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Le travail cause de la pandémie et du changement climatique) ? Marc Guyot et Radu Vranceanu)

Le  travail  cause de la  pandémie  et du  changement climatique) ? Marc Guyot et Radu Vranceanu)

 

 

 

 

Chronique de Marc Guyot et Radu Vranceanu, Professeurs d’économie à l’ESSEC dans la Tribune

 

Le déconfinement et la reprise progressive de l’activité dans un grand nombre de domaines a également touché la production de manifestes indiquant la direction que l’humanité doit prendre une fois la crise résolue. La lecture du document « Démocratiser l’entreprise pour dépolluer la planète » est édifiante

 

Celui publié dernièrement par Le Monde et d’autres journaux internationaux ce vendredi 15 mai - Démocratiser l’entreprise pour dépolluer la planète - atteint des sommets à la hauteur de la période que nous vivons. Ses respectables auteurs, tous universitaires reconnus dans leur domaine de spécialisation propre, affirment que l’exploitation des travailleurs dans les entreprises et l’économie de marché sont non seulement la cause du changement climatique mais également celle de la crise du coronavirus. Dès lors, leur proposition pour vaincre le virus et stopper le changement climatique est l’emploi garanti pour tous et la co-représentation des travailleurs dans les conseils d’administration. Bien qu’ils dénomment « green deal » cette proposition, on ne voit pas immédiatement en quoi l’emploi garanti à vie ou l’autogestion pourraient contribuer à stopper la pandémie et diminuer les émissions de dioxyde de carbone.

On y apprend par ailleurs que c’est la soumission de l’hôpital aux lois du marché qui est la cause du nombre élevé de décès dus au coronavirus. Le ministère de la Santé, les ARS et le haut personnel de direction de ces places fortes de l’interventionnisme d’Etat apprécieront. On doit donc déduire en corolaire que les relativement bonnes performances des hôpitaux et des systèmes de santé allemand ou sud-coréen proviennent d’une meilleure résistance à l’économie de marché.

En reprenant un concept ancien, présent dans une littérature très spécifique, les auteurs dénoncent la « marchandisation » du travail, qui, selon eux, ne doit pas être vendu et échangé comme une marchandise ordinaire. Pour les rassurer, nous leur recommandons la lecture des 3.500 pages du code du travail français et particulièrement celle des mille et une règles qui fixent le salaire minimum, la durée maximale du travail, la durée minimale, les congés, la couverture sociale, les modalités de négociation, les sanctions pour licenciement abusif, les droits de chômeurs, etc. Sans considération pour la protection du travail propre à notre pays, ils demandent donc la création d’une garantie d’emploi pour tous, financée en Europe par… la BCE. La suggestion d’un tel transfert de dépenses directement sur la banque centrale rejoint celles des grands partis populistes qui rêvent encore d’un retour aux monnaies nationales et d’une monétisation des dépenses sociales, en tout dédain du risque d’inflation. Cette proposition risque de recevoir un accueil particulièrement froid chez nos amis allemands.

Conscient peut-être que leurs propositions ne sont pas franchement nouvelles, les auteurs du manifeste proposent néanmoins du neuf en matière de novlangue. Les employés ne sont plus des travailleurs mais des « investisseurs en travail ». Les auteurs insistent également sur le fait que les humains au travail ne sont pas des ressources. Faudra-t-il débaptiser dans l’urgence les départements des ressources humaines dans toutes les infâmes entreprises et leur trouver un nom novlangue moins attentatoire à leur dignité ? Nous attendons la position de la ministre du Travail ex-directrice des ressources humaines d’une grande entreprise présumée maltraitante.

En cherchant bien dans le manifeste, il est néanmoins possible de trouver des points sur lesquels il est possible d’être d’accord. Il est dit que les personnels essentiels qui ont travaillé pendant la période de confinement ont témoigné de la dignité du travail et de l’absence de banalité de leurs fonctions. Nous appuyons sans réserve ces paroles qui par ailleurs sont approuvées par 100% des Français.

De notre côté nous estimons que la crise révèle la nécessité d’une révision en profondeur de l’organisation de notre système de soin dont la faille essentielle n’est pas dans les moyens alloués mais dans le gaspillage de ceux-ci du fait d’une centralisation extrême qui a montré encore une fois ses limites. Nous partageons également l’objectif de lutte contre le réchauffement climatique mais nous estimons que l’objectif de limitation de l’augmentation des températures à 2 degrés en 2050, tel qu’il a été défini par les accords de Paris, peut être atteint par un déploiement courageux de la taxe carbone et par le développement de l’énergie renouvelable tiré par l’innovation technologique et la finance verte.

