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La fin lobbying des géants du numérique ?

 

Les lobbyistes du secteur de la techologie, dont de nombreux anciens de l’administration Obama, sont désormais confrontés à des adversaires bien implantés au Congrès et à la Maison Blanche.

Un article de Joshua Jamerson dans le Wall Street Journal

 

Lorsqu’il dirigeait Google, Eric Schmidt a aidé l’équipe de la première campagne présidentielle de Barack Obama à développer des outils pour cibler ses partisans.

 

La décision du président Biden de nommer la croisée antitrust et progressiste, Lina Khan, à la tête de la Commission fédérale du commerce (FTC) montre bien à quel point la Silicon Valley est tombée en disgrâce dans la capitale américaine.

Au Congrès, les démocrates et certains républicains s’efforcent d’encadrer les plus grandes entreprises de la tech avec des propositions visant à réduire leur emprise sur le marché. Les parlementaires se félicitent des enquêtes antitrust menées par le département de la Justice (DoJ) et la FTC, qui pourraient obliger ces sociétés à se défaire d’entreprises dont le rachat avait été validé par les pouvoirs publics.

M. Biden a écarté les candidats ayant des liens avec les géants de la tech pour intégrer son administration à la Maison Blanche. Sa décision, annoncée mercredi, de nommer Mme Khan au poste de présidente de la FTC a mis en évidence une chose : la fête est finie pour le secteur technologique, qui avait été cajolé pendant les huit ans de mandat de Barack Obama à la tête du pays.

Au cours des quatre ou cinq dernières années, le balancier s’est radicalement déplacé, passant de « la technologie ne peut rien faire de mal » à « la technologie ne peut rien faire de bien », observe Adam Kovacevich, qui a été pendant douze ans l’un des principaux lobbyistes de Google. Il dirige aujourd’hui Chamber of Progress, un nouveau groupement d’entreprises de la tech, dont l’objectif est de reconquérir les démocrates.

Pendant des années, Amazon et Facebook, ainsi qu’Apple et Google (filiale d’Alphabet), ont figuré parmi les entreprises les plus influentes à Washington. Elles avaient commencé à s’y implanter sous l’administration Obama en apprenant aux hommes politiques à utiliser Internet pour collecter des fonds et diffuser leurs idées

Les groupes de pression du secteur sont confrontés à une nouvelle réalité. Jusqu’à récemment, les lobbyistes de Facebook enregistrés à Washington comprenaient l’une des ex-collaboratrices les plus appréciées de la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, Catlin O’Neill — qui est également la petite-fille de Tip O’Neill, un ancien président de la chambre.

Mme O’Neill a travaillé comme chef de cabinet de Mme Pelosi avant d’entrer chez Facebook. Mais en 2019, le refus de l’entreprise de réseaux sociaux de retirer une vidéo truquée la mettant en scène a mis Mme Pelosi dans une rage telle qu’elle a interdit l’accès de son bureau à toute l’équipe de Facebook.

Mme O’Neill a quitté l’entreprise cette année. Facebook n’a pas répondu à une demande de commentaire.

L’ancien directeur de la communication de M. Biden, Jay Carney, supervise, lui, le bureau des affaires publiques d’Amazon à Washington. Sur son compte Twitter, on peut voir une photo des deux hommes affichant un large sourire. Ce passé commun ne semble toutefois pas lui être d’un grand secours : M. Biden a récemment déclaré qu’il n’était « tout à fait anormal » que l’entreprise paie peu d’impôts fédéraux.

Pendant des années, Amazon et Facebook, ainsi qu’Apple et Google (filiale d’Alphabet), ont figuré parmi les entreprises les plus influentes à Washington. Elles avaient commencé à s’y implanter sous l’administration Obama en apprenant aux hommes politiques à utiliser Internet pour collecter des fonds et diffuser leurs idées.

Alors qu’il dirigeait Google, Eric Schmidt avait aidé l’équipe de la première campagne présidentielle de M. Obama à développer des outils pour cibler ses partisans. Il avait également participé à la fête célébrant l’accession à la Maison Blanche du candidat démocrate, à Chicago, et avait siégé dans plusieurs commissions de la nouvelle administration.

En 2012, des membres du personnel de la FTC avaient conclu que Google avait enfreint les lois antitrust. Ils avaient donc demandé aux cinq membres de la commission d’engager des poursuites contre l’entreprise pour avoir illégalement entravé la concurrence. Après une série d’échanges avec de hauts responsables de l’administration Obama-Biden, les membres démocrates de la commission, nommés sur une base politique, avaient joint leurs voix à celles des républicains pour mettre fin à l’enquête et clore le dossier.

Alors que son second mandat touchait à sa fin, M. Obama avait rendu hommage à la Silicon Valley lors d’un événement organisé à la Maison Blanche, baptisé « South by South Lawn ». Les membres de l’aréopage présent avaient posté des selfies sur Instagram avec des constructions en Lego aux formes humaines, avaient enfilé les lunettes de réalité virtuelle de Google et avaient opiné du chef lorsque M. Obama et l’acteur Leonardo DiCaprio avaient exposé les dangers du changement climatique. Certains participants avaient décrit l’événement comme un salon de l’emploi pour les collaborateurs de l’administration en partance.

Beaucoup sont devenus lobbyistes d’entreprises de la tech. Selon l’organisme indépendant Center for Responsive Politics, plus de 80 % des 334 personnes enregistrées l’année dernière en tant que lobbyistes pour Apple, Amazon, Facebook et Google avaient auparavant travaillé au Capitole ou à la Maison Blanche.

