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«Une agriculture idéale et durable». (Denis Beauchamp)

«Une agriculture idéale et durable». (Denis Beauchamp)

 

Denis Beauchamp responsable du commerce des céréales dans une coopérative agricole et président de l’Association France Agri Twittos,  tente de réconcilier la dimension environnementale et économique de l’agriculture dans une tribune à l’opinion.

 

 

Connaissez-vous l’équation qui conditionne la réussite de toute politique agricole ? C’est une équation qui s’articule invariablement autour de trois facteurs (l’ordre n’a pas d’importance) :

- Elle doit être durable pour le producteur : si l’agriculteur ne vit pas de son métier, ce n’est pas un modèle d’avenir.

- Elle doit être capable de fournir de la nourriture de qualité, en abondance et abordable : si on souffre de pénurie tous les ans, ou si la nourriture est hors de prix, ça n’est pas viable à long terme.

- Elle doit être durable au point de vue environnemental : une agriculture qui détruit le milieu dans lequel elle s’exerce n’a pas d’avenir.

Ces trois points sont totalement imbriqués les uns dans les autres : à progrès agronomique égal, quand on touche le curseur de l’un, on fait mécaniquement et obligatoirement bouger les deux autres. J’insiste, et il faut en être conscient, on n’a rien sans rien et l’équilibre est très fragile.

Pour résumer, on pourrait avoir une agriculture qui aurait zéro impact, mais elle ne nourrirait personne. On pourrait également avoir une agriculture hyperproductive mais qui détruirait tout, évidemment ça n’irait pas. On pourrait enfin avoir une agriculture haut de gamme, mais qui ne ferait vivre que 20 % de ses producteurs, ça ne serait pas souhaitable. Une politique agricole qui oublie un ou plusieurs de ces paramètres n’a donc aucune chance d’être durable.

Sachant cela, quel est le constat à ce jour de la PAC pour la société Française ?

Sur le premier point, la rentabilité, si l’objectif a été atteint, ça l’est de moins en moins, et même plus du tout pour de larges secteurs agricoles. Sur le second point, la production, pas de doute, l’objectif est atteint : jamais le prix de la nourriture n’aura aussi peu pesé dans le panier des Français. Sur le troisième point, l’environnement, il faut être honnête. Même s’il y a encore des efforts à faire, les progrès sont incontestables et vont vraiment dans le bon sens.

Alors qu’est-ce qui cloche dans tout cela ? Deux choses principalement. Tout d’abord la perception pour le consommateur, qui est loin de savoir quelles ont été les évolutions de l’agriculture ces vingt dernières années. Il faut l’expliquer, chiffres à l’appui : oui, la pollution des rivières recule. Oui, les algues vertes aussi reculent. Oui, on sait mesurer avec une précision inconnue il y a dix ans, la moindre trace de tout ce que l’on veut (ou surtout de ce que l’on ne veut pas) dans notre nourriture. Et c’est suivi de très près. Oui, on utilise de moins en moins de produits phytosanitaires problématiques. Tout cela prend du temps, mais on est sur le bon chemin.

Ensuite, la rentabilité pour le producteur. Pour améliorer ce dernier point, il n’y a pas de formule magique. Soit le producteur parvient à fabriquer un produit à bas prix, et pour cela il faut des installations mécanisées et automatisées (pour l’élevage, ce sera des fermes usines, pour faire simple). Soit le producteur parvient à tirer un revenu autre que la production pure (méthanisation, paiement pour services environnementaux rendus, diversification), mais à ce compte-là on valide le fait que produire de la nourriture en France n’est plus rentable, ce qui n’est pas forcément un bon calcul à long terme en cas de pénurie ou de confinement. Soit la PAC sert à compenser l’écart entre ce qu’est prêt à payer le consommateur, et le coût de production de ce qu’il demande : ce serait la solution de facilité.

La société ne peut pas nous reprocher de produire ce qu’elle-même exige d’acheter

Je ne crois pas à l’argent magique. Chaque activité doit impérativement être rentable par elle-même, et les attentes sociétales doivent être cohérentes avec les dépenses alimentaires et donc, le mode de production qu’il implique. En clair, la société ne peut pas exiger la fin des pesticides et de l’élevage industriel, et en même temps chercher à acheter toujours le moins cher, à courir les promotions et les fast-foods, et à acheter à l’étranger ce qu’il est impossible de produire en France à coût réduit, comme c’est déjà le cas pour la volaille par exemple.

