Archive pour le Tag 'humanité»'

Science et humanité: la place de l’homme face à l’intelligence artificielle (Eric Salobir)

Science et humanité: la  place  de l’homme face à l’intelligence artificielle (Eric Salobir)

(Cet article est issu de T La Revue de La Tribune – N°7 Décembre 2021)

 

Eric Salobir est président de Human Technology Foundation

Depuis quelques années, les observateurs remarquent une défiance accrue de la société civile vis-à-vis du progrès ; une certaine crainte même envers la science et les nouvelles technologies. Comment expliquer que nous en sommes arrivés là ?

Éric Salobir Ce dont on a peur, c’est de la nouveauté quand elle est disruptive, c’est-à-dire quand elle n’est pas incrémentale et que l’on voit doucement s’améliorer les choses. Or nous sommes en train de vivre un point de bascule. Depuis 20 ans, avec l’arrivée du numérique, de l’Internet et maintenant de l’intelligence artificielle, nous faisons face à ce qui est de l’ordre d’une révolution. Selon le World Economic Forum, cette phase de notre histoire s’apparente à une quatrième révolution industrielle. Selon moi, il s’agit avant tout d’une révolution épistémologique, j’entends par là que ce qui a profondément changé c’est notre rapport à la connaissance et notre rapport au monde. Cette révolution nous fait perdre et gagner des choses tout à la fois. Or, comme bien souvent, on voit vite ce que l’on perd mais pas tout de suite ce que l’on gagne. Nous sommes à une pliure de l’histoire. Tout se passe de l’autre côté du versant qui n’est pas forcément vu par tous. C’est ce voile qui est facteur d’inquiétude pour beaucoup de gens. Cela dit, je me souviens d’une très belle conversation que j’ai eue avec Michel Serres quelques mois avant son décès ; il était beaucoup plus optimiste que moi qui le suis pourtant déjà ! Il m’a rappelé que Socrate était contre l’utilisation de l’écriture car ce dernier était convaincu que la pensée allait être accessible à tout le monde y compris à des gens à qui elle n’était pas destinée et à qui elle ne serait pas expliquée. Pour Socrate, la pensée naît de la rencontre, du dialogue ; à partir du moment où l’on ne peut pas poser de questions, on ne peut pas débattre et donc il n’y a pas de pensée. Aujourd’hui on sait comment l’écriture a contribué au progrès de l’humanité et il est impensable de la remettre en question. Cela a été également le cas avec l’invention des caractères mobiles d’imprimerie qui ont permis de généraliser l’utilisation de l’écrit longtemps réservé aux plus riches. La crainte d’alors était que les textes soient transformés… c’étaient les fake news de l’époque. Mais encore une fois, on s’en est très bien sortis. Le monde s’est transformé. Michel Serres me faisait d’ailleurs remarquer qu’avec la génération de l’écrit, l’homme a beaucoup perdu de ses capacités de mémoire. Les civilisations de l’oral sont des civilisations de la mémoire, qui connaissaient par cœur des récits entiers. Il y avait d’ailleurs une formule latine qui était assez péjorative : « Doctus cum libro », que l’on peut traduire par « est savant quand il a ses livres ». Maintenant c’est « Doctus cum Google ». Tout le monde est savant dès qu’il a accès à des bases de données. Mais ce n’est plus péjoratif.

Surgit peut-être une nouvelle crainte : celle de voir l’humanité régresser intellectuellement, voire même de perdre en intelligence. À force d’être assisté par les outils numériques, l’homme aurait-il tendance à ne plus faire d’effort ? À trop utiliser le GPS par exemple, ne perd-il pas le sens de la lecture d’une carte ? Pour autant cette vision ne suggère-t-elle pas que le côté obscur de ce que l’on perd sans considérer ce que le numérique peut offrir culturellement parlant par exemple ?

É.S. La réponse est double. C’est-à-dire que d’un côté effectivement on perd des choses, il a été prouvé que les personnes utilisant tout le temps le GPS perdent le sens de l’orientation. Donc se repèrent moins bien dans l’espace en trois dimensions. Cela change notre appréhension du monde, c’est vrai. Mais, en même temps, une certaine forme de polychronie est apparue dans notre vie sociale. Nous explorons aujourd’hui des formes d’intelligence collaboratives qui n’existaient pas il y a 50 ans. On est plus multitâches, on travaille plus facilement en réseau, on crée de l’intelligence ensemble.

En revanche, je ne suis pas du tout naïf sur le fait que certains mésusages ou usages abusifs en termes de quantité de certaines technologies, de certains médias, finissent par induire des déséquilibres. Quand le patron d’une grande plateforme de streaming dit « mon concurrent principal c’est le sommeil », c’est extrêmement inquiétant car c’est la santé des personnes qui est en danger. Cela dit, on n’a pas attendu le numérique pour cela. Le président d’une grande chaîne de télévision française affirmait il y a quelques années « vendre du temps de cerveau disponible ». Finalement, le numérique n’est venu qu’à la suite d’un fonctionnement qui existait déjà. Ce que j’observe en revanche, c’est l’accroissement de nouvelles formes de fractures numériques.

C’est-à-dire ?

É.S. Les premières fractures se sont placées entre ceux qui n’avaient pas d’ordinateur ou ne savaient pas s’en servir, ceux qui étaient dans les zones blanches, et les autres. Maintenant la fracture se situe entre ceux qui sont capables de soulever le voile et de comprendre ce qui se passe derrière. C’est là le nouvel enjeu : faire en sorte qu’il n’y ait pas qu’une minorité de gens qui connaissent le fonctionnement des outils digitaux à l’instar des réseaux sociaux. Avoir conscience que les photos de comptes d’influenceurs sont souvent retouchées et donc ne reflètent pas la réalité ; apprendre à recouper l’information, à vérifier les sources. Car pour une immense majorité, l’influence du numérique peut conduire à la déprime et à la manipulation. Est-ce vraiment cela le progrès ? Non, je ne pense pas.

Justement, comment définiriez-vous le progrès ?

É.S. Je suis persuadé que le progrès ne vaut que s’il est partagé par tous. Célèbre allocution d’Aristote reprise comme slogan d’une compagnie de chemin de fer en son temps ! Mais je pense que c’est extrêmement vrai. Cela s’est confirmé notamment avec la pandémie. Il n’y a pas si longtemps, certains mouvements dits transhumanistes encourageaient l’investissement technologique dans l’amélioration significative de la vie d’une petite quantité de gens.

