Archive pour le Tag 'gestion'

Une crise de gestion de l’eau

Une crise de gestion de l’eau

La gestion de la crise de l’eau devient cruciale dans les transitions écologiques, au même titre que la préservation de la biodiversité et la lutte contre le changement climatique. Intimement liée à ces défis, elle impacte profondément les écosystèmes, les communautés humaines et les politiques de gestion des ressources naturelles. Malgré des périodes de pluie abondante, la crise de l’eau persiste et ses enjeux varient selon les territoires, rendant la gestion durable de l’eau essentielle pour un avenir résilient.
Par Pauline Kajl Abadie, chargée de projet Biodiversité – Eau, à l’Observatoire du Développement Durable (OID) dans La Tribune.

La crise de l’eau est étroitement liée au changement climatique, avec une augmentation des événements extrêmes tels que les fortes précipitations et les inondations, comme observé dans plus de 200 communes du Pas-de-Calais depuis novembre dernier.

Toutefois, certaines régions souffrent toujours d’un manque d’eau et de la sécheresse, mettant en lumière la fragilité de notre approvisionnement en eau. Par exemple, Grimisuat, une commune du canton du Valais en Suisse, refuse l’installation de nouveaux habitants en raison d’une insuffisance d’eau potable. En France, malgré une recharge satisfaisante des nappes sur la majorité du territoire, une sécheresse historique persiste dans les Pyrénées-Orientales depuis deux ans.

Mais la crise de l’eau affecte bien plus que l’humanité. La perturbation du cycle de l’eau joue un rôle crucial dans le déclin de la biodiversité. Parmi les cinq pressions principales sur la biodiversité, la pollution de l’eau et le changement climatique se distinguent particulièrement. Nombreuses sont les espèces qui dépendent des ressources en eau, qu’il s’agisse des zones humides, des rivières ou des lacs. L’extraction excessive d’eau pour répondre aux besoins humains exerce une pression intense sur ces écosystèmes, les mettant en situation de stress hydrique critique. Cela perturbe les habitats naturels, menaçant la survie de nombreuses espèces et l’équilibre des écosystèmes aquatiques.

La pollution des rivières et des nappes phréatiques par les pesticides est un problème croissant, les pesticides sont l’une des causes principales de la contamination des eaux. Répandus sur les sols, ces derniers vont venir ensuite s’infiltrer et venir contaminer les eaux souterraines. La lutte contre les pollutions est un enjeu majeur du ministère pour assurer l’accès à l’eau potable aux générations futures et de nouvelles réglementations sont prévues.

En outre, la pollution urbaine causée par le ruissellement de l’eau souligne l’urgence de rendre les sols plus perméables. En améliorant la capacité des sols à absorber l’eau en amont, on peut considérablement réduire les impacts néfastes de cette pollution. Cette approche contribue non seulement à diminuer les inondations urbaines, mais aussi à filtrer les contaminants avant qu’ils n’atteignent les cours d’eau et les nappes phréatiques.

La canicule et la sécheresse historique de 2022 ont mis en lumière la fragilité de notre approvisionnement en eau, sensibilisant la population à sa vulnérabilité. Pour répondre à ce défi, il est crucial de repenser notre relation avec l’eau, en la considérant non plus comme une ressource infinie, mais comme un trésor précieux à protéger et à utiliser avec parcimonie. Cette prise de conscience doit être accompagnée d’efforts soutenus en matière de sensibilisation et d’éducation, pour promouvoir des comportements responsables et durables dans la gestion de l’eau, à tous les niveaux de la société, y compris dans le secteur du bâtiment.

Cependant, plusieurs obstacles se dressent sur la route de cette transition : les barrières réglementaires, les défis techniques et les contraintes économiques. Bien que la sobriété énergétique soit souvent récompensée par des économies, les coûts de l’eau restent relativement bas, ce qui complique la justification des investissements nécessaires pour une gestion efficace de cette ressource. Pour surmonter ces défis, des actions collectives concertées sont essentielles, en particulier à l’échelle étatique, afin de créer un cadre favorable à une utilisation plus rationnelle et respectueuse de l’eau.

 

Gestion, déficit, dette : des Français n’y comprennent rien

Gestion, déficit, dette : des Français n’y comprennent rien

D’après un sondage OpinionWay pour le Cercle Jean-Baptiste Say, publié jeudi, Les Français font preuve d’une grande méconnaissance des principaux indicateurs économiques . Des Français qui en grande majorité ignorent le montant du déficit budgétaire et les grands agrégats Financiers.

Des Français par exemple qui n’ont aucune idée de la dette publique, qui s’est établie à 110,6% du PIB fin 2023. ( Une dette qui s’approche des 100 000 € par ménage).

Interrogés sur la part de Français qui paient des impôts sur leurs revenus, 38% des sondés ne savent pas répondre. Ceux qui se prononcent sont, en moyenne, proches de la réalité (43%, contre 44% selon les chiffres de la Direction générale des Finances publiques). Mais seul un peu plus d’un quart des Français voient juste, entre 25 et 49%.

Près de trois Français sur dix (28%) considèrent que l’endettement de la France n’est pas un problème. Cette opinion a surtout la cote chez les jeunes : 45% des étudiants la partagent, contre seulement 16% des retraités.

S’il y a un fort consensus sur la nécessité d’augmenter le taux d’actifs pour augmenter les richesses (82%), près de six Français sur dix jugent possible de créer plus de richesse en travaillant moins. Les plus jeunes en sont les plus convaincus : ils sont 77% à partager cette position parmi les étudiants, contre 39% parmi les retraités.

Seul un Français sur deux a confiance en l’Éducation nationale dans sa capacité à former les jeunes générations aux sujets économiques de façon simple et factuelle. À peine la moitié (46%) estiment que les journalistes maîtrisent bien les sujets économiques. Ces doutes sont aussi renforcés concernant les dirigeants politiques (39%).

Bref il y a une certaine cohérence entre l’incompétence des dirigeants politiques et la méconnaissance d’une grande partie des Français. Plusieurs études ont d’ailleurs déjà démontré que les Français étaient les derniers d’Europe en matière de connaissances économiques.

Taux d’intérêt: Une gestion attentiste de la BCE

Taux d’intérêt:  Une gestion attentiste de la BCE

De nombreux responsables de la BCE ont apporté leur soutien à une première réduction des coûts d’emprunt, actuellement à des niveaux record, très probablement en juin. Le débat se concentre désormais sur le nombre de baisses au-delà de cette échéance. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a toutefois déclaré que la banque centrale ne pouvait pas s’engager sur un certain nombre de baisses de taux, même après avoir enclenché le cycle d’assouplissement monétaire attendu.  »Nos décisions devront continuer à dépendre des données et à être prises au fur et à mesure des réunions, en fonction des nouvelles informations qui nous parviennent », a-t-elle déclaré lors d’une conférence à Francfort.  »Cela implique que, même après la première baisse de taux, nous ne pouvons pas nous engager à l’avance sur une trajectoire de taux particulière », a-t-elle ajouté.

 

par Francesco Canepa, Claude Chendjou, Reuters dans  la Tribune

En écho aux propos de Christine Lagarde, Philip Lane, chef économiste de la BCE, a déclaré que lui et ses collègues allaient « calibrer pendant encore longtemps » le niveau approprié des taux.

Isabel Schnabel, autre membre de la BCE, a même évoqué la perspective d’une nouvelle ère de taux d’intérêt structurellement plus élevés.

« Les besoins d’investissement exceptionnels découlant des défis structurels liés à la transition climatique, à la transformation numérique et aux changements géopolitiques pourraient avoir un impact positif persistant sur le taux d’intérêt naturel », a-t-elle déclaré.

Les marchés monétaires prévoient actuellement trois réductions de taux d’ici décembre, sans toutefois exclure une quatrième baisse, ce qui ramènerait le taux de dépôt de 4% de la BCE entre 3,25% et 3,0% d’ici la fin de l’année.

L’inflation dans la zone euro est passée d’un niveau à deux chiffres à l’automne 2022 à 2,6% le mois dernier.

Christine Lagarde a laissé entendre que ce reflux serait probablement « plus durable et moins dépendant des hypothèses sur les prix des matières premières » que par le passé, en raison d’une baisse attendue de l’inflation sous-jacente, qui exclut les prix volatils de l’alimentation et de l’énergie.

Elle a également salué les données de la BCE qui montrent que la croissance annuelle des salaires a ralenti, à 4,2% en mars contre 4,4% en janvier.

 

En revanche, la croissance économique en zone euro a stagné, si bien que le gouverneur de la banque centrale espagnole, Pablo Hernandez de Cos, a souligné l’existence de preuves que les hausses de taux de la BCE avaient un impact plus important que prévu sur le produit intérieur brut (PIB) du bloc.

« Nous surveillerons de près la matérialisation de ces risques et nous calibrerons en conséquence le degré de restriction monétaire », a-t-il déclaré mercredi.

Christine Lagarde a cependant précisé quelles étaient les conditions requises pour que la BCE commence à réduire ses taux: un ralentissement de la croissance des salaires, une baisse continue de l’inflation et de nouvelles projections internes confirmant que la croissance des prix revient à son objectif de 2%.

« Si ces données révèlent un degré suffisant d’alignement entre la trajectoire de l’inflation sous-jacente et nos projections, et en supposant que la transmission [de la politique monétaire, NDLR] reste forte, nous pourrons passer à la phase de réduction de notre cycle de politique monétaire et rendre notre politique moins restrictive », a-t-elle déclaré.

Les prochaines réunions de politique monétaire de la BCE sont prévues le 11 avril, le 6 juin, le 18 juillet, le 12 septembre, le 17 octobre et le 12 décembre.

Certains membres de la BCE, dont le Letton Martins Kazaks et le Néerlandais Klaas Knot, ont jugé plus utile d’agir lorsque de nouvelles prévisions sont publiées, ce qui correspond aux réunions de juin, septembre et décembre.

Le gouverneur de la banque centrale grecque, Yannis Stournaras, a, en revanche, estimé que deux baisses de taux avant la pause estivale de la BCE en août semblaient raisonnables, suivies de deux autres d’ici la fin de l’année.

Pour Frederik Ducrozet, responsable de la recherche macroéconomique chez Pictet Wealth Management, les dernières déclarations de Christine Lagarde laissent entrevoir la base d’un consensus entre les différents responsables de la BCE.

« Nous nous attendons à ce que la BCE réduise ses taux en juin, fasse une pause en juillet (bien que les ‘colombes’ puissent insister davantage) et recommence à réduire ses taux à chaque réunion à partir de septembre », a-t-il écrit sur le réseau X (ex-Twitter).

 

(Rédigé par Francesco Canepa; version française Claude Chendjou, édité par Blandine Hénault)

Taux: Une gestion prudente de la BCE

Taux:  Une gestion prudente de la BCE

De nombreux responsables de la BCE ont apporté leur soutien à une première réduction des coûts d’emprunt, actuellement à des niveaux record, très probablement en juin. Le débat se concentre désormais sur le nombre de baisses au-delà de cette échéance. La présidente de la BCE, Christine Lagarde, a toutefois déclaré que la banque centrale ne pouvait pas s’engager sur un certain nombre de baisses de taux, même après avoir enclenché le cycle d’assouplissement monétaire attendu.  »Nos décisions devront continuer à dépendre des données et à être prises au fur et à mesure des réunions, en fonction des nouvelles informations qui nous parviennent », a-t-elle déclaré lors d’une conférence à Francfort.  »Cela implique que, même après la première baisse de taux, nous ne pouvons pas nous engager à l’avance sur une trajectoire de taux particulière », a-t-elle ajouté.

 

par Francesco Canepa, Claude Chendjou, Reuters dans  la Tribune

En écho aux propos de Christine Lagarde, Philip Lane, chef économiste de la BCE, a déclaré que lui et ses collègues allaient « calibrer pendant encore longtemps » le niveau approprié des taux.

Isabel Schnabel, autre membre de la BCE, a même évoqué la perspective d’une nouvelle ère de taux d’intérêt structurellement plus élevés.

« Les besoins d’investissement exceptionnels découlant des défis structurels liés à la transition climatique, à la transformation numérique et aux changements géopolitiques pourraient avoir un impact positif persistant sur le taux d’intérêt naturel », a-t-elle déclaré.

Les marchés monétaires prévoient actuellement trois réductions de taux d’ici décembre, sans toutefois exclure une quatrième baisse, ce qui ramènerait le taux de dépôt de 4% de la BCE entre 3,25% et 3,0% d’ici la fin de l’année.

L’inflation dans la zone euro est passée d’un niveau à deux chiffres à l’automne 2022 à 2,6% le mois dernier.

Christine Lagarde a laissé entendre que ce reflux serait probablement « plus durable et moins dépendant des hypothèses sur les prix des matières premières » que par le passé, en raison d’une baisse attendue de l’inflation sous-jacente, qui exclut les prix volatils de l’alimentation et de l’énergie.

Elle a également salué les données de la BCE qui montrent que la croissance annuelle des salaires a ralenti, à 4,2% en mars contre 4,4% en janvier.

 

En revanche, la croissance économique en zone euro a stagné, si bien que le gouverneur de la banque centrale espagnole, Pablo Hernandez de Cos, a souligné l’existence de preuves que les hausses de taux de la BCE avaient un impact plus important que prévu sur le produit intérieur brut (PIB) du bloc.

« Nous surveillerons de près la matérialisation de ces risques et nous calibrerons en conséquence le degré de restriction monétaire », a-t-il déclaré mercredi.

Christine Lagarde a cependant précisé quelles étaient les conditions requises pour que la BCE commence à réduire ses taux: un ralentissement de la croissance des salaires, une baisse continue de l’inflation et de nouvelles projections internes confirmant que la croissance des prix revient à son objectif de 2%.

« Si ces données révèlent un degré suffisant d’alignement entre la trajectoire de l’inflation sous-jacente et nos projections, et en supposant que la transmission [de la politique monétaire, NDLR] reste forte, nous pourrons passer à la phase de réduction de notre cycle de politique monétaire et rendre notre politique moins restrictive », a-t-elle déclaré.

Les prochaines réunions de politique monétaire de la BCE sont prévues le 11 avril, le 6 juin, le 18 juillet, le 12 septembre, le 17 octobre et le 12 décembre.

Certains membres de la BCE, dont le Letton Martins Kazaks et le Néerlandais Klaas Knot, ont jugé plus utile d’agir lorsque de nouvelles prévisions sont publiées, ce qui correspond aux réunions de juin, septembre et décembre.

Le gouverneur de la banque centrale grecque, Yannis Stournaras, a, en revanche, estimé que deux baisses de taux avant la pause estivale de la BCE en août semblaient raisonnables, suivies de deux autres d’ici la fin de l’année.

Pour Frederik Ducrozet, responsable de la recherche macroéconomique chez Pictet Wealth Management, les dernières déclarations de Christine Lagarde laissent entrevoir la base d’un consensus entre les différents responsables de la BCE.

« Nous nous attendons à ce que la BCE réduise ses taux en juin, fasse une pause en juillet (bien que les ‘colombes’ puissent insister davantage) et recommence à réduire ses taux à chaque réunion à partir de septembre », a-t-il écrit sur le réseau X (ex-Twitter).

 

(Rédigé par Francesco Canepa; version française Claude Chendjou, édité par Blandine Hénault)

Politique- Chine: Les limites de la gestion économique étatique

Politique- Chine: Les limites de la gestion économique étatique

Les économistes Alexander Brown, François Chimits et Gregor Sebastian décrivent le système pyramidal mis en place par le gouvernement central de Pékin .

La faiblesse actuelle de la croissance chinoise et la crise financière notamment dans l’immobilier découlent directement de la tutelle du parti communiste sur l’économie. La bureaucratie, la rigidité centraliste et aussi la corruption illustrent la perversité du régime et son inefficacité économique. Du coup pour rééquilibrer cette politique très centraliste, les communistes veulent désormais miser sur les PME. Un pari hypothétique qui devra passer par les filtres locaux du parti communiste NDLR

Le retour du dirigisme économique en Chine, sous la férule de Xi Jinping, ne fait plus guère débat. Il serait en revanche trompeur d’y voir le retour à un modèle soviétique. L’ambition de Pékin de construire une nouvelle articulation entre pouvoirs publics et forces de marché espère bien bénéficier des vertus de ces dernières. Les politiques à l’endroit des PME innovantes en offrent une illustration riche d’enseignements.

Depuis environ cinq ans, ces PME sont devenues une composante essentielle des discours et des politiques de Pékin dans la poursuite de son nouvel objectif d’indépendance en matière de technologies stratégiques. A cette fin, les autorités chinoises ont bâti un imposant système pyramidal de labélisation.

Il échoit aux autorités locales de sélectionner un large éventail de petites et moyennes entreprises « innovantes » selon un cahier des charges établi par Pékin, dans lequel la capacité à se substituer aux technologies étrangères figure en bonne place, au côté de considérations commerciales. Les gouvernements provinciaux effectuent ensuite leur propre sélection, notamment à partir de cette première liste, pour identifier les « PME spécialisées », puis les autorités nationales font de même pour identifier les « petits géants ». Une fois matures, ces derniers peuvent décrocher le statut de « champion industriel ».

Ces listes sont soumises à des revues régulières. Le nombre important de non-renouvellement plaide pour le sérieux de ces exercices. En outre, l’intérêt de chaque échelon à voir ses poulains sélectionnés au niveau supérieur offre une certaine garantie sur la qualité des sélections. Le système semble donc en mesure d’écarter les obstacles de la rigidité et des collusions, deux des faiblesses habituelles des politiques industrielles.

Une fois sélectionnées, les PME bénéficient d’une myriade d’avantages allant croissant avec le niveau du label. Les subventions traditionnelles (c’est-à-dire le transfert direct de ressources financières des pouvoirs publics) sont bien évidemment au rendez-vous. Principalement fournies par les autorités locales, donc plus difficiles à comptabiliser de manière exhaustive, elles semblent in fine relativement modestes.

Chine: Les limites de la gestion économique étatique

Chine: Les limites de la gestion économique étatique

Les économistes Alexander Brown, François Chimits et Gregor Sebastian décrivent le système pyramidal mis en place par le gouvernement central de Pékin .

