C’est le cri d’alarme des grandes sociétés. L’Afep, qui réunit les 117 plus grandes entreprises françaises, a mis en garde ce lundi contre un « risque majeur » de « décrochage durable » de l’économie française et européenne, selon l’issue des élections législatives anticipées en France, appelant les partis politiques à la « responsabilité budgétaire ».« Le vote des Français déterminera aussi la capacité des grandes entreprises et leurs millions de salariés à poursuivre leur développement, à innover et à maintenir l’emploi et le pouvoir d’achat, contribuant ainsi à la prospérité de notre pays », a déclaré l’Association française des entreprises privées, dans un communiqué.
Les législatives anticipées font craindre aux acteurs économiques français l’arrivée des extrêmes au pouvoir. Signe de cette crainte, les marchés ont sévèrement sanctionné la semaine dernière la Bourse de Paris, qui a enregistré sa pire semaine depuis début 2022. Les taux d’emprunt de l’Etat français ont également augmenté, renchérissant le coût de la dette du pays.
Déjà la semaine dernière, les organisations patronales ont montré leurs inquiétudes face à la possible percée du Rassemblement national, arrivé en tête lors des dernières élections européennes, s’il remporte les législatives.
Mardi dernier, dans un communiqué qui ne cite aucun parti, tout en visant clairement des projets du RN et, pour faire bonne mesure, de LFI, le Medef a dit redouter les propositions de « certains », « allant du retour de la retraite à 60 ans à l’indexation automatique des salaires sur l’inflation, en passant par la sortie du nucléaire ou de l’énergie éolienne ».
La CPME a évité également de citer le RN dans son propre communiqué, tout en rappelant ses priorités : poursuite de la politique de l’offre, décarbonation de l’économie et réforme du système de protection sociale.
Alors que le parti d’extrême droite place le patriotisme économique et le pouvoir d’achat des Français au cœur de son programme, « sur de multiples sujets de politique économique essentiels, la position du RN manque de clarté », avec des mesures « à la fois floues et changeantes », constate dans une note Sylvain Bersinger, économiste chez Asterès.
Ainsi, quoique critique envers l’accroissement de la dette publique, aujourd’hui supérieure à 3.000 milliards d’euros (environ 110% du PIB), le RN prévoit de nombreuses dépenses, loin d’être compensées par des recettes supplémentaires.
Parmi les principales propositions, la formation de Marine Le Pen veut abaisser à 5,5% la TVA sur les produits énergétiques, restaurer une retraite à 60 ans dans certains cas, exonérer d’impôt sur le revenu les moins de 30 ans, lancer un plan de 20 milliards d’euros pour la santé, construire 100.000 logements sociaux par an…
« Ce n’est pas la couleur politique des uns et des autres qui préoccupe les marchés, mais la solvabilité de la dette France : un programme qui n’est pas financé donne des risques de dérapage des finances publiques », souligne Eric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management.
Pour rappel, le déficit public s’est creusé à 5,5% du PIB en 2023 (presque 154 milliards d’euros) en raison de recettes plus faibles qu’escompté, valant à la France d’être dans le viseur des agences de notation et de la Commission européenne pour déficit excessif. Le gouvernement actuel ambitionne de passer sous le seuil de 3% du PIB en 2027, dans les clous européens.
De son côté, le programme du Nouveau Front populaire s’engage entre autres à augmenter le Smic, bloquer les prix des biens de première nécessité, faire renaître l’ISF ou encore fixer un objectif de retraite à 60 ans. Présentées vendredi dernier, les marchés n’ont pas accueilli avec bienveillance ces mesures « de rupture ».
«Réagissant à une semaine de fortes turbulences pour la France sur les marchés financiers, le président de la République a déclaré : « Ça vous donne en quelque sorte un avant-goût de ce que serait en effet l’avènement de programmes économiques totalement irréalistes ». Selon lui, les projets de l’alliance de gauche ou du Rassemblement national « coûtent par an entre 100 et 400 milliards d’euros ».