Certains se targuaient même de prendre des pilules à 1 000 dollars en espérant que cela allait rallonger leur vie. Depuis la pandémie, il est clair qu’en termes de santé, ce qui compte de manière essentielle c’est qu’il y ait des lits d’urgence pour tout le monde à l’hôpital quand il y a une épidémie. Cette situation a recentré le débat. En termes d’investissement, on est passé de chercher la pilule qui rendrait les milliardaires immortels à chercher un vaccin qui sauverait toute la planète. C’est un recentrage positif.

Cela dit, la crainte envers les vaccins n’a pas tardé à ressurgir, et cela de manière violente.

É.S. C’est vrai. Cette crainte est l’aboutissement d’une tendance que nous avions vue éclore il y a déjà quelques années. Nous avons d’ailleurs organisé un colloque il y a deux ans dont le but était de recréer la confiance dans les technologies, alors même que les gens de la Silicon Valley apparaissaient encore en couverture des magazines. Nous sentions pourtant qu’une certaine défiance était en train de naître. La vraie question c’est contre quoi et contre qui se tourne cette défiance ? Plusieurs éléments entrent en jeu. D’abord, on confond parfois science et progrès et malheureusement la crise pandémique aura sans doute fait tomber le dernier bastion de la parole qui existait : celui de la parole scientifique. Cela faisait longtemps que le public mettait en doute la parole des politiques, la parole des médias, même la parole des sphères économiques, mais pas la parole scientifique. C’était une parole qui était restée pure. Et ce bastion est tombé lorsqu’on a demandé à des scientifiques de se positionner sur des sujets sur lesquels ils n’avaient pas encore l’information. Est-ce la faute des médias qui les ont poussés à le faire ? Est-ce la faute des scientifiques qui ont cédé à cela ? Et puis, est arrivé le moment où l’on a demandé à tout le monde de parler de tout. Or, en dehors de sa discipline, un expert manque terriblement de discipline justement. Cela a contribué à l’émergence du mouvement antivax, dans lequel beaucoup ne croient plus les scientifiques. La parole des scientifiques semble abîmée.

Il y a là un transfert d’inquiétude. Prenons l’exemple des technologies numériques. Beaucoup accusent les algorithmes des pires maux, comme s’ils étaient capables de penser et d’agir. Mais c’est ce que l’homme fait des algorithmes qui est à remettre en cause, et plus largement la manière dont il utilise toutes ces nouvelles technologies. La défiance ne serait-elle pas à replacer vis-à-vis de l’humain tout simplement ?

É.S. La défiance vis-à-vis des scientifiques c’est une défiance vis-à-vis de l’humain. Et la difficulté avec l’algorithmique notamment c’est justement de savoir ce que l’on fait avec les algorithmes. Je me souviens d’une plateforme de recrutement en ligne qui avait mis en place un algorithme pour sélectionner les CV ; les dirigeants ne voulaient pas que ce soit basé sur un critère de genre mais en même temps il fallait bien mettre des critères et parmi eux il y avait la rapidité de réponse ; or il se trouve que les hommes réagissent souvent beaucoup plus vite que les femmes quand ils reçoivent une annonce car ils y voient une opportunité immédiate et beaucoup d’entre eux se sentent tout à fait confiants pour répondre. Alors qu’une femme va s’interroger sur ses compétences, se demander si le poste est bien pour elle et donc elle ne va pas répondre tout de suite. De fait, ce critère-là a induit indirectement un biais de genre. Heureusement la plateforme s’en est aperçue et ils ont mis en place un algorithme qui vérifie que la sélection comporte un pourcentage de femmes qui correspond à celui du marché. Cet exemple prouve que l’on n’a pas toujours toutes les clés et qu’à partir du moment où l’algorithme est apprenant il y a un risque de biais.

En tout état de cause, ce qu’il faut retenir de cette histoire, c’est que ce sont les humains qui sont en jeu. Dans le cadre d’un recrutement, d’une entrée à l’université, dans le cadre d’un crédit pour acheter une maison, c’est notre vie qui est en jeu et c’est là qu’il faut avoir une prudence particulière. Face à cela, mon but n’est pas de rassurer les gens mais de les aider pour qu’ensemble on éclaire le chemin. Les aider à voir les vrais dangers afin de déboulonner les fausses peurs qui, par essence sont mauvaises conseillères. Ces peurs risquent de freiner certaines populations dans l’adoption des technologiques alors que d’autres ne vont pas se freiner ; ce qui, de fait, va accroître la fracture que j’évoquais. Et l’une des difficultés que l’on voit c’est que cette fracture numérique existe aussi sur le marché du travail. Prenons l’exemple des livreurs, une application leur indique le chemin à utiliser et ils n’ont pas le droit d’en dévier. Au fond, ils travaillent pour une IA. Certaines plateformes de livraison en ligne calculent aussi les temps de pauses, la rapidité des gestes et n’hésitent pas à désigner ceux qui ne sont pas très performants. Et parfois même les remercier.

On est face à l’émergence d’un prolétariat numérique. Il y a ceux qui sont enchaînés à la machine et ceux qui sont remplacés par la machine. Aujourd’hui, il existe des algorithmes qui sont capables d’établir la base de contrats ou de vérifier des comptes. Or avant de devenir expert, que l’on soit comptable ou avocat, il faut passer par la case junior. Si l’algorithme fait le travail à la place d’un débutant, comment allons-nous former des experts chevronnés ? Il faut donc reconnaître que nous avons quelques défis à relever. Notre société va devoir s’adapter et il faut s’assurer que la façon dont elle s’adapte ne met pas en danger l’humain.

Comment faire pour redonner confiance au progrès ? Quelles actions avez-vous mises en œuvre ?

