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Cette dette globale qui progresse plus vite que la richesse

Cette dette globale qui progresse plus vite que la richesse

Alors que, le 8 décembre, les vingt-sept Etats membres de l’Union européenne ont été sur le point de s’entendre sur la réforme du pacte de stabilité et de croissance, l’économiste Nicolas Dufresne revient, dans une tribune au « Monde », sur la lancinante question de la dette que les Etats n’arrivent pas à réduire.

Après la parenthèse du « quoi qu’il en coûte », la dette redevient un sujet de préoccupation. Alors que la dette globale, publique et privée, représentait 226 000 milliards de dollars (environ 209 500 milliards d’euros) fin 2020, elle correspond désormais à plus de 310 000 milliards, soit plus de 350 % du produit intérieur brut (PIB), un niveau inédit.

Il y a plusieurs raisons sérieuses de s’en inquiéter. D’abord, avec l’envolée des taux d’intérêt décidés par les banques centrales, les charges financières augmentent pour tous les acteurs, conduisant certains à l’étranglement. Pour les entreprises, le taux de défaillance remonte en flèche, sous l’effet de la raréfaction du crédit et de la hausse des taux d’intérêt.

Du point de vue des ménages, le rapport entre leur passif et leur revenu disponible, qui était de 55 % en 2003, a progressé jusqu’à 102 % en 2021 (en Grande-Bretagne, ce ratio atteint même 129 %).

Les Etats ne sont pas épargnés : pour la France, la charge de la dette, qui était de moins de 30 milliards d’euros en 2021, représente 55 milliards d’euros en 2023, et pourrait atteindre ou dépasser 80, voire 100 milliards d’euros, au cours des prochaines années.

L’Etat consacrerait ainsi près du quart de son budget annuel au seul remboursement des intérêts de la dette. La situation est pire pour les pays en développement : selon un rapport des Nations unies, 60 % des pays les plus pauvres sont sur le point ou ont déjà basculé dans une crise de la dette. Ces mêmes pays ont épuisé leur marge de manœuvre budgétaire pour continuer à financer leur dette, ce qui se traduit par une compression des dépenses pour la protection sociale et les autres dépenses, provoquant le basculement dans la pauvreté de plus de 165 millions de personnes au cours des trois dernières années.

Seconde raison d’inquiétude, la vitesse de progression de la dette dépasse largement celle de la production de richesse. Cette tendance n’est pas nouvelle, mais elle s’est accentuée au cours des dernières années. Il faut de plus en plus de dette pour soutenir le même niveau de croissance.

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Ecole: La méthode globale qui tue l’apprentissage de la lecture


Ecole: La méthode globale qui tue l’apprentissage de la lecture

On aurait pu imaginer que la méthode de la lecture globale très à la mode il y a 50 ans avait disparu des pédagogies pour l’apprentissage de la lecture. Rien n’y fait car cette pédagogie qui consiste essentiellement à photographier les mots au lieu de distinguer chaque syllabe est toujours en vigueur dans des ouvrages scolaires.

Une véritable catastrophe pour l’enseignement de la langue car la lecture est le premier exercice d’apprentissage des savoirs fondamentaux.

Résultat, la France et dans le fond des classements pour la maîtrise de la langue comme d’ailleurs pour l’apprentissage des mathématiques.

Pour se persuader de la véritable dégringolade de maîtrise de la langue, il suffit par exemple de lire les commentaires des lecteurs des sites Internet : un véritable naufrage avec une faute toutes les lignes ou presque y compris pour les médias les plus sérieux et dont on suppose que les lecteurs sont les plus cultivés.

Le conseil scientifique de l’Éducation nationale (CSEN), mis en place en 2018 par le prédécesseur de Pap Ndiaye, Jean-Michel Blanquer, constate, dans une note de deux pages publiée en octobre, que «les méthodes et manuels (de lecture) efficaces continuent d’être parmi les moins utilisés» par les enseignants. En d’autres termes, la méthode dite «mixte», alliant la fameuse méthode «globale», très en vogue dans les années 1970 – basée sur la reconnaissance automatique des mots sans forcément les déchiffrer -, et la méthode syllabique, reste bel et bien utilisée dans les classes. Des pédagogies «totalement inacceptables», assène le conseil scientifique.

«La lecture est l’un des apprentissages fondamentaux sur lesquels s’appuie toute la scolarité. C’est aussi un des domaines dans lesquels les données scientifiques sont relativement unanimes.

Une conception plus globale du pouvoir d’achat

Une conception plus globale du pouvoir d’achat

 

L’économiste Gilles Rotillon observe, dans une tribune au « Monde », que la hausse des prix et les modifications de nos comportements et de la structure de notre consommation nous poussent à faire des arbitrages entre biens de consommation et biens communs.

La loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, promulguée le 16 août 2022, ne semble pas, à première vue, poser de problème, mis à part les clivages politiques traditionnels : qui pourrait être contre le fait que l’on puisse maintenir un certain niveau de vie surtout quand on a déjà toutes les difficultés à boucler les fins de mois ?

Mais il faut s’entendre sur ce que l’on entend par « pouvoir d’achat », qui désigne généralement la capacité d’acquérir des biens nécessaires à la vie, à commencer par les plus fondamentaux – un logement, de la nourriture, de l’énergie – et, si possible, d’autres biens qui semblent rendre la vie plus supportable en échappant à la seule quête de la survie quotidienne (qui est quand même la situation de milliards d’habitants sur terre), comme le smartphone ou la télévision.

Autrement dit, ce que ce « pouvoir » permet d’acheter, ce sont des biens privés disponibles par définition sur le marché. Et c’est la grande force de ce dernier que « d’offrir » à tous les biens qu’ils demandent.

Derrière cette évidence, il y a en réalité deux arbitrages.