La faiblesse actuelle de la croissance chinoise et la crise financière notamment dans l’immobilier découlent directement de la tutelle du parti communiste sur l’économie. La bureaucratie, la rigidité centraliste et aussi la corruption illustrent la perversité du régime et son inefficacité économique. Du coup pour rééquilibrer cette politique très centraliste, les communistes veulent désormais miser sur les PME. Un pari hypothétique qui devra passer par les filtres locaux du parti communiste NDLR

Le retour du dirigisme économique en Chine, sous la férule de Xi Jinping, ne fait plus guère débat. Il serait en revanche trompeur d’y voir le retour à un modèle soviétique. L’ambition de Pékin de construire une nouvelle articulation entre pouvoirs publics et forces de marché espère bien bénéficier des vertus de ces dernières. Les politiques à l’endroit des PME innovantes en offrent une illustration riche d’enseignements.

Depuis environ cinq ans, ces PME sont devenues une composante essentielle des discours et des politiques de Pékin dans la poursuite de son nouvel objectif d’indépendance en matière de technologies stratégiques. A cette fin, les autorités chinoises ont bâti un imposant système pyramidal de labélisation.

Il échoit aux autorités locales de sélectionner un large éventail de petites et moyennes entreprises « innovantes » selon un cahier des charges établi par Pékin, dans lequel la capacité à se substituer aux technologies étrangères figure en bonne place, au côté de considérations commerciales. Les gouvernements provinciaux effectuent ensuite leur propre sélection, notamment à partir de cette première liste, pour identifier les « PME spécialisées », puis les autorités nationales font de même pour identifier les « petits géants ». Une fois matures, ces derniers peuvent décrocher le statut de « champion industriel ».

Ces listes sont soumises à des revues régulières. Le nombre important de non-renouvellement plaide pour le sérieux de ces exercices. En outre, l’intérêt de chaque échelon à voir ses poulains sélectionnés au niveau supérieur offre une certaine garantie sur la qualité des sélections. Le système semble donc en mesure d’écarter les obstacles de la rigidité et des collusions, deux des faiblesses habituelles des politiques industrielles.

Une fois sélectionnées, les PME bénéficient d’une myriade d’avantages allant croissant avec le niveau du label. Les subventions traditionnelles (c’est-à-dire le transfert direct de ressources financières des pouvoirs publics) sont bien évidemment au rendez-vous. Principalement fournies par les autorités locales, donc plus difficiles à comptabiliser de manière exhaustive, elles semblent in fine relativement modestes.

Gestion de l’eau: changer de braquets

Gestion de l’eau: Eau:  changer de braquets

 

Un papier du Monde insiste sur la nécessité face à la sécheresse structurelle de changer de politique et de comportement. Jusque-là en effet ce sont surtout des mesures assez anecdotiques -comme l’interdiction de laver les voitures – qui ont été prises et rien ou pas grand-chose concernant l’avenir de l’agriculture face à la raréfaction de la ressource NDLR

 

Depuis plusieurs mois, la France traverse un épisode de sécheresse historique que les vagues de chaleur estivales ont sensiblement aggravé. La quasi-totalité des départements sont concernés par ce stress hydrique, et plus d’une centaine de communes sont actuellement privées d’eau potable.

Ce type de crise, qui était encore vécue il y a une vingtaine d’années comme un phénomène exceptionnel, devient de plus en plus fréquent sous l’effet du réchauffement climatique. Cette dégradation de l’accès à l’eau dans notre pays doit amener à une prise de conscience collective sur la nécessité de changer les comportements en matière d’utilisation et de préservation des ressources.

Si les mesures d’urgence consistant à rationner ponctuellement l’accès à l’eau peuvent résoudre certaines situations à court terme, elles ne sont pas à la hauteur pour répondre aux enjeux qui se posent dès aujourd’hui et vont devenir de plus en plus cruciaux dans les prochaines années. Le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, a pointé il y a quelques jours le sujet des déperditions lors de l’acheminement de l’eau vers les utilisateurs. Un litre sur cinq n’atteint pas sa destination. Eviter les gaspillages relève du bon sens, mais au-delà, c’est toute notre approche du cycle de l’eau qu’il faut revoir de fond en comble.

Quand l’eau devient une ressource de plus en plus précieuse, la première des priorités devrait consister à protéger les réserves existantes. Or, du fait d’une agriculture intensive, surconsommatrice de nitrates et de pesticides, un tiers des points de captage, souillés, ont été rendus inutilisables. Ce gâchis monumental n’était déjà pas admissible à l’époque où l’eau était abondante. Avec sa raréfaction, cette pollution devient encore plus aberrante.

Pour peser véritablement sur la gestion de l’eau en France, il convient de s’interroger sur les pratiques de l’agriculture, qui représente près de la moitié de la consommation en moyenne annuelle, et même les quatre cinquièmes en été. Le Varenne de l’eau et de l’agriculture face au changement climatique, une concertation lancée par le gouvernement qui s’est achevée en février, a pris des engagements de réduction des prélèvements agricoles sur les ressources hydriques. Mais les objectifs restent trop timides car, en toile de fond, il n’y a pas de remise en cause réelle d’un modèle de production agricole qui considère encore l’eau comme inépuisable.

Des solutions existent pourtant. Il s’agit de développer des systèmes d’irrigation plus efficaces, comme le goutte-à-goutte, de mettre en place des capteurs pour mesurer les taux d’humidité dans les sols, de choisir des cultures moins gourmandes en eau et surtout de faire davantage appel à l’agroforesterie.

La réutilisation des eaux usées traitées représente également un potentiel pour certains usages comme l’irrigation agricole, l’arrosage des espaces verts ou encore le nettoyage de la voirie. Quand l’Italie réemploie environ 10 % de ses eaux usées et l’Espagne 15 %, le taux en France n’est que de 0,1 %. Même si cette solution ne constitue pas la panacée, elle constituerait une mesure d’appoint utile.

La quantité d’eau disponible en surface et dans les nappes phréatiques est amenée inéluctablement à diminuer dans les années à venir. Le changement climatique ne va pas s’inverser à court terme. La solution passe donc par un changement de nos comportements, à commencer par une agriculture plus responsable et plus consciente que, sans eau c’est son existence même qui sera remise en cause.

Sécheresse: Mauvaise gestion de l’eau pour l’UFC-Que choisir

Sécheresse: Mauvaise gestion de l’eau pour l’UFC-Que choisir


L’agriculture est la première consommatrice d’eau en France, avec 58% du total consommé. Suivent ensuite les ménages, restaurants et lieux touristiques (26%) qui utilisent de l’eau potable, puis le refroidissement des centrales électriques (12%) et enfin les autres industries (4%). L’association UFC – Que Choisir dénonce la gabegie et le manque de politique.

L’association évoque de «l’eau en «open bar» pour l’agriculture intensive». Surtout que «sa ponction dans la ressource représente jusqu’à plus de 90 % des consommations pour les départements de la façade atlantique et du Sud-Ouest». En cause, la production de maïs, dont «les besoins en eau sont concentrés en juillet et août».

L’UFC-Que Choisir s’appuie sur le rapport de la Cour de Comptes intitulé «La gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique», publié le 17 juillet dernier. Les Sages de la rue Cambon notent que «selon les données de la BNPE (Banque Nationale des Prélèvements quantitatifs en Eau), les prélèvements d’eau destinés à l’irrigation ont plus que doublé en une décennie». Un constat d’autant plus grave que «l’irrigation agricole s’est développée dans des régions où cette pratique n’était pas habituelle et aggrave des situations déjà tendues.» Le document précise même que «dans le bassin Adour-Garonne, la moitié des 20 000 irrigants ne font pas de déclaration» sur la quantité d’eau prélevée. Culture explicitement nommée par l’UFC-Que Choisir : le maïs.

Mauvaise gestion de l’eau pour l’UFC-Que choisir

Mauvaise gestion de l’eau pour l’UFC-Que choisir


L’agriculture est la première consommatrice d’eau en France, avec 58% du total consommé. Suivent ensuite les ménages, restaurants et lieux touristiques (26%) qui utilisent de l’eau potable, puis le refroidissement des centrales électriques (12%) et enfin les autres industries (4%). L’association UFC – Que Choisir dénonce la gabegie et le manque de politique.

L’association évoque de «l’eau en «open bar» pour l’agriculture intensive». Surtout que «sa ponction dans la ressource représente jusqu’à plus de 90 % des consommations pour les départements de la façade atlantique et du Sud-Ouest». En cause, la production de maïs, dont «les besoins en eau sont concentrés en juillet et août».

L’UFC-Que Choisir s’appuie sur le rapport de la Cour de Comptes intitulé «La gestion quantitative de l’eau en période de changement climatique», publié le 17 juillet dernier. Les Sages de la rue Cambon notent que «selon les données de la BNPE (Banque Nationale des Prélèvements quantitatifs en Eau), les prélèvements d’eau destinés à l’irrigation ont plus que doublé en une décennie». Un constat d’autant plus grave que «l’irrigation agricole s’est développée dans des régions où cette pratique n’était pas habituelle et aggrave des situations déjà tendues.» Le document précise même que «dans le bassin Adour-Garonne, la moitié des 20 000 irrigants ne font pas de déclaration» sur la quantité d’eau prélevée. Culture explicitement nommée par l’UFC-Que Choisir : le maïs.

Sécheresse et gestion de l’eau : le gouvernement fait l’impasse sur l’agriculture

Sécheresse et gestion de l’eau : le gouvernement fait l’impasse sur l’agriculture


Pour faire face à la raréfaction de la ressource en eau, le chef de l’Etat a appelé à la sobriété. Mais le secteur agricole – qui en utilise 60%- reste dispensé d’efforts sérieux. Une distorsion qui retarde une inévitable adaptation des pratiques culturales. papier de Martine Valo dans le Monde

Dire qu’il était attendu est un euphémisme. Après les canicules de 2022, après la sécheresse hivernale de 2023, exceptionnelle avec ses trente-deux jours consécutifs sans pluie, le plan antipénuries du gouvernement suscitait beaucoup d’impatience, en particulier de la part des entreprises du secteur de l’eau et de l’assainissement – allait-on faire appel à leurs technologies ? –, et surtout d’interrogations chez les élus locaux – comment allaient-ils aborder l’été à venir qui s’annonce encore plus compliqué que le précédent dans de nombreuses régions ? Qu’allait retenir le gouvernement des très nombreuses propositions, recommandations, constats sévères, rapports, émanant respectivement du Comité national de l’eau, une instance consultative liée au ministère de la transition écologique, de la Cour des comptes, du Sénat, entre autres ?

Les augures sont obstinément alarmants : le 1er avril, 75 % des niveaux des nappes souterraines étaient bas, voire très bas. Malgré l’urgence, le Plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau a été plusieurs fois repoussé avant d’être finalement présenté par Emmanuel Macron en personne, le 30 mars, près des rives du lac de Serre-Ponçon, dans les Hautes-Alpes. L’allocution du chef de l’Etat peut se résumer en un appel général à la sobriété. La France, pays aux vertes forêts et aux rivières glougloutantes, doit se réveiller : les sécheresses intenses ainsi que les inondations meurtrières qui frappent le reste du monde la concernent aussi.

En 2019, les Assises de l’eau, qui avaient réuni tous les usagers, s’étaient conclues par un objectif de 10 % de prélèvements en moins en 2025 et de 25 % d’ici à 2034. Le président de la République a ramené ce mot d’ordre à − 10 % d’ici à 2030, mais dans tous les territoires et dans tous les domaines. Tous ? Il semble qu’un irréductible secteur résiste encore.

Bien que les usages agricoles représentent 58 % de la consommation d’eau en France, le ministre de l’agriculture n’était pas aux côtés d’Emmanuel Macron lors de ce déplacement officiel à Savines-le-Lac. Au même moment en effet, ledit ministre, Marc Fesneau, participait au congrès du syndicat agricole majoritaire, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), et y tenait des propos rassurants. Souveraineté alimentaire oblige, on ne lui demandera pas d’« effort supplémentaire ». Le lendemain, le ministre a à nouveau exposé sa pensée lors d’une conférence de presse où son homologue de la transition écologique, Christophe Béchu, détaillait

Sécheresse et gestion de l’eau : le gouvernement évite traiter de l’agriculture

Sécheresse et gestion de l’eau : le gouvernement évite traiter de l’agriculture

Pour faire face à la raréfaction de la ressource en eau, le chef de l’Etat a appelé à la sobriété. Mais le secteur agricole – qui en utilise 60%- reste dispensé d’efforts sérieux. Une distorsion qui retarde une inévitable adaptation des pratiques culturales. papier de Martine Valo dans le Monde

Dire qu’il était attendu est un euphémisme. Après les canicules de 2022, après la sécheresse hivernale de 2023, exceptionnelle avec ses trente-deux jours consécutifs sans pluie, le plan antipénuries du gouvernement suscitait beaucoup d’impatience, en particulier de la part des entreprises du secteur de l’eau et de l’assainissement – allait-on faire appel à leurs technologies ? –, et surtout d’interrogations chez les élus locaux – comment allaient-ils aborder l’été à venir qui s’annonce encore plus compliqué que le précédent dans de nombreuses régions ? Qu’allait retenir le gouvernement des très nombreuses propositions, recommandations, constats sévères, rapports, émanant respectivement du Comité national de l’eau, une instance consultative liée au ministère de la transition écologique, de la Cour des comptes, du Sénat, entre autres ?

Les augures sont obstinément alarmants : le 1er avril, 75 % des niveaux des nappes souterraines étaient bas, voire très bas. Malgré l’urgence, le Plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau a été plusieurs fois repoussé avant d’être finalement présenté par Emmanuel Macron en personne, le 30 mars, près des rives du lac de Serre-Ponçon, dans les Hautes-Alpes. L’allocution du chef de l’Etat peut se résumer en un appel général à la sobriété. La France, pays aux vertes forêts et aux rivières glougloutantes, doit se réveiller : les sécheresses intenses ainsi que les inondations meurtrières qui frappent le reste du monde la concernent aussi.

En 2019, les Assises de l’eau, qui avaient réuni tous les usagers, s’étaient conclues par un objectif de 10 % de prélèvements en moins en 2025 et de 25 % d’ici à 2034. Le président de la République a ramené ce mot d’ordre à − 10 % d’ici à 2030, mais dans tous les territoires et dans tous les domaines. Tous ? Il semble qu’un irréductible secteur résiste encore.

Bien que les usages agricoles représentent 58 % de la consommation d’eau en France, le ministre de l’agriculture n’était pas aux côtés d’Emmanuel Macron lors de ce déplacement officiel à Savines-le-Lac. Au même moment en effet, ledit ministre, Marc Fesneau, participait au congrès du syndicat agricole majoritaire, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), et y tenait des propos rassurants. Souveraineté alimentaire oblige, on ne lui demandera pas d’« effort supplémentaire ». Le lendemain, le ministre a à nouveau exposé sa pensée lors d’une conférence de presse où son homologue de la transition écologique, Christophe Béchu, détaillait

Gestion de l’eau : le gouvernement évite traiter de l’agriculture

Gestion de l’eau : le gouvernement évite traiter de l’agriculture

Pour faire face à la raréfaction de la ressource en eau, le chef de l’Etat a appelé à la sobriété. Mais le secteur agricole – qui en utilise 60%- reste dispensé d’efforts sérieux. Une distorsion qui retarde une inévitable adaptation des pratiques culturales. papier de Martine Valo dans le Monde

Dire qu’il était attendu est un euphémisme. Après les canicules de 2022, après la sécheresse hivernale de 2023, exceptionnelle avec ses trente-deux jours consécutifs sans pluie, le plan antipénuries du gouvernement suscitait beaucoup d’impatience, en particulier de la part des entreprises du secteur de l’eau et de l’assainissement – allait-on faire appel à leurs technologies ? –, et surtout d’interrogations chez les élus locaux – comment allaient-ils aborder l’été à venir qui s’annonce encore plus compliqué que le précédent dans de nombreuses régions ? Qu’allait retenir le gouvernement des très nombreuses propositions, recommandations, constats sévères, rapports, émanant respectivement du Comité national de l’eau, une instance consultative liée au ministère de la transition écologique, de la Cour des comptes, du Sénat, entre autres ?

Les augures sont obstinément alarmants : le 1er avril, 75 % des niveaux des nappes souterraines étaient bas, voire très bas. Malgré l’urgence, le Plan d’action pour une gestion résiliente et concertée de l’eau a été plusieurs fois repoussé avant d’être finalement présenté par Emmanuel Macron en personne, le 30 mars, près des rives du lac de Serre-Ponçon, dans les Hautes-Alpes. L’allocution du chef de l’Etat peut se résumer en un appel général à la sobriété. La France, pays aux vertes forêts et aux rivières glougloutantes, doit se réveiller : les sécheresses intenses ainsi que les inondations meurtrières qui frappent le reste du monde la concernent aussi.

En 2019, les Assises de l’eau, qui avaient réuni tous les usagers, s’étaient conclues par un objectif de 10 % de prélèvements en moins en 2025 et de 25 % d’ici à 2034. Le président de la République a ramené ce mot d’ordre à − 10 % d’ici à 2030, mais dans tous les territoires et dans tous les domaines. Tous ? Il semble qu’un irréductible secteur résiste encore.

Bien que les usages agricoles représentent 58 % de la consommation d’eau en France, le ministre de l’agriculture n’était pas aux côtés d’Emmanuel Macron lors de ce déplacement officiel à Savines-le-Lac. Au même moment en effet, ledit ministre, Marc Fesneau, participait au congrès du syndicat agricole majoritaire, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), et y tenait des propos rassurants. Souveraineté alimentaire oblige, on ne lui demandera pas d’« effort supplémentaire ». Le lendemain, le ministre a à nouveau exposé sa pensée lors d’une conférence de presse où son homologue de la transition écologique, Christophe Béchu, détaillait

La gestion de la ressource eau, un enjeu majeur ?