É.S. Human Technology Foundation, que je préside, est née de la rencontre d’un certain nombre de gens qui venaient du secteur privé technologique qui se sont aperçus que les lieux de dialogue fécond étaient quand même assez rares. Et qu’il fallait pouvoir se parler loin de la fureur, des micros, se parler calmement, penser, élaborer des solutions. Je n’ai été qu’un catalyseur de ce réseau, autour des autorités de l’Église catholique, des grandes entreprises mais aussi des start-ups, des universitaires, d’un certain nombre de représentants des régulateurs et de la société civile. Au départ, notre but était de dialoguer. Nous considérions que chacun avait un bout du puzzle, une vision propre. Et si nous voulions une vision à 360° il fallait s’asseoir autour d’une table. Dépassant le cadre d’une éthique conséquentialiste, largement répandue outre-Atlantique, nous tentons une approche plurielle, notamment fondée sur une éthique kantienne : la question n’est pas de savoir si vous ne faites de mal à personne mais de savoir si le principe de votre action est bon. Est-ce que je souhaite que tout le monde fasse ainsi ? Ne pas être néfaste ne suffit plus. Il faut un impact positif. Mais, paradoxalement, on l’atteint mieux en se focalisant non sur les conséquences mais sur les principes. C’est ce questionnement qui bouscule les choses, et qui plaît dans la Silicon Valley. Ce sont l’intention et la raison d’être qui sont questionnées. D’où l’émergence des entreprises à mission. Tout le travail qui a été fait en France avec la Loi Pacte va dans ce sens. Puis, nous nous sommes rendu compte que se parler entre nous n’allait pas suffire. Et qu’il fallait faire des études un peu plus approfondies. Nous avons alors travaillé sur la gouvernance des technologies en situation de crise. En ce moment, nous travaillons sur l’investissement responsable dans la technologie : nous souhaitons donner des métriques pour les investisseurs, des indicateurs extra-financiers pour les aider à vérifier que leurs investissements dans la technologie ont bien un impact positif.

Je suis ainsi partisan de l’autorégulation, car comme le dit l’un de nos partenaires de la Silicon Valley « les bad guys trouveront toujours un moyen de contourner la règle ». Pourtant, je suis aussi persuadé qu’il faut baliser le terrain pour éviter les débordements. Nous voulons donc également accompagner les acteurs des politiques publiques. Ils ont un rôle-clé.

Si la régulation ne suffit pas, que faut-il faire ? Avez-vous mis au point des méthodes spécifiques pour aider à redonner confiance dans le progrès ?

É.S. Il est nécessaire de mettre en place au sein des entreprises une culture de l’éthique, des bonnes pratiques. C’est déterminant. Et pour cela, nous avons créé un certain nombre d’outils. Nous avons par exemple élaboré une méthode d’évaluation éthique des technologies qui permet de vérifier l’impact d’un projet développé par une entreprise. Elle est très utile quand on aborde des technologies sensibles comme celle de la reconnaissance faciale. Cette méthode permet aux entreprises qui veulent bien faire, et il y en a un certain nombre, d’avoir les moyens de vérifier qu’elles font bien. Car l’éthique, en réalité, c’est assez complexe. Si je vous demande : « La reconnaissance faciale c’est bien ou pas bien ? » La question n’a pas de sens : l’identification des terroristes à la volée dans un aéroport, par le scan de tous les visages, n’a rien à voir avec le système d’authentification qui déverrouille votre téléphone. Ce sont deux approches très différentes. Notre méthode aide l’entreprise à se positionner au carrefour entre la technologie, le marché (le public cible qui peut être plus ou moins vulnérable) et le produit ; et l’aider à voir si ce qu’elle fait correspond bien à ses valeurs. Nous avons testé cette méthode au sein du groupe La Poste, qui a élaboré une charte éthique de l’IA et souhaite vérifier que ses projets technologiques sont en accord avec les valeurs exprimées dans ce document. La préoccupation forte était ici de s’assurer de l’adéquation entre les actions et les affirmations. Je trouve cela très sain. C’est une très belle démarche de prendre le temps de réfléchir aux principes que l’on veut appliquer. Et de se doter d’outils pour vérifier que cela ne reste pas lettre morte accrochée à un mur comme une espèce de mantra auquel on se réfère de temps en temps.

En tant qu’homme d’Église, pourquoi avoir choisi de travailler avec les entreprises ?

É.S. En fait, ce ne serait pas respectueux de travailler sur les nouvelles technologies sans dialoguer avec leurs développeurs. J’ai énormément de respect pour les dirigeants d’entreprises qui sont systématiquement stigmatisés quand quelque chose ne va pas mais à qui on ne dira pas forcément merci s’ils développent des process qui fonctionnent bien. Or, c’est un rôle difficile en ce moment. Il n’y a pas si longtemps, il suffisait d’avoir quelques bonnes intentions et de les afficher. Maintenant beaucoup d’entreprises approfondissent leurs projets pour vérifier que tout ce qui est fait, corresponde bien à ce qui est dit ; et ça c’est extrêmement compliqué. J’ai beaucoup de respect pour tous ceux qui innovent et tous ceux qui entreprennent et je pense qu’il faut s’asseoir à leurs côtés pour les aider à prendre la bonne direction. Parfois il faut les éclairer, les pousser du coude et leur dire quand cela pose problème, parfois il faut juste les aider à éclairer le chemin et à trouver des solutions.

Quand le changement de prisme se formalise, ne peut-on pas considérer cela aussi comme une innovation ?

É.S. On fait preuve d’innovation chaque fois que l’on déplace l’angle de vue et là, effectivement, le fait de penser autrement y contribue. Ce qui est une forme d’innovation c’est de penser aussi des nouveaux cadres, je prêche en ce sens. Ce n’est pas seulement d’inventer de nouvelles techniques : il existe aussi une innovation sociale. Par exemple, mettre en place un nouveau cadre pour la valorisation de la donnée en Europe c’est une forme d’innovation sociétale et technologique. Et là où l’innovation devient un progrès c’est effectivement au moment où l’innovation a un impact positif sur le plus grand nombre. C’est un point extrêmement important pour nous. Au sein de la Human Technology Foundation, nous défendons la technologie au service de l’humain. Mais l’humain, cela veut dire « tous les humains » !

Votre confiance en l’humain semble d’ailleurs inébranlable. Pour autant, l’air du temps est particulièrement anxiogène. Avez-vous un regard positif sur l’avenir ? Comment voyez-vous le monde en 2050 ?

É.S. Nous sommes dans une situation de recomposition du monde aussi bien économique que sociétale, avec des nouvelles lignes de fractures, même au niveau militaire où l’on voit l’émergence de nouvelles guerres froides, donc effectivement cette situation est assez anxiogène. Par ailleurs, sur un certain nombre de sujets, nous arrivons à la fin d’un cycle. Je pense que notre démocratie connaît des difficultés. Il existe peut-être un peu le fantasme d’une démocratie directe, où l’on gouvernerait directement par la rue, où l’on se rassemblerait sur les réseaux. Le danger c’est que les fins de cycle passent souvent par des ruptures qui sont plus ou moins violentes. Ce qui m’inquiète c’est qu’elles sont souvent violentes pour les mêmes. Ceux qui sont exposés, qui sont vulnérables.