Le premier, c’est l’arbitrage entre biens privés et biens publics, qui fait que, dans un pays comme la France, la plupart de ses habitants acceptent de payer des impôts pour financer des biens publics que tous jugent indispensables à une vie décente, comme l’éducation, la santé, la sécurité, la mobilité ou la justice.

Cela signifie que l’acceptation de l’impôt est grande parce que chacun sait ce qu’il permet de faire, ce qui revient à accepter de réduire son revenu, donc sa consommation de biens privés, pour augmenter la fourniture de ces biens publics fondamentaux.

Ce ne fut pas le cas pendant tout le XIXe siècle et le début du XXe siècle. L’instauration de l’impôt sur le revenu en 1914 a d’abord été combattue par les conservateurs représentant les agriculteurs et les cadres du commerce et de l’industrie. Il a été aussi vigoureusement combattu par les principaux journaux de l’époque, comme Le TempsLe Matin et Le Figaro. Finalement, il prendra la forme qu’on lui connaît aujourd’hui en 1920 avec l’instauration du taux marginal d’imposition.

Cet arbitrage tend à être remis en question par les politiques néolibérales actuelles qui visent précisément à réduire la qualité de ces biens publics, comme l’illustre tragiquement la fermeture des lits pendant la pandémie ou le manque d’attractivité du métier d’enseignant. Mais le fait que ces politiques rencontrent une vive opposition, non seulement chez les personnels concernés, soignants ou enseignants, mais aussi dans un large public, prouve que l’arbitrage biens privés-biens publics n’est pas remis en cause par la majorité et fait partie du débat public.

Pour une culture de mobilisation globale . (Luc Carvounas)

Pour une culture de  mobilisation globale . (Luc Carvounas)

Le maire d’Alfortville (Val-de-Marne) plaide pour la généralisation d’organisations municipales de citoyens volontaires et bénévoles, apportant leur concours au soutien et à l’assistance des populations en cas de crise ( dans l’Opinion)

 

 

Plus de 20 000 hectares brûlés en Gironde en quelques jours par des mégafeux qualifiés de « monstres incontrôlables » par les professionnels, des centaines de sinistrés à épauler, des dizaines de milliers de vacanciers déplacés en quelques heures à accompagner, et de multiples records de températures à gérer auprès des personnes fragiles. La réalité – brute et cruelle – est face à nous. Nous ne pouvons feindre de la voir : l’inhabituel va devenir banal. L’extraordinaire est devenu chronique.

Canicule, sécheresse, incendie. Le triptyque redoutable du réchauffement climatique – qui n’en dessine ici qu’une de ses dramatiques facettes – nous appelle sans plus attendre à nous mobiliser toutes et tous dès maintenant pour anticiper les chocs à venir. La résilience devant se construire à tous les étages de notre société – un corps social à mettre en mouvement de la tête aux pieds – il nous faut renforcer massivement l’éducation face aux multiples risques (climatiques, sanitaires, sécuritaires…) et développer une culture de la protection civile la plus globale possible. Et il existe une demande citoyenne.

En mars 2020, nous avions formé avec à une trentaine d’élus une « coordination des maires d’Ile-de-France bouclier anti-Covid », et constaté que la crise sanitaire apportait un formidable élan de solidarité de nos populations avec la manifestation spontanée de très nombreuses bonnes volontés. Nous avions pris alors l’engagement dans notre livre blanc, Construire la résilience territoriale pour anticiper les chocs à venir, de constituer dans nos communes des « réserves citoyennes locales ». Constituées de citoyens volontaires et bénévoles, elles apporteraient leur concours au soutien et à l’assistance des populations en cas de crise majeure (sanitaire, inondation, incendie, canicule, grand froid…).

A Alfortville, nous avons décliné cet engagement par la mise en place d’une réserve communale de sécurité civile. De manière très concrète, citons quelques missions qui peuvent leur être confiées : l’aide aux évacuations préventives, l’accompagnement des sinistrés, le suivi des personnes vulnérables, la communication et la transmission des alertes et des consignes de sécurité dans leur quartier, l’aide à établir un périmètre de sécurité, l’accompagnement de l’hébergement et de la restauration des populations à secourir…

Cette réserve n’a aucunement vocation à remplacer les services publics de secours ou d’urgence ou à concurrencer le travail des associations. Il s’agit d’un renfort supplémentaire, un outil de mobilisation civique et de développement des solidarités locales. Les réservistes se préparent ainsi eux-mêmes à gérer une crise en participant à des exercices de simulation, et sont formés tout au long de leur engagement.

L’exemple de notre dispositif alfortvillais – il en existe d’autres dans tant de territoires engagés – démontre comment chacun peut se rendre utile de manière très active. La résilience n’est plus ainsi un concept creux, mais bel et bien un mode d’action solidaire de gestion des crises. Car qu’est-ce que la résilience, sinon notre capacité collective à agir tous ensemble pour surmonter les chocs ?

Chacun doit donc prendre sa part : Europe, Etat, collectivités territoriales, entreprises, associations et citoyens. Je note d’ailleurs pour ces derniers que la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France affirmait récemment qu’il est « aujourd’hui nécessaire de faire du citoyen le premier acteur de sa protection ».

Alors fixons-nous un objectif simple et ambitieux : bâtir dans notre société, dès le plus jeune âge, une culture de la mobilisation globale, allant de l’éducation à la prévention des risques et à l’engagement dans la protection civile. Confronté aux crises permanentes, l’engagement facilitera et renforcera la prise de conscience : celle qu’il n’est plus l’heure d’attendre pour agir.

Luc Carvounas est maire d’Alfortville (Val-de-Marne) et président de l’Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (UNCCAS).

Reconnaissance faciale: Risque de dérive antidémocratique

  Reconnaissance faciale:  Risque de dérive antidémocratique

 

Lucie Audibert, avocate chez Privacy International, se réjouit, dans une tribune au « Monde », de la mise en demeure, le 16 décembre 2021, de l’entreprise américaine Clearview AI par la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

 

Tribune. 

