Japon: Déficit commercial historique
Traditionnellement, le Japon tirait la richesse de son économie de ses énormes bénéfice de la balance commerciale. Or cet atout a été remis en cause d’abord par la crise du Covid ensuite par la crise énergétique. Sans parler des restructurations des chaînes de valeur. Le Japon a enregistré une véritable année noire en matière d’échanges extérieurs en 2022.
En effet, le Japon a connu en 2022 le pire déficit commercial de son histoire, à 20 trillions de yens (143,7 milliards d’euros), a annoncé son ministère des Finances. Les exportations de l’Archipel, pourtant en nette hausse (+ 18 %), à 98,2 trillions de yens, n’ont pas compensé les importations, à 118,5 trillions (+ 39 %).
Les raisons d’une telle contreperformance : la hausse des cours de l’énergie et des matières premières, combinée à l’anémie de la monnaie nippone, a fait exploser la facture énergétique de la troisième économie du monde. Les cours du gaz et du pétrole ont par exemple doublé en un an tandis que le yen, lui, a atteint un plancher historique inédit en trente-deux ans, observe le Nikkei. En moyenne annuelle, un dollar valait 130,7 yens en 2022, contre 109,4 yens en 2021.
Le Japon vit en faite une véritable crise structurelle évoquée dans un intéressant rapport du Sénat français et qui se confirme aujourd’hui (extrait)
LE JAPON EST CONFRONTE A UNE CRISE ECONOMIQUE ET FINANCIERE GRAVE ET DURABLE
Le Japon connaît actuellement sa plus grave récession économique depuis la seconde guerre mondiale, aggravée par la déficience du système financier japonais. Les mesures conjoncturelles prises lors de l’éclatement de la bulle financière ont montré leurs limites, les onze plans de relance intervenus en sept ans n’ayant pas permis le retour à une croissance durable. Si des signes de reprise ont pu être constatés au premier semestre 1999, il convient cependant de rester prudent car les perspectives demeurent incertaines.
A – La crise financière : le séisme causé par l’éclatement de la bulle spéculative
La crise économique du Japon a été initiée par une crise financière. Le système bancaire japonais s’était structuré dans les années trente autour de deux principes : la segmentation des activités pour limiter les risques globaux qu’avait mis en évidence la crise de 1925 et la mobilisation de l’épargne pour financer l’effort de reconstruction en 1945. Le système financier était dédié à l’industrialisation, sous la conduite du ministère des Finances et du Ministère du Commerce et de l’Industrie (MITI), les taux d’intérêt étaient maintenus à de faibles niveaux et les entreprises avaient massivement recours à l’emprunt plutôt qu’aux marchés boursiers, comme dans les pays anglo-saxons.
A partir de 1985 est apparue la bulle économique : pour contrer le choc de la hausse du yen par rapport au dollar, le gouvernement choisit d’assouplir la politique monétaire en maintenant une politique budgétaire stricte, les entreprises débordent de liquidités et se refinancent directement sur les marchés à des coûts dérisoires et la part des prêts bancaires dans leur financement tombe à moins de 50 %. Les banques, de leur côté, se lancent dans les prêts immobiliers qui représentent 25 % de leur encours de prêts en 1990. Cette période de la bulle est aussi celle où commencent la déréglementation du système financier japonais et son ouverture internationale : vingt-deux maisons de titres étrangères entrent à la Bourse de Tokyo et les yuppies américains affluent.
En 1989, la spéculation atteint des proportions telles que les autorités financières décident de réagir pour contenir les risques d’inflation. La Banque du Japon augmente à cinq reprises le taux d’escompte, qui passe de 2,5 % à 6 % entre mai 1989 et août 1990. Ce retournement brutal et obstiné de la politique monétaire provoque une gigantesque déflation d’actifs qui n’est toujours pas parvenue à son terme en 1998 malgré huit plans de relance, différentes tentatives du ministère des Finances pour soutenir la Bourse ou le marché immobilier et un assouplissement radical de la politique monétaire, avec un taux d’escompte ramené au niveau historiquement bas de 0,25 %.
Les responsables japonais n’avaient pas prévu l’effet de » boule de neige » du choc initial, qui est lié aux particularités du système financier japonais. La chute rapide de la Bourse a mis en difficulté de nombreuses entreprises qui avaient hypothéqué leurs actifs immobiliers pour spéculer. La vente de ces actifs a fait baisser les prix de l’immobilier, aggravant la situation financière des spéculateurs et affectant à nouveau la Bourse.