La gestion de la ressource eau, un enjeu majeur ?


par Laurent Baechler
Dans L’Europe en Formation 2012/3 (n° 365), pages 3 à 21


Parmi les ressources qui contribuent au développement des activités humaines, l’eau présente plusieurs caractéristiques qui la distinguent de toutes les autres : elle est indispensable à la vie ; elle est omniprésente (elle compose 65 % du corps humain, et recouvre 70 % de la surface de la Terre) ; elle est disponible en quantités strictement fixes, dictées par les lois de conservation et le cycle de l’eau. Le fait qu’elle soit indispensable à la vie sur terre en fait une ressource convoitée plus qu’aucune autre : sa rareté maintient des populations entières dans des trappes à pauvreté, et alimente des conflits politiques qui peuvent aller éventuellement jusqu’au conflit armé.

Elle est omniprésente, mais la quantité utile pour les activités humaines est répartie de manière extrêmement inégale. Sur les quelque 1 300 millions de km³ d’eau qu’abrite la planète, 97,2 % sont constitués des eaux salées inutilisables pour les activités humaines ; des 2,8 % restant, 2,15 % sont « piégés » dans les glaces polaires ; reste 0,65 %, dont 0,62 % sous forme souterraine. Le cycle de l’eau assure un niveau de précipitation terrestre d’environ 113 000 km³ par an, dont il faut soustraire 72 000 km³ d’évaporation pour obtenir le flux net disponible ; du total restant, 32 900 km³ sont considérés comme géographiquement accessibles, mais il faut également tenir compte du moment auquel ont lieu ces précipitations. La plupart sont concentrées sur des périodes de temps réduites et donnent lieu à des inondations ; restent 9 000 km³ effectivement accessibles ; si l’on ajoute les eaux de précipitation retenues en barrages, on compte finalement 12 500 km³ d’eau douce disponibles chaque année pour les usages humains, ce qui représente plus de 5 000 litres par personne et par jour au plan mondial, les plus gros utilisateurs (les Américains) n’en prélevant « que » 1 800 litres quotidiennement. Ces chiffres pourraient donner l’impression que l’eau est surabondante, mais sa répartition inégale au plan international ou intra-national en fait une ressource inaccessible pour une grande partie de la population mondiale : 9 pays se partagent 60 % des ressources en eau douce (le Brésil, la Colombie, la Russie, l’Inde, le Canada, les États-Unis, l’Indonésie, le Congo et la Chine), alors que l’on trouve dans certains pays considérés comme abondants en eau des régions dévastées par le manque d’eau (en Inde par exemple).

5La troisième caractéristique de l’eau, la disponibilité en quantités fixes à l’échelle planétaire, oblige à considérer la notion d’offre d’eau comme une réalité géophysique autant qu’économique. La réalité géophysique est dictée par les lois de conservation qui font que la ressource ne peut être détruite ni créée, et que son renouvellement « infini » est assuré par le cycle de l’eau. À cela, il faut ajouter que l’eau peut se conserver sous des formes évolutives, et que ces dernières peuvent modifier l’accessibilité à l’eau. De ce point de vue, le changement climatique jouera très probablement un rôle décisif (et négatif) dans la disponibilité future en eau, dans la mesure où le cycle de l’eau est un système parmi les plus sensibles au phénomène, avec des impacts sur l’accessibilité à l’eau douce, la qualité de l’eau disponible et le potentiel destructeur de l’eau par le biais de la multiplication des épisodes climatiques extrêmes [1]
[1]
Voir Kundzewicz Z. W., L. J. Mata, N. W. Arnell, P. Döll, B.…. La réalité économique est que l’offre d’eau ne peut réagir aux signaux de marché comme c’est le cas pour toutes les autres ressources primaires : l’ajustement de l’offre d’eau ne peut se faire qu’à la marge, par un moindre gaspillage et une meilleure utilisation de la ressource disponible (augmentation de la productivité de l’utilisation d’eau). Il existe cependant une exception à cette « loi » économique dictée par des contraintes géophysiques : le dessalement de l’eau, qui permettrait effectivement d’augmenter la disponibilité d’eau douce presque indéfiniment (et qui jouerait en quelque sorte le même rôle que le développement des énergies renouvelables dans un autre domaine).

6Si l’offre d’eau peut être considérée à bien des égards comme fixe, c’est du côté de la demande que l’on trouve les principales explications de la raréfaction de la ressource. Celle-ci a évolué au cours des dernières décennies sous l’impact principalement de la croissance démographique et de l’augmentation des niveaux de vie. La croissance démographique a été autorisée par – et a dans le même temps entraîné – une forte augmentation des surfaces irriguées pour les activités agricoles : celles-ci ont été multipliées par deux en 60 ans, alors que la quantité d’eau utilisée par les activités agricoles a été multipliée par trois. Par ailleurs, de plus en plus de consommateurs sont devenus de plus en plus gourmands en eau, dans les pays riches bien entendu, mais de plus en plus dans les pays émergents avec le développement des classes moyennes : avec près de deux milliards de personnes sur le point d’accéder au statut de classe moyenne, la consommation d’eau ne peut qu’augmenter, même pour une population stagnante, du fait du changement de régime alimentaire. Il faut en effet quatre fois plus d’eau pour produire un kilo de bœuf en comparaison d’un kilo de poulet, et cinq fois plus d’eau pour produire un verre de jus d’orange par rapport à une tasse de thé.

7L’agriculture est encore de loin le secteur le plus demandeur en eau, puisqu’il contribue pour 70 % des prélèvements et 93 % de la consommation globale [2]
[2]
Les prélèvements correspondent aux quantités d’eau que les…, essentiellement dans les pays en développement où l’agriculture demeure une activité majeure. Elle est de ce point de vue le secteur le plus problématique pour la gestion des ressources en eau : la demande croissante dans le secteur agricole est de moins en moins satisfaite par l’usage des eaux de pluie et de surface, mais de plus en plus par des prélèvements souterrains, qui mènent souvent à l’épuisement de la ressource [3]
[3]
Et dans des cas extrêmes à des situations catastrophiques,….

8Mais avec l’augmentation des niveaux de vie un peu partout dans le monde, les deux autres catégories de prélèvements, pour l’industrie et les activités domestiques, voient leur part augmenter. Elles ne comptent respectivement que pour 22 % et 8 % des prélèvements globaux, mais leur augmentation a été deux fois plus rapide que pour l’agriculture au cours de la deuxième moitié du xxe siècle.

9Le bilan de ces évolutions est que les prélèvements en eau ont augmenté deux fois plus vite que la population mondiale au cours du xxe siècle. Et étant donné les tendances de croissance économique et d’amélioration de la productivité de l’utilisation de l’eau à l’échelle globale, on prévoit que l’écart entre l’offre et la demande sera de 40 % d’ici 2030 [4]
[4]
Voir le rapport du 2030 Water Resources Group, Charting our…. Il n’existe pas de courbe de Kuznets pour l’accessibilité aux ressources en eau [5]
[5]
La courbe de Kuznets en U inversé implique que certains…, mais au contraire une empreinte écologique en la matière très étroitement liée au niveau de développement [6]
[6]
Voir Hoekstra A. Y. et A. K. Chapagain, “Water footprints of….

10Parler de raréfaction de la ressource en eau de manière générale n’a pas grand sens : parmi les caractéristiques de l’eau et problématiques qui en découlent, une des plus significatives est le caractère local et temporel de sa disponibilité. Celle-ci est fonction de paramètres très contextuels, mélange de caractéristiques géophysiques, climatiques, démographiques et socio-économiques, qui contribuent à faire de l’eau une ressource extraordinairement mal répartie dans le monde et dont la gestion repose sur des paramètres essentiellement locaux : comme indiqué précédemment, 9 pays se partagent 60 % des ressources en eau douce, mais on compte parmi eux les deux pays les plus peuplés, la Chine et l’Inde, qui doivent se partager 10 % de la ressource pour près d’un tiers de la population mondiale ; les pays à climat non tempéré souffrent de l’irrégularité des précipitations [7]
[7]
Les prélèvements pour les activités agricoles représentent 3 %… et de leur caractère souvent excessif ; les pays pauvres ou en développement dépendent beaucoup plus des activités agricoles que les autres [8]
[8]
95 % de la population active au Bhoutan pour le cas extrême,…, et l’agriculture est de loin le secteur le plus consommateur d’eau comme indiqué plus haut ; dans certaines zones, les difficultés viennent du manque de moyens d’exploitation rationnelle de la ressource disponible (seulement 4 % des surfaces cultivées sont irriguées en Afrique subsaharienne, malgré le fait que le continent bénéficie de larges quantités d’eau de surface et souterraine inexploitées) ; les problématiques de l’eau en zone urbaine sont très différentes de celles en zone rurale, ne serait-ce que pour des raisons de détérioration de la qualité de la ressource dans les zones densément peuplées ; etc.

11Enfin, le problème de l’accès à l’eau est plus qualitatif que quantitatif [9]
[9]
C’est même pour certains auteurs le paramètre dominant pour le…. La pollution de l’eau est un problème clé de la gestion de la ressource. Celle-ci est souvent défectueuse par défaut de systèmes de collecte et de purification/évacuation des eaux usées ou d’infrastructures de stockage d’eau propre à la consommation. Les conséquences sont malheureusement bien connues : manque d’hygiène basique entraînant son cortège de surmortalité infantile, morbidité et malnutrition [10]
[10]
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la moitié des…. Les difficultés d’accès à l’eau propre (qui concernent près d’un être humain sur deux) sont la première cause de mortalité dans le monde, avec un triste bilan de près de 3,6 millions de personnes par an. Les gestes les plus simples, comme se laver les mains pour éviter la transmission de maladies infectieuses, deviennent ainsi des enjeux majeurs de développement. Le problème se pose avec une acuité particulière dans les zones urbaines en rapide expansion dans les pays en développement, où les infrastructures ne peuvent pas suivre l’explosion des besoins. Une des conséquences est que les pays émergents sont parmi les principaux consommateurs d’eau en bouteille après les États-Unis (le Mexique, la Chine, le Brésil et l’Indonésie faisant partie des dix premiers consommateurs), alors qu’il s’agit de la forme d’accès à l’eau potable la plus chère.

12Mais le problème de la qualité de l’eau est l’affaire de tous, en considérant schématiquement que le développement économique s’est fait sur la base de la détérioration de la qualité de l’eau dans les pays riches (essentiellement par pollution des sols du fait de l’énorme augmentation de la productivité agricole autorisée par l’usage des engrais et pesticides), ou que le sous-développement aggrave ces problèmes de détérioration par manque de moyens d’y faire face.

Un problème de gestion de ressource
13Si l’on combine l’ensemble des paramètres déterminant les conditions d’articulation entre l’offre et la demande d’eau, on parvient finalement à la conclusion que le problème de l’accès à l’eau est essentiellement un problème de développement. La population mondiale augmente encore surtout dans les pays en développement, puisant dans un stock d’eau au mieux constant, la plupart du temps dans des régions déjà mal dotées en eau pour des raisons climatiques et géologiques. La quantité d’eau accessible n’est pas le seul enjeu, puisque la mauvaise qualité de l’eau pose des problèmes au moins aussi graves. Ces éléments font que les situations de pénurie les plus sérieuses se trouvent dans les zones arides, fortement peuplées… et pauvres, c’est-à-dire incapables de fournir les efforts d’investissement indispensables pour assurer la disponibilité d’une eau propre. En conséquence de quoi les situations dites de stress hydrique se trouvent essentiellement dans les pays en développement ou émergents situés dans les zones tropicales et équatoriales [11]
[11]
Les situations de stress hydrique sont définies en référence à…. La situation ne devrait pas s’améliorer, puisqu’il est prévu que la proportion de personnes vivant dans des pays en pénurie d’eau, qui était de 8 % au début du xxie siècle, passe à 45 % en 2050 [12]
[12]
Voir OCDE, Perspectives de l’environnement de l’OCDE à….

14En déduire que les difficultés d’accès à l’eau sont la cause même du sous-développement est une autre affaire, de même qu’établir un lien causal entre climat, géologie et sous-développement. C’est ce que propose la thèse de la trappe à pauvreté, selon laquelle les pays en développement voient leurs capacités de décollage économique bloquées par des facteurs objectifs et repérables tels que le manque d’épargne, le caractère endémique des maladies tropicales, la faiblesse des infrastructures collectives, les difficultés d’accès à l’eau… qui finissent par créer un cercle vicieux de sous-développement dont il est impossible de sortir par ses propres moyens [13]
[13]
Voir Sachs Jeffrey D., John W. McArthur, Guido Schmidt-Traub,…. Il est certain que l’eau est la clé de la sécurité alimentaire et de la réduction de la pauvreté, dans la mesure où près de 80 % des situations d’urgence alimentaire sont créées par des épisodes de sécheresse ou d’inondation, autrement dit de manque ou d’excès d’eau, et que le continent africain est le plus touché en la matière. Il est également évident que les facteurs climatiques jouent un rôle décisif dans ces événements. Mais ces facteurs doivent davantage être considérés comme des circonstances aggravant des situations de sous-développement qui accompagnent souvent les problèmes d’accès à l’eau, plutôt que comme des causes ultimes de sous-développement. La relation entre les ressources en eau et la mobilisation des eaux d’une part, le développement socio-économique et le niveau de vie d’autre part, n’est ni simple ni à sens unique. Elle est biunivoque et interactive. Le développement socio-économique facilite et permet la maîtrise et la mobilisation des eaux ; il crée les moyens de satisfaire les besoins en eau qu’il engendre, y compris par les recours aux palliatifs à la raréfaction des disponibilités, autant, sinon plus, que les utilisations d’eau contribuent au développement. En somme, la rareté des ressources en eau n’est un facteur limitant du développement que conjointement avec d’autres causes du sous-développement. Il ne s’agit pas d’en déduire que les situations de stress hydrique sont à relativiser, mais que ces situations sont associées à des difficultés multiples de faire face à la pénurie d’eau, et que ces difficultés sont souvent intimement liées au sous-développement. La conclusion positive que l’on peut tirer de ce constat est que la problématique de l’accès à l’eau est essentiellement une problématique de gestion de ressource rare, et qu’il n’y a pas de fatalité en la matière. On peut illustrer schématiquement cette problématique par le cas du Népal, pays riche en eau, mais l’un des moins bien classés dans les indicateurs mondiaux de performance d’accès à l’eau potable ou d’exploitation du potentiel hydrologique [14]
[14]
Voir http://go.worldbank.org/4IZG6P9JI0.. Ou a contrario par le cas de Singapour, pays en stress hydrique élevé dont l’essentiel des ressources en eau est importé de Malaisie, et qui a mis au point une stratégie efficace de rationnement de la ressource [15]
[15]
Voir Tortajada Cecilia, “Water management in Singapore”, in :….

15On peut faire le même constat à propos de ce qu’il est convenu d’appeler les conflits de l’eau, autrement dit les situations de conflits politiques internationaux ou intra-nationaux (entre l’Arizona et le Colorado en 1935 par exemple) suscitées par les difficultés d’accès à l’eau. La liste des types de conflit dans ce domaine est longue : ils peuvent venir de tensions concernant directement l’accès aux ressources en eau, de l’utilisation de l’eau ou des systèmes hydrologiques comme arme de guerre, de l’utilisation de l’eau comme moyen de pression politique, etc. Il en est de même de la liste des conflits eux-mêmes répertoriés historiquement [16]
[16]
Voir le site du Pacific Institute in California pour une liste…. Mais de même que les difficultés d’accès à l’eau ne devraient pas être retenues comme causes ultimes du sous-développement, elles ne doivent pas être considérées comme facteurs déclencheurs de conflits politiques. Ceux-ci trouvent leurs origines ailleurs, et peuvent être alimentés par des considérations en rapport avec l’accès à l’eau. Pour le dire autrement, on trouve des situations de conflits sur les ressources en eau dans toutes les régions du monde, et l’on constate que ces conflits débouchent sur la violence dans les cas où la gestion pacifique des tensions n’est pas encore envisageable. La conclusion qu’il faut en tirer n’est pas que les pays risquent d’entrer en conflit armé pour l’accès à l’eau, mais que l’accès à l’eau risque d’entrer en considération dans les situations de conflits violents. Israéliens et Palestiniens ont toutes les raisons d’être en conflit pour l’accès à l’eau dans leur région marquée par un stress hydrique élevé [17]
[17]
Et Israël exerce une pression impitoyable en la matière, avec…, les pays européens ont mis au point un arsenal juridique complexe pour gérer pacifiquement les situations de conflit dans ce domaine [18]
[18]
Voir Sohnle Jochen, « Le dispositif juridique de l’Europe pour….
16La conclusion qu’il faut tirer de ces constats est qu’en toutes circonstances, les problèmes de développement ou de conflits suscités par les difficultés d’accès à l’eau sont des problèmes de gestion de ressource rare davantage que de disponibilité de la ressource. Ces problèmes prennent des formes diverses selon les situations en question : il peut s’agir de manque d’investissement en infrastructures pour améliorer l’accès à l’eau, de manque de coopération dans la gestion transfrontalière des ressources en eau, de gaspillages dans les utilisations diverses de la ressource… Toutes ces situations exigent que soient identifiées clairement les causes des difficultés d’accès à l’eau, afin de pouvoir concevoir les solutions appropriées à chaque cas.

Quelles solutions ?
17Assez étrangement, il a fallu attendre la conférence internationale sur l’eau de Dublin en 1992 pour que l’eau soit reconnue comme un bien économique par la communauté internationale. Il tombe pourtant sous le sens que, de même que n’importe quelle autre ressource rare, l’eau doit faire l’objet d’une gestion rationnelle à même de rendre compatibles les offres et les demandes de la ressource. L’explication de cet anachronisme réside probablement dans le fait qu’étant une ressource indispensable à la vie, on pense d’abord à l’eau comme un droit dont aucun être humain ne devrait être privé. Et de fait, la communauté internationale reconnaît également l’accès à l’eau comme un droit de l’homme qu’il convient de protéger [19]
[19]
Officiellement depuis le 28 juillet 2010 par une résolution de…. Cette exigence noble n’enlève rien à la caractéristique fondamentale de l’eau d’être un bien économique comme un autre, mais permet de centrer la problématique sur les usages de l’eau les plus essentiels, et en fait vitaux (une infime partie de l’usage global de l’eau à l’échelle planétaire). Ce qui doit nous amener à toujours considérer l’exigence de solidarité dans les solutions imaginées pour résoudre les difficultés d’accès à l’eau, surtout lorsque les plus pauvres et les plus faibles sont concernés. Dans ce domaine comme dans bien d’autres, on constate en effet que les riches s’en sortent souvent mieux que les pauvres lorsqu’il est question d’accéder à une ressource rare.