 

Etes-vous au courant que toutes les photos de vous qui se trouvent sur les réseaux sociaux ou ailleurs sur le Web public peuvent être récoltées et stockées dans la base de données privée d’une compagnie que vous ne connaissez ni d’Eve ni d’Adam ? Et que cette compagnie vend l’accès à cette base de données à la police, à des gouvernements et à d’autres sociétés dans le monde ?

Ce système de surveillance de masse est le produit de l’entreprise américaine Clearview AI, dont l’existence fut révélée en janvier 2020 par une enquête du New York Times. A l’aide d’un outil automatisé parcourant le Web, Clearview récolte toutes les images détectées comme contenant des visages humains (plus de 10 milliards de photos stockées à ce jour), et permet à ses clients, grâce à son algorithme de reconnaissance faciale, d’identifier les individus apparaissant dessus. Elle stocke aussi toute information liée à ces photos, notamment le lien URL de la page où elles se trouvent – qui contient souvent des noms et autres informations personnelles. Objectif officiel : aider la police à identifier des criminels.

C’est une technologie sans précédent, qui a attiré l’attention de nombreuses autorités de protection de la vie privée autour du monde, et à raison. Le 16 décembre 2021, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a mis la compagnie en demeure, lui ordonnant de supprimer toutes les photos et autres informations personnelles récoltées en France. En effet, la loi européenne sur la protection des données, en vigueur depuis 2018, nous protège contre une utilisation abusive de nos informations personnelles – telle que la récolte et la vente de nos photos sans nous en informer ni demander notre consentement. La décision de la CNIL suit de près une décision similaire prise par son homologue britannique, et d’autres en Australie et au Canada.

L’impact de ces décisions dépendra de la volonté de l’entreprise, et de celle de ses investisseurs, à reconnaître les dangers considérables de sa technologie et l’aberration qu’elle constitue dans une société démocratique et protectrice des libertés fondamentales (quand les institutions fonctionnent). Notamment car l’entreprise est installée aux Etats-Unis, où les poursuites engagées contre elle par l’Union américaine pour les libertés civiles sont limitées par le manque de loi fédérale sur la vie privée.

Mais ce désaveu massif est l’exemple d’une réponse efficace de démocraties modernes à l’innovation et la recherche du profit débridées – une réponse trop souvent absente face aux géants du Web et qu’il faut célébrer. Les technologies comme celle de Clearview menacent la notion de vie privée dans les espaces publics en ligne et hors ligne, qui n’est pas forcément intuitive mais qu’il est essentiel de protéger. En effet, cette notion nous permet de sortir de chez nous à visage découvert sans que n’importe qui, en un clic, puisse nous identifier, trouver notre nom, notre profession, les photos de nos dernières vacances ou de notre dernière participation à une manifestation.

 

La dimension globale de la climatologie

La dimension globale de la climatologie

 

Dans le« Monde », Stéphane van Damme revient sur les origines des études sur les phénomènes climatiques, qui ont permis de comprendre la climatologie globable en prenant en compte les données locales.

 

tribune

 

Alors que le sixième rapport d’évaluation du Groupe d’experts international sur l’évolution du climat est attendu en 2022, il apparaît intéressant de revenir sur l’émergence historique de la climatologie comme science globale. Dans son Hydrogéologie, publiée en 1802, Jean-Baptiste de Lamarck s’était proposé de promouvoir un changement d’échelle : « La nature néanmoins nous offre continuellement des grands faits dont la considération est avant tout indispensable pour la bien juger, mais que l’inattention et trop souvent l’incapacité empêchent de saisir. »

Mais il souligne aussi la question des échelles et de leurs spécificités en termes de pratiques scientifiques : « (…) Dans l’étude des sciences, comme dans tout autre genre d’occupation, les hommes à petites vues ne peuvent réellement se livrer qu’à de petites choses, qu’à de petits détails, et leur nombre est toujours celui qui domine. »

Pour Lamarck, la faute en est à l’obsession pour la précision et l’exactitude : « Cet excès jette les sciences physiques cultivées de cette manière, dans un dédale de petits principes multipliés et sans bornes. » Il stigmatise ainsi les amateurs de sciences « à petites vues », les savants obsédés par « de petits faits » qui mépriseraient les « grandes idées ». Une bonne « physique terrestre », dit-il, doit donc s’appuyer sur la météorologie, ou science de l’atmosphère, sur l’hydrogéologie comme étude de la croûte externe du globe et, enfin, sur l’étude des « corps » vivants, la biologie.

Ce récit, aujourd’hui nuancé, masque la véritable bataille qui a eu lieu au XIXe siècle entre plusieurs épistémologies rivales. Dans Climate in Motion, Science, Empire and the Problem of Scale (University of Chicago Press, 2018), Deborah Cohen, professeure à l’université Yale, souligne combien les pionniers des sciences du climat dans l’empire des Habsbourg placèrent au cœur de leurs analyses la notion d’échelles pour mieux comprendre les phénomènes atmosphériques locaux comme le fœhn [vent chaud et sec des Alpes suisses et autrichiennes].

Un peu partout dans le monde du XIXe siècle, les scientifiques entreprennent de décrire des systèmes climatiques nationaux, qu’il s’agisse de Lorin Blodget dans son Climatology of the United States (1857), de Henry Francis Blanford pour l’Inde britannique, ou encore de Wladimir Köppen pour la Russie en 1895. Tous insistent sur l’ordre et la cohérence de leurs systèmes climatiques.

