Politique- BRICS : Un ensemble hétéroclite et très contradictoire
Le politologue Zaki Laïdi analyse, dans une tribune au « Monde », ce qui unit et ce qui divise le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud, réunis en sommet à Johannesburg, en Afrique du Sud, à partir de ce mardi 22 août. Le sommet des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), réunis à Johannesburg, en Afrique du Sud, à partir de ce mardi 22 août et jusqu’au jeudi 24 août, alors que la guerre en Ukraine fait rage, exprime une identité collective dont certaines revendications ne sauraient être ignorées, mais dont les non-dits ou les omissions délibérées ne sauraient nous échapper. Dans un monde de moins en moins multilatéral, mais de plus en plus transactionnel, l’Europe doit garder son calme tout en ayant les yeux bien ouverts.
Les BRICS sont nés à la faveur de la guerre en Irak, sous l’impulsion du Brésil, en 2003, révulsés comme tant d’autres par l’intervention américaine. Ils expriment une identité politique qui perdure depuis la conférence de Bandung (Indonésie) en 1955, celle de pays soucieux de s’émanciper de la tutelle occidentale et qui ne veulent surtout pas que l’agenda mondial soit capté ou déterminé par les seuls pays du G7. D’autant plus que leur poids économique s’est affermi et qu’il s’agit, de par leur démographie, du groupe le plus important de la planète.
Aujourd’hui, près de vingt pays, et non des moindres, demandent à rejoindre les BRICS, et soixante-dix-sept pays ont été invités. Les BRICS sont le porte-voix d’un monde non occidental qui se cherche, qui veut exister par lui-même sans pour autant aliéner la souveraineté de chacun de ses membres.
C’est leur force et leur faiblesse. Ils sont tous d’accord pour condamner les empiètements occidentaux. Mais ils ne sont nullement disposés à partager leur pouvoir. Les BRICS ne sont donc pas une alliance, mais une coalition souple d’Etats au souverainisme sourcilleux.
Chez eux, on ne parle donc pas de droits de l’homme, de corruption ou de démocratie. C’est en cela que réside, pour beaucoup de pays, l’attractivité de cette coalition.
Les BRICS expriment les revendications de pays qui veulent parler de transition énergétique, de changement climatique, de désendettement et qui s’inquiètent du fait que le financement de la reconstruction de l’Ukraine les prive de ressources financières auxquelles ils auraient légitimement droit. Dans l’affaire ukrainienne, les discussions parfois serrées que les Européens ont pu avoir avec le Sud portaient moins sur la qualification de l’agression russe que sur la place jugée trop importante donnée à ce sujet par l’Occident.
La place des pays du BRICS dans l’économie mondiale
Cette place a fortement progressé durant la première décennie du xxie siècle, passant de 16 % du PIB mondial en 2001, à 27 % en 20118. Cette année-là, le PIB nominal cumulé des BRICS s’élève à 11 221 milliards de dollars.
En 2014, les BRICS affichent un PIB nominal cumulé de plus de 14 000 milliards10, soit pratiquement autant que celui des 28 pays de l’Union européenne réunis (18 874) et proche de celui des États-Unis (17 528). Selon des estimations de 2014, les BRICS seraient à l’origine de plus de 50 % de la croissance économique mondiale au cours des dix années précédentes11.
En 2023, le bloc des BRICS contribue à 31,5 % du PIB mondial, dépassant pour la première fois la part du G7 (30,7 % du PIB mondial).