : Il est tout à fait possible d’imposer des garde-fous algorithmiques. Par exemple, des tableaux de bord informant les utilisateurs sur leurs comportements : temps passé sur l’application, nombre de publications et de réactions dans la journée… Quitte à implémenter des alertes lorsqu’ils deviennent excessifs ou obsessionnels. À l’extrême, on pourrait définir des seuils d’activité au-delà desquels les comptes sont bloqués pour la journée.

S&V : Encore faut-il que les entreprises acceptent. Or les ambitions de Meta (ex-Facebook) semblent hégémoniques…

D. B. : Oui, Mark Zuckerberg rêve à l’évidence d’un modèle très fermé. Il n’a annoncé aucun consortium pour rassembler divers acteurs et réfléchir aux futurs standards du métavers. Même Google l’avait fait sur certains aspects de ses travaux en IA ou sur Android.

S&V : Meta est-il le mieux placé pour réaliser le métavers ?

D. B. : Il a pris de l’avance. Il y travaille depuis 2012 avec l’achat de la société Oculus VR, devenue leader incontestable sur les casques. En dehors du hardware, il bénéficie d’une base de 3 milliards d’utilisateurs quotidiens sur ses réseaux sociaux Facebook et Instagram, et ses messageries Messenger et Whatsapp. Il a aussi un pied dans le jeu vidéo via l’Occulus Quest Store, et développe son écosystème via sa plateforme Horizon pour la visio et le travail (Workrooms), le jeu (Worlds) ou encore la sociabilisation (Home)…

S&V : De quoi s’attendre à toujours plus de captation de nos données personnelles ?

D. B. : 98 % des revenus de Facebook proviennent de la publicité. Ce qui explique au passage le fait que le réseau optimise ses algorithmes pour maximiser le temps d’attention des utilisateurs. Les technologies immersives vont générer des données toujours plus fines sur nos habitudes et nos déplacements, réels et virtuels, ce qui permettra de modéliser et prédire nos comportements comme jamais. Une occasion extraordinaire de faire du placement publicitaire plus intelligent.

Le chercheur Dominique Boullier.

Pour inciter les individus à demeurer dans le virtuel, de nombreux mécanismes créant une dépendance ont été mis au point. Florilège…

– Les loot boxes : ces coffres achetés dans certains jeux vidéo délivrent une récompense aléatoire, reproduisant quelques effets addictifs des machines à sou.

– Le Fomo (« fear of missing out » ) : les jeux qui ne s’arrêtent jamais provoquent chez le joueur déconnecté une peur de louper des événements importants.

– L’ »effet Ikea » : la possibilité de « fabriquer » un profil virtuel ou un avatar accroît le sentiment de possession et d’incarnation… mais aussi la réticence à s’en séparer.

– Les notifications : elles stimulent les circuits de la récompense dans notre cerveau, produisant une libération de dopamine, un messager chimique du plaisir.

– Le « scrolling infini » : la possibilité de faire défiler de nouveaux contenus à l’infini favorise une utilisation prolongée, et compulsive, des réseaux sociaux.

Métavers : Illusion ou réalité ?

Métavers : Illusion ou réalité ?

Un article de Sciences et Avenir

L’irruption des mondes virtuels dans nos vies paraît inévitable, et leurs impacts considérables : sur les ressources minières et énergétiques, sur l’environnement, sur nos personnalités… De quoi inciter à l’anticipation.

Qu’il nous fasse rêver ou nous désespère, qu’on le désire ou non, il faut se faire une raison, le métavers est en marche. Et ce bouleversement annoncé tout droit inspiré de la science-fiction de ces cinquante dernières années aura un coût… que cette même science-fiction s’est d’ailleurs acharnée à anticiper ! Des bidonvilles métropoles recouvrant la Terre dans Ready Player One aux individus qui préfèrent l’illusion à la réalité – la fameuse « pilule bleue » dans Matrix -, nous sommes prévenus : cette fusion plébiscitée entre virtuel et réel aura un impact sur notre environnement, nos rapports sociaux, nos addictions et jusque sur notre cognition.

 

BESOINS EN INFRASTRUCTURES

En termes d’environnement, la tendance est claire « Le métavers impliquera le plus grand besoin computationnel de l’histoire humaine », assène le prospectiviste américain Matthew Ball, dans un essai de référence sur le sujet. Les mondes persistants, immersifs et actualisés en temps réels requièrent en effet des ressources inédites en termes de stockage de données, de calcul et de communication. « Ce qui reposera forcément sur des infrastructures pléthoriques », abonde Indira Thouvenin, chercheuse en réalité virtuelle à l’Université de technologie de Compiègne (UTC).