18Concilier exigence de solidarité et rationalité dans la gestion de la ressource en eau n’a aucune raison de soulever des problèmes insurmontables : il faut, lorsque les circonstances l’ordonnent, consacrer à la redistribution vers les plus nécessiteux une partie des ressources préservées grâce à une bonne gestion. Encore faut-il que celle-ci soit bien établie.
La gestion par l’offre
19Les pistes en la matière sont nombreuses, et il ne peut en être autrement pour un problème aussi complexe que la gestion de l’eau. Pour clarifier les choses, il faut commencer par distinguer la gestion de l’offre et celle de la demande. L’offre d’eau étant globalement fixe comme nous l’avons précisé précédemment, l’approche par l’offre ne peut reposer que sur l’amélioration de l’accès aux quantités d’eau disponibles [20]
[20]
Pour un panorama complet des solutions envisageables, voir…. Les possibilités techniques sont les suivantes : augmentation de l’accès aux ressources en eau conventionnelles, par augmentation des capacités de stockage des flux (barrages et systèmes locaux de stockage des eaux de pluie pour l’essentiel) ou meilleure gestion des stocks disponibles (principalement les eaux souterraines et aquifères ayant fait l’objet d’une surexploitation grandissante au cours des dernières décennies) ; meilleur recyclage de la ressource de manière à optimiser son utilisation et éviter les gaspillages ; contrôle de la pollution des eaux pour augmenter les quantités disponibles pour les usages humains et réduire les coûts de traitement ; transferts de ressources entre bassins fluviaux ; dessalement de l’eau de mer.

20L’application de ces techniques n’a bien entendu de sens qu’à l’échelle où se posent les problèmes, autrement dit au plan local pour ce qui concerne la gestion de l’eau. Le potentiel technique des solutions est intimement lié aux circonstances locales de l’utilisation de la ressource, de sorte qu’il faut une étude de terrain pour pouvoir dire quoi que ce soit dans un contexte particulier [21]
[21]
Pour une application de ce principe au cas de l’Inde, voir 2030…. Il se dégage néanmoins des tendances générales à ce sujet. Le dessalement de l’eau de mer est par exemple une solution pour le moment trop coûteuse dans de nombreux contextes (malgré une division du coût par quatre au cours des deux dernières décennies), mais la technique commence progressivement à se répandre au-delà des pays pour lesquels les considérations financières et écologiques n’ont jamais vraiment compté pour adopter cette solution, essentiellement les pays du golfe investissant leur énorme rente pétrolière dans des usines de dessalement. La technique est donc désormais répandue notamment en Australie, en Californie ou en Espagne, mais reste limitée à des zones riches exposées à un stress hydrique élevé [22]
[22]
Voir Salomon J., « Le dessalement de l’eau de mer est-il une…. Ce n’est qu’à long terme que l’on peut espérer son développement à une échelle plus importante, peut-être associée aux panneaux solaires pour apporter l’énergie nécessaire à son application.

21De même, le transport de l’eau pour rééquilibrer l’offre aux échelons locaux n’est pas une solution réaliste au plan global : les coûts de transport sont trop élevés, surtout pour les bénéficiaires potentiels qui se situeraient dans des pays en développement. Un marché mondial de l’eau comparable à celui du pétrole n’est donc pas pour demain. Il est par contre envisageable d’acheminer l’eau par des infrastructures adaptées, solution pratiquée d’ailleurs depuis des millénaires, mais réaliste à des échelles réduites uniquement, et donc pas en mesure de résoudre tous les problèmes d’inégalité d’accès à l’eau, surtout si l’on considère le coût des infrastructures. Une technique qui fait son chemin, principalement dans les pays en développement, est le recyclage de l’eau, qui consiste par exemple à utiliser les eaux rejetées par les activités urbaines pour alimenter en aval les activités agricoles [23]
[23]
Voir FAO, Water at a glance : The relationship between water,….

22Cette gestion intégrée de l’eau présente de nombreux avantages : elle permet de fournir de l’eau régulièrement aux agriculteurs et de moins faire dépendre leurs activités des aléas climatiques ; elle contribue à créer de l’activité et de l’emploi urbain ; elle permet de réduire en aval le niveau de pollution de l’eau rejetée par les villes. Mais cette technique implique que les activités agricoles se situent en périphérie des zones urbaines, et sa mise en œuvre repose sur une capacité de planification urbaine et une appropriation par les populations locales qui exigent un long processus d’apprentissage.

La gestion par la demande
23Les possibilités d’amélioration de la gestion de l’eau par la demande reposent sur un principe global : orienter l’eau vers une utilisation optimale, ce qui sur un plan strictement théorique devrait conduire à égaliser la valeur d’une unité marginale d’eau pour tous les utilisateurs potentiels [24]
[24]
Voir FAO FAO, Coping with water scarcity : An action framework…. Égaliser les valeurs marginales de toutes les utilisations potentielles de l’eau est bien évidemment un objectif parfaitement utopique, mais le principe qui en découle et selon lequel il faut encourager les acteurs concernés à faire l’usage le plus « productif » possible de la ressource lorsqu’elle se raréfie procède du simple bon sens. Il existe principalement deux moyens d’y parvenir : inciter les utilisateurs à faire un usage plus efficace de l’eau ; encourager des transferts de la ressource des usages les moins bénéfiques vers ceux dont les « rendements » sont plus élevés.

24Un usage plus efficace de l’eau consiste en gros à augmenter la productivité de l’utilisation de la ressource, autrement dit à augmenter la capacité de création de richesse pour une quantité d’eau utilisée. Cela peut se faire en limitant les pertes subies par fuite et percolation lors de l’acheminement de l’eau par des réseaux urbains, ou en réduisant les gaspillages dus à une utilisation inappropriée de la ressource dans des processus agricoles ou industriels. La piste la plus prometteuse en la matière semble être la hausse de la productivité agricole par une meilleure utilisation de l’eau grâce au changement de techniques d’irrigation, à la minimisation du phénomène d’évapotranspiration qui accompagne la croissance des végétaux, et à la création de variétés plus résistantes au manque d’eau [25]
[25]
Voir Falkenmark M. et J. Rockström, “The new blue and green…. C’est dans les pays en développement dépendants davantage des activités agricoles et où les techniques agricoles sont les moins productives que le potentiel d’amélioration est le plus élevé. Les techniques d’irrigation en particulier peuvent faire une différence énorme en matière de rendements : l’emploi de l’irrigation double les rendements agricoles les plus élevés par rapport à l’utilisation des eaux de pluie ; après l’échec des projets d’irrigation à grande échelle dans les pays en développement, l’accent est désormais mis sur les technologies simples à l’échelle locale, plus faciles à approprier et moins chères [26]
[26]
Voir Sachs et al. (2004, p. 26-27)..

25L’agriculture est une activité essentielle, surtout dans les pays en développement, mais elle ne génère pas les utilisations des ressources en eau les plus lucratives : l’industrie crée en moyenne 70 fois plus de valeur par litre d’eau que l’agriculture. Cela explique qu’elle constitue l’essentiel des prélèvements d’eau dans les pays riches. Une autre caractéristique est que l’eau pour l’industrie constitue véritablement un coût de production, dans la mesure où les industriels paient généralement l’eau qu’ils utilisent, à la différence des agriculteurs qui bénéficient d’une ressource gratuite. Le résultat logique est que les incitations à améliorer la productivité des utilisations de l’eau sont beaucoup plus fortes dans l’industrie que dans l’agriculture, et de fait cette productivité a fortement augmenté dans les pays industrialisés au cours des dernières décennies, et son amélioration fait partie des stratégies de nombreuses entreprises privées [27]
[27]
Voir The Economist, For want of a drink – À special report on….

26La réallocation des ressources en eau des usages les moins bénéfiques vers ceux dont les « rendements » sont plus élevés repose sur un arsenal d’instruments de marché et d’approches réglementaires. Le principe général est qu’une fois les usages essentiels de l’eau pour les besoins de subsistance couverts, il convient d’orienter la ressource vers les usages les plus « productifs ». C’est habituellement le système de prix qui joue ce rôle dans les économies de marché. Mais l’eau est bien souvent une ressource sans prix, accessible librement et prélevée sans avoir d’idée précise des quantités effectivement utilisées [28]
[28]
On compte en Inde 20 millions d’utilisateurs de puits…. On estime que globalement l’eau est tarifée à hauteur de 10 à 50 % des coûts d’exploitation et de maintenance des systèmes de distribution, et cela représente à nouveau 10 à 50 % de la valeur de l’eau en termes de productivité agricole. Le résultat est qu’il faudrait multiplier le prix de l’eau par un facteur compris dans une fourchette de 4 à 100 selon le contexte pour équilibrer l’offre et la demande d’eau, une mesure politiquement suicidaire. La « vérité des prix » est difficile à mettre en œuvre dans ce domaine pour d’autres raisons [29]
[29]
Voir Baechler Laurent, « Le prix de l’eau », in : L’eau :… : une eau tarifée deviendrait inaccessible pour les plus pauvres qui sont en général les plus nécessiteux ; le prix de l’eau aurait du mal à refléter les coûts environnementaux et la valeur d’existence de la ressource (ce que les économistes appellent des externalités que le marché ne peut pas prendre en compte) ; la multiplicité des usages de l’eau fait qu’un prix aurait du mal à refléter correctement les coûts de ces usages. Finalement, si la tarification de l’eau est de manière générale souhaitable pour éviter la surexploitation de la ressource, elle est pratiquement difficile à mettre en œuvre et n’est pas toujours le moyen le mieux approprié pour faire face aux problèmes d’allocation efficace de la ressource [30]
[30]
Voir Perry Chris, Pricing savings, valuing losses and measuring….

27Le fait que l’eau soit dans bien des cas accessible librement révèle une autre source de dysfonctionnement générant l’épuisement de la ressource : l’absence de droits de propriété ou d’usage clairement identifiés. C’est à nouveau dans le domaine agricole et pour les usages domestiques que le problème se pose avec le plus d’acuité. Les solutions résident dans la définition et la répartition de droits d’usage clairement établis, à l’échelle d’exploitation de la ressource, avec la participation active des populations locales concernées au premier chef [31]
[31]
Ostrom (2010 pour la traduction française) propose un tour…. Dans des contextes où les institutions concernées ont atteint un degré de maturité suffisant, il est même envisageable de voir émerger un marché de droits négociables, où les offres et les demandes s‘articulent de manière à orienter ces droits vers les usages de l’eau les plus productifs. Les exemples les plus significatifs se trouvent dans l’ouest des États-Unis et en Australie, où le « Murray-Darling basin system » a déjà permis de traverser des périodes de sécheresse sans perturber significativement la production agricole [32]
[32]
Voir Gleick Peter H., The World’s Water (vol 7), Pacific….

28Réorienter la ressource en eau vers des usages plus « productifs » peut passer par des dispositifs plus originaux. Une approche récente et prometteuse, introduite au début des années 90, est l’échange international d’« eau virtuelle », entendue comme la quantité d’eau incorporée implicitement dans les processus de production et de distribution des produits consommés partout dans le monde [33]
[33]
Voir Hoekstra A. Y., Virtual water trade : Proceedings of the…. On peut voir l’idée comme une extension du fameux principe des avantages comparatifs identifié il y a près de deux siècles par David Ricardo : l’eau doit s’échanger internationalement par l’intermédiaire des biens qu’elle contribue à produire, et de manière à ce que les ressources en eau puissent aller vers les usages dans le monde qui la valorisent le plus. La mise en œuvre du principe repose avant toute chose sur l’identification des empreintes en eau (version alternative du principe d’empreinte écologique) des produits concernés, de manière à pouvoir dégager le potentiel d’échange international qu’ils génèrent, mais surtout sur la capacité des marchés et des acteurs à reconnaître le principe comme opératoire, ce qui est loin d’être acquis. Une limite parmi d’autres est que les États sont très réticents à faire intervenir le jeu des avantages comparatifs dans l’allocation des produits agricoles, l’autonomie alimentaire restant un objectif stratégique clé.

29N’oublions pas pour terminer le potentiel de mesures simples comme la réduction des subventions à l’utilisation de l’eau qui, avec la tarification de la ressource dans certains cas, permettraient de réduire facilement les gaspillages [34]
[34]
L’Arabie saoudite utilise ses ressources en eau et en pétrole….

Les conflits de l’eau
30Comme indiqué précédemment, les conflits de l’eau peuvent être perçus comme des situations de concurrence sur l’allocation de la ressource qui ne peuvent être gérées pacifiquement pour des raisons politiques dont les origines ne sont pas nécessairement en rapport avec le problème de l’eau lui-même. Ces conflits apparaissent généralement à l’occasion de l’exploitation des ressources de bassins fluviaux ou d’aquifères transfrontaliers. Quoi qu’il en soit, ces situations exigent une forme de coopération internationale ou interrégionale pour éviter les conflits violents. Cette coopération est par définition difficile à obtenir, car les situations s’apparentent généralement à des jeux à somme nulle (lorsqu’un pays exploite en amont le potentiel hydroélectrique d’un fleuve au détriment d’un autre pays en aval), ou à des cas de tragédie des communs (lorsqu’il s’agit d’exploiter un aquifère transfrontalier) où les incitations à coopérer sont faibles. On compte cependant un certain nombre de succès relatifs en la matière, comme dans les cas du Nil ou du Mékong. Tout l’enjeu des négociations dans ces situations conflictuelles repose sur les moyens d’augmenter et de partager les bénéfices de l’exploitation de la ressource. Dans certains cas, il est possible de démontrer qu’une gestion appropriée des ressources concernées permet de générer des gains que peuvent se partager les partenaires potentiels d’un accord international [35]
[35]
Voir Whittington Dale, Xun Wu et Claudia Sadoff, “Water…. Dans bien d’autres cas, conflit et coopération sont intimement mêlés et rendent la situation plus difficilement gérable [36]
[36]
Voir Zeitoun Mark et Naho Mirumachi, “Transboundary water….

Quels acteurs ?
31La complexité du problème de l’eau vient de ce que la disponibilité de la ressource est déterminée par des processus naturels globaux, alors que les utilisations qui en sont faites résultent d’une multitude de comportements locaux non coordonnés. Les politiques de l’eau doivent donc relever le défi d’articuler cette nécessité d’envisager une conception globale de la gestion de la ressource avec la nécessité d’impliquer les acteurs concernés à l’échelle la plus efficace. Une problématique bien différente de celle que l’on trouve par exemple dans le cas climatique, où les émissions de gaz à effet de serre ont les mêmes impacts environnementaux d’où qu’elles viennent, ce qui permet de concevoir des politiques à l’échelle globale en tirant parti notamment des différences de coûts de réduction des émissions entre pays ou acteurs individuels [37]
[37]
Ce que fait par exemple le mécanisme de développement propre du….

32En conséquence de la nécessité d’envisager une conception globale de la gestion de l’eau, de plus en plus d’experts se prononcent pour une vision à l’échelle des systèmes hydrologiques naturels (bassins fluviaux, aquifères…) pour respecter les équilibres globaux de la ressource et éviter les incompatibilités entre interventions ponctuelles. Par ailleurs, on préconise de plus en plus que les modes d’intervention permettent une adaptation aux changements de paramètres des situations locales, qui peuvent être dus par exemple au changement climatique comme évoqué précédemment [38]
[38]
Voir Pahl-Wostl Claudia, “Transitions towards adaptive…. En conséquence de la nécessité d’impliquer les acteurs concernés à l’échelle la plus efficace, la priorité est de tenir compte des interactions entre systèmes écologiques et économiques, ainsi qu’entre les différentes parties prenantes, de manière à optimiser la valeur économique et sociale de l’eau [39]
[39]
Voir Jonch-Clausen Torkil, Integrated water resources…. Les maîtres mots en la matière sont gestion adaptative (Adaptative Management), simulation multi-agents et gestion intégrée des ressources en eau (Integrated Water Resources Management) [40]
[40]
Voir Medema Wietske, B. S. McIntosh et P. J. Jeffrey, “From…. Tous ces principes participent du même objectif d’identifier les problèmes d’action collective associés à la gestion de l’eau en rapport avec les caractéristiques techniques de disponibilité de la ressource [41]
[41]
Voir Berger Thomas, Regina Birner, José Diaz, Nancy McCarthy et….

33Comment passer des principes à la mise en œuvre ? Tout dépend du contexte, des acteurs impliqués et du problème à résoudre. Le cas par cas s’impose en la matière. Dans l’espace urbain où l’accès à l’eau dépend principalement d’infrastructures d’adduction et d’épuration de la ressource, la priorité est souvent à la construction et à l’entretien de ces infrastructures. Les besoins financiers en la matière sont énormes : ils sont estimés à 22 600 milliards de dollars entre 2005 et 2030 dans le monde entier. L’aide internationale aux pays en difficulté est primordiale pour couvrir ces besoins. Mais on ne peut imaginer se passer du rôle des acteurs privés pour accomplir une tâche aussi titanesque. Cela peut se concevoir dans le cadre de partenariats public-privé qui connaissent un regain d’intérêt depuis deux décennies, ou dans le cadre de la privatisation d’infrastructures, ce qui permet d’alléger les budgets publics. Le rôle des compagnies privées de l’eau est très controversé, voire combattu, mais il peut être utile sous certaines réserves, et doit en tout état de cause faire l’objet de contrôles de manière à éviter les impacts sociaux et environnementaux les plus indésirables [42]
[42]
Voir Gleick Peter H., Gary Wolff, Elizabeth L. Chalecki et….