Que se passe-t-il dans une monarchie composite multinationale comme l’Empire austro-hongrois ? Deborah Cohen montre que la climatologie se calque sur les savoirs ethnographiques qui épousent les contours de cette diversité. En effet, si les entreprises scientifiques sont mobilisées pour donner une assise naturaliste aux fondements des Etats-nations, la revendication politique de l’empire qui consiste à « faire vivre l’unité dans la diversité » a particulièrement bénéficié de la climatologie.

 

Environnement–Déforestation : pour une vraie évaluation globale

Environnement–Déforestation : pour une vraie évaluation globale

 

Pour l’économiste Alain Karsenty, l’évaluation de la qualité des politiques publiques de lutte contre la déforestation doit primer sur la rémunération des Etats.

 

Tribune.

 

Dans les pays du Sud, la croissance démographique conjuguée à la faible croissance des rendements agricoles crée des pressions sur les écosystèmes. L’augmentation de la demande internationale de produits agricoles et celle, émergente, de biocarburants, se rajoutent aux dynamiques internes pour engendrer une déforestation massive. Avec en moyenne 10 millions d’hectares perdus chaque année, soit quelque 14 % des émissions de CO2 liées aux activités humaines, la déforestation est principalement concentrée dans les pays en développement. Si elle tend à se ralentir en Asie, elle s’accroît en Afrique et augmente à nouveau depuis 2015 en Amazonie brésilienne, après une décennie de baisse sensible.

Environ un tiers de la déforestation est lié au commerce international, ce qui montre toute l’importance de réduire la déforestation importée dans les biens que nous consommons. Mais la population s’accroît dans les pays tropicaux et les modèles de consommation se rapprochent de ceux des pays industrialisés. Les politiques qui seront adoptées par ces pays seront donc décisives pour parvenir, à terme, à arrêter la déforestation.

 

Les forêts ne sont pas des biens publics mondiaux ou des communs globaux. On doit distinguer les ressources qu’elles abritent (bois, foncier, ressources génétiques, etc.) des services écosystémiques qu’elles fournissent (puits et stock de carbone, réservoir de biodiversité, régulation hydrique, cycle des pluies, etc.). Les ressources relèvent de la souveraineté des Etats et les acteurs publics ou privés − dont des communautés − disposent sur celles-ci de divers droits de propriété. Seuls les services peuvent être considérés comme des biens publics mondiaux, dont le maintien dépend des modes de gestion de ces ressources.

Dès lors, faut-il que la « communauté internationale » rémunère les pays forestiers tropicaux pour les services que les écosystèmes rendent à l’humanité ? Cette demande est souvent formulée par des responsables politiques des pays concernés, qui mettent en avant le manque à gagner que représenterait la conservation des forêts au lieu d’organiser leur conversion à des activités agricoles et minières. Le mécanisme international REDD+ (pour réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation), potentiellement lié à un marché international des réductions d’émissions de gaz à effet de serre − le « marché carbone » − a été instauré sous l’égide de l’Organisationn des Nations unies en écho à ces demandes. Il se veut être un programme de « paiement aux résultats ». Les rémunérations prévues ne visent toutefois pas à « payer pour les services rendus par les écosystèmes », mais à rémunérer les pays pour leurs efforts de conservation des forêts par des politiques et des mesures débouchant sur des résultats − essentiellement la baisse de la déforestation.

La différence n’est pas mince. La prendre au sérieux suppose que les payeurs potentiels (les pays industrialisés) ne se contentent pas d’un « résultat », qui peut parfois n’être qu’une hausse de la déforestation moindre qu’anticipée, mais qu’ils établissent les relations de cause à effet entre le résultat constaté et les politiques publiques mises en œuvre pour l’obtenir. Si la baisse de la déforestation est liée à la baisse du prix de l’huile de palme ou du soja, est-il judicieux de « récompenser » un pays ? Il est pour le moins singulier que le Fonds vert pour le climat ait rémunéré en 2019 le Brésil pour une déforestation moindre qu’en 2014-2015, alors que la politique vis-à-vis de la forêt a radicalement changé depuis l’avènement de Bolsonaro.

 

S’interroger sur la façon dont les résultats sont produits veut dire aussi ne pas se contenter de laisser les pays « faire le job » pour pouvoir les payer ensuite, mais investir massivement à leurs côtés afin de pouvoir maîtriser les causes directes et indirectes de la déforestation.

La priorité est de construire un agenda commun entre lutte contre la déforestation et sécurité alimentaire. Sans cela, non seulement les gouvernements du Sud n’entreront pas dans des logiques de coconstruction, mais les politiques environnementales et agricoles continueront d’être antagonistes.

Qualité et cohérence

Une intensification écologique passant par de l’agroécologie, des associations cultures-élevage et de l’agroforesterie, devrait devenir la priorité des politiques publiques.

L’investissement doit aussi viser la clarification et la sécurisation des droits fonciers, non seulement pour protéger les communautés contre les accaparements de terres, mais aussi pour créer les conditions de long terme propices à la plantation d’arbres. Il est également essentiel de financer des politiques favorisant la transition démographique, notamment en Afrique, en mettant l’accent sur l’éducation des filles et l’autonomie économique des femmes.

Déforestation : pour une vraie évaluation globale

Déforestation : pour une vraie évaluation globale

 

Pour l’économiste Alain Karsenty, l’évaluation de la qualité des politiques publiques de lutte contre la déforestation doit primer sur la rémunération des Etats.

 

Tribune.

 

Dans les pays du Sud, la croissance démographique conjuguée à la faible croissance des rendements agricoles crée des pressions sur les écosystèmes. L’augmentation de la demande internationale de produits agricoles et celle, émergente, de biocarburants, se rajoutent aux dynamiques internes pour engendrer une déforestation massive. Avec en moyenne 10 millions d’hectares perdus chaque année, soit quelque 14 % des émissions de CO2 liées aux activités humaines, la déforestation est principalement concentrée dans les pays en développement. Si elle tend à se ralentir en Asie, elle s’accroît en Afrique et augmente à nouveau depuis 2015 en Amazonie brésilienne, après une décennie de baisse sensible.