De quoi imaginer des milliers de kilomètres carrés de centres de données ? Le cloud gaming préfigure déjà ces besoins. Cette offre de plus en plus populaire permet de jouer à des jeux vidéo sur n’importe quel terminal, y compris en mobilité, en exécutant les tâches sur de puissants serveurs à distance, qui renvoient au joueur la seule vidéo en direct via internet. Pour son casque de réalité augmentée Hololens 2, Microsoft développe lui aussi un service cloud. Mais les data centers, énormes usines de serveurs ultra-optimisées, ne suffiront pas à soutenir la demande : malgré leur massification croissante, ils restent trop lointains. Des industriels planchent donc déjà sur l’edge computing, qui consiste à déporter des serveurs au plus près des utilisateurs, pour réaliser certains des calculs les plus lourds en un temps acceptable. Des mini data centers de proximité pourraient ainsi fleurir dans chaque quartier.

Le métavers s’appuiera aussi sur des réseaux de communication toujours plus performants. « La 5G telle que déployée actuellement, sur la bande de fréquence de 3,5 MHz, n’offre pas la latence inférieure à 20 millisecondes nécessaire à des expériences de réalité virtuelle vraiment fluides. Ce sera le rôle de la future bande 5G de 26 MHz et, à terme, de la 6G », pointe Dominique Boullier, chercheur spécialisé en usages numériques à Sciences Po. La 6G promet d’ailleurs de soutenir les technologies holographiques. Or ces réseaux recourront à des ondes électromagnétiques du domaine millimétrique, caractérisées par une très courte portée, de l’ordre de la centaine de mètres – contre une portée de 2 à 5 km pour les ondes 4G… Ce qui implique nécessairement une multiplication massive des antennes relais. Enfin, à terme, les flux de données pourraient aussi transiter par les nouvelles constellations de micro-satellites, conçues spécifiquement dans le but d’amener le haut débit aux zones les plus reculées de la planète. La société Starlink prévoit à elle seule de lancer en tout et pour tout quelque 42 000 microsatellites en orbite basse terrestre ; d’autres entreprises, comme Amazon, préparent leurs propres constellations.

20 mois

C’est la durée moyenne d’utilisation d’un smartphone en France, avant qu’il ne soit renouvelé. Les 18-29 ans ont possédé près de 5 téléphones mobiles dans leur vie.

QUEL EST L’IMPACT ENVIRONNEMENTAL DU METAVERS ?

Les infrastructures terrestres, spatiales, individuelles et partagées vont donc se multiplier. Or leur impact est lourd : selon l’organisation The Shift Project, la part du numérique dans les émissions mondiales de gaz à effets de serre était de 3,5 % en 2019, et en croissance préoccupante, de +6 % par an. Ce qui est jugé incompatible avec l’objectif d’un réchauffement planétaire moyen limité à 2°C. « En l’absence de réinvention des comportements, le déploiement des nouvelles générations de réseaux et le développement des usages associés – internet des objets, IA, edge computing, cloud gaming – accentueront cette tendance », note l’organisation dans un rapport publié en mars 2021. L’impact du numérique pourrait ainsi grimper à 7 %, c’est-à-dire doubler, dès 2025.

 

Cette hausse exponentielle s’explique en partie par l’effet rebond, qui veut que lorsque l’offre augmente, les usages explosent mécaniquement : l’arrivée de la 4G a par exemple généralisé le visionnage vidéo sur smartphone, inenvisageable auparavant. Reste que, pour les chercheurs, le plus préoccupant ne réside pas dans la débauche à venir de serveurs et d’antennes-relais, mais… dans la multiplication des terminaux utilisateurs. « Ils causeront 60 à 70 % de l’impact environnemental du numérique », révèle Frédéric Bordage, expert en numérique durable chez GreenIT. Car aux smartphones et PC que chacun possède aujourd’hui, pourraient s’ajouter les dispositifs de réalité virtuelle et augmentée, sans compter des gadgets connectés en tous genres. « Or ces équipements grand public se caractérisent par un taux de renouvellement très rapide », surenchérit l’expert.

