Réforme des retraites : maintenant Macron hésite
Selon un papier du Monde si la réforme est toujours jugée « indispensable », selon les mots de la porte-parole du gouvernement, le chef de l’Etat et les ministres habilités à évoquer ce sujet explosif s’ingénient à déconstruire ce qui a été énoncé. Macron lui-même s’interroge sérieusement en raison d’une part de la chute de popularité de l’exécutif, aussi des perspectives de perte de la majorité à l’Assemblée nationale .
Bien malin qui peut dire à quoi ressemblera la réforme des retraites lorsque le gouvernement, confirmé ou remanié au lendemain des élections législatives des 12 et 19 juin, entrera dans le vif du sujet. En deux mois, le projet d’Emmanuel Macron de repousser « progressivement et par étapes » l’age de départ à 65 ans a perdu de sa consistance. Jour après jour, le chef de l’Etat et les ministres habilités à évoquer ce sujet explosif s’ingénient à déconstruire ce qui a été énoncé, au point que le projet d’origine apparaît mort-né.
Certes, la réforme est toujours jugée « indispensable », selon les mots d’Olivia Grégoire, porte-parole du gouvernement. Cependant, le report de l’âge légal à 65 ans « n’est pas un totem », a fait valoir la première ministre, Elisabeth Borne, laissant entendre que d’autres pistes, comme l’allongement de la durée de cotisation, pouvaient être explorées. Jugé au départ urgent, au point de nécessiter la présentation d’un projet de loi devant le Parlement dès l’été, le chantier ne démarrera réellement qu’« en septembre ou octobre » a, par ailleurs, précisé le ministre du travail, Olivier Dussopt.
Les atermoiements autour du report de l’âge de la retraite, considéré comme « la mère des réformes » par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, sont à l’image de cette drôle de campagne des élections législatives où rien n’accroche parce que l’exécutif s’ingénie à noyer le poisson plutôt que de préciser ses projets. Electoralement parlant, Emmanuel Macron a quelques bonnes raisons de pratiquer ce jeu d’évitement. Les Français sont majoritairement hostiles à l’idée de travailler plus longtemps ; les syndicats sont unanimement opposés à la retraite à 65 ans, au point qu’Yves Veyrier, le secrétaire général de FO sur le départ, a donné pour mission à son successeur de mener prioritairement le combat contre cette réforme.
De son côté, Jean-Luc Mélenchon a coalisé la gauche anti-Macron autour d’un projet qui prône notamment le retour à la retraite à 60 ans, quel qu’en soit le coût (évalué à 100 milliards d’euros par l’Institut Montaigne). Devant le risque de voir la campagne des élections législatives se transformer en un dangereux référendum pour ou contre la retraite à 65 ans, Emmanuel Macron a préféré pratiquer le déminage.
La rançon est double. En premier lieu, le chef de l’Etat donne l’impression d’être sur la défensive sur un dossier qui, jusqu’à présent, ne lui a guère réussi : le projet de retraite par points qu’il portait durant le premier quinquennat n’a pas abouti, si bien qu’il est à ce jour, à la différence de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy et de François Hollande, un président de la République qui n’est pas parvenu à conduire une réforme des retraites. Ses opposants le savent. Ils feront tout pour qu’il reste dans cette situation.
Plus fondamentalement, aucune pédagogie n’est faite autour de la question de travailler plus longtemps, non seulement pour assurer l’équilibre du système de retraite par répartition, mais plus largement pour garantir le financement du modèle social. Or, c’est bien sur ce postulat qu’Emmanuel Macron a construit son nouveau mandat.
Le chef de l’Etat entend à la fois poursuivre la baisse des impôts et commencer à rembourser l’impressionnante dette française, à partir de 2026. Dans une conjoncture de plus en plus maussade, il ne peut espérer y parvenir qu’en augmentant substantiellement la quantité de travail pour doper la croissance. Plus il donne l’impression de louvoyer sur ce sujet, plus il compromet la réalisation de ses objectifs.