Énergie : les défis des opérateurs historiques
Face aux mutations du marché et à une concurrence accrue, les opérateurs énergétiques historiques cherchent leur voie entre stabilité et agilité, constate l’économiste Sophie Méritet dans une tribune au Monde.
Tribune.
Confrontés à un environnement en pleine mutation, les énergéticiens européens se sont engagés dans une revue de leurs actifs et de leurs stratégies. Dans ce contexte, la diminution de l’empreinte carbone est une priorité.
La réglementation constitue un facteur structurel de transformation dans le secteur de l’énergie. Les autorités nationales et européennes ont défini des objectifs dans la lutte contre le changement climatique, tout en incitant le développement de nouveaux modes de consommation et de production, comme l’autoconsommation. Malgré la réduction record de 7 % des émissions en 2020, liée à la crise sanitaire, l’atteinte des objectifs fixés pour réduire les émissions de gaz à effet de serre demeure un défi. Dans la transition énergétique, les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique jouent un rôle croissant. (avec pour objectif en 2030 de porter la part des énergies renouvelables à au moins 32 % et d’améliorer l’efficacité énergétique d’au moins 32,5 %).
Les investissements dans les énergies propres ne sont plus uniquement le fait des Etats, mais aussi des entreprises. L’abandon des énergies carbonées peut être un choix stratégique motivé par la diminution volontaire de l’empreinte carbone, comme par la recherche de rentabilité. Les centrales à charbon ne sont par exemple plus aussi rentables qu’avant sous l’effet des réglementations européennes environnementales plus strictes et de la hausse des prix des combustibles. Pas étonnant donc que les groupes énergétiques se retirent des actifs thermiques comme les constructeurs General Electric et Siemens, ou progressivement les opérateurs Engie ou RWE.
Les actionnaires incitent les énergéticiens à se diversifier en se tournant vers des énergies moins carbonées. Récemment, des plans d’investissements massifs dans les énergies vertes ont été annoncés par les groupes européens (par exemple l’italien Enel, avec 17 milliards d’ici 2023 et 70 milliards d’ici 2030 dans le solaire ou l’éolien, ou l’espagnol Iberdrola, avec 75 milliards d’euros dans la transition écologique). A court terme, ces dépenses auront un impact négatif sur la rentabilité. A long terme, elles permettront de pérenniser les activités. La réduction des subventions, avec une hausse des taux, représente néanmoins un risque à ne pas sous-estimer dans le secteur des énergies renouvelables.
A ce mouvement d’investissement dans les énergies renouvelables s’ajoutent deux éléments de rupture : les innovations technologiques et les comportements des consommateurs. Ces derniers prennent l’habitude de produire leur énergie, ou de la stocker, de façon autonome. Avec les progrès techniques, les coûts continuent de diminuer, aussi bien pour les sources d’énergies propres, comme l’éolien (– 39 % sur le terrestre, selon l’Agence internationale pour les énergies renouvelables [Irena], entre 2010 et 2020), que pour les batteries des véhicules électriques et celles de stockage stationnaire (en moyenne – 13 % par an depuis deux ans, selon l’Irena).