Problème : la fabrication de ces objets consomme des quantités monstrueuses de matières premières ; la carte mère d’un smartphone nécessite par exemple l’extraction de 500 kg de matière. « On peut estimer que le bilan sera comparable pour les casques VR, bien qu’aucune analyse de cycle de vie n’ait été produite à ce jour », note Frédéric Bordage. Le chercheur l’assure : « Cet épuisement des ressources lié au numérique est encore plus préoccupant que sa contribution au réchauffement global. » Sont en particulier concernés les dizaines de métaux dits stratégiques (lithium, cobalt, gallium, tungstène…), de plus en plus considérés comme le pétrole du XXIe siècle. Car selon une étude de l’Institut géologique des États-Unis et du cabinet McKinsey, les réserves rentables d’une vingtaine de métaux dont l’or, le plomb, l’argent ou le nickel sont inférieures à trente ans. Certes, la systématisation du recyclage des déchets électroniques, ou la découverte de nouveaux gisements retarderont peut-être cette échéance. Mais pas indéfiniment. « Le numérique est une ressource non renouvelable que nous devrions réserver aux usages indispensables », conclut Frédéric Bordage.

 

LE METAVERS : UNE « INVENTION MALÉFIQUE » ?

Reste donc à se demander si le méta-vers en vaut la chandelle, si l’humanité ne risque pas de s’épuiser, et la Terre avec elle, dans cette chimère numérique… Jaron Lanier, l’un des pionniers en la matière, a son idée : « La réalité virtuelle pourrait être l’invention la plus maléfique de tous les temps », écrit-il dans son livre Dawn of the New Everything, publié en 2017. L’expert craint que cette technologie immersive ne renforce, à terme, les risques psychosociaux liés aux réseaux sociaux, qu’il compare à des « hypnotiseurs de masse », un nouvel opium du peuple, en quelque sorte.

 

Attention : cette question d’un danger, notamment addictif, lié au numérique ne fait pas consensus chez les chercheurs. La Classification internationale des maladies de l’OMS ne reconnaît aujourd’hui qu’un possible « trouble » associé à son usage.

« Il est difficile de parler d’addictionau sens pathologique, car aucune modification des processus biochimiques dans le cerveau, comme dans le cas des substances psychotropes, n’a été démontrée », expose Séverine Erhel, chercheuse en psychologie cognitive à l’université de Rennes. Aussi, le lien de causalité n’est pas établi. « On ne sait pas si les réseaux sociaux et les jeux vidéo provoquent des troubles chez certaines catégories de populations, ou si ces dernières souffrent de difficultés psychologiques ou de troubles préalables », éclaire la spécialiste.

Toujours est-il que les éditeurs de jeux vidéo et les grands réseaux sociaux sont passés maîtres dans l’art de capter l’attention grâce à des interfaces agréables, intuitives, fluides… Une « expérience utilisateur » qu’optimisent des services entiers de psychologues et de sociologues. Or « la frontière entre fournir une expérience agréable et rendre l’utilisateur accro est parfois fine », reconnaît Stéphane Natkin, chercheur émérite du Cnam. Certains mécanismes, appelés « dark patterns » , sont de plus en plus dénoncés pour leur efficacité insidieuse (voir encadré, page suivante).

Il y a des signaux d’alerte : en 2019, une étude portant sur plus de 6 000 ados de 12 à 17 ans, menée par des chercheurs de l’université Johns-Hopkins, aux États-Unis, concluait que ceux qui passaient plus de 3 heures par jour sur les réseaux sociaux étaient davantage sujets à la dépression, l’anxiété ou la solitude. Révélés par la lanceuse d’alerte Frances Haugen, des documents internes à l’entreprise Méta, ex-Facebook, estiment que 13 % des jeunes Britanniques qui ont eu des pensées suicidaires les attribuent à Instagram.

Sédentarité : attention danger !

La sédentarité est devenue la norme chez de trop nombreux adolescents. Selon une expertise de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) publiée en novembre 2020, 66 % des 11-17 ans français présentent un risque sanitaire préoccupant, caractérisé par plus de deux heures d’écran et moins d’une heure d’activité physique par jour. Et pour près de la moitié d’entre eux (49 %), le risque est même considéré très élevé (plus de 4 h 30 d’écran et/ou moins de 20 minutes d’activité physique quotidiennement). Or ce phénomène est une véritable bombe à retardement sanitaire : la sédentarité est en effet associée à des risques accrus de maladies telles que l’obésité, le diabète, les pathologies cardio-vasculaires ou encore les états anxieux et dépressifs.