Environ un tiers de la déforestation est lié au commerce international, ce qui montre toute l’importance de réduire la déforestation importée dans les biens que nous consommons. Mais la population s’accroît dans les pays tropicaux et les modèles de consommation se rapprochent de ceux des pays industrialisés. Les politiques qui seront adoptées par ces pays seront donc décisives pour parvenir, à terme, à arrêter la déforestation.

 

Les forêts ne sont pas des biens publics mondiaux ou des communs globaux. On doit distinguer les ressources qu’elles abritent (bois, foncier, ressources génétiques, etc.) des services écosystémiques qu’elles fournissent (puits et stock de carbone, réservoir de biodiversité, régulation hydrique, cycle des pluies, etc.). Les ressources relèvent de la souveraineté des Etats et les acteurs publics ou privés − dont des communautés − disposent sur celles-ci de divers droits de propriété. Seuls les services peuvent être considérés comme des biens publics mondiaux, dont le maintien dépend des modes de gestion de ces ressources.

Dès lors, faut-il que la « communauté internationale » rémunère les pays forestiers tropicaux pour les services que les écosystèmes rendent à l’humanité ? Cette demande est souvent formulée par des responsables politiques des pays concernés, qui mettent en avant le manque à gagner que représenterait la conservation des forêts au lieu d’organiser leur conversion à des activités agricoles et minières. Le mécanisme international REDD+ (pour réduction des émissions liées à la déforestation et à la dégradation), potentiellement lié à un marché international des réductions d’émissions de gaz à effet de serre − le « marché carbone » − a été instauré sous l’égide de l’Organisationn des Nations unies en écho à ces demandes. Il se veut être un programme de « paiement aux résultats ». Les rémunérations prévues ne visent toutefois pas à « payer pour les services rendus par les écosystèmes », mais à rémunérer les pays pour leurs efforts de conservation des forêts par des politiques et des mesures débouchant sur des résultats − essentiellement la baisse de la déforestation.

La différence n’est pas mince. La prendre au sérieux suppose que les payeurs potentiels (les pays industrialisés) ne se contentent pas d’un « résultat », qui peut parfois n’être qu’une hausse de la déforestation moindre qu’anticipée, mais qu’ils établissent les relations de cause à effet entre le résultat constaté et les politiques publiques mises en œuvre pour l’obtenir. Si la baisse de la déforestation est liée à la baisse du prix de l’huile de palme ou du soja, est-il judicieux de « récompenser » un pays ? Il est pour le moins singulier que le Fonds vert pour le climat ait rémunéré en 2019 le Brésil pour une déforestation moindre qu’en 2014-2015, alors que la politique vis-à-vis de la forêt a radicalement changé depuis l’avènement de Bolsonaro.

 

S’interroger sur la façon dont les résultats sont produits veut dire aussi ne pas se contenter de laisser les pays « faire le job » pour pouvoir les payer ensuite, mais investir massivement à leurs côtés afin de pouvoir maîtriser les causes directes et indirectes de la déforestation.

La priorité est de construire un agenda commun entre lutte contre la déforestation et sécurité alimentaire. Sans cela, non seulement les gouvernements du Sud n’entreront pas dans des logiques de coconstruction, mais les politiques environnementales et agricoles continueront d’être antagonistes.

Qualité et cohérence

Une intensification écologique passant par de l’agroécologie, des associations cultures-élevage et de l’agroforesterie, devrait devenir la priorité des politiques publiques.

L’investissement doit aussi viser la clarification et la sécurisation des droits fonciers, non seulement pour protéger les communautés contre les accaparements de terres, mais aussi pour créer les conditions de long terme propices à la plantation d’arbres. Il est également essentiel de financer des politiques favorisant la transition démographique, notamment en Afrique, en mettant l’accent sur l’éducation des filles et l’autonomie économique des femmes.

Chine : une incarcération mentale globale

Chine : une incarcération mentale globale

 

L’écrivain chinois en exil dénonce,Ma Jian,  dans une tribune au « Monde », la décrépitude des valeurs morales de son pays natal. Celles-ci, dit-il, sont mises à mal par la volonté de puissance et de contrôle total de la population par le PCC et son leader, Xi Jinping.

 

Tribune.

Il y a quelques années, alors que je me trouvais à Taïwan pour participer à un festival littéraire, j’allai à un marché de nuit en quête de tangyuan – ces boulettes de riz gluant qui se mangent traditionnellement au dernier jour des festivités du Nouvel An chinois. J’avais récemment dû m’exiler de Chine continentale, et j’espérais que ces tangyuan étancheraient ma soif de revoir mon pays.

Au terme de longues recherches, je trouvai un petit stand de raviolis chinois et demandai à la vieille tenancière si elle avait des tangyuan. Elle me répondit qu’elle les avait tous vendus, mais que si j’achetais un sac de tangyuan surgelés au supermarché qui se trouvait de l’autre côté de la rue, elle pouvait me les faire cuire sur son réchaud. C’est ce que je fis. Elle me les servit dans un grand bol, me tendit une cuillère et m’invita à m’asseoir à l’une des tables bancales. Puis elle refusa catégoriquement que je la paye. En savourant ces boulettes de riz translucides et bouillantes, farcies de pâte de sésame noir sucré, je me suis senti près de chez moi, bien plus que depuis des années.

 

Ce n’étaient pas les boulettes de riz en soi, ni les souvenirs qu’elles évoquaient, qui me donnaient cette impression. C’était la gentillesse de cette vieille femme qui ne me connaissait pas. Cette bonté m’a frappé comme étant toute chinoise. Elle était empreinte de ce que nous appelons le renqing : cette émotion, ce sentiment qui pousse une personne à faire une faveur à une autre, simplement parce qu’elle le peut, sans en attendre aucune récompense.