Le rôle essentiel joué par les prêts bancaires dans l’économie et la place quasi-exclusive des terrains et de l’immobilier comme garantie des prêts accordés n’ont pas posé problème tant que le prix des terrains montait.
Le retournement de 1990 a enclenché un cercle vicieux de contraction du crédit, faillites, ventes d’actifs immobiliers qui ont contribué à leur tour à la baisse des prix. Cette spirale déflationniste touche également la Bourse par le biais des participations croisées : les banques vendent une partie de leurs portefeuilles pour encaisser les plus-values des décennies antérieures. L’indice Nikkei s’est effondré sans jamais se redresser. Les prix de l’immobilier dans les grandes villes ont chuté de 70 % sur la même période.
Entre 1990 et 1997, la perte d’actifs boursiers et immobiliers subie par les agents économiques japonais est estimée à environ 1 000 trillions de yens, soit 9 000 milliards de dollars, correspondant à plus de deux ans de PNB japonais.
Les prix de l’immobilier ou de la Bourse sont retombés à leur niveau de 1984-1985. La » bulle » est tout simplement effacée. Reste cependant un problème majeur : les très nombreux emprunteurs de la période de la » bulle » sont toujours là et beaucoup ne peuvent plus payer leurs dettes.
L’économie japonaise est alors entrée dans le marasme avec un taux de croissance ne dépassant pas 1 % de 1992 à 1997. Les banques accumulent les mauvaises créances. L’administration refuse des fermetures de banques qui feront faillite deux ans plus tard dans des conditions plus coûteuses.
En 1999, le système financier explose :
Nippon Housing Loan et avec elle toutes les sociétés de crédit à l’immobilier (appelées jusen en japonais) font faillite, et le contribuable japonais est mis pour la première fois à contribution à hauteur de 6 milliards de dollars pour financer leur liquidation. Sur la même période, la banque Hyogo puis deux sociétés de crédit à la consommation (Cosmo Credit et Kizu Credit) font faillite à leur tour. La banque Daiwa annonce une perte de 1,1 milliard de dollars liée à des spéculations frauduleuses d’un seul de ses traders sur le marché obligataire américain.
L’image globale des banques japonaises se dégrade très fortement : elles sont contraintes de payer une marge supplémentaire sur leurs emprunts en devises – le » Japan premium » – qui atteint 0,8 % fin 1995.
Cette dégradation de la situation financière des banques nipponnes, conjuguée avec les effets de la crise asiatique, a précipité l’économie japonaise dans un cercle vicieux. Elle a conduit les banques à durcir leur offre de crédit, aggravant ainsi les conditions d’activité des entreprises, en particulier des PME, et accentué la crise de confiance des agents économiques.
B – Une récession sans précédent
1. La chute de la croissance
Après avoir enregistré une croissance de 5,1 % en 1996, la situation de l’économie japonaise s’est considérablement dégradée en 1997. Le redémarrage de l’activité, qui reposait essentiellement sur le dynamisme des exportations, ne s’est pas transmis au niveau domestique. Il a, de surcroît, été freiné par un durcissement budgétaire de grande ampleur (estimé ex-ante à 2 points de PIB) avec notamment un relèvement du taux de TVA en avril 1997. Enfin, au cours de l’été, les crises financières asiatiques ont accentué la dégradation des anticipations sur la croissance. En accélérant la contraction du prix des actifs, elles ont provoqué une crise de défiance à l’égard du système financier japonais. La croissance n’a atteint que 0,9 % en 1997. En 1998, tous les indicateurs économiques sont restés médiocres. Le PIB a chuté de 2,8 %. Le Japon a connu le pire score de sa production industrielle (- 6,5 %). La demande intérieure s’est effondrée et le nombre des faillites a augmenté considérablement, comme le montrent les tableaux ci-après.
Faillites des entreprises au Japon en 1998 : plusieurs records enregistrés
(Statistiques sur des entreprises dont le passif est supérieur à 10 millions de yens)
Le passif total des entreprises ayant fait faillite en 1998 s’élevait à 14,4 trillions de yens, dépassant de 2,6 % le précédent record enregistré en 1997. 19 171 entreprises ont fait faillite, soit une augmentation de 17,1 % par rapport à l’année précédente, sans atteindre le record de 20 841 faillites en 1984.
