La république des juges idéologues
Pour le chroniqueur de Marianne David Desgouilles, cette décision montre une politisation de certains juges et rend quasiment impossible un retour en politique de l’ex président.( Interview Le Figaro)
David Desgouilles est chroniqueur à Marianne. Il a publié Dérapage (éd. du Rocher, 2017) et Leurs guerres perdues, (éd. du Rocher, 2019).
Que pensez-vous de cette décision de justice dans l’affaire des écoutes?
David DESGOUILLES.-Compte tenu de ce que nous avions pu lire des débats lors du procès, on peut manifester de l’étonnement voire de la surprise. Comment cette affaire avait-elle vu le jour? Avec des écoutes téléphoniques obtenues avec la méthode très discutable dite «des filets dérivants». Dans cette affaire, on a espionné plusieurs avocats de façon tout à fait inquiétante au point que le garde des sceaux actuel avait à l’époque déposé plainte.
L’avocat Thierry Herzog est pourtant lourdement condamné à cinq ans d’interdiction professionnelle, notamment pour violation du secret professionnel. On aimerait que ce genre d’infraction puisse être aussi appliquée à ceux qui livrent des PV entiers d’interrogatoires au Monde ou à Mediapart.
La politisation de certains magistrats a été mise en lumière par l’affaire dite du « Mur des cons », mur sur lequel la tête de Nicolas Sarkozy était affichée.
Thierry Herzog a semble-t-il interjeté appel. Nicolas Sarkozy, lourdement condamné, devrait faire de même. On verra ce qu’en pensera la Cour d’appel, et éventuellement encore plus tard, la Cour de Cassation. Cette affaire est loin d’être terminée.
Ne s’agit-il pas d’une forme de justice politique?
Le PNF prête le flanc à cette accusation depuis sa création par François Hollande. La vitesse à laquelle François Fillon a été mis en examen en pleine campagne présidentielle reste dans les mémoires.
La politisation de certains magistrats a été mise en lumière par l’affaire dite du «Mur des cons», mur sur lequel, justement, la tête de Nicolas Sarkozy était affichée, avec beaucoup d’autres. Il y a vraiment un sujet et Eric Dupont-Moretti était justement à l’avant-garde pour le pointer lorsqu’il était avocat, ce qui n’a pas favorisé son bon accueil par les magistrats en tant que ministre de la Justice.
Depuis, il a forcément cherché à apaiser les tensions, ce que l’on peut comprendre. Mais cette question devra forcément être débattue pendant la prochaine campagne présidentielle.
Que ce soit sur les affaires, mais bien davantage encore, sur les censures des décisions gouvernementales, de la part notamment du Conseil d’État ou de cours internationales, on a un véritable problème démocratique à traiter. Ce qu’on appelle parfois abusivement «l’État de Droit» cache de plus en plus un gouvernement des juges a démocratique et idéologique, qui ne dit pas son nom.
L’humiliation de sa défaite dès le premier tour à la primaire lui avait fait comprendre qu’un retour classique était impossible.
Est-ce la fin de la carrière politique de Nicolas Sarkozy?
Comme je l’ai dit plus haut, il y aura appel. Mais Nicolas Sarkozy poursuivait-il réellement sa carrière politique? Contrairement à la période 2012-2016, où il n’avait pas renoncé à jouer le jeu partisan, reprenant la tête de son parti politique puis se portant candidat à la primaire, l’ex-président abordait la vie politique d’une tout autre manière, conseillant les uns et les autres ou tirant parfois quelques ficelles.
La situation ubuesque de le voir débattre avec ses anciens ministres et l’humiliation de sa défaite dès le premier tour à la primaire lui avaient fait comprendre qu’un retour classique était impossible, ce que lui conseillaient déjà Patrick Buisson et Henri Guaino après son échec en 2012.
En tant que président, sa seule possibilité de retour, c’était à la faveur d’une énorme crise, d’un chaos: émeutes généralisées dans les quartiers, par exemple, ou une nouvelle crise en plus grave du type de celle des Gilets jaunes. Avec le contexte de la pandémie et des crises qui vont lui succéder, ces perspectives ne sont d’ailleurs pas à écarter d’un revers de la main.
En quoi cette décision change la donne à droite? Quelles conséquences en vue de la présidentielle de 2022?
Elle ne la change pour les raisons que je viens de vous indiquer. Si Nicolas Sarkozy devait revenir comme un recours lors d’une crise confinant à la guerre civile, cette condamnation en première instance ne pèserait pas très lourd. Et si on vit une campagne présidentielle classique, Nicolas Sarkozy n’est clairement plus dans le jeu.