Haute fonction publique : changer le recrutement
Les deux consultants en gestion Jérôme de Badereau et Clément Jullien expliquent, dans une tribune au « Monde », que le recrutement au mérite parmi les fonctionnaires expérimentés comme voie d’accès principale créerait une dynamique à même de remédier à plusieurs des maux actuels de la fonction publique.( au lieu de la main-mise des élèves des grands écoles notamment de l’ENA sur les plus hauts postes administratifs
Tribune.
Souvenez-vous, il y a deux ans, l’Ecole nationale d’administration (ENA) était une cible et devait disparaître : trop étroite et élitiste dans son recrutement, faisant des hauts fonctionnaires de grands corps de l’Etat déconnectés des réalités et des besoins, son sort était scellé. On imaginait en même temps ouvrir davantage la fonction publique aux contractuels venant d’horizons divers.
Le discours du président de la République à Nantes, le 11 février, opère un retour en grâce spectaculaire de la grande institution qui forme les élites administratives françaises : symbole d’un ascenseur social grippé, elle deviendra dès la rentrée 2021 source de progrès social en accompagnant l’entrée d’étudiants de quartiers populaires.
D’autres grandes écoles formant des hauts fonctionnaires sont aussi concernées par cette ouverture des concours : l’Institut national des études territoriales, l’Ecole des hautes études en santé publique, l’Ecole des commissaires de police, l’Ecole des directeurs des établissements pénitentiaires.
Si cette annonce a surpris, cette transformation du recrutement n’est finalement que la poursuite d’un mouvement amorcé à l’ENA depuis près de quarante ans avec l’ouverture des deuxième et troisième voies d’accès : la deuxième voie pour des agents du service public méritants et expérimentés, la troisième voie pour des salariés du privé voulant réorienter leur carrière dans le sens de l’intérêt général.
Ces deux voies ont permis de former des « hauts manageurs publics » aux compétences et aux parcours plus divers et ont étendu le savoir-faire des diplômés de l’ENA, mais cela s’est fait sur une base sociale encore plus étroite, avec un plus bas atteint en 2019 : la promotion ne comptait qu’un étudiant issu d’une famille d’ouvriers… Le milieu social est devenu un marqueur à l’ENA, mais il n’est pas le seul.
Une autre source d’inégalité est peu évoquée et traitée en tant que telle : la méconnaissance générale de la filière administrative supérieure dans la population au-delà des enfants de fonctionnaires. Emmanuel Macron l’a vécu lui-même, il ne connaissait pas l’ENA et y est arrivé un peu par hasard.