Jean-Marie Le Pen : un héritage trouble
Un héritage doublement trouble pour Jean-Marie Le Pen d’abord idéologique caractérisé par des positions révisionnistes très réactionnaires et qui ont d’ailleurs amené sa fille Marine Le Pen à l’exclure du parti. Par ailleurs l’héritage matériel dont bénéficie sa famille ne manque pas d’interroger. (article de « Ouest France »)
Au cours de sa longue carrière politique, Jean-Marie Le Pen, décédé ce 7 janvier 2025 à l’âge de 96 ans, s’est adressé volontiers « aux petits, aux obscurs, aux sans-grade » pour les inciter « à reprendre avec lui le pouvoir » et « retrouver le privilège d’être Français », ainsi qu’il le déclarait en 2007 à Lille.
Jean-Marie Le Pen n’avait pourtant rien d’un exclu. L’ancien président et cofondateur du Front national jouissait d’une confortable fortune qu’il ne cherchait d’ailleurs pas à dissimuler. Il recevait les journalistes à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), dans son hôtel particulier de Montretout, où tous les signes de la réussite sociale étaient exhibés, comme la présence de domestiques.
Certes, Jean-Marie Le Pen n’a pas vécu dans l’opulence durant son enfance, ni une bonne partie de sa vie d’adulte. Pupille de la Nation, boursier, il a dû travailler pour financer ses études de droit à Paris au début des années 1950. Il exerce alors des petits boulots comme marin-pêcheur, mineur de fond, métreur d’appartement ou agent de tri du courrier.
Plus tard, le seul véritable métier connu de Jean-Marie Le Pen a été celui d’éditeur. Il fonde en 1963 avec des amis la Société d’études et de relations publiques, la Serp. Cette maison de disques est spécialisée dans la diffusion de chants militaires et de discours politiques. Elle édite notamment des chants de guerre de la Wehrmacht. Pas de quoi rouler sur l’or. Jean-Marie Le Pen fait tout, s’occupe de la maquette des pochettes et doit parfois livrer lui-même la marchandise.
La fortune de Jean-Marie le Pen trouve son origine dans sa rencontre avec Hubert Lambert, riche héritier des Ciments Lambert, dans les années 1970. Les deux hommes partagent les mêmes idées d’extrême droite et deviennent amis. Jean-Marie Le Pen nomme Hubert Lambert au comité central du Front national et en fait son conseiller pour les questions militaires.
« Quand le FN est fondé en 1972, Lambert commence à assister à plusieurs réunions de ce qui à l’époque n’est qu’un micro-parti, un groupuscule, expliquait Olivier Beaumont, journaliste et auteur du livre L’Enfer de Montretout, dans l’édition du soir en 2022. Très vite, Jean-Marie Le Pen s’entiche de cette personnalité et une amitié naît entre lui et Hubert Lambert. Ce dernier va ensuite approvisionner de manière sonnante et trébuchante les caisses du Front national à leur début. »
Alcoolique, fragile physiquement et psychologiquement, Hubert Lambert meurt prématurément à l’âge de 42 ans en 1976. Ce célibataire n’a pas de descendance. Dans son testament, il a fait de Jean-Marie Le Pen son unique héritier. En 1977, le président du Front national hérite d’un capital estimé à 30 millions de francs (environ 4,5 millions d’euros) et de biens immobiliers, dont l’hôtel particulier de Montretout, à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine), où il va emménager avec sa famille
Cet héritage change complètement la vie de Jean-Marie Le Pen. Il accède à une aisance matérielle qu’il n’avait jamais connue. Cet argent va lui permettre de mener à sa guise une carrière politique. Montretout sera longtemps la demeure familiale mais aussi le lieu qui servira de QG du Front national. « Très vite, il va l’utiliser pour en faire son bureau politique, poursuit Olivier Beaumont. Le bureau de Jean-Marie Le Pen est situé au premier étage de la maison, juste à côté de la chambre à coucher. C’est là qu’on voit le mélange des genres chez les Le Pen. D’ailleurs, sa première femme Pierrette s’en plaignait souvent. Elle était encore en peignoir qu’elle croisait des cadres du FN. »
Cette vaste demeure du XIXe siècle, d’une surface de 430 m² et entourée d’un parc, sera aussi le lieu de grandes réceptions. On y voit le journaliste Yves Mourousi, l’acteur Alain Delon ou encore le navigateur Olivier de Kersauson. Jean-Marie Le Pen cultive ainsi un réseau qui va bien au-delà du monde politique. « Il y a toujours eu là-bas un mélange des genres qui a fait la gravité de cette maison », commente le journaliste.
En 2007, lors de l’élection présidentielle, Jean-Marie Le Pen avait confirmé qu’il payait l’impôt sur la fortune en raison de son patrimoine en actions et en biens immobiliers.