Les crises que nous traversons et que nous allons traverser – la crise pandémique en est une, la crise climatique sera beaucoup plus importante – vont surtout marquer les plus vulnérables : ceux qui ont le moins de prise sur l’évolution du monde risquent d’en pâtir le plus. La violence de certaines de ces ruptures est inquiétante, on l’a vu avec des contestations très fortes, comme celles des antivax. On voit, en France, un groupe quasiment à l’affût d’une bonne raison de descendre dans la rue. C’est inquiétant.

Ce n’est pas très optimiste…

É.S. Oui, à court terme. Mais, à long terme, je partage la vision de Michel Serres que j’évoquais. L’humain s’est toujours tiré par le haut de toutes les révolutions épistémologiques. Je vous citais les caractères d’imprimerie mais chaque fois qu’une invention a bouleversé le quotidien, la résilience et l’inventivité de l’humain ont toujours pris le dessus. J’ai une grande confiance dans l’humain pour sa capacité à trouver des nouveaux modèles et nouveaux équilibres à moyen et long terme.

Plutôt que de croire au progrès - d’ailleurs peut-on croire au progrès ? On a la foi dans une religion, mais peut-on l’avoir dans le progrès, dans la science ? - aujourd’hui l’enjeu n’est-il pas de retrouver la foi en l’être humain ?

É.S. Un certain nombre de scientifiques vous diront que la foi dans la science existe car lorsque vous êtes scientifique, vous êtes obligé de croire ce que vous disent vos confrères. Car tout le monde ne refait pas toutes les démonstrations. Et d’une discipline à l’autre, les scientifiques s’appuient aussi sur des choses qui ont été découvertes par d’autres dans des domaines qu’ils ne sont pas du tout capables de comprendre. En effet, la foi est liée à la confiance. Et à un moment, il faut avoir confiance. Or, aujourd’hui, la parole scientifique est mise à mal, donc la foi dans la science est mise à mal également. En revanche, l’humain ne se départit pas d’une forme de pensée magique, chamanique presque. Et je pense que cette pensée-là, on l’a quand même beaucoup investie dans des moyens technologiques, c’est un peu le principe du totem.

C’est-à-dire ?

É.S. Je pense aux enceintes connectées. Elles sont un peu à l’image des dieux Lares que l’on plaçait dans l’atrium pour protéger le foyer, dans la Rome antique. Aujourd’hui, elles sont dans la cuisine ou dans le salon, ce sont des petits objets qui sont censés eux aussi protéger le foyer sauf que les dieux Lares étaient des statuettes, et qu’il fallait vraiment y croire. Les auteurs de psaumes se moquaient ainsi des faux dieux : « Ils ont une bouche mais ne parlent pas, ils ont des oreilles mais n’entendent pas ». Mais si vous dites « Alexa, Siri ou Google, commande-moi une pizza », ils le font. Ces enceintes sont connectées au système d’alarme, aux téléphones des enfants et vous envoient un bip pour vous rassurer quand ils rentrent le soir, elles sont connectées au système de chauffage et le baissent si vous oubliez de le couper en partant. Finalement, oui, elles prennent soin du foyer. Et elles fonctionnent un peu sur le principe des dieux car elles sont aussi une porte ouverte sur la connaissance et sur l’extérieur. Quand vous leur posez une question et qu’elles vous répondent, ne peut-on pas les comparer à la voix de la Pythie ?

Tout cela est de l’ordre du totem. On les admire, les vénère, on ne sait pas bien comment elles fonctionnent et on attend d’elles une forme de protection. Le problème c’est que le totem par définition, c’est l’aliénation. Vous remettez une partie de vous-même, de votre liberté. Vous l’aurez compris, je n’en veux pas à la technologie, en revanche je m’inquiète pour l’humain. J’ai foi en Dieu et confiance dans l’humain. En tant que chrétien, je le dirais conçu à l’image de Dieu créateur ; que l’on soit inventif ce n’est pas un hasard. En même temps, j’ai bien conscience aussi que le vivant ne survit que par économie d’énergie. Le danger est donc que notre esprit cède petit à petit à cette forme de paresse qui consiste à laisser la machine choisir pour lui. L’humain assisté ne risque-t-il pas d’être un peu moins humain ? Je suis profondément persuadé que les technologies sont des productions de la société aux deux sens du génitif, c’est-à-dire que d’un côté nous les produisons, collectivement, ce sont des technologies qui ressemblent à nos sociétés, et d’un autre côté, à mesure qu’on les utilise elles nous façonnent, elles nous transforment. À un moment, est-ce que cette production fait de nous des gens plus humains, ça nous humanise ou ça nous déshumanise ? Nous sommes arrivés à une ligne de fracture, à nous de choisir la bonne direction. Il faut peut-être réinventer la façon dont on est humain à l’âge de l’intelligence artificielle.

…………………………………….

Éric Salobir est l’auteur de Dieu et la Silicon Valley aux Éditions Buchet-Chastel, 2020.

Humanité : pas de progrès sans prise en compte aussi de la rationalité

Humanité : pas de progrès sans prise en compte aussi de la rationalité

Dans son nouvel ouvrage « Rationalité » (éd. Les Arènes) (1), Steven Pinker, professeur de linguistique à l’université Harvard, montre combien la démarche rationnelle reste le meilleur moyen pour les êtres humains de faire les moins mauvais choix malgré nos passions et nos biais cognitifs. ( La Tribune)

 

L’être humain est paradoxal. Il bénéficie d’une faculté, la pensée rationnelle, mais préfère souvent suivre ses intuitions et ses passions qui souvent le conduisent à faire de mauvais choix. Pourtant, des outils comme « la logique, la pensée critique, les probabilités, la corrélation et la causalité » à condition de les maîtriser nous permettent de mieux « ajuster nos croyances et de prendre des décisions dans un contexte de données incertaines », affirme le linguiste et cognitiviste Steven Pinker dans son nouvel ouvrage « Rationalité » (éditions Les Arènes) (1).

Loin de réduire la rationalité à une logique instrumentale désincarnée qui bannit les émotions (à l’instar du célèbre Dr Spock de la série culte « Star Trek »), ce professeur à l’université Harvard y voit davantage une « capacité d’utiliser les connaissances pour atteindre des objectifs » pour chacun de nous. Autrement dit, elle nous permet de vivre mieux, non seulement matériellement mais aussi socialement et aussi émotionnellement.