Si le pouvoir d’achat ne permet pas de financer la réalisation de ses attentes, alors la société ne peut pas demander à l’agriculture, plus que ce qu’elle peut payer. C’est cruel, mais c’est ainsi. On rêverait tous de vivre dans un pays rempli de gens très riches qui auraient un gros niveau de vie pour s’acheter uniquement des produits de luxe, mais la réalité est différente.

Il est là le cœur du malaise : d’un côté, des attentes sociétales de haut niveau que nous écoutons, et de l’autre côté, des dépenses de la même société au ras des pâquerettes, que nous constatons. Et ça, ce n’est pas, et ce ne sera jamais compatible. La société ne peut pas nous reprocher de produire ce qu’elle-même exige d’acheter.

Ça crée en revanche beaucoup de rancœur côté agricole, ainsi qu’un sentiment d’injustice et d’hypocrisie qui est très violent à vivre au quotidien. Alors, au moment de débattre de ce que nous voulons pour le futur de l’alimentation, avançons ensemble, avec lucidité et sans a priori. Et n’oubliez pas : les agriculteurs produiront toujours ce que vous consommez, ce ne sera jamais l’inverse.

Agnès Buzyn, bouc-émissaire idéale pour cacher la déroute électorale de LREM

 

 

La plupart des médias ont choisi de piétiner Agnès Buzyn déjà à terre pour ses propos accablants concernant à la fois la mascarade des municipales et le retard du gouvernement concernant la crise sanitaire. Avant cet épisode , les mêmes médias tressaient  des louanges  à la ministre de la santé comme ils ont l’habitude de le faire à l’égard du gouvernement en général. Quitte  parfois même à sortir des sondages bidon spécialité du JDD notamment ( Hidalgo menacée à Paris, Dati en tête par exemple , sondage repris par tous les médias). (Cette fois c’est un chercheur en sciences politiques qui dans un latin de messe de psychologue et de pythie politiste enfonce à son tour l’intéressée dans le JDD. La lecture vaut le détour ! Tout y est abordé sauf l’essentiel à savoir d’une part la catastrophe électorale générale de la république en marche à Paris bien sûr mais partout sur le territoire ;  surtout on fait l’impasse sur les défaillances dramatiques de la gestion de crise par le gouvernement et le Premier ministre en particulier. une défaillance qui continue avec le manque dramatique de masques, de respirateurs, de tests , le manque aussi de courage politique. Une analyse psycho pour  Bruno Cautrès, chercheur en sciences politiques, Sciences Po – USPC qui  s ‘est livré à ce curieux exercice  pour satisfaire sans doute aussi le cruel manque d’articles du journal. La confirmation également  que l’enseignement des instituts politiques souvent relève du bla-bla  de nature scientiste. (et les références bibliographiques n’y changent rien!)

 

« L’interview d’Agnès Buzyn publiée dans Le Monde du 17 mars revenant sur la manière dont elle avait vécu son départ du gouvernement et sa campagne électorale pour les municipales à Paris, s’inscrit dans une tradition politique bien connue : la « bombe » lâchée dans les heures ou les jours qui suivent une défaite électorale. On évoque parfois le syndrome de dépression ou de décompression postélectorale. Les lendemains de défaite sont une étape difficile à gérer au plan humain et politique comme l’a récemment bien montré l’ouvrage dirigé par Frédéric Louault et Cédric Pellen (La Défaite électorale. Productions, appropriations, bifurcations, Presses Universitaires de Rennes, 2019).

Au plan humain, il n’est pas rare de voir les candidats passer en quelques heures de la posture conquérante (« on va gagner! ») à un syndrome d’abattement ou même d’effondrement : une combinaison de fatigue psychologique et physique, de déception face aux résultats, parfois teintée d’amertume.

Les partis politiques « de la vielle école » connaissent bien ce syndrome, ou son exact opposé, l’euphorie de la victoire (qui fait oublier qu’il y a un deuxième tour ou qui fait perdre au vainqueur final le sens des réalités). Analysant en profondeur les ressorts de l’engagement et de la participation à une campagne électorale, le politiste Alain Faure, spécialiste des élus ruraux et du pouvoir local, a recueilli de nombreux témoignages d’élus qui évoquent avec nostalgie et affects leur première campagne électorale.

Il évoque même (dans une communication à un colloque) une « empreinte affective » durable la première rencontre avec le suffrage universel : « La première exposition de soi, la rencontre avec des mentors, la prise publique de parole et le dénouement par les urnes semblent avoir placé ces éligibles dans une ivresse insoupçonnée et inoubliable. »

Les équipes de campagne des partis politiques tentent d’ailleurs de canaliser le mieux possible les débordements émotionnels de leurs candidats. Les « vieux routards » de la politique savent qu’il faut tenir sa langue dans les heures et jours qui suivent les élections et plus particulièrement en cas de défaite : « il ne faut pas insulter l’avenir », disent-ils souvent, une règle d’or de la politique.

