Industrie pharmaceutique : profits menacés par les génériques
Après les économies de 1,5 milliard d’euros réalisées sur les médicaments en 2012, le gouvernement socialiste a placé la barre encore plus haut. «Entre la hausse des taxes, les baisses de prix et l’envol des génériques avec la mesure “tiers payant contre générique”, plus de 2 milliards d’euros seront économisés sur le dos des laboratoires en 2013», s’indigne Cyril Titeux, patron de Janssen France et président de l’Agipharm, une association de groupes pharmaceutiques internationaux. Les autorités françaises ont certes le même souci que la plupart des gouvernements: réduire le coût de la santé ou, plutôt, tenter de l’empêcher de croître démesurément sous le poids des maladies chroniques et du vieillissement de la population. Mais elles considèrent les médicaments comme le principal vecteur d’économies. «Or, avec des ventes de 22 milliards d’euros en 2011, les médicaments remboursés représentent 15,2 % des dépenses de santé dans l’Hexagone. Pourtant, ils pèsent pour plus de la moitié des économies réalisées chaque année sur les dépenses maladie», souligne Hervé Gisserot, responsable de GSK Europe et nouveau président du Leem, le syndicat de l’industrie du médicament. Résultat, les dépenses de santé ont progressé de 2,5 % en 2012 tandis que le montant des ventes de médicaments est en recul, lui, de près de 2 %. En 2013, le plongeon pourrait atteindre 2,5 %, redoutent les laboratoires. Depuis l’affaire Mediator et plus encore depuis l’arrivée de la gauche - même si le premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé mi-novembre «la sortie de l’ère du soupçon» -, le dialogue est difficile entre l’industrie pharmaceutique et les pouvoirs publics. Pour ne rien arranger, les mesures d’économies sont loin d’être les seules difficultés du secteur. Les fabricants de médicaments de marque souffrent en effet de la concurrence des génériques, qui prennent peu à peu la place de leurs médicaments. De plus, ils ont du mal à les remplacer par des traitements innovants capables de répondre aux besoins pourtant nombreux: maladie d’Alzheimer, Parkinson, schizophrénie, diabète, hypertension. Les laboratoires ont beau dégager des marges encore très généreuses - les grands du secteur affichent des ratios de rentabilité nette de 17 % en moyenne en 2011 -, les trois ou quatre prochaines années seront «difficiles», prévoient les experts. Pour faire face, les labos multiplient les suppressions d’effectifs. En France, pas loin de trente plans sociaux sont déjà en cours et plusieurs laboratoires s’apprêtent à en annoncer de nouveaux. L’addition pourrait être plus salée encore avec l’encadrement à venir de la visite médicale hospitalière, qui menace quelque 2.000 commerciaux. La production pharmaceutique est aussi sur le gril. Au moins 5.500 emplois, sur 40.000 dans la production de médicaments, disparaîtront d’ici à 2015 si rien n’est fait, affirmait l’an dernier le cabinet Arthur D Little. On ne fabrique en France aucun des 47 nouveaux médicaments agréés en 2011 et on y produit moins d’un générique sur deux, explique Christian Lajoux, président de Sanofi France et ex-patron du Leem. «Les industriels ont des gains de compétitivité à faire, mais les pouvoirs publics doivent assouplir l’environnement, alléger le coût du travail, le rendre plus flexible…», résume Hervé Gisserot. En termes de balance commerciale et d’emplois notamment, la performance de l’industrie pharmaceutique est supérieure à celle des autres secteurs industriels, mais sa compétitivité s’effrite, souligne, de son côté, l’économiste Claude Le Pen. Pour ce dernier, il faut sortir d’«un système schizophrène». «D’un côté, explique-t-il, on rabote le chiffre d’affaires et les marges d’une industrie unanimement présentée comme un secteur d’avenir. De l’autre, on injecte deux fois plus d’argent dans le système de santé, au profit surtout d’institutions publiques peu compétitives.» Mieux vaudrait accepter l’idée que les industries de santé peuvent être «une solution plutôt qu’un problème» pour l’économie française, propose l’économiste.