Dès lors, pourquoi ne suivons-nous pas instinctivement ces règles? A cause de nos « biais », héritage de l’évolution humaine. Pinker consacre plusieurs chapitres à explorer cet aspect. S’inscrivant dans les travaux pionniers en psychologie cognitive et en économie comportementale de Daniel Kahneman (en collaboration avec Amos Tversky), qui lui valurent le « prix Nobel » d’économie en 2002 et qu’il a synthétisé pour le grand public dans son célèbre ouvrage « Système 1/Système 2, Pinker explore à son tour longuement les biais et les sophismes auxquels les êtres humains sont sujets dans les jugements qu’ils portent sur le monde qui les entoure et les font agir.

Zone de confort cognitive

Il montre par exemple que nous préférons les informations qui renforcent nos opinions (biais de confirmation), les individus qui nous ressemblent (biais culturel), que nous rejetons les produits artificiels (biais naturaliste), etc. Plutôt que d’élargir nos connaissances par la vérification d’informations, qui remettent en cause nos certitudes (nos biais), nous préférons rester dans notre zone de confort cognitive.

Comme les grands rationalistes classiques, Descartes et Spinoza par exemple, Pinker ne rejette pas les passions, ni les coutumes, les traditions ou encore les interdits, mais il montre qu’en cas de conflit et de dilemme une approche rationnelle est le moyen d’aider à faire un choix quitte à abandonner des certitudes. Ainsi, s’il est impossible de tout vérifier, des méthodes pour faire des choix raisonnables existent comme l’approche bayésienne.

Une telle approche est une critique à peine voilée des croyances religieuses, des approches des pseudo-sciences, des superstitions ainsi que des préjugés, et d’une certaine forme de romantisme, même si sur le plan de la création artistique ce dernier a ses lettres de noblesse. Car malgré cet irrationalisme ambiant, le développement de la rationalité a permis des progrès considérables non seulement en matière de savoir – les sciences – mais aussi dans le domaine de la santé, du droit ou encore de la politique, avec l’extension des régimes démocratiques.

Loin d’être la raison technicienne et scientifique qui dominerait le monde que dénoncent certains critiques, l’adoption d’une démarche rationnelle développe au contraire un attitude d’humilité non seulement épistémique mais aussi éthique. En effet, plus nos connaissances progressent, plus nous prenons conscience de nos ignorances. C’est le contraire de l’effet gourou, dont le professeur Didier Raoult, qui ne manque jamais une occasion d’affirmer que seul lui sait faire face à des journalistes, est un bon exemple.

Les idéologies sont répétitives

Le livre de Pinker s’inscrit dans la continuité de ses deux précédents best-sellers : « La Part d’Ange en nous », une impressionnante synthèse de données qui établissait contrairement à l’opinion courante que jamais nous n’avons vécu à l’échelle de l’histoire dans un monde où le nombre de victimes tuées par violence est si faible (rapporté à la population), et « Le triomphe des Lumières », publié durant la présidence de Donald Trump, qui a vu la popularisation de la notion de « fakes news ». En élargissant la focale aux domaines de la pauvreté, de l’espérance de vie, la santé, la nourriture, la richesse, les inégalités, l’environnement, la sécurité, la démocratie, la sécurité, le savoir… Pinker y montrait que, au regard de chacun de ces critères, et malgré les guerres mondiales et la colonisation, la situation s’était considérablement améliorée au cours des dernières décennies, et que la tendance se poursuit. En réalité, contrairement aux idéologies, qui sont répétitives, le progrès scientifique est cumulatif et se répand par l’échange, le commerce, l’éducation. Et s’il rend les pays riches plus riches, il rend aussi les pays pauvres moins pauvres.

Ces ouvrages ont fait l’objet de nombreuses critiques, certains lui reprochant au mieux la naïveté de son optimisme béat, au pire d’être un suppôt du capitalisme – Pinker est un libéral qui aux Etats-Unis le situe sur l’échiquier politique avec Barack Obama ou Bill Clinton -, d’autres que son approche était faussée. Il est vrai que le linguiste et cognitiviste pointait les travers de certains intellectuels qui font carrière en passant leur temps à critiquer les progrès matériels dont ils sont les premiers bénéficiaires.

Les thèses de Pinker prennent également à revers tout un discours catastrophiste – la collapsologie est à la mode – qui connaissent un certain succès, ce qui n’est pas nouveau dans l’histoire humaine, le millénarisme en est même une constante. Car Pinker – mais ses critiques l’ont-ils lu in extenso? – n’a jamais nié qu’il y avait des malheurs, des catastrophes, des problèmes graves comme le réchauffement climatique mais il soutient que les êtres humains malgré les vicissitudes essaient de résoudre les problèmes, ce qui ne se fait pas par des discours mais par des actions et des innovations concrètes. Or, nous avons tendance à oublier les progrès réalisés car ils deviennent la norme. Par exemple, la population mondiale est passée en à peine 70 ans de 2,6 milliards d’individus en 1950 à 7,8 milliards aujourd’hui tout en ayant pratiquement réduit les famines qui furent le lieu commun des siècles passés!

Repousser les limites d’un monde que nous voyons fini

Autrement dit, il faut maintenir un niveau minimum de croissance économique – avec l’inévitable utilisation de ressources naturelles qui exerce une pression sur l’environnement  – pour donner à tous des conditions minimales de vie au quotidien. Un tel processus ne va pas sans contradiction mais il voit aussi émerger des solutions rationnelles qui repoussent les limites d’un monde que nous nous représentons fini. Après tout, si l’on avait soutenu devant un théologien du XIIe siècle qu’un jour nous disposerions d’avions, il est fort possible qu’il aurait rejeté une telle idée en nous traitant d’hérétique, car il pensait sincèrement que Dieu a fait le monde tel qu’il est.

Finalement, dans le propos clair et sans jargon de « Rationalité », Pinker ne cherche pas tant à discréditer ses adversaires qu’à nous montrer que notre confiance dans « la nature des rumeurs, la sagesse populaire et la pensée complotiste » doit être interrogée pour permettre de faire « la distinction entre deux modes de croyance : la mentalité réaliste et la mentalité mythologique ». Cela nous permet de « gagner en lucidité face aux vicissitudes et aux tragédies de la vie », et c’est une invitation à « raisonner collectivement pour trouver les croyances les plus défendables ». Face à l’urgence que posent par exemple les conséquences du réchauffement climatique, une telle réflexion est salutaire!