34Dans l’espace rural où le problème est principalement l’exploitation de l’eau pour des usages agricoles ou domestiques, l’implication des acteurs locaux est essentielle, d’autant que ce sont eux qui détiennent les connaissances relatives aux techniques les plus efficaces pour gérer la ressource. On sait mieux depuis les travaux d’Elinor Ostrom [43]
[43]
Elinor Ostrom, op. cit., 2010. à quel point réduire la problématique de gestion des ressources communes à une opposition entre approche par les mécanismes de marché et approche par la régulation publique est simpliste et éloigné de bien des réalités. Dans le domaine de l’eau, il convient d’étudier les solutions locales imaginées par les populations concernées pour gérer les problèmes d’accès à la ressource, qu’il s’agisse de solutions institutionnelles ou techniques, de manière à s’inspirer des expériences réussies dans d’autres contextes comparables [44]
[44]
Voir Van Koppen Barbara, Mark Giordano, John Butterworth et…. C’est la voie de plus en plus empruntée par les organisations internationales de développement et les organisations non gouvernementales afin d’améliorer l’articulation entre les comportements locaux et les interventions de la puissance publique pour la gestion de l’eau.
35Dans bien des cas cependant les moyens financiers et techniques ainsi que l’expertise manquent aux populations locales, évidemment surtout dans les pays en développement. La coopération internationale est alors cruciale pour amorcer le processus de développement [45]
[45]
Voir Banque mondiale, Strengthen, Secure, Sustain, Water…. Dans cette perspective, le développement de l’accès à l’eau propre figure en bonne place dans les objectifs du millénaire pour le développement de la Banque Mondiale. Mais l’aide internationale sans l’appropriation des politiques mises en œuvre par les autorités locales ne sert pas à grand-chose. Le problème ne se pose d’ailleurs pas que dans le cadre de l’aide aux pays en développement, mais de manière générale pour les politiques de l’eau partout dans le monde : la problématique de l’eau souffre cruellement d’un manque d’attractivité pour les politiciens et autres décideurs : elle nécessite une approche à long terme, peu compatible avec le rythme des cycles électoraux ; elle intéresse peu les électeurs qui ne perçoivent pas les problèmes de l’eau ou bénéficient d’un accès à l’eau subventionné ; les résultats des mesures adoptées ne se voient pas (des infrastructures enfouies, des systèmes d’irrigation en zone rurale…), et leur bénéfice politique est donc maigre en regard des coûts qui sont eux gigantesques. La problématique de l’eau est éminemment politique [46]
[46]
Voir Mollinga Peter P., « Water, politics and development :… et sociale, bien davantage que technique, et cela implique des processus longs d’apprentissage et d’appropriation des bonnes pratiques [47]
[47]
Voir Pahl-Wostl Claudia, Marc Craps, Art Dewulf, Erik Mostert,….

Conclusion
36Il ne fait pas de doute que parmi les nombreux défis du développement durable, l’accès à l’eau figure parmi les plus cruciaux, tant la ressource est vitale. La dimension environnementale du défi est évidente : il s’agit de préserver une ressource menacée non pas tant d’épuisement que de détérioration de sa qualité, et ce dans la perspective de pouvoir en garantir l’accès à une population mondiale amenée à augmenter pendant encore plusieurs décennies. La dimension économique ne l’est pas moins : l’accès à l’eau est un paramètre clé du développement, et donc encore trop souvent un obstacle majeur en la matière, évidemment surtout dans les pays pauvres dont la croissance repose encore beaucoup sur les activités agricoles fortement consommatrices d’eau. La dimension sociale enfin ne doit pas être sous-estimée : l’accès à l’eau donne lieu à des inégalités de toutes sortes, entre pays ayant la maîtrise de la ressource et ceux en étant privés, entre régions abondantes en eau et régions arides, entre riches et pauvres selon les moyens de payer l’accès à la ressource, entre femmes et hommes selon les modalités sociétales de gestion de la ressource localement…

37Les solutions pour faire face à ces nombreux défis sont nécessairement multiples, et doivent être coordonnées de manière à tenir compte des logiques naturelles de reproduction de la ressource. Elles doivent être adaptées au contexte local, exigent de combiner des principes pas toujours faciles à appliquer (vérité des prix, droits d’usage, gestion communautaire), nécessitent la participation de toutes les parties prenantes (populations locales, puissance publique, entreprise…), et ne doivent jamais perdre de vue que les politiques de l’eau doivent articuler autant que faire se peut gestion efficace de la ressource et solidarité envers les plus nécessiteux.

Notes
[1]
Voir Kundzewicz Z. W., L. J. Mata, N. W. Arnell, P. Döll, B. Jimenez, K. Miller, T. Oki, Z. Sen et I. Shiklomanov, “The implications of projected climate change for fresh water resources and their management”, in Hydrological Sciences Journal, 53 : 1, 2008, p. 3-10 ; ainsi que FAO, Coping with water scarcity : An action framework for agriculture and food security, FAO Water Reports, 2008.
[2]
Les prélèvements correspondent aux quantités d’eau que les activités humaines détournent du cycle de l’eau pour les différentes utilisations qui en sont faites ; la consommation est la différence entre les prélèvements et ce qui est restitué au cycle de l’eau. Autrement dit la consommation mesure la partie de la ressource qui n’est plus disponible pour des usages ultérieurs.
[3]
Et dans des cas extrêmes à des situations catastrophiques, comme l’affaissement de la ville de Mexico par épuisement de la nappe souterraine qui alimente la ville.
[4]
Voir le rapport du 2030 Water Resources Group, Charting our water future – Economic fameworks to inform decision-making, 2009. p. 11-13.
[5]
La courbe de Kuznets en U inversé implique que certains problèmes environnementaux trouvent leur solution au-delà d’un certain niveau de développement, par accumulation de moyens d’y faire face et augmentation des préoccupations environnementales de populations plus riches. La courbe est avérée pour des problèmes tels que la pollution atmosphérique en milieu urbain.
[6]
Voir Hoekstra A. Y. et A. K. Chapagain, “Water footprints of nations : Water use by people as a function of their consumption pattern”, in Water Resources Management, 2007 (21), p. 35-48.
[7]
Les prélèvements pour les activités agricoles représentent 3 % du total en GB contre 41 % pour les États-Unis.
[8]
95 % de la population active au Bhoutan pour le cas extrême, au-delà de 75 % dans la majeure partie des cas, contre moins de 5 % typiquement dans un pays riche.
[9]
C’est même pour certains auteurs le paramètre dominant pour le développement à long terme. Voir Simonovic Slobodan P., “World water dynamics : global modeling of water resources”, in Journal of Environmental Management, 2002 (00), p. 1-19.
[10]
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la moitié des conséquences de la malnutrition sont causées par des problèmes sanitaires et d’hygiène liés aux difficultés d’accès à l’eau.
[11]
Les situations de stress hydrique sont définies en référence à l’indicateur développé par Malin Falkenmark en 1986, qui établit un niveau minimum de ressources en eau pour assurer une qualité de vie acceptable dans un pays moyennement développé dans une zone aride. En deçà de 1 700 m³ par an et par habitant (4 660 litres par jour), on diagnostique une situation de tensions potentielles entre ressources et besoins. En deçà de 1 000 m³ (2 740 litres par jour), on parle de pénurie chronique. En deçà de 500 m³ (1 370 litres par jour), on considère que la population fait face à une « pénurie absolue » d’eau.
[12]
Voir OCDE, Perspectives de l’environnement de l’OCDE à l’horizon 2050 – Les conséquences de l’inaction (Chap. 5), 2012, pour une perspective globale de ces questions.
[13]
Voir Sachs Jeffrey D., John W. McArthur, Guido Schmidt-Traub, Margaret Kruk, Chandrika Bahadur, Michael Faye et Gordon McCord, Ending Africa’s poverty trap, Brookings Papers on Economic Activity, 2004, p. 117-240.
[14]
Voir http://go.worldbank.org/4IZG6P9JI0.
[15]
Voir Tortajada Cecilia, “Water management in Singapore”, in : International Journal of Water Resources Development, Vol 22 (2), 2006, p. 227-240.
[16]
Voir le site du Pacific Institute in California pour une liste complète des conflits de l’eau à travers l’histoire. http://www.worldwater.org/chronology.html
[17]
Et Israël exerce une pression impitoyable en la matière, avec pour résultat un écart énorme d’accès à l’eau pour les deux populations : selon Amnesty International, les prélèvements d’eau quotidiens palestiniens sont de 70 litres, contre 300 litres en Israël.
[18]
Voir Sohnle Jochen, « Le dispositif juridique de l’Europe pour appréhender les conflits transfrontaliers sur l’eau », in : Lex Electronica, Vol 12, n° 2, automne 2007. http://www.lex-electronica.org/articles/v12-2/sohnle.pdf. Consultable sur http://www.lex-electronica.org/docs/articles_22.pdf.
[19]
Officiellement depuis le 28 juillet 2010 par une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies.
[20]
Pour un panorama complet des solutions envisageables, voir Seckler (2003) et FAO (2008, p. 36-38).
[21]
Pour une application de ce principe au cas de l’Inde, voir 2030 Water Resources Group (2009, p. 19).
[22]
Voir Salomon J., « Le dessalement de l’eau de mer est-il une voie d’avenir ? », in : Revista de Geografia et Ordenamenta do Territorio, n° 1 (juin), 2012, p. 237-262.
[23]
Voir FAO, Water at a glance : The relationship between water, agriculture, food security and poverty, FAO Water Reports, 2010. Consultable sur http://www.fao.org/nr/water/docs/FAO_recycling_society_web.pdf.
[24]
Voir FAO FAO, Coping with water scarcity : An action framework for agriculture and food security, FAO Water Reports, 2008, p. 38-41).
[25]
Voir Falkenmark M. et J. Rockström, “The new blue and green water paradigm : Breaking new ground for water resources planning and management”, in Journal of Water Resources Planning and Management, Mai-Juin 2006, p. 129-132.
[26]
Voir Sachs et al. (2004, p. 26-27).
[27]
Voir The Economist, For want of a drink – À special report on water, 22 mai 2010, p. 8-9).
[28]
On compte en Inde 20 millions d’utilisateurs de puits individuels pour les usages domestiques ou agricoles. Il est de fait impossible de comptabiliser les prélèvements d’eau dans ces conditions.
[29]
Voir Baechler Laurent, « Le prix de l’eau », in : L’eau : Enjeux et conflits, Nouveaux Mondes, CRES Ed, 2003, pour une perspective d’ensemble.
[30]
Voir Perry Chris, Pricing savings, valuing losses and measuring costs : Do we really know how to talk about improved water management ?, 2008.
[31]
Ostrom (2010 pour la traduction française) propose un tour d’horizon fascinant de ces situations de gestion locale de ressources communes, qui lui a valu le Prix Nobel d’économie en 2009.
[32]
Voir Gleick Peter H., The World’s Water (vol 7), Pacific Institute, 2011, p. 79).
[33]
Voir Hoekstra A. Y., Virtual water trade : Proceedings of the international expert meeting on virtual water trade, IHE Delft, 2003, et Allan John A., Virtual Water : Tackling the threat to our planet’s most precious resource, I.B. Tauris, 2011, pour une perspective globale.
[34]
L’Arabie saoudite utilise ses ressources en eau et en pétrole (qui sert au dessalement de l’eau) pour irriguer des champs de blé qui pourrait être importé à moindre frais de l’extérieur. Voir OCDE (2012, chap. 5).
[35]
Voir Whittington Dale, Xun Wu et Claudia Sadoff, “Water resources management in the Nile Basin : The economic value of cooperation”, in Water Policy (7), 2005, p. 227-252.
[36]
Voir Zeitoun Mark et Naho Mirumachi, “Transboundary water interaction : Reconsidering conflict and cooperation”, in International Environmental Agreements, 2008 (8), p. 297-316.
[37]
Ce que fait par exemple le mécanisme de développement propre du Protocole de Kyoto qui permet d’échanger des réductions d’émissions contre des transferts de technologie entre pays riches et pays en développement.
[38]
Voir Pahl-Wostl Claudia, “Transitions towards adaptive management of water facing climate and global change”, in Water Resources Management, 2007 (21), p. 49-62.
[39]
Voir Jonch-Clausen Torkil, Integrated water resources management and water efficiency plans by 2005 : Why, what and how ?, Global Water Partnership, 2004.
[40]
Voir Medema Wietske, B. S. McIntosh et P. J. Jeffrey, “From premise to practice : A critical assessment of integrated water resources management and adaptative management approaches in the water sector”, in Ecology and Society, 13 (2) : 29, 2008, pour une synthèse.
[41]
Voir Berger Thomas, Regina Birner, José Diaz, Nancy McCarthy et Heidi Wittmer, “Capturing the complexity of water uses and water users within a multi-agent framework”, in Water Resources Management, 2007 (21), p. 129-148, pour une application au cas du Chili.
[42]
Voir Gleick Peter H., Gary Wolff, Elizabeth L. Chalecki et Rachel Reyes, The new economy of water – The risks and benefits of globalization and privatization of fresh water, Pacific Institute, 2002, pour une analyse des risques et bénéfices de la privatisation des services de l’eau.
[43]
Elinor Ostrom, op. cit., 2010.
[44]
Voir Van Koppen Barbara, Mark Giordano, John Butterworth et Everisto Mapedza, Community-based water law and water resource management reform in developing countries : rationale, contents and key messages, CAB Inbternational, 2007.
[45]
Voir Banque mondiale, Strengthen, Secure, Sustain, Water Partnership Program Report, 2012.
[46]
Voir Mollinga Peter P., « Water, politics and development : Framing a political sociology of water resources management », in : Water Alternatives, 1 (2008), p. 7-23.
[47]
Voir Pahl-Wostl Claudia, Marc Craps, Art Dewulf, Erik Mostert, David Tabara et Tharsi Taillieu, “Social Learning and Water Resources Management”, in Ecology and Society, 12 (2) : 5, 2007. http://www.ecologyandsociety.org/vol12/iss2/art5/.

Gestion de l’eau : enjeu majeur du développement durable

Gestion de l’eau : enjeu majeur du développement durable

par Laurent Baechler
Dans L’Europe en Formation 2012/3 (n° 365), pages 3 à 21


Parmi les ressources qui contribuent au développement des activités humaines, l’eau présente plusieurs caractéristiques qui la distinguent de toutes les autres : elle est indispensable à la vie ; elle est omniprésente (elle compose 65 % du corps humain, et recouvre 70 % de la surface de la Terre) ; elle est disponible en quantités strictement fixes, dictées par les lois de conservation et le cycle de l’eau. Le fait qu’elle soit indispensable à la vie sur terre en fait une ressource convoitée plus qu’aucune autre : sa rareté maintient des populations entières dans des trappes à pauvreté, et alimente des conflits politiques qui peuvent aller éventuellement jusqu’au conflit armé.

Elle est omniprésente, mais la quantité utile pour les activités humaines est répartie de manière extrêmement inégale. Sur les quelque 1 300 millions de km³ d’eau qu’abrite la planète, 97,2 % sont constitués des eaux salées inutilisables pour les activités humaines ; des 2,8 % restant, 2,15 % sont « piégés » dans les glaces polaires ; reste 0,65 %, dont 0,62 % sous forme souterraine. Le cycle de l’eau assure un niveau de précipitation terrestre d’environ 113 000 km³ par an, dont il faut soustraire 72 000 km³ d’évaporation pour obtenir le flux net disponible ; du total restant, 32 900 km³ sont considérés comme géographiquement accessibles, mais il faut également tenir compte du moment auquel ont lieu ces précipitations. La plupart sont concentrées sur des périodes de temps réduites et donnent lieu à des inondations ; restent 9 000 km³ effectivement accessibles ; si l’on ajoute les eaux de précipitation retenues en barrages, on compte finalement 12 500 km³ d’eau douce disponibles chaque année pour les usages humains, ce qui représente plus de 5 000 litres par personne et par jour au plan mondial, les plus gros utilisateurs (les Américains) n’en prélevant « que » 1 800 litres quotidiennement. Ces chiffres pourraient donner l’impression que l’eau est surabondante, mais sa répartition inégale au plan international ou intra-national en fait une ressource inaccessible pour une grande partie de la population mondiale : 9 pays se partagent 60 % des ressources en eau douce (le Brésil, la Colombie, la Russie, l’Inde, le Canada, les États-Unis, l’Indonésie, le Congo et la Chine), alors que l’on trouve dans certains pays considérés comme abondants en eau des régions dévastées par le manque d’eau (en Inde par exemple).

5La troisième caractéristique de l’eau, la disponibilité en quantités fixes à l’échelle planétaire, oblige à considérer la notion d’offre d’eau comme une réalité géophysique autant qu’économique. La réalité géophysique est dictée par les lois de conservation qui font que la ressource ne peut être détruite ni créée, et que son renouvellement « infini » est assuré par le cycle de l’eau. À cela, il faut ajouter que l’eau peut se conserver sous des formes évolutives, et que ces dernières peuvent modifier l’accessibilité à l’eau. De ce point de vue, le changement climatique jouera très probablement un rôle décisif (et négatif) dans la disponibilité future en eau, dans la mesure où le cycle de l’eau est un système parmi les plus sensibles au phénomène, avec des impacts sur l’accessibilité à l’eau douce, la qualité de l’eau disponible et le potentiel destructeur de l’eau par le biais de la multiplication des épisodes climatiques extrêmes [1]
[1]
Voir Kundzewicz Z. W., L. J. Mata, N. W. Arnell, P. Döll, B.…. La réalité économique est que l’offre d’eau ne peut réagir aux signaux de marché comme c’est le cas pour toutes les autres ressources primaires : l’ajustement de l’offre d’eau ne peut se faire qu’à la marge, par un moindre gaspillage et une meilleure utilisation de la ressource disponible (augmentation de la productivité de l’utilisation d’eau). Il existe cependant une exception à cette « loi » économique dictée par des contraintes géophysiques : le dessalement de l’eau, qui permettrait effectivement d’augmenter la disponibilité d’eau douce presque indéfiniment (et qui jouerait en quelque sorte le même rôle que le développement des énergies renouvelables dans un autre domaine).