COMPORTEMENTS COMPULSIFS

L’autre source d’inspiration du métavers, l’usage des jeux vidéo, n’est pas en reste : « Les comportements problématiques liés touchent 2 à 3 % de la population mondiale, selon l’OMS, avec une plus forte prévalence sur la tranche 18-25 ans », expose Séverine Erhel. Les comportements sont définis comme excessifs et compulsifs lorsqu’ils nuisent à l’état psychologique du joueur – sentiment de culpabilité, dépression ; ou qu’ils perturbent ses interactions sociales élémentaires – solement, fuite du réel. Mais la psychologue nuance : « Il faut distinguer passion et usage compulsif. Certaines personnes peuvent jouer 20 heures par semaine et se sociabiliser presque exclusivement en ligne, sans que cela soit gênant pour elles. » Comment les nouveaux usages liés au métavers viendront-ils s’imbriquer dans ce constat actuel ? Quid des répercussions d’une démocratisation de la réalité virtuelle, par exemple ? Les études pertinentes sur ses effets psychosociaux sont encore rares ; les premiers éléments suggèrent néanmoins qu’elle peut avoir un impact comportemental. Mais les répercussions ne sont pas que négatives : les travaux de Mel Slater, à l’université de Barcelone, ont montré que le fait de s’incarner dans un autre corps, d’un genre ou d’une couleur de peau différents, pouvait faire évoluer positivement les préjugés sociaux ! « Certains usages de la réalité virtuelle ont aussi un effet démontré dans les thérapies contre le syndrome post-traumatique ou les phobies », commente Laure Leroy, chercheuse à l’université Paris 8.

De là à supposer que, à l’inverse, des situations négatives comme le harcèlement ou les violences, vécues en réalité virtuelle dans le métavers, pourraient s’avérer particulièrement traumatisantes, il n’y a qu’un pas… que les chercheurs ne pourront pas étudier en amont. Cela car les barrières éthiques empêchent la conception d’expériences potentiellement nocives pour les sujets. « En l’absence de certitude, la question d’avertir l’utilisateur sur les effets potentiels se pose clairement », conclut l’Anses dans une expertise sur les conséquences sanitaires de la VR publiée en juin. Tous les avertissements du monde ne suffiront pas. C’est une fois le pied bien posé dans le métavers, pendant sa construction et à chaque étape de son exploration, que ses effets, bons et mauvais, se préciseront. Après le Far-West américain, après les premières expéditions spatiales, l’humain saute à nouveau dans l’inconnu. Préparez-vous à la conquête du virtuel.

« Nous devons réfléchir à la gouvernance du métavers »

Entretien avec Dominique Boullier, chercheur à Sciences Po, spécialiste des usages numériques.

Science & Vie : Peut-on vraiment encadrer le métavers ?

Dominique Boullier : Internet s’est développé si vite que les gouvernements n’ont pas pu instaurer de véritable gouvernance mondiale. Force est de constater que l’idéal très décentralisé des débuts s’est transformé en une semi-hégémonie des Gafam (Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft). Avec ce métavers, dont l’avènement est clairement annoncé, nous avons l’occasion de reprendre les choses en main. La Chine le fait de manière brutale en limitant les jeux vidéo à une heure par jour et en mettant au pas ses géants du numérique. Sans aller jusque-là, les gouvernements européens pourraient imposer un cahier des charges.

S&V : Serait-il possible d’y prévenir la propagation virale de contenus sensationnels, parfois toxiques, ou encore les comportements ou usages à risque ?

D. B. : Il est tout à fait possible d’imposer des garde-fous algorithmiques. Par exemple, des tableaux de bord informant les utilisateurs sur leurs comportements : temps passé sur l’application, nombre de publications et de réactions dans la journée… Quitte à implémenter des alertes lorsqu’ils deviennent excessifs ou obsessionnels. À l’extrême, on pourrait définir des seuils d’activité au-delà desquels les comptes sont bloqués pour la journée.

S&V : Encore faut-il que les entreprises acceptent. Or les ambitions de Meta (ex-Facebook) semblent hégémoniques…

D. B. : Oui, Mark Zuckerberg rêve à l’évidence d’un modèle très fermé. Il n’a annoncé aucun consortium pour rassembler divers acteurs et réfléchir aux futurs standards du métavers. Même Google l’avait fait sur certains aspects de ses travaux en IA ou sur Android.

S&V : Meta est-il le mieux placé pour réaliser le métavers ?