______

(1) Steven Pinker « Rationalité », traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Peggy Sastre, éditions Les Arènes, 450 pages, 22,90 euros (parution le 4 novembre)

Ventes d’esclaves en Libye : « crimes contre l’humanité » (Macron)

 

Ventes d’esclaves en Libye : «crimes contre l’humanité » (Macron)

La vente d’esclaves qualifiée par  Emmanuel Macron de “crimes contre l‘humanité ;” les exactions commises contre des migrants en Libye pour lesquelles la France a appelé à une réunion du conseil de sécurité de l‘Onu.  En effet c’est le Retour de l’esclavage dans certains pays arabes où la question est souvent taboue. Le 14 novembre, une journaliste de CNN International délivrait un reportage-choc : de nuit, douze hommes sont vendus aux enchères. Prix par personne : 400/450 euros. Comme jadis, lors de la période du commerce esclavagiste, la « valeur » de l’esclave est fixée en fonction de sa forme physique, ses dents, son poids… Un terrible flash-back. Les flux de migrants qui tentent de rejoindre l’Europe passent, majoritairement, par la Libye, terre de tous les possibles, de tous les commerces. Alimentation, médicaments, armes, drogues, femmes, enfants, hommes : tout y est disponible. Il suffit de disposer de devises ou de dinars libyens. Ce qui se dit dans les milieux autorisés depuis plusieurs années est désormais sur la place publique grâce au travail de CNN. À Tunis, à plusieurs reprises, Raoudha Laâbidi, la présidente d’honneur du syndicat des magistrats tunisiens, a alerté sur un phénomène qui prend de l’ampleur au sein de la démocratie tunisienne : « Ces jeunes filles étrangères recrutées en tant que domestiques dans des familles tunisiennes, qui subissent des exactions incroyables ! On leur confisque leurs papiers d’identité, leurs cheveux sont coupés à ras sous prétexte de transmission de maladies. » Une méthode qui est pratiquée dans de plusieurs pays du Golfe. Et Mme Laâbidi de pointer ce qui semble le comble du chic pour certains : « Dans les hypermarchés, on croise souvent des femmes tunisiennes suivies de deux femmes de ménage de couleur. Une attitude considérée comme prestigieuse par ces femmes qui bafouent le droit au respect de la dignité humaine due à chaque personne ! »

 

Les progrès réels pour toute l’humanité (Johan Norberg)

Les progrès réels pour toute l’humanité  (Johan Norberg)

« Contrairement à ce qu’on croit, le monde ne s’est jamais aussi bien porté » Dans une  Interview sur BFM  Johan Norberg affirme que les progrès ont profité à toute l’humanité. Voir son livre  « Non ce n’était pas mieux avant » (Ed. Plon)

Selon la Banque mondiale, entre 1981 et 2015, la part de la population mondiale vivant avec moins de 1,90 dollar par jour (en tenant compte de l’inflation) est passée de 44,3% à 9,6%.  L’auteur suédois, membre du think tank américain Cato Institute et auteur de nombreux documentaires dans le monde, a décidé voilà quelques années de s’attaquer au pessimisme ambiant.  Interview BFM :

 

BFM Business: Comment va le monde?

Johan Norberg: C’est une question difficile. Il y a dans le monde plein de problèmes à plein d’endroits. Mais il y a toujours eu plein de problèmes à plein d’endroits. La nouveauté c’est qu’il y en a en fait de moins en moins. Lorsqu’on regarde les données et les faits, que ce soit au niveau de la richesse, de la santé, de l’espérance de vie et même de la sécurité, le monde ne s’est jamais au total aussi bien porté. Je me suis attelé à ce livre car je trouvais que notre perception était complètement faussée.

 

BFM Business: Quand vous étiez étudiant, vous faisiez partie d’un front anarchiste. Comment voyiez-vous le monde à l’époque? Et qu’est-ce qui vous a fait changer d’avis?

J.N.: Je pensais comme beaucoup de gens que le monde allait de mal en pis. Qu’il y avait de plus en plus de misère, que les États et les entreprises étaient en train de ravager la planète… Et puis j’ai commencé à étudier l’Histoire. Et je me suis aperçu en lisant notamment des auteurs comme Fernand Braudel que le bon vieux temps était un mythe. Les famines atroces où les gens étaient obligés de manger des écorces d’arbres, les épidémies qui tuaient des millions de gens, les enfants qui mouraient massivement en bas âge (30 à 40% des enfants suédois n’atteignaient pas leur cinquième anniversaire au XIXème siècle, 15% au début du XXème, 0,3% aujourd’hui), voire plus récemment les nuages de pollution comme le smog londonien qui tuaient des milliers de gens chaque année. C’était ça le bon vieux temps…

BFM Business: Pourquoi n’avons-nous pas conscience de cette réalité?

J.N.: Parce qu’il y a un décalage énorme entre la perception et les faits. Nous avons tendance à juger l’état du monde à travers les événements terribles et dramatiques. Du fait des médias bien sûr mais aussi parce que nous avons tendance à retenir ce qui nous marque. Or, ce sont les événements négatifs dont on se souvient le plus. Un sentiment qui s’est renforcé avec internet et les réseaux sociaux. Avant les gens devaient allumer la télé pour accéder à ces nouvelles, aujourd’hui nous sommes en permanence en contact avec elle. On a tendance en plus à ne partager que les mauvaises nouvelles sur Twitter. Nous sommes au courant de choses qu’on ignorait auparavant. De plus, aujourd’hui, tout le monde produit de l’information. On partage tous des images choquantes mais sans le travail de remise en contexte et en perspective.

BFM Business: Sur la pauvreté par exemple, vous dites qu’elle n’a cessé de reculer ces 200 dernières années. Comment l’expliquez-vous?

J.N.: Il faut savoir que la pauvreté est l’état naturel de l’humanité. C’est la richesse qui est l’exception. Pendant des millénaires, les Hommes ont été pauvres et la production mondiale n’a pas quasiment pas évolué. Et puis elle s’est subitement envolée au début du XIXème siècle. Elle est partie d’Europe où le savoir et la technologie ont permis la révolution industrielle. Entre 1820 et 1850, la population anglaise a augmenté d’un tiers et le revenu réel des travailleurs de 100%. Si la tendance antérieure s’était maintenue, il aurait fallu 2000 ans aux Anglais pour accomplir une telle performance. Et depuis quelques décennies maintenant, c’est la mondialisation qui permet aux économies émergentes de suivre le même chemin. A une différence près, la mondialisation est encore plus puissante que la révolution industrielle pour lutter contre la pauvreté. Avec la révolution industrielle, ce sont 200 millions de personnes qui ont doublé leur revenu en 50 ans. La mondialisation a elle permis à 2 milliards d’individus de doubler leur revenu en 10 ans. On peut donc dire que la mondialisation est 50 fois plus efficace!