De tels sentiments unifiaient la société chinoise traditionnelle. Ils s’enracinent dans les valeurs confucéennes de bienveillance, de droiture et de bienséance. Et en leur cœur se trouve l’idée que, pour mener une bonne vie, il faut traiter les autres avec compassion ; que tout être humain est potentiellement bon, mérite le respect et la dignité. Près de cinq siècles avant la naissance du Christ, Confucius définit sa règle d’or : « Quand tu sors de chez toi, traite chaque inconnu comme si tu recevais un invité d’honneur. Ne fais pas aux autres ce que tu n’aimerais pas qu’on te fasse. »

L’utopie, un cauchemar déshumanisant

Or, en Chine, ces valeurs ancestrales ont été passées à tabac par soixante-dix ans de règne du Parti communiste chinois. Depuis l’époque de Mao, le PCC s’accroche au pouvoir par la violence, la propagande et le mensonge, considérant les citoyens comme d’ineptes pions qu’il peut aveugler en leur promettant un utopique futur, tout en les confinant dans un infernal présent.

BlaBlaCar veut compléter son offre intermodale globale par le train

BlaBlaCar veut compléter son offre intermodale globale par le train

Interview dans la tribune de Nicolas Brusson, le DG;  BlaBlaCar doit également entrer en Bourse.

 

Vous vous apprêtez à relancer vos services après plusieurs mois de confinement. Mais vous allez également accélérer sur de nouvelles activités comme les liaisons par autocar. C’est un nouveau virage stratégique pour vous ?

NICOLAS BRUSSON - Notre enjeu immédiat, c’est effectivement de sortir de ce tunnel qu’a été près d’un an et demi de confinement. Nous constatons que les gens n’ont pas perdu le goût du voyage et les réservations sont en très forte hausse. Sur l’évolution de notre modèle stratégique, nous sommes dans la continuité de ce qui a été lancé en 2018-2019. Pour redonner des éléments de contexte, nous avons travaillé sur un premier volet stratégique entre 2012 et 2017 consistant à faire de BlaBlaCar une plateforme internationale. Nous y sommes parvenus en devenant numéro un en Allemagne, en Espagne, au Brésil, en Inde, en Russie et en Turquie, pour ne citer qu’eux. En 2017, nous nous sommes interrogés sur comment capitaliser davantage sur notre marque qui s’est imposée comme référence sur ces marchés avec une relation émotionnelle liée avec une communauté de bientôt 100 millions d’utilisateurs. Nous avons donc décidé d’offrir davantage que du covoiturage pour proposer une offre complète dans le voyage intercité (longue distance, ndlr). Sur ce segment, l’arbitrage tient notamment entre le covoiturage, le train et l’autocar, j’exclus le transport aérien. A terme, BlaBlaCar deviendra une appli de référence dans le voyage longue distance sur ces trois modes de transport. Nous lancerons le train en 2022.

Vous êtes dans une logique d’intermodalité ?

Nous sommes surtout dans une logique d’exhaustivité de notre offre. Au fond, la clé de voûte de notre stratégie reste le covoiturage. L’automobile est le mode de transport le plus utilisé dans tous les pays, le plus simple, et le seul qui ne dépend pas de stations de bus ou de gares. C’est un connecteur universel.

Quel est le potentiel de croissance de votre activité bus?

Nous nous sommes lancés dans l’activité bus en 2018, mais nous avons accéléré en juin 2019 après l’acquisition de Ouibus (filiale de la SNCF, ndlr). En Europe, nous continuerons à déployer notre réseau avec de nouvelles lignes en Allemagne, en Italie et la péninsule ibérique. Mais c’est sur les pays émergents que le potentiel est le plus important. En France, le marché du bus, c’est 250 millions d’euros en volume d’affaires, il atteint les 400 millions en Allemagne. Au Brésil, c’est un marché à 7 milliards d’euros par an, 10 milliards au Mexique et autour de 2,5 milliards en Russie. On est déjà leader en Russie et en Ukraine et nous sommes bien positionnés pour le devenir en Amérique Latine. Le potentiel est colossal.

Vous n’avez pas la même stratégie en Europe et dans les pays émergents. Dans le premier, vous exploitez des lignes, ailleurs, vous êtes plus proche de la billetterie…

Notre métier n’est pas d’être une billetterie, c’est de digitaliser une industrie comme nous l’avons fait sur le covoiturage sur le modèle de l’économie partagée. Vous avez plusieurs industries qui ont opéré leur transition digitale avec des références comme Booking pour la réservation d’hôtels. Dans les pays émergents, vous avez des milliers d’opérateurs d’autocars qui n’ont pas opéré leur transition digitale. Nous voulons être l’appli de référence naturelle dans la réservation de places d’autocars dans les pays émergents. En Europe, la situation est très différente, c’est même une exception parce qu’il n’y avait pas de marché. Il est né récemment de la libéralisation. Nous travaillons donc à créer ce marché en devenant un opérateur virtuel. C’est-à-dire que nous gérons des bus, leur réseau et leurs prix, mais nous ne sommes ni propriétaires des flottes ni employeurs des salariés.

Au regard des chiffres que vous annoncez, le bus pourrait devenir une très forte part de votre chiffre d’affaires…

Avant la crise du covid, notre activité de covoiturage enregistrait entre 80% et 100% de croissance par an. La dynamique de cette activité est toujours là, les bus vont accélérer cette croissance.

Vous voulez donc devenir le « Booking » du bus, mais aussi du train… N’est ce pas plus compliqué?