D. B. : Il a pris de l’avance. Il y travaille depuis 2012 avec l’achat de la société Oculus VR, devenue leader incontestable sur les casques. En dehors du hardware, il bénéficie d’une base de 3 milliards d’utilisateurs quotidiens sur ses réseaux sociaux Facebook et Instagram, et ses messageries Messenger et Whatsapp. Il a aussi un pied dans le jeu vidéo via l’Occulus Quest Store, et développe son écosystème via sa plateforme Horizon pour la visio et le travail (Workrooms), le jeu (Worlds) ou encore la sociabilisation (Home)…

S&V : De quoi s’attendre à toujours plus de captation de nos données personnelles ?

D. B. : 98 % des revenus de Facebook proviennent de la publicité. Ce qui explique au passage le fait que le réseau optimise ses algorithmes pour maximiser le temps d’attention des utilisateurs. Les technologies immersives vont générer des données toujours plus fines sur nos habitudes et nos déplacements, réels et virtuels, ce qui permettra de modéliser et prédire nos comportements comme jamais. Une occasion extraordinaire de faire du placement publicitaire plus intelligent.

Le chercheur Dominique Boullier.

Pour inciter les individus à demeurer dans le virtuel, de nombreux mécanismes créant une dépendance ont été mis au point. Florilège…

– Les loot boxes : ces coffres achetés dans certains jeux vidéo délivrent une récompense aléatoire, reproduisant quelques effets addictifs des machines à sou.

– Le Fomo (« fear of missing out » ) : les jeux qui ne s’arrêtent jamais provoquent chez le joueur déconnecté une peur de louper des événements importants.

– L’ »effet Ikea » : la possibilité de « fabriquer » un profil virtuel ou un avatar accroît le sentiment de possession et d’incarnation… mais aussi la réticence à s’en séparer.

– Les notifications : elles stimulent les circuits de la récompense dans notre cerveau, produisant une libération de dopamine, un messager chimique du plaisir.

– Le « scrolling infini » : la possibilité de faire défiler de nouveaux contenus à l’infini favorise une utilisation prolongée, et compulsive, des réseaux sociaux.

Plaidoyer pour metaverse : Vraie perspective ou illusion ?

Plaidoyer pour metaverse : Vraie perspective ou illusion ?

Pour l’instant « metaverse » rencontre quelques difficultés à apparaître comme un projet un peu sérieux et concret. En gros , on nous promet un monde virtuel duplication d’un monde réel dont on aurait supprimé les souffrances. Beaucoup de supputations aussi sans doute l’illusion dans ce projet dont Facebook est à l’origine. Des applications possibles sans doute mais peut-être pas au point de devenir majeures dans la transformation des économies modernes. Les possibilités offertes par  metaverse sont loin de se réduire aux domaines du jeu et de la socialisation estime un playdoyer  de Benoit Peyrichout, cofondateur d’Oceans.ai.

Le metaverse repose sur les technologies suivantes : réalité augmentée (ex. : objets 3D qui viennent s’intégrer dans une pièce), réalité virtuelle (simulation d’un environnement en 3D existant dans le monde physique), blockchain, 5G, IOT (connexion d’objets physiques à internet), industrie 4.0 (qui correspond à la convergence du monde virtuel avec les objets réels) et intelligence artificielle. (Crédits : Reuters)

Le metaverse va fondamentalement changer la manière dont l’économie fonctionne. Les grands acteurs financiers l’ont bien compris. AXA Investment Managers a lancé il y a quelques semaines son fonds thématique sur le metaverse. Il se compose d’environ 250 titres répartis en quatre catégories : jeu, socialisation, travail et facilitateur technologique. Jusqu’à présent, une grande partie de l’attention suscitée par le metaverse s’est concentrée sur les deux premières catégories (jeu et socialisation). Mais c’est en tant que facilitateur technologique que les retombées en termes de création de valeur et d’innovations seront certainement les plus importantes. Certains parlent de « metaverse industriel ». C’est la même idée.

Des applications industrielles nombreuses

L’objectif est de simuler des expériences ou des phénomènes dans le monde virtuel afin de pouvoir apporter une réponse aux problèmes du monde physique. L’exemple le plus emblématique est certainement celui de Nvidia, société cotée américaine spécialisée dans les processeurs graphiques, l’intelligence artificielle et qui a un pied dans le metaverse. En décembre dernier, le PDG du groupe, Jensen Huang, a annoncé vouloir créer un jumeau numérique de la Terre capable de prédire le changement climatique en utilisant l’intelligence artificielle. Ce n’est pas un projet qui pourrait aboutir à court terme. Il faudra peut-être au moins dix ou quinze ans de recherche et d’investissements. Mais supposons que Nvidia réussisse. Cela pourrait permettre d’anticiper et de prévenir les changements climatiques qui vont survenir sur le monde physique, aux entreprises de s’adapter, aux assureurs et à tous les acteurs économiques.