Parmi les plus grandes faillites, on trouve la défaillance de Japan Leasing Corporation en septembre, deuxième société de crédit-bail japonaise et filiale de la Long Term Credit Bank of Japan qui avait été nationalisée quelques jours auparavant. Son passif, à lui seul, s’est élevé à 2,2 trillions de yens, soit la plus grosse faillite dans l’histoire économique du Japon.
Dans les autres secteurs, des entreprises de première importance ont également fait faillite, JDC Corporation, constructeur immobilier, et Okura Corporation, maison de commerce, toutes les deux cotées à la première section de la Bourse de Tokyo, ont déposé leur bilan avec un passif de 407 et 253 milliards de yens respectivement. Par ailleurs, le fabricant de photocopieurs Mita Industrial Co., avec un passif de 206 milliards de yens, a été enregistré comme la plus importante faillite de l’industrie manufacturière.
Si l’on regarde secteur par secteur, l’augmentation du nombre de défaillances s’élèverait à 13,7 % dans le secteur de la construction, 24,7 % dans l’industrie manufacturière, 15,7 % dans la distribution (gros et détail), 25,9 % dans le transport et les télécommunications, 13,9 % dans le service et 22,9 % dans l’immobilier.
Les faillites ayant comme origine la dégradation conjoncturelle représentaient 70,8 % du total contre 65,7 % l’année précédente, proportion la plus élevée depuis la fin de la guerre. Les entreprises qui ont donné comme motif de faillite le rationnement du crédit étaient au nombre de 759 (4 % du total), contre 226 en 1997, soit une augmentation de 235,8 %.
Evolution de la croissance du PIB
Le mauvais résultat de 1998 provient avant tout de la chute de l’investissement privé et de la morosité de la consommation. Les différentes mesures de relance par les finances publiques n’ont commencé à faire sentir leurs effets qu’à partir de l’automne (pour le plan de relance du mois d’avril, celui du mois de septembre n’ayant pas fait l’objet d’un début d’exécution sur l’année 1998) et n’ont pas permis de redresser l’activité à ce stade. Le changement d’orientation de la politique de dépense publique qui était, jusqu’au début de cette année, orienté vers le redressement des équilibres et qui, désormais, donne la priorité à la relance à tout prix de l’activité, n’a donc pas suffi à compenser les éléments négatifs.
Seuls les échanges extérieurs ont contribué positivement à la croissance du fait de la chute massive de la demande interne et donc des importations.
2. L’effondrement des secteurs symboles du succès japonais
La crise n’a pas épargné les géants japonais de l’électronique ou de l’automobile.
a) L’électronique
La crise a frappé de plein fouet des secteurs clés de l’économie japonaise. A l’exception du secteur » grand public « , les entreprises de l’électronique ont enregistré de fortes pertes en 1998, comme le montre le tableau ci-dessous :
Ces difficultés résultent de plusieurs facteurs défavorables :
- La baisse en valeur du marché mondial des semi-conducteurs (- 8,4 %) qui a fortement touché les entreprises engagées dans le secteur des mémoires, notamment les fabricants japonais et coréens. Alors que le prix des mémoires Dram 16 mégabits chutait depuis 1996 (- 95 %), les fabricants japonais de semi-conducteurs ont fortement investi sur la génération des Dram 64 mégabits dont la baisse des prix (- 70 %) a surpris ; parallèlement, le prix des écrans à cristaux liquides a fortement baissé ;
- l’atonie de la consommation des ménages en 1998 : la croissance plus lente des recettes des ventes de PC a affecté doublement les constructeurs japonais qui produisent à la fois les composants et les ordinateurs ; plus généralement, la baisse de la consommation a eu des effets négatifs comme par exemple la chute des ventes automobiles puisque la valeur moyenne des composants électroniques atteint 180 dollars par véhicule contre moins de 100 dollars en 1993 ;
- la baisse des investissements industriels a touché très sensiblement les entreprises du secteur (à l’exception de Matsushita et Sony spécialisés sur le grand public) ; de même les compagnies électriques ont réduit leurs investissements et donc leurs commandes à Hitachi, Toshiba et Mitsubihi electric ;
- la hausse du yen a également ralenti les exportations de ces produits.
