Comme il fallait sans doute s’y attendre la rencontre entre Michel Sapin et le responsable et le président de la Société Générale à propos de Panama Papers finit en eau de boudin. Pour résumer le président de la société générale considère une interview au Figaro que sa banque n’a strictement rien à se reprocher. Une affaire donc qui aura fait du bruit pendant une petite semaine à l’issue de laquelle les banques vont retourner à leurs pratiques habituelles. Finalement pour la Société Générale c’est le même système de défense que dans l’affaire Kerviel : »circulez, il n’y a rien à voir » pas même la moindre poursuite juridique sauf contre lampiste Kerviel. Ou la collusion entre le système politique, économique et financier.
Comment réagissez-vous à la mise en cause de la Société générale dans le cadre de l’enquête dite des «Panama papers»?
Frédéric Oudéa – Je trouve scandaleux les amalgames et les inexactitudes qui sont véhiculés concernant la Société générale, dans le cadre de cette enquête. Celle-ci, en effet, ne remet pas en perspective les changements profonds intervenus ces dernières années dans le système financier en général, et à la Société générale tout particulièrement. Il me paraît parfaitement anormal que cette enquête passe sous silence les efforts de la coopération internationale. Dès l’année prochaine, 58 pays dans le monde, dont 28 pays européens, entreront dans un système d’échanges automatique d’informations, qui porteront à la connaissance des administrations de chacun de ces États l’ensemble des informations disponibles sur tous les comptes et toutes les sociétés offshore des clients, personnes physiques et entreprises. Tous nos clients en sont parfaitement conscients, et nous avons, à la Société générale, fait le choix stratégique de ne travailler en offshore qu’avec des clients dont les motifs sont clairs.
Un client qui souhaite une structure offshore a des choses à cacher non?
Une structure offshore n’est pas illégale en soi. La volonté de préserver la confidentialité de la détention d’avoirs peut avoir bien d’autres motifs que fiscaux. Cela peut répondre à des situations familiales complexes, ou à des précautions prises par des ressortissants d’État qui n’ont pas le même respect du droit de propriété que nos démocraties…
Votre banque a cependant effectivement créé près d’un millier de structures offshore en recourant aux services du cabinet panaméen Mossack Fonseca?
Je n’ai pas les moyens de vérifier l’intégralité des faits sur trente ou quarante ans. Je sais en revanche qu’aujourd’hui, nous ne comptons plus, à l’échelle du groupe et de ses 100.000 clients en banque privée dans le monde entier, que quelques dizaines de sociétés offshore actives structurées pour nos clients avec ce cabinet. Toutes, sans exception, existent en transparence fiscale avec les autorités concernées, y compris pour les quelques cas qui concernent des résidents français. Nous avons procédé, les concernant, à des vérifications fiscales approfondies. Depuis six ans, avec une intensification de l’effort au cours des 3 dernières années, nous avons vérifié, de façon exhaustive, dans toutes nos filiales, les motivations de nos clients à détenir de telles structures. Nous avons ainsi réalisé un «peignage» en profondeur de nos activités. Et les chiffres qui circulent en ce moment sont donc sans commune mesure avec la réalité.
Connaissez-vous, sans doute possible, les détenteurs finaux de ces structures?
Oui, nous connaissons systématiquement les ayant-droits de ces structures. Cela fait partie du code de conduite fiscale que nous avons déployé à la Société générale en 2010, et dont la mise en œuvre a encore été intensifiée depuis 2012. Les règles ont changé avec le renforcement de la coopération internationale en matière fiscale depuis le début de la décennie. C’est une bonne chose. Et à la Société générale, nous avons fait le travail. Nous nous sommes séparés de nos activités de banque privée en Asie. L’ensemble de nos filiales a fait l’objet de contrôles. Les procédures de conformité ont été intensifiées. L’application des règles est exigée et systématisée avec une forte détermination. Soyons sérieux: une personne qui souhaite frauder le fisc aujourd’hui ne vient pas ouvrir un compte à la Société générale!
Pouvez-vous confirmer vos déclarations de 2012, devant les sénateurs, selon lesquels la Société générale se retirait totalement des paradis fiscaux? Par exemple, l’enquête des Panama Papers révèle l’existence de deux fondations sur place pilotées par votre banque …
Je les confirme, sans ambiguïté. La Société générale n’a plus aucune implantation dans les «paradis fiscaux». Il ne faut pas confondre une implantation détenue et opérée par une Banque et les sociétés ou structures qui sont détenues par nos clients. S’agissant de nos clients, les quelques dizaines de sociétés offshore actives structurées avec le cabinet Mossack Fonseca à Luxembourg sont comme je l’ai dit, revues au plan de la conformité fiscale. Enfin, les deux fondations qui ont été évoquées et qui existent effectivement ne sont pas contrôlées par la Société générale, mais servent deux de nos clients, pour des motifs dont nous nous sommes assurés. Il n’y avait donc pas de raison de les supprimer.