La lecture de cette interview suscite trois réactions. Première réaction, la plus instinctive : la consternation et même le choc. On peut en fait se demander si nous n’avons pas assisté en direct à une fin de parcours politique d’Agnès Buzyn : la candidate, arrivée troisième du premier tour avec 17,3% des voix, pourra-t-elle se présenter devant les électeurs le 21 juin après une telle « bombe », et d’ailleurs le veut-elle ?

La tonalité de l’interview et plusieurs déclarations (« je me demande ce que je vais faire de ma vie », « c’est ma part de liberté, de citoyenne et de médecin », « je n’ai plus de boulot ») font apparaître qu’Agnès Buzyn semble mentalement sortie des élections municipales. A priori, impossible de s’en remettre vis-à-vis des électeurs (à commencer par les siens) et encore plus impossible pour elle d’enfiler à nouveau le costume de candidate.

Une sortie de la vie politique, en forme de « coming out » libérateur : comme si le rôle de candidate, dans le contexte que nous vivons, avait été trop lourd à porter et vécu comme un rôle de composition, plus imposé par les circonstances que choisi. Ministre oui, candidate non ou plus difficilement. Ce profil existe dans notre vie politique qui a déjà compté des talents n’arrivant pas à passer l’obstacle du suffrage universel ou ne le souhaitant pas, par exemple l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin.

Le malaise de la « mascarade »

Les explications confuses que la candidate a données par la suite, n’ont fait qu’accentuer le malaise que l’on ressent. Malgré les éléments de langage distillés ensuite, plusieurs énoncés terribles contenus dans l’interview au Monde resteront collés au nom de la candidate. La ministre aurait eu conscience que la gravité de la situation sanitaire empêcherait les élections municipales d’avoir lieu ; la candidate a vécu ces élections comme une « mascarade ».

Agnès Buzyn a quitté des fonctions éminentes dans une période sanitaire dramatique pour concourir à une élection dont elle pensait qu’elle n’aurait pas lieu… ; elle a conduit une campagne électorale (qui comporte des négociations ou discussions avec d’autres candidats) vécue (et qualifiée a posteriori) comme une « mascarade », un terme dont les acceptions recouvrent d’ailleurs aussi bien « comédie hypocrite » que « mise en scène trompeuse »…

La seconde réaction est moins instinctive et choquée. Elle prend davantage appui sur les sciences sociales, notamment la sociologie politique des émotions. Ce courant de recherche a développé la thèse d’un « citoyen sentimental », proposée au début des années 2000 par le spécialiste américain de psychologie politique, George Marcus. Dans ses travaux, George Marcus montre que notre cerveau prend appui simultanément sur la « raison » et les émotions pour penser la politique.

Loin d’être un obstacle au jugement politique, une camisole aveuglante, les émotions feraient partie intégrante du « raisonnement politique » : privé de ses émotions l’être humain ne sait en fait plus décider. De nombreux travaux de recherches conduits par la psychologie politique (par exemple chez Pavlos Vassilopoulos) ont confirmé que raison et émotions constituent une combinatoire essentielle des décisions et évaluations politiques. Si la peur, l’anxiété ou la colère font partie des émotions qui agissent fortement sur les choix politiques, elles ne conduisent pas nécessairement les électeurs qui ressentent ces émotions à des comportements ou attitudes extrêmes.

Système 1, Système 2

Ces travaux montrent aussi que le cerveau humain fonctionne selon deux modes opératoires, que nous passons nos journées à combiner : d’un côté la logique des « habitudes acquises » et de l’enthousiasme spontané ; d’un autre côté la logique de la « surveillance », attentive aux modifications de l’environnement, qui fonctionne à l’anxiété mais favorise l’esprit critique.

Cette thèse rappelle celle avancée par Daniel Kahneman, lauréat du Prix Nobel d’économie et spécialiste notamment des « biais cognitifs », dans son livre mythique Système 1, Système 2 : Les deux vitesses de la pensée. Selon Kahneman, nous opérons nos activités cérébrales selon deux modes : le « système 1″ qui est rapide, instinctif, émotionnel mais peu précis et le « système 2″ qui est plus lent, plus réfléchi, plus logique et plus précis. Daniel Kahneman montre à quel point les « biais cognitifs » nous conduisent, notamment en mode « système 1″, à commettre des erreurs de jugement et à développer fausses peurs, aversions infondées ou erreurs de jugement.