BFM Business: Mais on a pourtant l’impression que la mondialisation ne profite qu’à quelques pays comme la Chine ou l’Inde.

J.N.: C’est parce que nos raisonnements sont faussés. Nous pensons que si quelqu’un gagne, l’autre doit perdre. Avant c’était les pays occidentaux qui gagnaient, maintenant ce sont eux qui perdent. Mais tout ceci est faux. Aujourd’hui 40 à 50% des richesses en occident proviennent du commerce mondial et de la mondialisation. Le problème c’est que ce n’est pas visible. Nous avons tendance à ne regarder seulement que ce qu’il y a dans notre porte-monnaie et pas ce que l’on peut acheter avec. Or aujourd’hui quantité de produits et de services sont de plus en plus accessibles. Le commerce mondial permet au plus grand nombre d’accéder aux technologies par exemple. On n’invente pas internet et un vaccin tous les jours. En revanche, une fois qu’il a été inventé il se diffuse partout dans le monde.

BFM Business: Il y a pourtant des inégalités de revenus et même de patrimoine comme l’a montré Thomas Piketty qui exaspèrent les gens. N’est-ce pas une conséquence de la mondialisation?

J.N.: Oui c’est lié en partie à ça. Beaucoup de gens encore aujourd’hui ont une formation limitée. Sauf que maintenant ils sont en compétition avec 2 milliards de gens de plus. Dans le même temps, des gens formés aux nouvelles technologies sont de plus en plus recherchés par les entreprises. Et comme ils ne sont pas assez nombreux, les salaires ont tendance à fortement monter. Ce qui explique ces inégalités.  Mais encore une fois, on se focalise trop sur ce qu’on a dans le porte-monnaie. Moi personnellement, si je me compare à Bill Gates, l’inégalité sera colossale en terme monétaire. Mais si on compare nos standards de vie, ce sera déjà moins le cas. Certes il voyage en jet privé, mais moi je peux aujourd’hui me payer un billet d’avion pour pas grand chose. Bill Gates utilise un smartphone comme le mien et a accès à la même quantité d’informations que moi. Ce qui est une première dans l’Histoire de l’humanité où l’accès à l’information a toujours été réservé à une élite. Et encore quand celle-ci savait lire. Pareil sur la santé. Si mes enfants sont malades ils auront accès aux mêmes technologies de soin que ceux de Bill Gates. Bref, qu’il y ait des super-riches de plus en plus riche n’ôte rien à mon standard de vie. Et si on raisonne au niveau mondial, les inégalités n’ont jamais été aussi faibles entre les nations et on voit dans de nombreux pays, notamment en Asie, l’émergence d’une classe moyenne qui n’avait jamais existé. Alors certes au sein de la Chine il y avait moins inégalités, moins de super-riches il y a 30 ans mais plus de la moitié de la population vivait dans une extrême pauvreté contre 13% aujourd’hui. Qu’est-ce qui est le mieux?

BFM Business: Il y a tout de même des pays qui n’ont pas pu enrayer la pauvreté et qui sont même davantage pauvres qu’il y a 50 ans.

J.N.: Effectivement, plus de 700 millions d’individus vivent encore dans une extrême pauvreté mais je vous rappelle qu’ils étaient 2 milliards au début des années 1980. Mais oui il y a encore 26 pays dans le monde où le taux d’extrême pauvreté (moins de 1,90 dollar par jour) est supérieur à 40%. Mais à part le Bangladesh et Haïti, tous se situent en Afrique subsaharienne. Ces pays ne sont pas victimes de la mondialisation, ils sont au contraire victimes de ne pas en être. En Afrique, de nombreux nouveaux États ont utilisé les structures et les modèles de la colonisation (en gros le commerce de matières premières) plutôt que de développer leur économie. Résultat, ils ne se sont pas enrichis. Il y a 50 ans par exemple, la Zambie et la Corée du Sud étaient aussi pauvres. Aujourd’hui la Corée est 40 fois plus riche.

BFM Business: Dans votre livre vous répertoriez de nombreux progrès réalisés sur plein de thématiques différentes. Lequel vous a le plus surpris?

J.N.: Le plus spectaculaire c’est peut-être l’évolution de l’espérance de vie qui a progressé jusqu’à plus de 70 ans dans le monde. Il y a 200 ans aucun pays au monde -même les plus riches- n’avait une espérance de vie supérieure à 40 ans. Aujourd’hui, aucun pays n’a une espérance de vie inférieure à 40 ans, même les plus pauvres. C’est sans doute ça le plus incroyable. Et c’est principalement dû à la chute de la mortalité infantile du fait des meilleures conditions d’hygiène, des progrès réalisés par la médecine, d’une meilleure nutrition…

La fin de la planète et de l’humanité dans mille ans ?

La fin de la planète et de l’humanité  dans mille ans ?

 

En théorie la planète Terre a une espérance de vie de plusieurs milliards d’années mais l’humanité pourrait bien disparaître d’ici 1000 ans en raison de l’intelligence artificielle, du réchauffement climatique, des risques de guerre et des manipulations génétiques notamment  d’après le scientifique  astrophysicien Stephen Hawking. Il  considère que l’homme pourrait être responsable de sa propre extinction sur la terre. Il propose de renforcer la maîtrise des progrès techniques et investir l’espace pour trouver une nouvelle Exo planète habitable. « Une fois que les humains développeront une intelligence artificielle, elle prendra son envol et se remodèlera elle-même de plus en plus rapidement. Les humains, qui sont limités par des fonctions biologiques lentes, ne pourront rivaliser et seront dépassés ».  « La plupart des menaces qui nous guettent découle de nos progrès scientifiques et technologiques. Nous n’allons pas cesser de progresser, ou faire marche arrière, c’est pourquoi nous devons regarder en face les dangers qui arrivent et apprendre à les contrôler. Je suis optimiste, je pense que nous pouvons y arriver. »

Chambres à gaz -Crime contre l’humanité : Enquête contre Jean Marie Lepen

Chambres à gaz  -Crime contre l’humanité : Enquête contre Jean Marie Lepen

 