6Si l’offre d’eau peut être considérée à bien des égards comme fixe, c’est du côté de la demande que l’on trouve les principales explications de la raréfaction de la ressource. Celle-ci a évolué au cours des dernières décennies sous l’impact principalement de la croissance démographique et de l’augmentation des niveaux de vie. La croissance démographique a été autorisée par – et a dans le même temps entraîné – une forte augmentation des surfaces irriguées pour les activités agricoles : celles-ci ont été multipliées par deux en 60 ans, alors que la quantité d’eau utilisée par les activités agricoles a été multipliée par trois. Par ailleurs, de plus en plus de consommateurs sont devenus de plus en plus gourmands en eau, dans les pays riches bien entendu, mais de plus en plus dans les pays émergents avec le développement des classes moyennes : avec près de deux milliards de personnes sur le point d’accéder au statut de classe moyenne, la consommation d’eau ne peut qu’augmenter, même pour une population stagnante, du fait du changement de régime alimentaire. Il faut en effet quatre fois plus d’eau pour produire un kilo de bœuf en comparaison d’un kilo de poulet, et cinq fois plus d’eau pour produire un verre de jus d’orange par rapport à une tasse de thé.

7L’agriculture est encore de loin le secteur le plus demandeur en eau, puisqu’il contribue pour 70 % des prélèvements et 93 % de la consommation globale [2]
[2]
Les prélèvements correspondent aux quantités d’eau que les…, essentiellement dans les pays en développement où l’agriculture demeure une activité majeure. Elle est de ce point de vue le secteur le plus problématique pour la gestion des ressources en eau : la demande croissante dans le secteur agricole est de moins en moins satisfaite par l’usage des eaux de pluie et de surface, mais de plus en plus par des prélèvements souterrains, qui mènent souvent à l’épuisement de la ressource [3]
[3]
Et dans des cas extrêmes à des situations catastrophiques,….

8Mais avec l’augmentation des niveaux de vie un peu partout dans le monde, les deux autres catégories de prélèvements, pour l’industrie et les activités domestiques, voient leur part augmenter. Elles ne comptent respectivement que pour 22 % et 8 % des prélèvements globaux, mais leur augmentation a été deux fois plus rapide que pour l’agriculture au cours de la deuxième moitié du xxe siècle.

9Le bilan de ces évolutions est que les prélèvements en eau ont augmenté deux fois plus vite que la population mondiale au cours du xxe siècle. Et étant donné les tendances de croissance économique et d’amélioration de la productivité de l’utilisation de l’eau à l’échelle globale, on prévoit que l’écart entre l’offre et la demande sera de 40 % d’ici 2030 [4]
[4]
Voir le rapport du 2030 Water Resources Group, Charting our…. Il n’existe pas de courbe de Kuznets pour l’accessibilité aux ressources en eau [5]
[5]
La courbe de Kuznets en U inversé implique que certains…, mais au contraire une empreinte écologique en la matière très étroitement liée au niveau de développement [6]
[6]
Voir Hoekstra A. Y. et A. K. Chapagain, “Water footprints of….

10Parler de raréfaction de la ressource en eau de manière générale n’a pas grand sens : parmi les caractéristiques de l’eau et problématiques qui en découlent, une des plus significatives est le caractère local et temporel de sa disponibilité. Celle-ci est fonction de paramètres très contextuels, mélange de caractéristiques géophysiques, climatiques, démographiques et socio-économiques, qui contribuent à faire de l’eau une ressource extraordinairement mal répartie dans le monde et dont la gestion repose sur des paramètres essentiellement locaux : comme indiqué précédemment, 9 pays se partagent 60 % des ressources en eau douce, mais on compte parmi eux les deux pays les plus peuplés, la Chine et l’Inde, qui doivent se partager 10 % de la ressource pour près d’un tiers de la population mondiale ; les pays à climat non tempéré souffrent de l’irrégularité des précipitations [7]
[7]
Les prélèvements pour les activités agricoles représentent 3 %… et de leur caractère souvent excessif ; les pays pauvres ou en développement dépendent beaucoup plus des activités agricoles que les autres [8]
[8]
95 % de la population active au Bhoutan pour le cas extrême,…, et l’agriculture est de loin le secteur le plus consommateur d’eau comme indiqué plus haut ; dans certaines zones, les difficultés viennent du manque de moyens d’exploitation rationnelle de la ressource disponible (seulement 4 % des surfaces cultivées sont irriguées en Afrique subsaharienne, malgré le fait que le continent bénéficie de larges quantités d’eau de surface et souterraine inexploitées) ; les problématiques de l’eau en zone urbaine sont très différentes de celles en zone rurale, ne serait-ce que pour des raisons de détérioration de la qualité de la ressource dans les zones densément peuplées ; etc.

11Enfin, le problème de l’accès à l’eau est plus qualitatif que quantitatif [9]
[9]
C’est même pour certains auteurs le paramètre dominant pour le…. La pollution de l’eau est un problème clé de la gestion de la ressource. Celle-ci est souvent défectueuse par défaut de systèmes de collecte et de purification/évacuation des eaux usées ou d’infrastructures de stockage d’eau propre à la consommation. Les conséquences sont malheureusement bien connues : manque d’hygiène basique entraînant son cortège de surmortalité infantile, morbidité et malnutrition [10]
[10]
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la moitié des…. Les difficultés d’accès à l’eau propre (qui concernent près d’un être humain sur deux) sont la première cause de mortalité dans le monde, avec un triste bilan de près de 3,6 millions de personnes par an. Les gestes les plus simples, comme se laver les mains pour éviter la transmission de maladies infectieuses, deviennent ainsi des enjeux majeurs de développement. Le problème se pose avec une acuité particulière dans les zones urbaines en rapide expansion dans les pays en développement, où les infrastructures ne peuvent pas suivre l’explosion des besoins. Une des conséquences est que les pays émergents sont parmi les principaux consommateurs d’eau en bouteille après les États-Unis (le Mexique, la Chine, le Brésil et l’Indonésie faisant partie des dix premiers consommateurs), alors qu’il s’agit de la forme d’accès à l’eau potable la plus chère.

12Mais le problème de la qualité de l’eau est l’affaire de tous, en considérant schématiquement que le développement économique s’est fait sur la base de la détérioration de la qualité de l’eau dans les pays riches (essentiellement par pollution des sols du fait de l’énorme augmentation de la productivité agricole autorisée par l’usage des engrais et pesticides), ou que le sous-développement aggrave ces problèmes de détérioration par manque de moyens d’y faire face.

Un problème de gestion de ressource
13Si l’on combine l’ensemble des paramètres déterminant les conditions d’articulation entre l’offre et la demande d’eau, on parvient finalement à la conclusion que le problème de l’accès à l’eau est essentiellement un problème de développement. La population mondiale augmente encore surtout dans les pays en développement, puisant dans un stock d’eau au mieux constant, la plupart du temps dans des régions déjà mal dotées en eau pour des raisons climatiques et géologiques. La quantité d’eau accessible n’est pas le seul enjeu, puisque la mauvaise qualité de l’eau pose des problèmes au moins aussi graves. Ces éléments font que les situations de pénurie les plus sérieuses se trouvent dans les zones arides, fortement peuplées… et pauvres, c’est-à-dire incapables de fournir les efforts d’investissement indispensables pour assurer la disponibilité d’une eau propre. En conséquence de quoi les situations dites de stress hydrique se trouvent essentiellement dans les pays en développement ou émergents situés dans les zones tropicales et équatoriales [11]
[11]
Les situations de stress hydrique sont définies en référence à…. La situation ne devrait pas s’améliorer, puisqu’il est prévu que la proportion de personnes vivant dans des pays en pénurie d’eau, qui était de 8 % au début du xxie siècle, passe à 45 % en 2050 [12]
[12]
Voir OCDE, Perspectives de l’environnement de l’OCDE à….

14En déduire que les difficultés d’accès à l’eau sont la cause même du sous-développement est une autre affaire, de même qu’établir un lien causal entre climat, géologie et sous-développement. C’est ce que propose la thèse de la trappe à pauvreté, selon laquelle les pays en développement voient leurs capacités de décollage économique bloquées par des facteurs objectifs et repérables tels que le manque d’épargne, le caractère endémique des maladies tropicales, la faiblesse des infrastructures collectives, les difficultés d’accès à l’eau… qui finissent par créer un cercle vicieux de sous-développement dont il est impossible de sortir par ses propres moyens [13]
[13]
Voir Sachs Jeffrey D., John W. McArthur, Guido Schmidt-Traub,…. Il est certain que l’eau est la clé de la sécurité alimentaire et de la réduction de la pauvreté, dans la mesure où près de 80 % des situations d’urgence alimentaire sont créées par des épisodes de sécheresse ou d’inondation, autrement dit de manque ou d’excès d’eau, et que le continent africain est le plus touché en la matière. Il est également évident que les facteurs climatiques jouent un rôle décisif dans ces événements. Mais ces facteurs doivent davantage être considérés comme des circonstances aggravant des situations de sous-développement qui accompagnent souvent les problèmes d’accès à l’eau, plutôt que comme des causes ultimes de sous-développement. La relation entre les ressources en eau et la mobilisation des eaux d’une part, le développement socio-économique et le niveau de vie d’autre part, n’est ni simple ni à sens unique. Elle est biunivoque et interactive. Le développement socio-économique facilite et permet la maîtrise et la mobilisation des eaux ; il crée les moyens de satisfaire les besoins en eau qu’il engendre, y compris par les recours aux palliatifs à la raréfaction des disponibilités, autant, sinon plus, que les utilisations d’eau contribuent au développement. En somme, la rareté des ressources en eau n’est un facteur limitant du développement que conjointement avec d’autres causes du sous-développement. Il ne s’agit pas d’en déduire que les situations de stress hydrique sont à relativiser, mais que ces situations sont associées à des difficultés multiples de faire face à la pénurie d’eau, et que ces difficultés sont souvent intimement liées au sous-développement. La conclusion positive que l’on peut tirer de ce constat est que la problématique de l’accès à l’eau est essentiellement une problématique de gestion de ressource rare, et qu’il n’y a pas de fatalité en la matière. On peut illustrer schématiquement cette problématique par le cas du Népal, pays riche en eau, mais l’un des moins bien classés dans les indicateurs mondiaux de performance d’accès à l’eau potable ou d’exploitation du potentiel hydrologique [14]
[14]
Voir http://go.worldbank.org/4IZG6P9JI0.. Ou a contrario par le cas de Singapour, pays en stress hydrique élevé dont l’essentiel des ressources en eau est importé de Malaisie, et qui a mis au point une stratégie efficace de rationnement de la ressource [15]
[15]
Voir Tortajada Cecilia, “Water management in Singapore”, in :….

15On peut faire le même constat à propos de ce qu’il est convenu d’appeler les conflits de l’eau, autrement dit les situations de conflits politiques internationaux ou intra-nationaux (entre l’Arizona et le Colorado en 1935 par exemple) suscitées par les difficultés d’accès à l’eau. La liste des types de conflit dans ce domaine est longue : ils peuvent venir de tensions concernant directement l’accès aux ressources en eau, de l’utilisation de l’eau ou des systèmes hydrologiques comme arme de guerre, de l’utilisation de l’eau comme moyen de pression politique, etc. Il en est de même de la liste des conflits eux-mêmes répertoriés historiquement [16]
[16]
Voir le site du Pacific Institute in California pour une liste…. Mais de même que les difficultés d’accès à l’eau ne devraient pas être retenues comme causes ultimes du sous-développement, elles ne doivent pas être considérées comme facteurs déclencheurs de conflits politiques. Ceux-ci trouvent leurs origines ailleurs, et peuvent être alimentés par des considérations en rapport avec l’accès à l’eau. Pour le dire autrement, on trouve des situations de conflits sur les ressources en eau dans toutes les régions du monde, et l’on constate que ces conflits débouchent sur la violence dans les cas où la gestion pacifique des tensions n’est pas encore envisageable. La conclusion qu’il faut en tirer n’est pas que les pays risquent d’entrer en conflit armé pour l’accès à l’eau, mais que l’accès à l’eau risque d’entrer en considération dans les situations de conflits violents. Israéliens et Palestiniens ont toutes les raisons d’être en conflit pour l’accès à l’eau dans leur région marquée par un stress hydrique élevé [17]
[17]
Et Israël exerce une pression impitoyable en la matière, avec…, les pays européens ont mis au point un arsenal juridique complexe pour gérer pacifiquement les situations de conflit dans ce domaine [18]
[18]
Voir Sohnle Jochen, « Le dispositif juridique de l’Europe pour….
16La conclusion qu’il faut tirer de ces constats est qu’en toutes circonstances, les problèmes de développement ou de conflits suscités par les difficultés d’accès à l’eau sont des problèmes de gestion de ressource rare davantage que de disponibilité de la ressource. Ces problèmes prennent des formes diverses selon les situations en question : il peut s’agir de manque d’investissement en infrastructures pour améliorer l’accès à l’eau, de manque de coopération dans la gestion transfrontalière des ressources en eau, de gaspillages dans les utilisations diverses de la ressource… Toutes ces situations exigent que soient identifiées clairement les causes des difficultés d’accès à l’eau, afin de pouvoir concevoir les solutions appropriées à chaque cas.

Quelles solutions ?
17Assez étrangement, il a fallu attendre la conférence internationale sur l’eau de Dublin en 1992 pour que l’eau soit reconnue comme un bien économique par la communauté internationale. Il tombe pourtant sous le sens que, de même que n’importe quelle autre ressource rare, l’eau doit faire l’objet d’une gestion rationnelle à même de rendre compatibles les offres et les demandes de la ressource. L’explication de cet anachronisme réside probablement dans le fait qu’étant une ressource indispensable à la vie, on pense d’abord à l’eau comme un droit dont aucun être humain ne devrait être privé. Et de fait, la communauté internationale reconnaît également l’accès à l’eau comme un droit de l’homme qu’il convient de protéger [19]
[19]
Officiellement depuis le 28 juillet 2010 par une résolution de…. Cette exigence noble n’enlève rien à la caractéristique fondamentale de l’eau d’être un bien économique comme un autre, mais permet de centrer la problématique sur les usages de l’eau les plus essentiels, et en fait vitaux (une infime partie de l’usage global de l’eau à l’échelle planétaire). Ce qui doit nous amener à toujours considérer l’exigence de solidarité dans les solutions imaginées pour résoudre les difficultés d’accès à l’eau, surtout lorsque les plus pauvres et les plus faibles sont concernés. Dans ce domaine comme dans bien d’autres, on constate en effet que les riches s’en sortent souvent mieux que les pauvres lorsqu’il est question d’accéder à une ressource rare.

18Concilier exigence de solidarité et rationalité dans la gestion de la ressource en eau n’a aucune raison de soulever des problèmes insurmontables : il faut, lorsque les circonstances l’ordonnent, consacrer à la redistribution vers les plus nécessiteux une partie des ressources préservées grâce à une bonne gestion. Encore faut-il que celle-ci soit bien établie.
La gestion par l’offre
19Les pistes en la matière sont nombreuses, et il ne peut en être autrement pour un problème aussi complexe que la gestion de l’eau. Pour clarifier les choses, il faut commencer par distinguer la gestion de l’offre et celle de la demande. L’offre d’eau étant globalement fixe comme nous l’avons précisé précédemment, l’approche par l’offre ne peut reposer que sur l’amélioration de l’accès aux quantités d’eau disponibles [20]
[20]
Pour un panorama complet des solutions envisageables, voir…. Les possibilités techniques sont les suivantes : augmentation de l’accès aux ressources en eau conventionnelles, par augmentation des capacités de stockage des flux (barrages et systèmes locaux de stockage des eaux de pluie pour l’essentiel) ou meilleure gestion des stocks disponibles (principalement les eaux souterraines et aquifères ayant fait l’objet d’une surexploitation grandissante au cours des dernières décennies) ; meilleur recyclage de la ressource de manière à optimiser son utilisation et éviter les gaspillages ; contrôle de la pollution des eaux pour augmenter les quantités disponibles pour les usages humains et réduire les coûts de traitement ; transferts de ressources entre bassins fluviaux ; dessalement de l’eau de mer.

20L’application de ces techniques n’a bien entendu de sens qu’à l’échelle où se posent les problèmes, autrement dit au plan local pour ce qui concerne la gestion de l’eau. Le potentiel technique des solutions est intimement lié aux circonstances locales de l’utilisation de la ressource, de sorte qu’il faut une étude de terrain pour pouvoir dire quoi que ce soit dans un contexte particulier [21]
[21]
Pour une application de ce principe au cas de l’Inde, voir 2030…. Il se dégage néanmoins des tendances générales à ce sujet. Le dessalement de l’eau de mer est par exemple une solution pour le moment trop coûteuse dans de nombreux contextes (malgré une division du coût par quatre au cours des deux dernières décennies), mais la technique commence progressivement à se répandre au-delà des pays pour lesquels les considérations financières et écologiques n’ont jamais vraiment compté pour adopter cette solution, essentiellement les pays du golfe investissant leur énorme rente pétrolière dans des usines de dessalement. La technique est donc désormais répandue notamment en Australie, en Californie ou en Espagne, mais reste limitée à des zones riches exposées à un stress hydrique élevé [22]
[22]
Voir Salomon J., « Le dessalement de l’eau de mer est-il une…. Ce n’est qu’à long terme que l’on peut espérer son développement à une échelle plus importante, peut-être associée aux panneaux solaires pour apporter l’énergie nécessaire à son application.

21De même, le transport de l’eau pour rééquilibrer l’offre aux échelons locaux n’est pas une solution réaliste au plan global : les coûts de transport sont trop élevés, surtout pour les bénéficiaires potentiels qui se situeraient dans des pays en développement. Un marché mondial de l’eau comparable à celui du pétrole n’est donc pas pour demain. Il est par contre envisageable d’acheminer l’eau par des infrastructures adaptées, solution pratiquée d’ailleurs depuis des millénaires, mais réaliste à des échelles réduites uniquement, et donc pas en mesure de résoudre tous les problèmes d’inégalité d’accès à l’eau, surtout si l’on considère le coût des infrastructures. Une technique qui fait son chemin, principalement dans les pays en développement, est le recyclage de l’eau, qui consiste par exemple à utiliser les eaux rejetées par les activités urbaines pour alimenter en aval les activités agricoles [23]
[23]
Voir FAO, Water at a glance : The relationship between water,….