D’autres applications sont possibles. Chez Oceans.ai, nous ambitionnons de créer d’ici quelques années un metaverse qui puisse permettre d’anticiper et de prévoir l’impact de la corrosion sur les infrastructures énergétiques, par exemple. La corrosion, au sens large (aussi bien les pipelines, les conduites de gaz, les infrastructures routières, etc.) a coûté près de 84 milliards d’euros à la France en 2019. C’est l’équivalent de 3,5 % du PIB. Si nous pouvions mieux anticiper la dégradation des matériaux sous l’effet de l’environnement, cela permettrait de réduire les coûts engendrés ainsi que les risques et de renforcer la sécurité des biens.

Dans le même ordre d’idée, Boeing est en train de créer son propre metaverse interne reposant sur des jumeaux numériques afin d’éviter les erreurs de conception sur ses avions. Boeing cherche également à perfectionner la maintenance et l’inspection de ses aéronefs. Le groupe américain utilise les données de maintenance actuelles et historiques et a développé un algorithme d’apprentissage automatique qui, si le projet aboutit, pourrait anticiper les points de fragilité à surveiller sur les avions en priorité. Ce n’est toutefois pas une tâche aisée.

Réglementation et complexité du traitement des données

Le metaverse repose sur les technologies suivantes : réalité augmentée (ex. : objets 3D qui viennent s’intégrer dans une pièce), réalité virtuelle (simulation d’un environnement en 3D existant dans le monde physique), blockchain, 5G, IOT (connexion d’objets physiques à internet), industrie 4.0 (qui correspond à la convergence du monde virtuel avec les objets réels) et intelligence artificielle. L’accès aux données est la clé du succès pour cette dernière. On a coutume de dire que dans l’intelligence artificielle il y a besoin d’importants volumes de données. C’est vrai. Mais ce qui n’est pas souvent mis en avant, c’est que la qualité des données (données continues et cohérentes, par exemple) est encore plus primordiale. Cela permet notamment de créer des systèmes d’exploitation servant d’ossature aux jumeaux numériques que nous avons évoqués.

La qualité des données n’est pas une fin en soi. Il convient également d’avoir à l’esprit tous les besoins en matière de confidentialité des données et les réglementations, encore disparates, qui s’appliquent ici et là dans ce domaine. Contrairement à ce que nous pourrions croire en Europe, nous sommes chanceux. La réglementation va dans le bon sens. Début avril, le Parlement européen a adopté des règles plus souples afin de faciliter le partage des données (intermédiaires neutres pour agréger les données, incitation pour que les acteurs publics partagent leurs données, etc.). Cela devrait permettre de favoriser le climat d’innovation autour de l’intelligence artificielle et donc autour du metaverse. Enfin, ce dispositif devrait être complété prochainement par une loi concernant l’usage des données générées par les objets connectés (actuellement en discussion au niveau des Etats membres). C’est un point également crucial pour l’industrie.

L’enjeu désormais est de canaliser les fonds du private equity davantage vers les thématiques d’innovation dans l’industrie. C’est un challenge en France où les levées sont essentiellement dominées par le segment fintech et, dans une moindre mesure, par la medtech. Dans bien des cas, seul le corporate venture capital (fonds détenus par des grands groupes industriels) avec la Banque Publique d’Investissement (BPI) en appui sont présents. C’est insuffisant si on veut réindustrialiser la France et multiplier les filières d’excellence. Souhaitons que l’actuel locataire de l’Elysée s’attaque à ce sujet également.

Afghanistan: fin d’une grande illusion

Afghanistan: fin d’une grande illusion

Le sentimentalisme humanitaire ne saurait faire une politique, argumente l’essayiste Mathieu Bock-Côté.

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Pour Mathieu Bock-Côté, la grande illusion est de croire que l’Afghanistan était une nation à l’image de l’Occident. ( Le figaro, extrait)

 

Le militantisme démocratique occidental constitue une erreur stratégique. (Dans le Figaro extrait) L’échec de l’Amérique et de ses alliés, en Afghanistan, était probablement inévitable: il n’en demeure pas moins humiliant, et vient clore, vingt ans après le 11 Septembre, un cycle politique voué à l’expansion militante de la démocratie jusqu’aux derniers recoins de la planète.

