Centralisme–Macron, chef de gare de France et bientôt conducteur de train ?
S’il y a bien un domaine qui attribue des responsabilités précises aux collectivités territoriales, c’est bien celui des transports. Les régions ont en charge les TER et les grandes villes la gestion des systèmes urbains. Mais en France, le pouvoir central s’assoit facilement sur les des attributions légales des collectivités. Macron décide bien sûr de la politique nationale mais aussi locale. D’une certaine manière il se transforme maintenant en chef de gare et peut-être demain en conducteur de train. Un édito d’Olivier Auguste dans l’Opinion :
La fausse annonce d’Emmanuel Macron sur les « RER de province » renforce l’illusion que, dans ce pays, le Président décide de tout, y compris des questions qui doivent être, par nature, tranchées par les responsables locaux
C’est ce qu’on appelle « un coup de com », et il est réussi – la preuve. « Je veux qu’on se dote d’une grande ambition nationale qui est, dans dix grandes métropoles françaises, de développer un réseau de RER, de trains urbains », lance dimanche soir Emmanuel Macron sur YouTube. La forme cible les jeunes ; le fond parle d’environnement, cette matière dans laquelle le chef de l’Etat estime son action injustement sous-évaluée.
« L’annonce » est pertinente : les grandes agglomérations, dont le trafic routier est déjà saturé, verront leur population croître au cours des prochaines décennies, et la lutte contre le réchauffement climatique donne une raison supplémentaire de vouloir basculer les déplacements quotidiens vers le train. Tellement pertinente, que le chantier a été acté dans la loi d’orientation des mobilités votée il y a… trois ans, que SNCF réseau y a consacré un rapport de 72 pages début 2020, listant les dix métropoles concernées (et en proposant cinq de plus en option), et que les études sont souvent déjà bien avancées, à Bordeaux comme à Lille par exemple. D’annonce, il n’y a point.
Certes, l’intervention d’Emmanuel Macron relancera sans doute ici les discussions entre acteurs concernés, débloquera ailleurs une subvention de l’Etat qui permettra de boucler le budget – considérable – nécessaire. Mais elle vient aussi renforcer l’illusion que, dans ce pays, le Président décide de tout, y compris des questions qui doivent être, par nature, tranchées par les responsables locaux. C’est le centralisme qui prétend assurer l’égalité mais n’engendre que la rigidité, la concentration du pouvoir qui vise l’efficacité mais apporte la distance. Au final, l’hôte de l’Elysée est tenu personnellement responsable de chaque retard de train. Un travers bien français.