22Cette gestion intégrée de l’eau présente de nombreux avantages : elle permet de fournir de l’eau régulièrement aux agriculteurs et de moins faire dépendre leurs activités des aléas climatiques ; elle contribue à créer de l’activité et de l’emploi urbain ; elle permet de réduire en aval le niveau de pollution de l’eau rejetée par les villes. Mais cette technique implique que les activités agricoles se situent en périphérie des zones urbaines, et sa mise en œuvre repose sur une capacité de planification urbaine et une appropriation par les populations locales qui exigent un long processus d’apprentissage.

La gestion par la demande
23Les possibilités d’amélioration de la gestion de l’eau par la demande reposent sur un principe global : orienter l’eau vers une utilisation optimale, ce qui sur un plan strictement théorique devrait conduire à égaliser la valeur d’une unité marginale d’eau pour tous les utilisateurs potentiels [24]
[24]
Voir FAO FAO, Coping with water scarcity : An action framework…. Égaliser les valeurs marginales de toutes les utilisations potentielles de l’eau est bien évidemment un objectif parfaitement utopique, mais le principe qui en découle et selon lequel il faut encourager les acteurs concernés à faire l’usage le plus « productif » possible de la ressource lorsqu’elle se raréfie procède du simple bon sens. Il existe principalement deux moyens d’y parvenir : inciter les utilisateurs à faire un usage plus efficace de l’eau ; encourager des transferts de la ressource des usages les moins bénéfiques vers ceux dont les « rendements » sont plus élevés.

24Un usage plus efficace de l’eau consiste en gros à augmenter la productivité de l’utilisation de la ressource, autrement dit à augmenter la capacité de création de richesse pour une quantité d’eau utilisée. Cela peut se faire en limitant les pertes subies par fuite et percolation lors de l’acheminement de l’eau par des réseaux urbains, ou en réduisant les gaspillages dus à une utilisation inappropriée de la ressource dans des processus agricoles ou industriels. La piste la plus prometteuse en la matière semble être la hausse de la productivité agricole par une meilleure utilisation de l’eau grâce au changement de techniques d’irrigation, à la minimisation du phénomène d’évapotranspiration qui accompagne la croissance des végétaux, et à la création de variétés plus résistantes au manque d’eau [25]
[25]
Voir Falkenmark M. et J. Rockström, “The new blue and green…. C’est dans les pays en développement dépendants davantage des activités agricoles et où les techniques agricoles sont les moins productives que le potentiel d’amélioration est le plus élevé. Les techniques d’irrigation en particulier peuvent faire une différence énorme en matière de rendements : l’emploi de l’irrigation double les rendements agricoles les plus élevés par rapport à l’utilisation des eaux de pluie ; après l’échec des projets d’irrigation à grande échelle dans les pays en développement, l’accent est désormais mis sur les technologies simples à l’échelle locale, plus faciles à approprier et moins chères [26]
[26]
Voir Sachs et al. (2004, p. 26-27)..

25L’agriculture est une activité essentielle, surtout dans les pays en développement, mais elle ne génère pas les utilisations des ressources en eau les plus lucratives : l’industrie crée en moyenne 70 fois plus de valeur par litre d’eau que l’agriculture. Cela explique qu’elle constitue l’essentiel des prélèvements d’eau dans les pays riches. Une autre caractéristique est que l’eau pour l’industrie constitue véritablement un coût de production, dans la mesure où les industriels paient généralement l’eau qu’ils utilisent, à la différence des agriculteurs qui bénéficient d’une ressource gratuite. Le résultat logique est que les incitations à améliorer la productivité des utilisations de l’eau sont beaucoup plus fortes dans l’industrie que dans l’agriculture, et de fait cette productivité a fortement augmenté dans les pays industrialisés au cours des dernières décennies, et son amélioration fait partie des stratégies de nombreuses entreprises privées [27]
[27]
Voir The Economist, For want of a drink – À special report on….

26La réallocation des ressources en eau des usages les moins bénéfiques vers ceux dont les « rendements » sont plus élevés repose sur un arsenal d’instruments de marché et d’approches réglementaires. Le principe général est qu’une fois les usages essentiels de l’eau pour les besoins de subsistance couverts, il convient d’orienter la ressource vers les usages les plus « productifs ». C’est habituellement le système de prix qui joue ce rôle dans les économies de marché. Mais l’eau est bien souvent une ressource sans prix, accessible librement et prélevée sans avoir d’idée précise des quantités effectivement utilisées [28]
[28]
On compte en Inde 20 millions d’utilisateurs de puits…. On estime que globalement l’eau est tarifée à hauteur de 10 à 50 % des coûts d’exploitation et de maintenance des systèmes de distribution, et cela représente à nouveau 10 à 50 % de la valeur de l’eau en termes de productivité agricole. Le résultat est qu’il faudrait multiplier le prix de l’eau par un facteur compris dans une fourchette de 4 à 100 selon le contexte pour équilibrer l’offre et la demande d’eau, une mesure politiquement suicidaire. La « vérité des prix » est difficile à mettre en œuvre dans ce domaine pour d’autres raisons [29]
[29]
Voir Baechler Laurent, « Le prix de l’eau », in : L’eau :… : une eau tarifée deviendrait inaccessible pour les plus pauvres qui sont en général les plus nécessiteux ; le prix de l’eau aurait du mal à refléter les coûts environnementaux et la valeur d’existence de la ressource (ce que les économistes appellent des externalités que le marché ne peut pas prendre en compte) ; la multiplicité des usages de l’eau fait qu’un prix aurait du mal à refléter correctement les coûts de ces usages. Finalement, si la tarification de l’eau est de manière générale souhaitable pour éviter la surexploitation de la ressource, elle est pratiquement difficile à mettre en œuvre et n’est pas toujours le moyen le mieux approprié pour faire face aux problèmes d’allocation efficace de la ressource [30]
[30]
Voir Perry Chris, Pricing savings, valuing losses and measuring….

27Le fait que l’eau soit dans bien des cas accessible librement révèle une autre source de dysfonctionnement générant l’épuisement de la ressource : l’absence de droits de propriété ou d’usage clairement identifiés. C’est à nouveau dans le domaine agricole et pour les usages domestiques que le problème se pose avec le plus d’acuité. Les solutions résident dans la définition et la répartition de droits d’usage clairement établis, à l’échelle d’exploitation de la ressource, avec la participation active des populations locales concernées au premier chef [31]
[31]
Ostrom (2010 pour la traduction française) propose un tour…. Dans des contextes où les institutions concernées ont atteint un degré de maturité suffisant, il est même envisageable de voir émerger un marché de droits négociables, où les offres et les demandes s‘articulent de manière à orienter ces droits vers les usages de l’eau les plus productifs. Les exemples les plus significatifs se trouvent dans l’ouest des États-Unis et en Australie, où le « Murray-Darling basin system » a déjà permis de traverser des périodes de sécheresse sans perturber significativement la production agricole [32]
[32]
Voir Gleick Peter H., The World’s Water (vol 7), Pacific….

28Réorienter la ressource en eau vers des usages plus « productifs » peut passer par des dispositifs plus originaux. Une approche récente et prometteuse, introduite au début des années 90, est l’échange international d’« eau virtuelle », entendue comme la quantité d’eau incorporée implicitement dans les processus de production et de distribution des produits consommés partout dans le monde [33]
[33]
Voir Hoekstra A. Y., Virtual water trade : Proceedings of the…. On peut voir l’idée comme une extension du fameux principe des avantages comparatifs identifié il y a près de deux siècles par David Ricardo : l’eau doit s’échanger internationalement par l’intermédiaire des biens qu’elle contribue à produire, et de manière à ce que les ressources en eau puissent aller vers les usages dans le monde qui la valorisent le plus. La mise en œuvre du principe repose avant toute chose sur l’identification des empreintes en eau (version alternative du principe d’empreinte écologique) des produits concernés, de manière à pouvoir dégager le potentiel d’échange international qu’ils génèrent, mais surtout sur la capacité des marchés et des acteurs à reconnaître le principe comme opératoire, ce qui est loin d’être acquis. Une limite parmi d’autres est que les États sont très réticents à faire intervenir le jeu des avantages comparatifs dans l’allocation des produits agricoles, l’autonomie alimentaire restant un objectif stratégique clé.

29N’oublions pas pour terminer le potentiel de mesures simples comme la réduction des subventions à l’utilisation de l’eau qui, avec la tarification de la ressource dans certains cas, permettraient de réduire facilement les gaspillages [34]
[34]
L’Arabie saoudite utilise ses ressources en eau et en pétrole….

Les conflits de l’eau
30Comme indiqué précédemment, les conflits de l’eau peuvent être perçus comme des situations de concurrence sur l’allocation de la ressource qui ne peuvent être gérées pacifiquement pour des raisons politiques dont les origines ne sont pas nécessairement en rapport avec le problème de l’eau lui-même. Ces conflits apparaissent généralement à l’occasion de l’exploitation des ressources de bassins fluviaux ou d’aquifères transfrontaliers. Quoi qu’il en soit, ces situations exigent une forme de coopération internationale ou interrégionale pour éviter les conflits violents. Cette coopération est par définition difficile à obtenir, car les situations s’apparentent généralement à des jeux à somme nulle (lorsqu’un pays exploite en amont le potentiel hydroélectrique d’un fleuve au détriment d’un autre pays en aval), ou à des cas de tragédie des communs (lorsqu’il s’agit d’exploiter un aquifère transfrontalier) où les incitations à coopérer sont faibles. On compte cependant un certain nombre de succès relatifs en la matière, comme dans les cas du Nil ou du Mékong. Tout l’enjeu des négociations dans ces situations conflictuelles repose sur les moyens d’augmenter et de partager les bénéfices de l’exploitation de la ressource. Dans certains cas, il est possible de démontrer qu’une gestion appropriée des ressources concernées permet de générer des gains que peuvent se partager les partenaires potentiels d’un accord international [35]
[35]
Voir Whittington Dale, Xun Wu et Claudia Sadoff, “Water…. Dans bien d’autres cas, conflit et coopération sont intimement mêlés et rendent la situation plus difficilement gérable [36]
[36]
Voir Zeitoun Mark et Naho Mirumachi, “Transboundary water….

Quels acteurs ?
31La complexité du problème de l’eau vient de ce que la disponibilité de la ressource est déterminée par des processus naturels globaux, alors que les utilisations qui en sont faites résultent d’une multitude de comportements locaux non coordonnés. Les politiques de l’eau doivent donc relever le défi d’articuler cette nécessité d’envisager une conception globale de la gestion de la ressource avec la nécessité d’impliquer les acteurs concernés à l’échelle la plus efficace. Une problématique bien différente de celle que l’on trouve par exemple dans le cas climatique, où les émissions de gaz à effet de serre ont les mêmes impacts environnementaux d’où qu’elles viennent, ce qui permet de concevoir des politiques à l’échelle globale en tirant parti notamment des différences de coûts de réduction des émissions entre pays ou acteurs individuels [37]
[37]
Ce que fait par exemple le mécanisme de développement propre du….

32En conséquence de la nécessité d’envisager une conception globale de la gestion de l’eau, de plus en plus d’experts se prononcent pour une vision à l’échelle des systèmes hydrologiques naturels (bassins fluviaux, aquifères…) pour respecter les équilibres globaux de la ressource et éviter les incompatibilités entre interventions ponctuelles. Par ailleurs, on préconise de plus en plus que les modes d’intervention permettent une adaptation aux changements de paramètres des situations locales, qui peuvent être dus par exemple au changement climatique comme évoqué précédemment [38]
[38]
Voir Pahl-Wostl Claudia, “Transitions towards adaptive…. En conséquence de la nécessité d’impliquer les acteurs concernés à l’échelle la plus efficace, la priorité est de tenir compte des interactions entre systèmes écologiques et économiques, ainsi qu’entre les différentes parties prenantes, de manière à optimiser la valeur économique et sociale de l’eau [39]
[39]
Voir Jonch-Clausen Torkil, Integrated water resources…. Les maîtres mots en la matière sont gestion adaptative (Adaptative Management), simulation multi-agents et gestion intégrée des ressources en eau (Integrated Water Resources Management) [40]
[40]
Voir Medema Wietske, B. S. McIntosh et P. J. Jeffrey, “From…. Tous ces principes participent du même objectif d’identifier les problèmes d’action collective associés à la gestion de l’eau en rapport avec les caractéristiques techniques de disponibilité de la ressource [41]
[41]
Voir Berger Thomas, Regina Birner, José Diaz, Nancy McCarthy et….

33Comment passer des principes à la mise en œuvre ? Tout dépend du contexte, des acteurs impliqués et du problème à résoudre. Le cas par cas s’impose en la matière. Dans l’espace urbain où l’accès à l’eau dépend principalement d’infrastructures d’adduction et d’épuration de la ressource, la priorité est souvent à la construction et à l’entretien de ces infrastructures. Les besoins financiers en la matière sont énormes : ils sont estimés à 22 600 milliards de dollars entre 2005 et 2030 dans le monde entier. L’aide internationale aux pays en difficulté est primordiale pour couvrir ces besoins. Mais on ne peut imaginer se passer du rôle des acteurs privés pour accomplir une tâche aussi titanesque. Cela peut se concevoir dans le cadre de partenariats public-privé qui connaissent un regain d’intérêt depuis deux décennies, ou dans le cadre de la privatisation d’infrastructures, ce qui permet d’alléger les budgets publics. Le rôle des compagnies privées de l’eau est très controversé, voire combattu, mais il peut être utile sous certaines réserves, et doit en tout état de cause faire l’objet de contrôles de manière à éviter les impacts sociaux et environnementaux les plus indésirables [42]
[42]
Voir Gleick Peter H., Gary Wolff, Elizabeth L. Chalecki et….

34Dans l’espace rural où le problème est principalement l’exploitation de l’eau pour des usages agricoles ou domestiques, l’implication des acteurs locaux est essentielle, d’autant que ce sont eux qui détiennent les connaissances relatives aux techniques les plus efficaces pour gérer la ressource. On sait mieux depuis les travaux d’Elinor Ostrom [43]
[43]
Elinor Ostrom, op. cit., 2010. à quel point réduire la problématique de gestion des ressources communes à une opposition entre approche par les mécanismes de marché et approche par la régulation publique est simpliste et éloigné de bien des réalités. Dans le domaine de l’eau, il convient d’étudier les solutions locales imaginées par les populations concernées pour gérer les problèmes d’accès à la ressource, qu’il s’agisse de solutions institutionnelles ou techniques, de manière à s’inspirer des expériences réussies dans d’autres contextes comparables [44]
[44]
Voir Van Koppen Barbara, Mark Giordano, John Butterworth et…. C’est la voie de plus en plus empruntée par les organisations internationales de développement et les organisations non gouvernementales afin d’améliorer l’articulation entre les comportements locaux et les interventions de la puissance publique pour la gestion de l’eau.
35Dans bien des cas cependant les moyens financiers et techniques ainsi que l’expertise manquent aux populations locales, évidemment surtout dans les pays en développement. La coopération internationale est alors cruciale pour amorcer le processus de développement [45]
[45]
Voir Banque mondiale, Strengthen, Secure, Sustain, Water…. Dans cette perspective, le développement de l’accès à l’eau propre figure en bonne place dans les objectifs du millénaire pour le développement de la Banque Mondiale. Mais l’aide internationale sans l’appropriation des politiques mises en œuvre par les autorités locales ne sert pas à grand-chose. Le problème ne se pose d’ailleurs pas que dans le cadre de l’aide aux pays en développement, mais de manière générale pour les politiques de l’eau partout dans le monde : la problématique de l’eau souffre cruellement d’un manque d’attractivité pour les politiciens et autres décideurs : elle nécessite une approche à long terme, peu compatible avec le rythme des cycles électoraux ; elle intéresse peu les électeurs qui ne perçoivent pas les problèmes de l’eau ou bénéficient d’un accès à l’eau subventionné ; les résultats des mesures adoptées ne se voient pas (des infrastructures enfouies, des systèmes d’irrigation en zone rurale…), et leur bénéfice politique est donc maigre en regard des coûts qui sont eux gigantesques. La problématique de l’eau est éminemment politique [46]
[46]
Voir Mollinga Peter P., « Water, politics and development :… et sociale, bien davantage que technique, et cela implique des processus longs d’apprentissage et d’appropriation des bonnes pratiques [47]
[47]
Voir Pahl-Wostl Claudia, Marc Craps, Art Dewulf, Erik Mostert,….

Conclusion
36Il ne fait pas de doute que parmi les nombreux défis du développement durable, l’accès à l’eau figure parmi les plus cruciaux, tant la ressource est vitale. La dimension environnementale du défi est évidente : il s’agit de préserver une ressource menacée non pas tant d’épuisement que de détérioration de sa qualité, et ce dans la perspective de pouvoir en garantir l’accès à une population mondiale amenée à augmenter pendant encore plusieurs décennies. La dimension économique ne l’est pas moins : l’accès à l’eau est un paramètre clé du développement, et donc encore trop souvent un obstacle majeur en la matière, évidemment surtout dans les pays pauvres dont la croissance repose encore beaucoup sur les activités agricoles fortement consommatrices d’eau. La dimension sociale enfin ne doit pas être sous-estimée : l’accès à l’eau donne lieu à des inégalités de toutes sortes, entre pays ayant la maîtrise de la ressource et ceux en étant privés, entre régions abondantes en eau et régions arides, entre riches et pauvres selon les moyens de payer l’accès à la ressource, entre femmes et hommes selon les modalités sociétales de gestion de la ressource localement…

37Les solutions pour faire face à ces nombreux défis sont nécessairement multiples, et doivent être coordonnées de manière à tenir compte des logiques naturelles de reproduction de la ressource. Elles doivent être adaptées au contexte local, exigent de combiner des principes pas toujours faciles à appliquer (vérité des prix, droits d’usage, gestion communautaire), nécessitent la participation de toutes les parties prenantes (populations locales, puissance publique, entreprise…), et ne doivent jamais perdre de vue que les politiques de l’eau doivent articuler autant que faire se peut gestion efficace de la ressource et solidarité envers les plus nécessiteux.