Ces entreprises ont été les premières à engager des programmes de restructuration en réduisant leurs effectifs et en recentrant leurs activités.
b) L’industrie automobile
L’industrie automobile est également durement frappée : si Honda et Toyota ont limité les dégâts en 1998, Nissan, Mitsubishi, Isuzu et Hino ont enregistré des pertes considérables, respectivement de – 7,7 %, – 16,2 %, – 18,5 % et – 24,1 %. Cette situation résulte de l’effondrement des immatriculations automobiles (- 15 %) auquel s’ajoute la crise asiatique qui a freiné les exportations.
Au total, il apparaît que les groupes les plus internationalisés tirent globalement mieux leur épingle du jeu. Pour Sony ou Honda, le marché américain est devenu plus important que le marché japonais.
Le Japon vit en faite une véritable crise structurelle évoquée dans un intéressant rapport du Sénat français (extrait)
LE JAPON EST CONFRONTE A UNE CRISE ECONOMIQUE ET FINANCIERE GRAVE ET DURABLE
Le Japon connaît actuellement sa plus grave récession économique depuis la seconde guerre mondiale, aggravée par la déficience du système financier japonais. Les mesures conjoncturelles prises lors de l’éclatement de la bulle financière ont montré leurs limites, les onze plans de relance intervenus en sept ans n’ayant pas permis le retour à une croissance durable. Si des signes de reprise ont pu être constatés au premier semestre 1999, il convient cependant de rester prudent car les perspectives demeurent incertaines.
La crise économique du Japon a été initiée par une crise financière. Le système bancaire japonais s’était structuré dans les années trente autour de deux principes : la segmentation des activités pour limiter les risques globaux qu’avait mis en évidence la crise de 1925 et la mobilisation de l’épargne pour financer l’effort de reconstruction en 1945. Le système financier était dédié à l’industrialisation, sous la conduite du ministère des Finances et du Ministère du Commerce et de l’Industrie (MITI), les taux d’intérêt étaient maintenus à de faibles niveaux et les entreprises avaient massivement recours à l’emprunt plutôt qu’aux marchés boursiers, comme dans les pays anglo-saxons.
A partir de 1985 est apparue la bulle économique : pour contrer le choc de la hausse du yen par rapport au dollar, le gouvernement choisit d’assouplir la politique monétaire en maintenant une politique budgétaire stricte, les entreprises débordent de liquidités et se refinancent directement sur les marchés à des coûts dérisoires et la part des prêts bancaires dans leur financement tombe à moins de 50 %. Les banques, de leur côté, se lancent dans les prêts immobiliers qui représentent 25 % de leur encours de prêts en 1990. Cette période de la bulle est aussi celle où commencent la déréglementation du système financier japonais et son ouverture internationale : vingt-deux maisons de titres étrangères entrent à la Bourse de Tokyo et les yuppies américains affluent.
En 1989, la spéculation atteint des proportions telles que les autorités financières décident de réagir pour contenir les risques d’inflation. La Banque du Japon augmente à cinq reprises le taux d’escompte, qui passe de 2,5 % à 6 % entre mai 1989 et août 1990. Ce retournement brutal et obstiné de la politique monétaire provoque une gigantesque déflation d’actifs qui n’est toujours pas parvenue à son terme en 1998 malgré huit plans de relance, différentes tentatives du ministère des Finances pour soutenir la Bourse ou le marché immobilier et un assouplissement radical de la politique monétaire, avec un taux d’escompte ramené au niveau historiquement bas de 0,25 %.
Les responsables japonais n’avaient pas prévu l’effet de » boule de neige » du choc initial, qui est lié aux particularités du système financier japonais. La chute rapide de la Bourse a mis en difficulté de nombreuses entreprises qui avaient hypothéqué leurs actifs immobiliers pour spéculer. La vente de ces actifs a fait baisser les prix de l’immobilier, aggravant la situation financière des spéculateurs et affectant à nouveau la Bourse.
Le rôle essentiel joué par les prêts bancaires dans l’économie et la place quasi-exclusive des terrains et de l’immobilier comme garantie des prêts accordés n’ont pas posé problème tant que le prix des terrains montait.
Le retournement de 1990 a enclenché un cercle vicieux de contraction du crédit, faillites, ventes d’actifs immobiliers qui ont contribué à leur tour à la baisse des prix. Cette spirale déflationniste touche également la Bourse par le biais des participations croisées : les banques vendent une partie de leurs portefeuilles pour encaisser les plus-values des décennies antérieures. L’indice Nikkei s’est effondré sans jamais se redresser. Les prix de l’immobilier dans les grandes villes ont chuté de 70 % sur la même période.