Une « sentimentalité » toute politique

Si nous sommes bien ces « citoyens sentimentaux » ou ces « cerveaux politiques à deux vitesses », aucune raison pour que les hommes et femmes politiques échappent à cette règle. Dans le cas d’Agnès Buzyn, remarquons tout d’abord la grande part de « sentimentalité » qui caractérise sa communication : elle a pleuré en quittant ses fonctions de ministre, elle répond en larmes aux questions d’Ariane Chemin dans Le Monde et sa campagne électorale a beaucoup mis en avant son « empathie », sa « douceur », « sa proximité » avec les gens. S’il s’agissait de créer un clivage d’image avec Anne Hidalgo et Rachida Dati (renvoyant en creux une image de dureté et machines de guerre électorale à propos de ses concurrentes), ce « storytelling » nous disait quelque chose d’important.

Si l’on suit les travaux du politiste Christian Le Bart, nous sommes entrés dans l’ère de la « démocratie émotionnelle ». Les travaux remarquables de ce spécialiste des émotions et de la mise en scène du politique, montrent l’affirmation d’une tendance « lacrymal-fusionnelle » dans nos démocraties : les larmes, les émotions, la compassion, l’empathie, la proximité comme l’ultime tentative de combler le gouffre abyssal du déficit démocratique comme en témoigne la profonde défiance des Français vis-à-vis du politique.

Ethique de responsabilité

Cette tendance au débordement émotionnel de nos hommes et femmes politiques n’a-t-elle pas joué un mauvais tour à Agnès Buzyn? D’une part en mettant trop en exergue son profil humain pendant sa campagne au détriment de ses propositions, les rendant inaudibles en fait ; d’autre part, en s’épanchant trop vite et trop maladroitement dans les colonnes du Monde? Un coup de grisou du « système 1″, mais tellement spectaculaire et fracassant dans sa spontanéité et sa dimension émotionnelle que le « système 2″ ne peut plus rien pour récupérer et rattraper l’affaire.

Le recours aux sciences sociales peut nous rendre un dernier service pour comprendre l’énigme du quasi « suicide politique » qui s’est commis sous nos yeux. Depuis la célèbre conférence de Max Weber en 1919, on sait que la « vocation » du « savant » et celle de l’acteur politique ne peuvent se confondre. Pour Weber, « l’éthique de responsabilité » c’est l’action en termes de moyens fins, inspirée par la philosophie politique de Machiavel.

C’est la morale de l’action de l’homme d’Etat qui va accepter, au nom d’un intérêt supérieur et du bien commun, d’employer des moyens que la morale réprouve. Weber a beaucoup réfléchi aux limites de cette « éthique de responsabilité », que la société ne peut suivre jusqu’au bout sauf à ériger en morale commune des principes inacceptables. La « morale de conviction » incite à agir selon ses sentiments sans référence aux conséquences.

Dans sa préface à l’édition 1959 du Savant et le Politique (de Max Weber), Raymond Aron résumait en ces termes l’opposition entre les deux « vocations » du savant et du politique : « On ne peut pas être en même temps homme d’action et homme d’études, sans porter atteinte à la dignité de l’un et de l’autre, sans manquer à la vocation de l’un et de l’autre. »

 

Il ajoutait qu’il ne fallait pas en conclure que cette distinction fondamentale excluait en même temps, chez Weber, les liens entre l’un et l’autre : « La science qu’il conçoit est celle qui est susceptible de servir l’homme d’action ». Cette position rejoint celle de Durkheim (dans la première préface à La Division du travail social) qui décrivait ainsi le rôle social du savant :  »De ce que nous nous proposons avant tout d’étudier la réalité, il ne s’ensuit pas que nous renoncions à l’améliorer […] Nous devons être, avant tout, des conseilleurs, des éducateurs. Nous sommes faits pour aider nos contemporains à se reconnaître dans leurs idées et dans leurs sentiments beaucoup plutôt que pour les gouverner ; et dans l’état de confusion mentale où nous vivons, quel rôle plus utile à jouer? »

En jetant le masque d’une « mascarade » qui ne lui convenait plus, Agnès Buzyn vient d’illustrer à la perfection le conflit de loyauté tragique entre « éthique de conviction » et « éthique de responsabilité » qui attend tout savant qui rentre en politique. L’espace d’une interview dans Le Monde, le cerveau du médecin et de l’universitaire a repris le dessus sur celui du politique. Est-ce définitif? C’est entre les lignes le sentiment que l’on a. Il est évident qu’Agnès Buzyn devra très vite trancher le nœud gordien. La République en marche pour une troisième candidature à la mairie de Paris? Décidément, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas…!

Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.

 

 




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