Notes
[1]
Voir Kundzewicz Z. W., L. J. Mata, N. W. Arnell, P. Döll, B. Jimenez, K. Miller, T. Oki, Z. Sen et I. Shiklomanov, “The implications of projected climate change for fresh water resources and their management”, in Hydrological Sciences Journal, 53 : 1, 2008, p. 3-10 ; ainsi que FAO, Coping with water scarcity : An action framework for agriculture and food security, FAO Water Reports, 2008.
[2]
Les prélèvements correspondent aux quantités d’eau que les activités humaines détournent du cycle de l’eau pour les différentes utilisations qui en sont faites ; la consommation est la différence entre les prélèvements et ce qui est restitué au cycle de l’eau. Autrement dit la consommation mesure la partie de la ressource qui n’est plus disponible pour des usages ultérieurs.
[3]
Et dans des cas extrêmes à des situations catastrophiques, comme l’affaissement de la ville de Mexico par épuisement de la nappe souterraine qui alimente la ville.
[4]
Voir le rapport du 2030 Water Resources Group, Charting our water future – Economic fameworks to inform decision-making, 2009. p. 11-13.
[5]
La courbe de Kuznets en U inversé implique que certains problèmes environnementaux trouvent leur solution au-delà d’un certain niveau de développement, par accumulation de moyens d’y faire face et augmentation des préoccupations environnementales de populations plus riches. La courbe est avérée pour des problèmes tels que la pollution atmosphérique en milieu urbain.
[6]
Voir Hoekstra A. Y. et A. K. Chapagain, “Water footprints of nations : Water use by people as a function of their consumption pattern”, in Water Resources Management, 2007 (21), p. 35-48.
[7]
Les prélèvements pour les activités agricoles représentent 3 % du total en GB contre 41 % pour les États-Unis.
[8]
95 % de la population active au Bhoutan pour le cas extrême, au-delà de 75 % dans la majeure partie des cas, contre moins de 5 % typiquement dans un pays riche.
[9]
C’est même pour certains auteurs le paramètre dominant pour le développement à long terme. Voir Simonovic Slobodan P., “World water dynamics : global modeling of water resources”, in Journal of Environmental Management, 2002 (00), p. 1-19.
[10]
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la moitié des conséquences de la malnutrition sont causées par des problèmes sanitaires et d’hygiène liés aux difficultés d’accès à l’eau.
[11]
Les situations de stress hydrique sont définies en référence à l’indicateur développé par Malin Falkenmark en 1986, qui établit un niveau minimum de ressources en eau pour assurer une qualité de vie acceptable dans un pays moyennement développé dans une zone aride. En deçà de 1 700 m³ par an et par habitant (4 660 litres par jour), on diagnostique une situation de tensions potentielles entre ressources et besoins. En deçà de 1 000 m³ (2 740 litres par jour), on parle de pénurie chronique. En deçà de 500 m³ (1 370 litres par jour), on considère que la population fait face à une « pénurie absolue » d’eau.
[12]
Voir OCDE, Perspectives de l’environnement de l’OCDE à l’horizon 2050 – Les conséquences de l’inaction (Chap. 5), 2012, pour une perspective globale de ces questions.
[13]
Voir Sachs Jeffrey D., John W. McArthur, Guido Schmidt-Traub, Margaret Kruk, Chandrika Bahadur, Michael Faye et Gordon McCord, Ending Africa’s poverty trap, Brookings Papers on Economic Activity, 2004, p. 117-240.
[14]
Voir http://go.worldbank.org/4IZG6P9JI0.
[15]
Voir Tortajada Cecilia, “Water management in Singapore”, in : International Journal of Water Resources Development, Vol 22 (2), 2006, p. 227-240.
[16]
Voir le site du Pacific Institute in California pour une liste complète des conflits de l’eau à travers l’histoire. http://www.worldwater.org/chronology.html
[17]
Et Israël exerce une pression impitoyable en la matière, avec pour résultat un écart énorme d’accès à l’eau pour les deux populations : selon Amnesty International, les prélèvements d’eau quotidiens palestiniens sont de 70 litres, contre 300 litres en Israël.
[18]
Voir Sohnle Jochen, « Le dispositif juridique de l’Europe pour appréhender les conflits transfrontaliers sur l’eau », in : Lex Electronica, Vol 12, n° 2, automne 2007. http://www.lex-electronica.org/articles/v12-2/sohnle.pdf. Consultable sur http://www.lex-electronica.org/docs/articles_22.pdf.
[19]
Officiellement depuis le 28 juillet 2010 par une résolution de l’Assemblée générale des Nations unies.
[20]
Pour un panorama complet des solutions envisageables, voir Seckler (2003) et FAO (2008, p. 36-38).
[21]
Pour une application de ce principe au cas de l’Inde, voir 2030 Water Resources Group (2009, p. 19).
[22]
Voir Salomon J., « Le dessalement de l’eau de mer est-il une voie d’avenir ? », in : Revista de Geografia et Ordenamenta do Territorio, n° 1 (juin), 2012, p. 237-262.
[23]
Voir FAO, Water at a glance : The relationship between water, agriculture, food security and poverty, FAO Water Reports, 2010. Consultable sur http://www.fao.org/nr/water/docs/FAO_recycling_society_web.pdf.
[24]
Voir FAO FAO, Coping with water scarcity : An action framework for agriculture and food security, FAO Water Reports, 2008, p. 38-41).
[25]
Voir Falkenmark M. et J. Rockström, “The new blue and green water paradigm : Breaking new ground for water resources planning and management”, in Journal of Water Resources Planning and Management, Mai-Juin 2006, p. 129-132.
[26]
Voir Sachs et al. (2004, p. 26-27).
[27]
Voir The Economist, For want of a drink – À special report on water, 22 mai 2010, p. 8-9).
[28]
On compte en Inde 20 millions d’utilisateurs de puits individuels pour les usages domestiques ou agricoles. Il est de fait impossible de comptabiliser les prélèvements d’eau dans ces conditions.
[29]
Voir Baechler Laurent, « Le prix de l’eau », in : L’eau : Enjeux et conflits, Nouveaux Mondes, CRES Ed, 2003, pour une perspective d’ensemble.
[30]
Voir Perry Chris, Pricing savings, valuing losses and measuring costs : Do we really know how to talk about improved water management ?, 2008.
[31]
Ostrom (2010 pour la traduction française) propose un tour d’horizon fascinant de ces situations de gestion locale de ressources communes, qui lui a valu le Prix Nobel d’économie en 2009.
[32]
Voir Gleick Peter H., The World’s Water (vol 7), Pacific Institute, 2011, p. 79).
[33]
Voir Hoekstra A. Y., Virtual water trade : Proceedings of the international expert meeting on virtual water trade, IHE Delft, 2003, et Allan John A., Virtual Water : Tackling the threat to our planet’s most precious resource, I.B. Tauris, 2011, pour une perspective globale.
[34]
L’Arabie saoudite utilise ses ressources en eau et en pétrole (qui sert au dessalement de l’eau) pour irriguer des champs de blé qui pourrait être importé à moindre frais de l’extérieur. Voir OCDE (2012, chap. 5).
[35]
Voir Whittington Dale, Xun Wu et Claudia Sadoff, “Water resources management in the Nile Basin : The economic value of cooperation”, in Water Policy (7), 2005, p. 227-252.
[36]
Voir Zeitoun Mark et Naho Mirumachi, “Transboundary water interaction : Reconsidering conflict and cooperation”, in International Environmental Agreements, 2008 (8), p. 297-316.
[37]
Ce que fait par exemple le mécanisme de développement propre du Protocole de Kyoto qui permet d’échanger des réductions d’émissions contre des transferts de technologie entre pays riches et pays en développement.
[38]
Voir Pahl-Wostl Claudia, “Transitions towards adaptive management of water facing climate and global change”, in Water Resources Management, 2007 (21), p. 49-62.
[39]
Voir Jonch-Clausen Torkil, Integrated water resources management and water efficiency plans by 2005 : Why, what and how ?, Global Water Partnership, 2004.
[40]
Voir Medema Wietske, B. S. McIntosh et P. J. Jeffrey, “From premise to practice : A critical assessment of integrated water resources management and adaptative management approaches in the water sector”, in Ecology and Society, 13 (2) : 29, 2008, pour une synthèse.
[41]
Voir Berger Thomas, Regina Birner, José Diaz, Nancy McCarthy et Heidi Wittmer, “Capturing the complexity of water uses and water users within a multi-agent framework”, in Water Resources Management, 2007 (21), p. 129-148, pour une application au cas du Chili.
[42]
Voir Gleick Peter H., Gary Wolff, Elizabeth L. Chalecki et Rachel Reyes, The new economy of water – The risks and benefits of globalization and privatization of fresh water, Pacific Institute, 2002, pour une analyse des risques et bénéfices de la privatisation des services de l’eau.
[43]
Elinor Ostrom, op. cit., 2010.
[44]
Voir Van Koppen Barbara, Mark Giordano, John Butterworth et Everisto Mapedza, Community-based water law and water resource management reform in developing countries : rationale, contents and key messages, CAB Inbternational, 2007.
[45]
Voir Banque mondiale, Strengthen, Secure, Sustain, Water Partnership Program Report, 2012.
[46]
Voir Mollinga Peter P., « Water, politics and development : Framing a political sociology of water resources management », in : Water Alternatives, 1 (2008), p. 7-23.
[47]
Voir Pahl-Wostl Claudia, Marc Craps, Art Dewulf, Erik Mostert, David Tabara et Tharsi Taillieu, “Social Learning and Water Resources Management”, in Ecology and Society, 12 (2) : 5, 2007. http://www.ecologyandsociety.org/vol12/iss2/art5/.

Gestion de l’eau : La question de la réutilisation des eaux usées

Gestion de l’eau :La question de la réutilisation des eaux usées

Par
Julie Mendret
Maître de conférences, HDR, Université de Montpellier

L’été 2022, avec son contexte de sécheresse intense, a marqué un tournant pour la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) en France. Jusqu’ici, le sujet n’avait en effet jamais été aussi présent dans le débat public. Pour rappel, cette pratique consiste à réutiliser directement l’eau en sortie de station d’épuration sans passer par un retour dans le milieu naturel. ( dans the Conversation)

Cette réutilisation, envisagée comme piste pour économiser la ressource en eau, a de nouveau été évoquée au printemps 2023, lors de la présentation le 30 mars par Emmanuel Macron du « plan eau » du gouvernement français. Elle y est présentée comme l’une des mesures phare (avec la tarification, le stockage, la sobriété) au sortir d’un hiver marqué par un déficit hydrique sur le territoire français.

En France, la réutilisation des eaux usées traitées (REUT) est réglementée depuis 2010 pour l’arrosage des espaces verts et l’irrigation agricole, qui devra respecter d’ici à 2023 les seuils fixés par l’Union européenne en 2020. Le 3 août 2022, la Commission européenne a publié des lignes directrices afin d’aider les autorités nationales et les entreprises concernées à appliquer ces nouvelles règles.

Selon Virginijus Sinkevičius, commissaire à l’environnement, à la pêche et aux océans, « il est de notre devoir de cesser de gaspiller l’eau et d’utiliser cette ressource plus efficacement pour nous adapter au changement climatique et garantir la sécurité et la durabilité de notre approvisionnement agricole. Les lignes directrices adoptées aujourd’hui peuvent nous aider à y parvenir et à assurer la circulation en toute sécurité, dans toute l’Union européenne, des produits alimentaires cultivés avec de l’eau recyclée ».

Découvrez Ici la Terre, notre newsletter EnvironnementLes avantages de la REUT sont nombreux : réduction de la pression sur des ressources qui représentent le principal réservoir pour la production d’eau potable (nappes, cours d’eau…), amélioration de la qualité de l’eau auprès d’activités sensibles (baignade, conchyliculture) du fait de la suppression des rejets de station d’épuration, apport de nutriments pour l’irrigation agricole…

En mars 2022, un nouveau décret relatif aux usages et aux conditions de réutilisation des eaux usées traitées est paru en France : à l’irrigation agricole et des espaces verts viennent ainsi s’ajouter des usages urbains tels que le nettoyage de voirie, le nettoyage des réseaux (hydrocurage) ou la lutte contre les incendies…

Ce décret exclut en revanche d’y avoir recours pour des usages alimentaires, liés à l’hygiène corporelle et du linge, des usages d’agrément (piscines, fontaines, etc.), ainsi que les usages en intérieur dans les établissements accueillant du public (établissements de santé, d’hébergement de personnes âgées, crèches, écoles…) et les locaux d’habitation.

L’utilisation des eaux usées traitées nécessitera une autorisation préfectorale limitée à cinq ans au maximum en vue de leur utilisation dans le département où elles sont produites. Il est cependant à craindre que le champ d’application assez restreint et les lourdeurs administratives puissent décourager les porteurs de projets.

Malgré ses indéniables atouts évoqués précédemment, la réutilisation des eaux usées n’est pas l’unique solution pour pallier le manque d’eau, c’est avant tout une solution dépendante du contexte local et qui implique par conséquent une prise en compte lors de la planification de la gestion de la ressource par les collectivités.

Elle est par exemple très pertinente sur les zones littorales où certaines stations d’épuration rejettent leurs effluents en mer ce qui constitue une perte d’eau douce. En pratiquant la REUT, s’opère alors l’économie circulaire de l’eau avec comme bénéfices secondaires la diminution des prélèvements dans les nappes – plus vulnérables lorsque leur niveau est bas et qu’elles sont alors soumises à la pénétration d’eau salée qui peut les rendre impropres à la consommation – et l’amélioration de la qualité de l’eau dans les lieux de baignade ou de conchyliculture.

Un exemple emblématique est dorénavant le projet Jourdain, aux Sables-d’Olonne, où les eaux usées traitées seront à terme directement diluées dans l’eau d’un point de captage pour la potabilisation.

Dans les zones continentales, en revanche, les rejets de station d’épuration participent parfois de manière significative au soutien d’étiage – c’est-à-dire au maintien d’un débit minimum nécessaire pour le bon fonctionnement des écosystèmes aquatiques – et la REUT présente moins d’intérêt dans ce cas, voire pourrait avoir un impact environnemental négatif.

Si actuellement autour de 80 stations pratiquent la REUT en France, il se pourrait que la sécheresse connue au cours de l’été 2022 encourage le développement de cette méthode déjà largement répandue dans certains pays.

Veolia a notamment annoncé dans un communiqué de presse du 25 juillet 2022 son souhait de déployer la REUT sur une centaine de stations d’épuration dont les volumes de consommation le justifient (consommation de plus de 2000 m3 d’eau potable et/ou 5000 m3 prélevée directement dans la ressource), via des unités compactes de recyclages d’eau.

Cette opération devrait permettre une économie de 3 millions de m3 d’eau potable soit la consommation moyenne annuelle d’une ville de 180 000 habitants. Dans un premier temps, l’eau recyclée sera utilisée pour l’entretien des stations avant d’expérimenter d’autres usages urbains ou agricoles sous réserve d’obtention des autorisations.

Les obstacles à surmonter demeurent toutefois nombreux. L’acceptabilité sociale de cette pratique, souvent méconnue et sujette aux a priori de la part du grand public, en est un.

Autre frein important, la REUT va devoir trouver son modèle économique, nécessitant certainement des incitations financières afin de rivaliser avec l’eau de rivière que les agriculteurs prélèvent à un prix autour de 10 à 30 centimes d’euros le m3.

Après le traitement des eaux usées, la présence de certains sels, de polluants minéraux et organiques, ainsi que de micro-organismes pathogènes, est par ailleurs encore possible. L’importance des impacts négatifs associés sur les écosystèmes et sur la santé humaine dépend fortement des caractéristiques du sol, des plantes et de la qualité de l’eau usée traitée ainsi que des pratiques agricoles.

Il est donc important que la REUT reste bien encadrée afin d’en faire une pratique sûre et durable. Ceci passera par l’atteinte des seuils fixés mais aussi par la mise en place d’autres processus, par exemple un arrosage goutte à goutte plutôt que par aspersion.

Alors que le secteur connaît une évolution rapide, il apparaît nécessaire de mener des études scientifiques sur le devenir des polluants, des virus et parasites, au cours de l’irrigation agricole avec des eaux usées traitées.

En Israël, où la REUT est pratiquée depuis les années 80, aujourd’hui à hauteur d’environ 80 %, une étude a montré que les molécules pharmaceutiques se retrouvent principalement dans le sol, les feuilles et racines de végétaux irrigués avec des eaux usées traitées, les fruits et tubercules étant plus faiblement contaminés.

Cette étude conclut sur l’intérêt d’améliorer les filières de traitement dédiées à la REUT et d’y avoir recours sur des sols riches en matière organique favorisant la dégradation des polluants.

En France, l’exemple réussi de la Limagne noire où des cultures céréalières sont irriguées avec des eaux usées traitées de la ville de Clermont-Ferrand depuis plusieurs dizaines d’années, a révélé une absence de contamination liée aux pathogènes.

Récemment, à Murviel-les-Montpellier, une expérience sur deux années d’irrigation goutte à goutte de cultures de laitue et de poireaux avec des eaux usées municipales traitées sans et avec ajout de quatorze contaminants à un niveau de concentration de 10 μg/L a été menée dans des conditions de culture en serre.

L’objectif était d’étudier leur accumulation dans le sol et les feuilles afin d’évaluer les potentiels risques liés à la santé. Les résultats ont révélé une accumulation limitée des contaminants dans le sol et les feuilles des plantes, leurs niveaux de concentration étant respectivement dans la gamme de 1-30 ng/g et 1-660 ng/g.

Dans l’ensemble, cette étude a confirmé des rapports antérieurs sur le risque minime pour la santé humaine lié à la consommation de légumes verts à feuilles crus, irrigués par des eaux usées domestiques traitées contenant des résidus de contaminants organiques.

Ainsi, si la REUT devra vaincre les réticences et lever certaines craintes, elle apparaît néanmoins comme une solution d’avenir face aux enjeux actuels et voit son utilité exacerbée par les effets du changement climatique.

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