Entre 1990 et 1997, la perte d’actifs boursiers et immobiliers subie par les agents économiques japonais est estimée à environ 1 000 trillions de yens, soit 9 000 milliards de dollars, correspondant à plus de deux ans de PNB japonais.
Les prix de l’immobilier ou de la Bourse sont retombés à leur niveau de 1984-1985. La » bulle » est tout simplement effacée. Reste cependant un problème majeur : les très nombreux emprunteurs de la période de la » bulle » sont toujours là et beaucoup ne peuvent plus payer leurs dettes.
L’économie japonaise est alors entrée dans le marasme avec un taux de croissance ne dépassant pas 1 % de 1992 à 1997. Les banques accumulent les mauvaises créances. L’administration refuse des fermetures de banques qui feront faillite deux ans plus tard dans des conditions plus coûteuses.
En 1999, le système financier explose :
Nippon Housing Loan et avec elle toutes les sociétés de crédit à l’immobilier (appelées jusen en japonais) font faillite, et le contribuable japonais est mis pour la première fois à contribution à hauteur de 6 milliards de dollars pour financer leur liquidation. Sur la même période, la banque Hyogo puis deux sociétés de crédit à la consommation (Cosmo Credit et Kizu Credit) font faillite à leur tour. La banque Daiwa annonce une perte de 1,1 milliard de dollars liée à des spéculations frauduleuses d’un seul de ses traders sur le marché obligataire américain.
L’image globale des banques japonaises se dégrade très fortement : elles sont contraintes de payer une marge supplémentaire sur leurs emprunts en devises – le » Japan premium » – qui atteint 0,8 % fin 1995.
Cette dégradation de la situation financière des banques nipponnes, conjuguée avec les effets de la crise asiatique, a précipité l’économie japonaise dans un cercle vicieux. Elle a conduit les banques à durcir leur offre de crédit, aggravant ainsi les conditions d’activité des entreprises, en particulier des PME, et accentué la crise de confiance des agents économiques.
Une récession sans précédent
1. La chute de la croissance
Après avoir enregistré une croissance de 5,1 % en 1996, la situation de l’économie japonaise s’est considérablement dégradée en 1997. Le redémarrage de l’activité, qui reposait essentiellement sur le dynamisme des exportations, ne s’est pas transmis au niveau domestique. Il a, de surcroît, été freiné par un durcissement budgétaire de grande ampleur (estimé ex-ante à 2 points de PIB) avec notamment un relèvement du taux de TVA en avril 1997. Enfin, au cours de l’été, les crises financières asiatiques ont accentué la dégradation des anticipations sur la croissance. En accélérant la contraction du prix des actifs, elles ont provoqué une crise de défiance à l’égard du système financier japonais. La croissance n’a atteint que 0,9 % en 1997. En 1998, tous les indicateurs économiques sont restés médiocres. Le PIB a chuté de 2,8 %. Le Japon a connu le pire score de sa production industrielle (- 6,5 %). La demande intérieure s’est effondrée et le nombre des faillites a augmenté considérablement, comme le montrent les tableaux ci-après.
Faillites des entreprises au Japon en 1998 : plusieurs records enregistrés
(Statistiques sur des entreprises dont le passif est supérieur à 10 millions de yens)
Le passif total des entreprises ayant fait faillite en 1998 s’élevait à 14,4 trillions de yens, dépassant de 2,6 % le précédent record enregistré en 1997. 19 171 entreprises ont fait faillite, soit une augmentation de 17,1 % par rapport à l’année précédente, sans atteindre le record de 20 841 faillites en 1984.
Parmi les plus grandes faillites, on trouve la défaillance de Japan Leasing Corporation en septembre, deuxième société de crédit-bail japonaise et filiale de la Long Term Credit Bank of Japan qui avait été nationalisée quelques jours auparavant. Son passif, à lui seul, s’est élevé à 2,2 trillions de yens, soit la plus grosse faillite dans l’histoire économique du Japon.