Il ne reste plus rien de la théorie des dominos démocratiques, formulée en son temps par les promoteurs du «wilsonisme botté», qui s’imaginaient possible d’implanter partout un régime semblable à celui prévalant dans le monde occidental. L’humanité est fondamentalement plurielle, et même les aspirations les plus généreuses ne sauraient transcender, et encore moins abolir, la diversité des États, des nations, des civilisations, des cultures et des religions qui la composent.

On ne comprendra rien à cet échec si on ne médite pas sur les limites de ce qu’il faut bien appeler l’anthropologie américaine.

Europe de la défense : une illusion totale

Europe de la défense : une illusion totale

 

Le rapport deux députées Natalia Pouzyreff (LREM) et Michèle Tabarot (LR) sur la politique de défense met en évidence le fiasco total voir l’hypocrisie dans ce domaine. En clair , l’Europe se veut une des grandes puissances mondiales qui compte mais sans défense commune laissant un peu chaque pays décider de ses relations diplomatiques voire militaires. L’exemple le plus édifiant étant sans doute l’affaire de la présence de la France au Mali et de la force Barkhane. La France est en effet de plus en plus isolée et les moyens complètement insignifiants au regard de l’immensité du territoire à couvrir (10 fois plus que la France avec 5000 militaires !).

Nombre de pays en plus se satisfont parfaitement du bouclier américain et ne font rien développer une industrie européenne de l’armement «  : les acquisitions d’armements auprès des États-Unis se sont multipliées, en contradiction avec plusieurs engagements de la CSP ( Coopération structurée permanente (CSP), et le respect des engagements opérationnels se heurte aux réticences des États-membres.

Covid-Télétravail : la grande illusion

Covid-Télétravail : la grande illusion

 

D’après les pouvoirs publics, en tout cas d’après le gouvernement, le télétravail aurait concerné près de la moitié de la population. On peut se demander où le gouvernement a pris ces chiffres. En effet, le champ possible du  télétravail en France est au maximum de 25 à 30 %. Par ailleurs le télétravail dans la très grande majorité des cas ne peut être permanent.

Le télétravail est loin de concerner une majorité de la population active. Selon un récent baromètre Harris Interactive commandé par le ministère du Travail, seulement 18% des salariés déclarent qu’ils ont fait du télétravail à 100% et 18% ont répondu qu’ils alternaient entre travail à distance et travail en présentiel durant la semaine du 2 au 8 novembre.

À l’inverse, 52% des Français affirment qu’ils ont travaillé à 100% sur leur lieu de travail. Enfin, 4% ont répondu qu’ils étaient en chômage partiel.

« Le premier enseignement est que tout le monde ne peut pas télétravailler en France », rappelle Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique et opinion interrogé par « La Tribune ».

Télétravail : la grande illusion

Télétravail : la grande illusion

 

D’après les pouvoirs publics, en tout cas d’après le gouvernement, le télétravail aurait concerné près de la moitié de la population. On peut se demander où le gouvernement a pris ces chiffres. En effet, le champ possible du  télétravail en France est au maximum de 25 à 30 %. Par ailleurs le télétravail dans la très grande majorité des cas ne peut être permanent.

Le télétravail est loin de concerner une majorité de la population active. Selon un récent baromètre Harris Interactive commandé par le ministère du Travail, seulement 18% des salariés déclarent qu’ils ont fait du télétravail à 100% et 18% ont répondu qu’ils alternaient entre travail à distance et travail en présentiel durant la semaine du 2 au 8 novembre.

À l’inverse, 52% des Français affirment qu’ils ont travaillé à 100% sur leur lieu de travail. Enfin, 4% ont répondu qu’ils étaient en chômage partiel.

« Le premier enseignement est que tout le monde ne peut pas télétravailler en France », rappelle Jean-Daniel Lévy, directeur du département politique et opinion interrogé par « La Tribune ».

L’illusion de “l’argent magique” ! (Gilles Savary)

L’illusion de “l’argent magique”  ! (Gilles Savary)

 

 

Chronique de Gilles Savary qui déconstruit l’illusion de l’argent magique pour régler la crise (L’opinion).

 

 

« Le déconfinement physique, annoncé pour le 11 mai, constitue un défi particulièrement complexe et délicat pour un gouvernement, mais qui ne distingue pas particulièrement la France des autres pays.