Comprenez-vous la colère suscitée par la révélation de systèmes d’évasion fiscale à grande échelle?
Je comprends l’émotion suscitée par ces phénomènes et je considère comme parfaitement légitime la lutte engagée contre toutes les formes de fraude fiscale et de blanchiment de l’argent qui pourrait profiter à la criminalité ou encore au financement du terrorisme. Les banques sont des acteurs clefs de cette bataille et la Société générale y prend sa part et s’engage. J’aimerais que ces changements soient reconnus, et que l’on évite d’inutiles polémiques sur des pratiques qui existaient il y a vingt ou trente ans. Prenons garde aux simplifications hâtives et trompeuses.
La France a décidé de réintégrer Panama dans la liste noire des paradis fiscaux. Est-ce une décision d’opportunité?
Non: il avait été décidé dès décembre 2015 de mettre à nouveau cet État dans la prochaine revue de la liste française des pays sous surveillance. Nous n’avons déjà plus d’implantation à Panama depuis 2012, et nous en tirerons toutes les conséquences nécessaires concernant les activités opérées pour nos clients qui devront quoi qu’il en soit répondre aux exigences de transparence de leur État de résidence.
Vous avez été convoqués dans le bureau de Michel Sapin mardi soir. Quelles explications avez-vous dû lui fournir?
J’ai apporté au ministre toutes les informations qu’il souhaitait et je lui ai confirmé que la banque et ses équipes sont évidemment à la disposition permanente des régulateurs pour toutes les vérifications auxquelles ils voudraient procéder. Et j’ai rappelé à Michel Sapin que la Société générale ne détient plus aucune société ni à Panama, ni dans les États non coopératifs, et que notre groupe a mené depuis 2010 un travail en profondeur. J’espère que ce travail d’explication que nous faisons aujourd’hui sera reconnu et contribuera à rétablir la vérité des faits.
Loi travail : nouvelle journée d’action le 28 avril
Dans un communiqué commun, les organisations de salariés CGT, FO, FSU, Solidaires, d’étudiants Unef et de lycéens UNL et Fidl « réaffirment fermement leurs revendications de retrait de ce projet de régression sociale » et appellent à « une nouvelle journée de grève interprofessionnelle et de manifestations le 28 avril », après celle déjà prévue le 9. « Face à l’entêtement du gouvernement à maintenir son projet, la détermination reste intacte et soutenue massivement par l’opinion publique », écrivent-elles. »Grâce aux mobilisations, le gouvernement a reçu les organisations de jeunesse. Il doit maintenant répondre à leurs exigences. Les organisations syndicales seront vigilantes aux annonces qui seront faites par le premier ministre la semaine prochaine », ajoute le communiqué. Les organisations de jeunesse ont été reçues mercredi par les ministres de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem, son collègue chargé de la Jeunesse Patrick Kanner et la ministre du Travail Myriam El Khomri, avant de rencontrer le Premier ministre ces prochains jours. Elles ont exigé des mesures concrètes pour lutter contre la précarité des jeunes. « Des désaccords persistent », a déclaré à l’issue de la rencontre, le président de l’Unef, William Martinet. Les sept organisations « réaffirment fermement leurs revendications de retrait de ce projet de régression sociale et la nécessité d’obtenir de nouveaux droits ». Elles jugent le texte « irrespectueux des droits, conditions de travail et de vie des générations actuelles et à venir », ajoutant que « la flexibilité et la précarité n’ont jamais été facteur de progrès et d’emploi». En attendant la nouvelle journée d’action du 28, « la mobilisation du 9 avril doit unifier toutes les catégories sociales et professionnelles, toutes celles et tous ceux qui luttent pour le retrait de ce projet de loi et exigent des mesures de progrès social. Le gouvernement doit répondre », soulignent-elles. Entre ces deux dates, « elles appellent à multiplier les initiatives pour faire entendre leurs revendications, préparer activement cette journée de grève et mobilisation par des rassemblements, interpellations de parlementaires, des manifestations et actions initiées au niveau local ». La contestation contre le projet de loi travail est dans sa cinquième semaine, avec les organisations de jeunesse comme fer de lance. Le texte est examiné depuis mardi en commission à l’Assemblée nationale. Le 31 mars, les plus importantes manifestations depuis le début du mouvement avaient rassemblé 390.000 opposants à la loi Travail, selon les autorités et 1,2 million selon les syndicats.