Dans les autres secteurs, des entreprises de première importance ont également fait faillite, JDC Corporation, constructeur immobilier, et Okura Corporation, maison de commerce, toutes les deux cotées à la première section de la Bourse de Tokyo, ont déposé leur bilan avec un passif de 407 et 253 milliards de yens respectivement. Par ailleurs, le fabricant de photocopieurs Mita Industrial Co., avec un passif de 206 milliards de yens, a été enregistré comme la plus importante faillite de l’industrie manufacturière.
Si l’on regarde secteur par secteur, l’augmentation du nombre de défaillances s’élèverait à 13,7 % dans le secteur de la construction, 24,7 % dans l’industrie manufacturière, 15,7 % dans la distribution (gros et détail), 25,9 % dans le transport et les télécommunications, 13,9 % dans le service et 22,9 % dans l’immobilier.
Les faillites ayant comme origine la dégradation conjoncturelle représentaient 70,8 % du total contre 65,7 % l’année précédente, proportion la plus élevée depuis la fin de la guerre. Les entreprises qui ont donné comme motif de faillite le rationnement du crédit étaient au nombre de 759 (4 % du total), contre 226 en 1997, soit une augmentation de 235,8 %.
Contributions à la croissance du PIB (en %)
Le mauvais résultat de 1998 provient avant tout de la chute de l’investissement privé et de la morosité de la consommation. Les différentes mesures de relance par les finances publiques n’ont commencé à faire sentir leurs effets qu’à partir de l’automne (pour le plan de relance du mois d’avril, celui du mois de septembre n’ayant pas fait l’objet d’un début d’exécution sur l’année 1998) et n’ont pas permis de redresser l’activité à ce stade. Le changement d’orientation de la politique de dépense publique qui était, jusqu’au début de cette année, orienté vers le redressement des équilibres et qui, désormais, donne la priorité à la relance à tout prix de l’activité, n’a donc pas suffi à compenser les éléments négatifs.
Seuls les échanges extérieurs ont contribué positivement à la croissance du fait de la chute massive de la demande interne et donc des importations.
L’effondrement des secteurs symboles du succès japonais
La crise n’a pas épargné les géants japonais de l’électronique ou de l’automobile.
a) L’électronique
La crise a frappé de plein fouet des secteurs clés de l’économie japonaise. A l’exception du secteur » grand public « , les entreprises de l’électronique ont enregistré de fortes pertes en 1998, comme le montre le tableau ci-dessous :
Ces difficultés résultent de plusieurs facteurs défavorables :
- La baisse en valeur du marché mondial des semi-conducteurs (- 8,4 %) qui a fortement touché les entreprises engagées dans le secteur des mémoires, notamment les fabricants japonais et coréens. Alors que le prix des mémoires Dram 16 mégabits chutait depuis 1996 (- 95 %), les fabricants japonais de semi-conducteurs ont fortement investi sur la génération des Dram 64 mégabits dont la baisse des prix (- 70 %) a surpris ; parallèlement, le prix des écrans à cristaux liquides a fortement baissé ;
- l’atonie de la consommation des ménages en 1998 : la croissance plus lente des recettes des ventes de PC a affecté doublement les constructeurs japonais qui produisent à la fois les composants et les ordinateurs ; plus généralement, la baisse de la consommation a eu des effets négatifs comme par exemple la chute des ventes automobiles puisque la valeur moyenne des composants électroniques atteint 180 dollars par véhicule contre moins de 100 dollars en 1993 ;
- la baisse des investissements industriels a touché très sensiblement les entreprises du secteur (à l’exception de Matsushita et Sony spécialisés sur le grand public) ; de même les compagnies électriques ont réduit leurs investissements et donc leurs commandes à Hitachi, Toshiba et Mitsubihi electric ;
- la hausse du yen a également ralenti les exportations de ces produits.
Ces entreprises ont été les premières à engager des programmes de restructuration en réduisant leurs effectifs et en recentrant leurs activités.
b) L’industrie automobile
L’industrie automobile est également durement frappée : si Honda et Toyota ont limité les dégâts en 1998, Nissan, Mitsubishi, Isuzu et Hino ont enregistré des pertes considérables, respectivement de – 7,7 %, – 16,2 %, – 18,5 % et – 24,1 %. Cette situation résulte de l’effondrement des immatriculations automobiles (- 15 %) auquel s’ajoute la crise asiatique qui a freiné les exportations.
Au total, il apparaît que les groupes les plus internationalisés tirent globalement mieux leur épingle du jeu. Pour Sony ou Honda, le marché américain est devenu plus important que le marché japonais.