Le train, c’est le même levier: intégrer les offres de sièges libres avec de la technologie. Ici, nous sommes en capacité d’apporter une offre intermodale extrêmement fine grâce à notre réseau de covoiturage. Si vous voulez aller de Paris à Rennes, vous prenez simplement un train. Mais si vous voulez aller plus loin dans le Morbihan, notre offre devient pertinente puisqu’elle combinera intelligemment différents modes de transports que nous maitrisons, c’est ici que nous apportons de la valeur à nos clients. Avec BlaBlaCar, les clients peuvent tout avoir sur la même appli.

Avec BlaBlaCar Daily, nouveau nom de BlaBlaLines, vous sortez de votre modèle de leader dans la longue distance et vous attaquez le segment des liaisons quotidiennes courtes distances, plus communément appelées le domicile-travail.

Le covoiturage courte distance, c’est le Graal du covoiturage. Comme je disais, BlaBlaCar dispose d’une communauté de 100 millions de membres. Mais un trajet longue distance c’est deux ou quatre fois par an, peut-être une fois par trimestre. Avec le domicile-travail, c’est tous les jours, et c’est aussi 70% des Français.

Sur ce segment, vous n’êtes pas les premiers, et il y a déjà des acteurs bien installés comme Klaxit ou Karos…

Ce n’est pas tout à fait vrai… Lorsque nous avons lancé notre service en 2007, à l’époque cela s’appelait covoiturage.fr, nous proposions déjà du covoiturage courte distance en partenariat avec des grandes entreprises. Mais à l’époque, il n’y avait pas de modèle économique viable, il n’y avait pas la LOM (loi d’orientation des mobilités, ndlr) qui permet d’apporter un soutien public à ce marché à travers les régions ou le forfait de mobilité durable. Le covoiturage courte distance est un gros marché en France et en Allemagne.

Le fait de rebaptiser votre offre n’est pas une façon de la relancer en raison de résultats insatisfaisants ?

Pas du tout. Notre offre a rencontré un vif succès juste avant la crise du Covid, avec une nette accélération au moment des grèves de décembre 2019. Elle a ensuite rencontré deux vents contraires qui ont été le Covid mais aussi le développement du télétravail de masse. Mais on voit les chiffres de réservation repartir à la hausse et nous estimons qu’avec la LOM et le forfait mobilité durable, le covoiturage courte distance va continuer à décoller. Nous revendiquons aujourd’hui 1,5 million de membres sur ce segment, soit la moitié des parts de marché.

Vous envisagez une introduction en Bourse en 2022. Quel est l’objectif puisque vous vous auto-financez plutôt bien aujourd’hui ?

C’est un processus naturel pour une entreprise comme BlaBlaCar de se coter sur les marchés. Notre seule philosophie, c’est notre volonté de rester indépendant. C’est un nouveau signe de maturité de notre entreprise.

« Sécurité globale » : Une loi trop sécuritaire !

 

« Sécurité globale » : Une loi trop sécuritaire !

Sarah Massoud, secrétaire nationale du Syndicat de la magistrature, liste et critique, dans une tribune au « Monde », tous les reculs démocratiques majeurs que contient la nouvelle proposition de loi sur la sécurité.

 

Tribune. 

 

La proposition de loi relative à la sécurité globale a été adoptée à la suite d’un examen parlementaire accéléré, sans étude d’impact et sans avis du Conseil d’Etat, sous état d’urgence, sans grand débat politique, et malgré les multiples alertes d’organisations et institutions internes et internationales de défense des libertés fondamentales.

Ce texte a ceci de particulier qu’il marque un tournant significatif dans l’histoire pénale, en sublimant le combo pouvoirs policiers/surveillance technologique de masse/privatisation de la sécurité, sans toutefois constituer un basculement nouveau dans la construction de l’édifice sécuritaire puisque celui-ci a été profondément densifié depuis de nombreuses années. Au fond, cette loi symbolise la quintessence du continuum sécuritaire, et non pas de sécurité, comme le présentent ses concepteurs.

Sauf qu’à force de lois qui s’accumulent, se complètent, s’entremêlent, égratignant à chaque fois un peu plus telle ou telle garantie juridique, protection individuelle ou liberté essentielle, il arrive un moment où se pose sérieusement la question de la sauvegarde du noyau dur qu’est l’Etat de droit. Ce droit, manié quotidiennement par l’autorité judiciaire, qui n’a pourtant pas été incarné par le garde des sceaux, absent des débats parlementaires sur ce texte alors que la justice, tout comme les forces de l’ordre, est en première ligne question sécurité et libertés individuelles.

Avec ce vote, ce qui est clair aujourd’hui, c’est que le recul des libertés est assumé – même franchement à lire le nouvel intitulé ubuesque de cette loi « pour un nouveau pacte de sécurité préservant les libertés », comme si un contrat social pouvait être irrespectueux des libertés – et que l’Etat de police est acté, sur fond de safe city, d’accoutumance technologique et d’impératif de vigilance.

Avec sang-froid, d’un point de vue légistique et juridique, il est en effet permis de parler d’un Etat de police, lequel s’avère en l’occurrence avoir été réclamé par la hiérarchie et des syndicats policiers, mais au préjudice de tous.

 

Roger Frey (1913-1997), ancien président du Conseil constitutionnel, rappelait en 1977 que ses anciennes fonctions de ministre de l’intérieur lui avaient permis de « constater que l’administration a toujours dans ses cartons d’innombrables textes de circonstances qui, en fait, ne servent à rien et dont l’adoption serait lourde de dangers. Il n’y a pas de mois où l’on ne propose à un ministre de l’intérieur un texte limitant la liberté au motif qu’il faciliterait l’action de la police ». Sauf que certains, moins scrupuleux, n’hésitent pas à les sortir des cartons.

« Sécurité globale »: accord sénat-assemblée

« Sécurité globale »: accord sénat-assemblée

Députés et sénateurs sont parvenus, lundi 29 mars, à un accord sur la proposition de loi LREM controversée sur la « sécurité globale », ont indiqué à l’AFP des sources parlementaires. Assemblée et Sénat doivent encore valider ce texte de compromis, via deux ultimes votes dont les dates n’ont pas encore été fixées.