En revanche, le rendez-vous du « déconfinement financier public », à échéance encore inconnue, s’annonce infiniment plus périlleux dans notre pays que dans la plupart des autres.

D’abord parce que les Français ont toujours entretenu un rapport plus mystique que rationnel avec l’argent public, soit qu’il leur paraisse d’essence divine inépuisable, soit qu’ils adhèrent à l’illusion qu’il suffirait de spolier les riches pour qu’il le devienne, toute considération plus sérieuse de justice sociale mise à part.

Il y a peu de pays comparables qui manifestent une aussi large aversion à l’économie, une aussi faible conscience que nos finances publiques en procèdent et une conception aussi dépréciée du travail.

Si l’on veut chercher, ces temps-ci, ce qui nous distingue fondamentalement de l’Allemagne, il ne faut pas aller beaucoup plus loin.

Il faut espérer que la crise sanitaire et les admirables leçons d’abnégation que nous ont délivrées des corporations modestes, au premier rang desquelles les personnels de santé et de services de nos établissements sanitaires, mais qui ne recouvrent pas hélas tous les services publics, seront enfin tirées au plan salarial.

Emmanuel Macron a été bien avisé de prendre rapidement la mesure de l’épreuve à laquelle nous étions confrontés en mobilisant des moyens financiers et administratifs considérables pour faire face à l’urgence sanitaire « quoi qu’il en coûte » et en plaçant immédiatement les entreprises et leurs salariés sous cocon d’aides publiques massives. S’il n’en est qu’un seul, c’est dans ce dernier registre que la France a montré l’exemple au monde, y compris aux démocraties les plus viscéralement libérales.

Mais c’est lui aussi qui mettait en garde au début de son quinquennat contre les illusions de « l’argent magique ».

« Cet anesthésiant public ne sera pas éternel et n’évitera pas que des entreprises et des emplois soient rapidement confrontés à des pertes irrémédiables de clientèles et de chiffres d’affaires menaçant leur pérennité »

Or, ne nous en plaignons pas, mais convenons que les 110 milliards mis sur la table du jour au lendemain pour limiter la casse économique et sociale ont toutes les apparences d’un « argent magique ».

Pourtant, cet anesthésiant public ne sera pas éternel et n’évitera pas que des entreprises et des emplois soient rapidement confrontés à des pertes irrémédiables de clientèles et de chiffres d’affaires menaçant leur pérennité. Comment leur expliquer qu’une économie ne peut durablement vivre de subventions, précisément parce qu’elle en est la source ?

Mais voilà que des champions de la finance la plus libérale, habitués à jouer avec de l’argent virtuel, nous font miroiter la corne d’abondance de dettes perpétuelles et de marchés de rentes obligataires alimentés par la création monétaire des banques centrales.

Mélenchon, Pigasse, Minc, Soros : même combat !

Comme si l’économie réelle et la santé de nos entreprises n’avaient plus rien à voir avec notre niveau de vie collectif…

Comme si l’on pouvait renoncer aux affres du travail grâce à un revenu monétaire enfin libéré de toute contrainte productive ? Nos revenus ne dépendraient plus que de la planche à billets ! A ce compte-là, le retour à un minimum de rationalité budgétaire n’est pas pour demain.

Il n’est simplement pas sûr que l’Union européenne et que le niveau de vie et de protection sociale de la France y survivent longtemps. »

Gilles Savary est ancien député PS de Gironde.

 

Coronavirus : l’ immunité collective une illusion

Coronavirus : l’ immunité collective une illusion

L’idée d’une immunité collective collective a pu paraître intéressant à certains politiques qui refusaient le principe du confinement. Le problème c’est que cette immunité collective passe par la contamination de 60 à 70 % de la population mais aussi dans chaque pays par des centaines de milliers de morts. Sans doute des dizaines de millions au plan mondial. « L’hypothèse d’une immunité collective est intéressante mais semble s’éloigner », juge le docteur Jimmy Mohamed, mercredi sur Europe 1. « On partait sur une hypothèse d’immunité collective de 60 à 70% de la population qui devrait avoir le virus pour que le virus disparaisse et que nous soyons quasiment tous immunisés. Dans ce cas on aurait plus de chances de rencontrer une personne immunisée qu’une personne malade. Mais dans ce scénario il y aurait des dizaines voire des centaines de milliers de morts », prévient le docteur.

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