 

L’erreur stratégique en matière de croissance de Macron (Marc Guyot et Radu Vranceanu)

L’erreur stratégique en matière de croissance de Macron (Marc Guyot et Radu Vranceanu)

 

Hausse de fiscalité pour compenser l’impuissance de Macron à reformer l’Etat constitue une erreur stratégique grave pour la croissance estiment Marc Guyot et Radu Vranceanu, Professeurs à l’ESSEC. (La Tribune)

 

« Après 10 années de croissance continue de la pression fiscale sur les classes moyennes, les dernières mesures « anti-automobile » ont déclenché un mouvement de protestation et de contestation du pouvoir sans précédent. Le 10 décembre, lors de son allocution télévisée, le président Emmanuel Macron a révélé une série de mesures visant l’amélioration du pouvoir d’achat des travailleurs à faible et moins faible revenu, à hauteur de 10 milliards d’euros ainsi que la suppression de la taxe controversée. Surfant sur la révolte des gilets jaunes contre la taxation excessive des classes moyennes, certains essayent de la transformer en révolte contre la redistribution supposée injuste de la richesse. Ces voix réclament notamment plus de taxes sur les revenus et patrimoines élevés, sur les grandes entreprises et le rétablissement de l’ancien ISF. Il y a un lien entre redistribution des richesses et création de richesses, mais ce lien n’est pas linéaire. Un excès d’inégalités des revenus peut affaiblir la croissance, tout comme un excès d’égalitarisme, résultant d’un excès de charges sur les entreprises ou les hauts revenus. Dans un monde de mobilité des capitaux, la taxation excessive fait fuir les capitaux et les emplois que l’investissement aurait soutenus. Il nous apparaît que le problème de la France d’aujourd’hui n’est pas celui d’un déficit d’égalitarisme, mais son excès. En effet, en termes de création de richesse, la France est mal en point comparée à ses partenaires commerciaux. Cela fait bientôt 20 ans que la France a rejoint l’euro et le nouveau souffle promis n’a jamais été au rendez-vous. Pendant ces vingt années, la France a doucement mais sûrement décroché vis-à-vis de ses partenaires traditionnels et l’examen des chiffres avec l’Allemagne et les Etats-Unis est inquiétant. Le PIB par habitant de la France en 2017 était de 42.600 dollars (38.600 en parité de pouvoir d’achat), contre 46.000 dollars (44.400) pour l’Allemagne, et 53.100 dollars (54.000) pour les Etats-Unis (données Trading Economics). Pour rattraper ce retard en création de richesse, il faudrait à la France entre six et sept ans d’une croissance de deux points de pourcentage supérieure à celle des Etats-Unis. S’il est vrai que la France compensait sa richesse par habitant plus faible par un taux de pauvreté plus faible, cela reste légèrement vrai face aux Etats-Unis mais pas face à l’Allemagne. De même, les salaires des travailleurs non-qualifiés sont inférieurs en France à ceux des Etats-Unis ou d’Allemagne (Trading Economics) où la distribution des revenus est plus égalitaire (Banque Mondiale). Enfin, le taux de chômage français est plus du double des taux de chômage allemand et américain (9% contre moins de 4%). Le gouvernement actuel n’est bien sûr pas le seul responsable du décrochage de l’économie française. A son actif, il a tenté de mettre en place des mesures destinées à alléger le carcan de règles et le poids des taxes qui freinent la croissance des entreprises et donc de l’emploi. Si ces réformes vont dans la bonne direction, outre d’être timides et largement insuffisantes, elles ont été plutôt mal expliquées par ce gouvernement dont la communication n’est pas le point fort. De plus, des réformes structurelles urgentes comme la réforme du code du travail, que le gouvernement avait su accompagner, sont mises en danger par des décisions budgétaires brutales, comme la taxe sur les carburants, insuffisamment expliquées et qui pouvaient attendre. En revanche, le gouvernement n’a pas osé remettre en cause des facteurs clefs comme les 35 heures, la protection excessive du CDI ou le salaire minimum unique. Les syndicats ont eu gain de cause sur l’inversion des normes ou la gestion de l’assurance chômage, perpétrant ainsi une organisation du travail inefficace, dont les origines corporatistes remontent à la seconde guerre mondiale. On a cru qu’Emmanuel Macron allait réussir à ramener la France à un déficit inférieur à 3% du PIB, mais il semble que ça ne sera pas le cas avec ces 10 milliards de dépenses supplémentaires. Emmanuel Macron, comme ses prédécesseurs, n’a mis en place aucune mesure crédible de réduction des dépenses publiques alors que son niveau est excessif, équivalent à 56,4% du PIB, et est le plus élevé des économies avancées. Pour le réduire, il aurait fallu profondément réorganiser l’Etat en sortant de la sphère publique plusieurs activités, tout en renforçant les fonctions régaliennes. Tout particulièrement le gouvernement s’est refusé à s’attaquer aux dépenses de fonctionnement excessives de l’Etat qui représentent un tiers des dépenses et sont pointées du doigt par la Cour des Comptes. De même, il n’a pas lancé de réforme courageuse des retraites. Sans contester la réalité de certaines retraites modestes, il faut savoir que le montant moyen des retraites en France est parmi les plus élevés des pays de l’OCDE et l’âge effectif de départ à la retraite des hommes est le second le plus faible devant le Luxembourg (données OCDE, 2017).[1] Le poids des dépenses publiques de retraite dans le PIB est de 14,9% en moyenne sur 2013-2015, comparé à 10% pour l’Allemagne. La crise des gilets jaunes révèle que la stratégie de multiples réformes à petits pas, sans réduction du poids de l’Etat et accompagnée d’augmentation des taxes n’a pas permis au pays de retrouver son dynamisme économique. Pire encore, cet échec risque de compromettre le message réformateur que portait Emmanuel Macron et ouvre la porte au discours populiste redistributif d’une richesse qui ne risque pas de croître si les préconisations des populistes sont mises en œuvre. »

[1] http://www.oecd.org/els/emp/average-effective-age-of-retirement.htm Panorama des pensions 2017. Les indicateurs de l’OCDE et du G20 DOI:https://doi.org/10.1787/pension_glance-2017-fr




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