 

Son article 24, qui doit protéger les forces de l’ordre en opération mais a cristallisé les critiques, provoquant une levée de bouclier des organisations de défense des libertés et des syndicats de journalistes, a notamment été réécrit. Dans la lignée de ce qu’avait voté le Sénat à majorité de droite, les parlementaires réunis en commission mixte paritaire (CMP) ont acté la création dans le code pénal d’un délit de « provocation à l’identification ». Il n’est plus fait référence à la loi de 1881 sur la liberté de la presse.

 

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« Face aux menaces de mort dont sont trop souvent victimes nos forces de l’ordre, nous renforçons leur protection en créant un nouveau délit à la provocation à l’identification d’un agent en intervention », s’est félicité le chef de file des députés LREM et ancien ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, dans une déclaration transmise à l’AFP.

 

« Sénateurs et députés ont convenu de la nécessité de renforcer l’articulation des forces de sécurité, de mieux protéger les forces de l’ordre, de permettre le recours aux nouvelles technologies et de renforcer la structuration de la sécurité privée », salue aussi la chambre haute dans un communiqué.

 

Recours facilité aux caméras piétons des policiers, aux drones lors des manifestations, et aussi création d’une police municipale à Paris et élargissement des pouvoirs des agents de police municipale : la proposition de loi des députés LREM avait été largement mise en musique par le ministère de l’Intérieur, au diapason des syndicats de policiers.

 

Manif sécurité globale : de moins en moins de monde

Manif sécurité globale : de moins en moins de monde

 

 

Cette manifestation devait réunir les opposants à la loi sécurité globale en même temps que les tuffeurs. Une sorte d’ambiguïté qui n’a sans doute pas favoriser la mobilisation. On voit mal ce qu’il y a en effet en commun entre ceux qui se revendiquent de la free party et ceux qui combattent la loi de sécurité globale.

 

La participation aux manifs « sécurité globale » devient de plus en plus marginale au point que les médias n’y consacrent souvent qu’une brève. En outre, la répétition de mouvements ultra minoritaires porte les germes de son extinction progressive. Bref,  la reproduction auto destructrice des stratégies d’extrême-gauche.

 

Il faut dire que la participation n’a pas dépassé sans doute 30 à 40 000 personnes pour toute la France. Une adhésion concrète très marginale qui s’explique sans doute par le contexte général qui révèle d’autres priorités mais aussi le faite que ces manifestations sont surtout soutenues par des mouvements d’extrême-gauche relativement minoritaire dans le pays.  Les rassemblements contre la proposition de loi « sécurité globale », combattue depuis novembre par les défenseurs des libertés publiques et les syndicats de journalistes, ont réuni un nombre de manifestants encore en baisse.

 

 

Manifs « Sécurité globale » : encore une baisse de participation

« Sécurité globale » : encore une baisse de participation

 

 

Comme prévu,  la participation aux manifs contre le projet de sécurité globale est encore en recul. Ces défilés ont rassemblé 34 000 personnes en France, selon le ministère de l’Intérieur, et 200 000 selon les organisateurs. En cause évidemment le faite que la priorité dominante est celle de la crise sanitaire. Aussi le fait que ces manifestations répétées connaissent un phénomène d’usure d’autant qu’elles ne sont soutenues en réalité que par des organisations d’extrême-gauche.

 

D’une certaine façon, cette très faible mobilisation discrédite l’action elle-même. Ainsi à Paris, 6 500 personnes se sont rassemblées, selon le ministère de l’Intérieur, 15 000 selon les organisateurs.  Une participation de toute manière ridicule pour une ville comme Paris. Il faut y ajouter environ 80 rassemblements dans toute la France mais qui ont été également peu suivi.

Le comble du ridicule a sans doute été atteint à Rennes où les manifs se sont transformées en rêves partis et sans masque D’après Ouest France, les manifestations qui se sont déroulées samedi à Rennes visaient dans un premier temps à dénoncer la loi « Sécurité Globale », qui ont rassemblé au total 34.000 personnes dans toute la France. Mais de plus en plus de jeunes « teufeurs » ont intégré les manifestations, pour dénoncer la série d’interpellations qui a suivi la rave-party de Lieuron (Ille-et-Vilaine), qui avait rassemblé 2.400 personnes lors du Nouvel An.

La fête a ensuite succédé aux discours anti-loi « Sécurité Globale ». La manifestation sur l’esplanade du Général-de-Gaulle s’est transformé en rave-party. Des centaines de personnes dansaient devant les enceintes situées à l’arrière de trois camionnettes. Un cordon de CRS encerclaient la manifestation pour ne pas que les participants se déplacent. Puis la rave-party improvisée a « spontanément » pris fin une heure avant le couvre-feu, rapporte Ouest France. Il restait alors 400 personnes, qui ont progressivement quitté la place, sans incident

 

Sécurité globale : reprise des manifs

Sécurité globale : reprise des manifs

Reprise des traditionnelles manifs contre la sécurité globale décidée dans environ 80 villes. Il est probable que la participation sera encore en baisse d’une part en raison des risques croissants de la pandémie notamment avec le virus britannique. Aussi du fait que cette question de sécurité globale paraît maintenant secondaire par rapport à la situation sanitaire de plus en plus inquiétante. Enfin il y a un phénomène d’usure classique d’autant que les organisateurs représentent surtout la mouvance d’extrême gauche.

 

Dernier élément ne sait même pas quand le projet de loi risque d’aboutir Ce texte est pour l’heure entre deux eaux : adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, il doit être examiné au Sénat mais pas avant le mois de mars. Les députés de la majorité présidentielle avaient promis de leur côté de proposer une réécriture « avant Noël » du si controversé article 24… aujourd’hui toujours attendue.

 

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