Fort logiquement une  enquête a été ouverte à la suite des propos honteux de Jean Marie Le Pen après ses nouveaux propos sur les chambres à gaz. Propos par ailleurs condamnés par Marine Le Pen. L a vieillesse est parfois  un naufrage surtout quand la jeunesse était déjà un désastre . C’est le cas de Jean Marie Lepen  dont le révisionnisme touche au pathétique. Il ne regrette rien de ses déclarations sur les chambres à gaz et n’ hésite pas en plus à s’offusquer qu’on le soupçonne d’antisémitisme. , un comble !  Jean Marie Lepen ajoute le cynisme sénile à l’obsolescence intellectuelle. Il bafouille,  cherche ses mots, déblatère mais s’accroche désespérément pour tenter d’occuper la scène médiatique avec des saillies et des propos  de plus en plus douteux. Ce FN de Jean marie Lepen n’est un parti républicain et on peut légitimement se demander si plus ou moins inconsciemment il ne cherche pas à fusilier  l’image plus moderne que veut donner Marine Le Pen de son parti. Tout autre adhérent que Jean  Marie Lepen aurait été exclu du parti après de telles déclarations. Son maintien comme responsable national peut légitimement nourrir des doutes sur les orientations du FN.    Jean-Marie Le Pen récidive donc , en qualifiant à nouveau jeudi en fin de journée les chambres à gaz de « détail » de la Seconde Guerre mondiale. Des propos tenus une première fois en 1987 et volontiers répétés depuis, et qui lui ont valu plusieurs condamnations. Réaction immédiate du parquet de Paris, qui a ouvert une enquête préliminaire pour contestation de crime contre l’humanité. A la question de savoir s’il maintenait ses dires, le président d’honneur du Front national a répliqué : « Je les maintiens parce que je crois que c’est la vérité, et que ça ne devrait choquer personne, qu’on a instrumentalisé cette affaire contre moi en y introduisant un soupçon d’antisémitisme alors que je mets au défi quiconque de citer une phrase antisémite dans ma vie politique. » Ces propos ont déclenché un tollé des associations antiracistes et les condamnations de plusieurs ministres. La présidente du FN, Marine Le Pen, s’est désolidarisée des propos de son père, affirmant être « en profond désaccord sur le fond et sur la forme ».

Des dérives qui mènent au «suicide de l’humanité» ( Michel Rocard)

Des dérives qui mènent au «suicide de l’humanité» ( Michel Rocard)

 

L’ancien Premier ministre dont les propos ne sont pas toujours accessibles au commun des mortels demeure sans doute un des rares politiques qui ait une  pensée intellectuelle élaborée même si évidemment on peut contester certaines de ses analyse et propositions.  D’autres se contentant le  plus souvent de poncifs, de caricatures  et de démagogie. Dans son livre «Suicide de l’Occident, suicide de l’humanité ?», Michel Rocard alerte sur les dérives qui affectent notre civilisation. L’ancien premier ministre socialiste propose quelques «traitements» et confie au Figaro qu’il faut «repenser le temps de travail». Michel Rocard tire la sonnette d’alarme. Dans son livre «Suicide de l’Occident, suicide de l’humanité?», publié aux éditions Flammarion, l’ancien premier ministre socialiste dresse un portrait très sombre de la période que nous traversons et met en garde contre les dérives qui menacent l’humanité. «Nous sommes actuellement face à une demi-douzaine de crises n’ayant que peu à voir les unes avec les autres. La plus facile à définir c’est la crise écologique», confie Michel Rocard au Figaro.  «Il y a une limite à la possibilité de préserver notre planète avec nos conditions de vie actuelle. La pollution nous empoisonne. Les ressources naturelles ne sont pas éternelles: il n’y aura par exemple plus de poissons dans moins de 30 ou 40 ans. L’effet de serre augmente et si nous continuons, nous allons transformer la planète en poêle à frire!», indique l’ambassadeur de France chargé de la négociation internationale pour les pôles arctique et antarctique. A ce titre, l’année 2014 a été sacrée année la plus chaude jamais enregistrée sur le globe.  L’ancien premier ministre socialiste alerte en outre sur la hausse des inégalités. Il constate que «les inégalités à l’intérieur des sociétés n’ont jamais été aussi fortes en plus d’un siècle».  «Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, une régulation mondiale faite d’un commun accord a permis de lutter contre la spéculation. La période des Trente Glorieuses dominée par la pensée de Keynes avait ainsi un cadre financier international stable et les crises financières ont disparu du fonctionnement habituel du capitalisme. Mais depuis que cette doctrine a été abandonnée dans les années 1990, nous connaissons une méga crise mondiale et financière tous les quatre ou cinq ans. Nous avons perdu le savoir-faire de limiter les crises qu’on avait construit avant», déplore ainsi l’ancien premier ministre.  Depuis la fin des années 1990, le système financier est instable,  «On a besoin de finance, on a besoin d’une finance saine. Je ne hais pas la finance, je la hais quand elle est malsaine. La spéculation est malsaine», nous confie l’ancien premier ministre. Or, il constate qu’en «pays développés, les banques et les marchés financent de moins en moins l’investissement et l’économie réelle en générale». La Banque des règlements internationaux (BRI) estime que le montant total des liquidités circulant dans le monde atteint près de 700 trillions de dollars en juin 2011. «Ces liquidités représentent près de trois fois le produit brut mondial», indique Michel Rocard dans son livre. Il note en outre que «la part de ces liquidités dont le volume et les emplois sont liés à l’économie réelle est très faible. La somme de celles fondées sur des matières premières ou même des actifs boursiers est négligeable (…) près des trois quarts sont des paris mutuels entre opérateurs», écrit Michel Rocard.  Face à ce sombre constat, Michel Rocard dresse une liste de plusieurs remèdes. Selon lui, «il faut repenser le temps de travail (…) Les salariés doivent aussi pouvoir disposer de temps libre. La société à croissance lente, faible production industrielle et moindres dommages écologiques dont nous avons besoin pour la survie de l’espèce, ne pourra être mise en place que si le temps libre qu’elle suppose est demandé et souhaité», nous confie Michel Rocard. «Il faut des traitements mais les États ne peuvent pas tout faire, la société civile doit aussi s’impliquer. On peut probablement gagner le combat écologique, à condition toutefois de s’y prendre assez vite, par des mesures politiques des grands gouvernements de la planète. Ce n’est pas improbable mais cela se fera au prix d’un changement économique, une diminution de l’incitation au profit personnel. Il faut laisser toute sa place à tout ce qui est non marchand dans la sphère économique, comme les coopératives. Il faut aussi, comme avec la micro-finance, retrouver le rôle de l’argent sans qu’il retombe dans ses dérives».

 




L'actu écologique |
bessay |
Mr. Sandro's Blog |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | astucesquotidiennes
| MIEUX-ETRE
| louis crusol