La colonisation glorifiée ….en 1931
Retransmis dans « La Dépêche coloniale » du 7 mai 1931, le discours de Paul Reynaud, ministre des colonies du gouvernement de Pierre Laval célèbre la politique coloniale, notamment pour ses apports économiques, et l’exposition de Vincennes qui « doit servir à donner aux Français conscience de leur “empire” ».(Le Monde)
[« Le tour du monde en un jour » : tel est le slogan de l’Exposition coloniale qui s’ouvre, le 6 mai 1931, à la Porte Dorée, sous les auspices du président de la République, Gaston Doumergue, et du maréchal Lyautey, commissaire général de l’exposition. Malgré des soulèvements dans le Rif marocain (1925-26) ou en Indochine, l’empire colonial français est à son apogée. Et c’est bien cette puissance – notamment économique en pleine crise après le krack de 1929 – qu’entend promouvoir le gouvernement afin de « donner aux Français conscience de leur empire », ainsi que le souligne Paul Reynaud, ministre des colonies, dans son discours d’inauguration.
Si quelques voix s’élèvent à gauche pour fustiger les festivités qui dureront six mois, elles laissent surtout entendre les divisions entre les socialistes, tel Léon Blum, qui dans “Le Populaire” dénonce les violences commises, sans condamner ouvertement le colonialisme ; et le Parti communiste qui propose à Paris une contre-exposition intitulée « La Vérité sur les colonies ». Pour sa part, le groupe des surréalistes rédige un tract invitant à boycotter l’exposition située au bois de Vincennes. Son message ne sera guère suivi puisque 8 millions de visiteurs viendront s’instruire et baguenauder entre les villages indigènes, les échoppes artisanales et les temples asiatiques reconstitués, dont celui d’Angkor Vat.]
Monsieur le Président de la République, il y a un an à Alger, il y a six mois au Maroc, il y a trois semaines à Tunis, vous affirmiez une foi qui fut celle de votre vie tout entière. Et voici qu’aujourd’hui, c’est encore à la pensée et à l’œuvre coloniales que vous consacrez le dernier acte d’un septennat dont la fin se voile d’une mélancolie où s’expriment l’affection et le regret de l’opinion publique reconnaissante.
Vous venez, Monsieur le Président, de faire, en un quart d’heure, le tour du monde. Que d’images ont dû s’éveiller dans l’esprit de l’ancien colonial, de l’ancien ministre des colonies que vous êtes, à la vue de ces palais où voisinent la langoureuse Asie et la brillante Afrique et la dissolvante douceur des îles d’Océanie !
Le monde colonial vous remercie de cette nouvelle marque de sympathie pour son effort. Il sait qu’il gardera en vous un protecteur et un ami dont la haute autorité morale lui sera précieuse. [souligné dans le texte]
Nous tenons aujourd’hui, Messieurs, une assemblée plénière des peuples migrateurs.
Portugais, Génois, Espagnols, Hollandais, Français, Anglais, tous sont partis de la petite Europe : péninsule ciselée comme par une main d’artiste au bout du continent de l’Asie. La petite Europe d’il y a quatre siècles, si pauvre par rapport à celle d’aujourd’hui, mais où déjà s’était accumulé un tel capital de pensée, de science et de richesse ! C’est cette pensée, cette science, cette richesse qui ont lancé ses enfants aventureux sur les routes de la mer, lorsque la victoire des Turcs eut fermé la route de terre qui menait vers les trésors de l’Inde. Quelle rencontre, en route ! Un continent, et quel continent ! Celui où s’épanouit aujourd’hui le prodigieux rejet américain de la civilisation d’Europe ! La colonisation est le plus grand fait de l’histoire.