Mais la relation des démocrates avec les firmes du secteur s’est dégradée après l’élection de M. Trump en 2016. Pour de nombreuses membres du parti, ces entreprises sont alors apparues comme des adversaires.

Facebook a reconnu que des agents russes avaient publié des documents hostiles aux démocrates sur sa plateforme. Une société de données liée à la campagne de M. Trump, Cambridge Analytica, avait siphonné les données des utilisateurs du réseau social. De nombreux démocrates considèrent que ces erreurs, et d’autres, commises par Facebook, ont contribué à la victoire de M. Trump.

Mais les républicains ont, à leur tour, eu des différends avec ces entreprises.

De hauts responsables de Facebook ayant des liens avec les républicains ont rencontré, en juin 2018, le chef de la majorité républicaine de la Chambre des représentants de l’époque, Kevin McCarthy (Californie), et la présidente du Comité national républicain, Ronna McDaniel, pour discuter des reproches du Grand Old Party qui accusait Facebook de museler les opinions conservatrices.

Lors de cette réunion, les responsables de Facebook ont affirmé que ces allégations étaient sans fondement et ont rappelé que nombre de ses publications les plus consultées étaient le fait de personnalités conservatrices de premier plan. Mais la réunion n’a pas permis de faire redescendre la tension, et le géant des réseaux sociaux a décidé de ne pas communiquer sur sa position, de peur d’attiser le conflit.

« Tout le monde savait que les contenus publiés par M. Trump étaient très vus sur les réseaux sociaux. Les entreprises auraient pu repousser plus fermement les accusations de partialité, soit avec nos propres données, soit en le mettant au défi de produire les siennes », explique Nu Wexler, qui a travaillé dans les équipes de communication de Twitter, Facebook et Google. « Mais nous avons esquivé le combat et la situation est devenue incontrôlable. »

Google a également connu des turbulences à Washington peu après l’élection de M. Trump.

Les sénateurs démocrate Richard Blumenthal (Connecticut) et républicain Rob Portman (Ohio) ont fait équipe en 2017 pour lutter contre le proxénétisme en ligne.

Au début, Google a refusé de discuter du projet de loi avec les sénateurs. « Ils nous ont fait un bras d’honneur », se souvient M. Blumenthal.

Lorsque les parlementaires ont continué à faire pression en faveur de l’adoption de ce projet de loi, Google a envoyé un duo de lobbyistes pour expliquer aux membres des équipes de M. Blumenthal que la législation nuirait au sénateur sur le plan politique, poursuit M. Blumenthal.

Lors de cette réunion dans le bureau de M. Blumenthal au Capitole, les deux lobbyistes de Google ont demandé aux membres du personnel de lui transmettre un avertissement : « Vous allez détruire Internet tel que nous le connaissons, et ce sera de votre faute », ajoute M. Blumenthal.

Google n’a pas répondu à une demande de commentaire.

« Aujourd’hui, j’en ris, mais au fond de moi, cela a renforcé ma détermination à faire passer ce projet de loi, et honnêtement, cela m’a encore plus énervé », déclare M. Blumenthal.

Le projet de loi a été adopté par une large majorité.

La sénatrice démocrate Amy Klobuchar (Minnesota), qui dirige une commission sénatoriale compétente en matière de droit antitrust, explique avoir connu le même sentiment de rejet vis-à-vis de ces entreprises, en 2017, alors qu’elle rédigeait un projet de loi pour les obliger à divulguer davantage d’informations sur les publicités politiques en ligne.

« Ce que j’ai appris d’eux, c’est leur prétention à ne même pas vouloir jouer selon les mêmes règles » que les autres diffuseurs de publicités politiques, comme les stations de radio et les journaux, précise-t-elle. Par la suite, les entreprises de la tech ont davantage soutenu son projet de loi, qui n’a finalement pas été adopté.

Tim Wu, qui a été choisi pour diriger le National Economic Council, a récemment publié un livre dans lequel il affirme que les géants de la tech étouffent l’innovation. Quant à Lina Khan, nouvelle patronne de la Commission fédérale du commerce, elle a été l’une des principaux détracteurs du secteur depuis la publication, en 2017, d’un document appelant à adopter une nouvelle approche de l’application de la loi antitrust pour encadrer les entreprises technologiques

Cette année, elle en a présenté un autre texte qui faciliterait le démantèlement des géants du secteur par les pouvoirs publics. Elle a repoussé les demandes des lobbyistes qui souhaitaient un assouplissement de sa proposition.

Alors que cinq projets de loi de la Chambre des représentants relatifs au secteur de la tech ont été présentés ce mois-ci, les lobbyistes des entreprises les plus concernées affirment qu’ils ont été exclus du processus d’élaboration et que les parlementaires ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour qu’ils n’aient pas accès aux avant-projets.

« Le secteur a été traité comme un ennemi qu’il fallait maintenir à distance », affirme un lobbyiste. Résultat, les projets de loi sont plus sévères pour les entreprises de la tech que si les parlementaires avaient sollicité leur avis pour élaborer des textes qu’ils seraient susceptibles de soutenir.

Mais le signe le plus clair du déclin de l’influence des entreprises de la tech à Washington vient de la Maison Blanche elle-même.

L’ancien directeur de la communication de M. Biden défend Amazon contre les attaques des progressistes, et notamment de la sénatrice démocrate Elizabeth Warren (Massachusetts), qui a accusé à plusieurs reprises le géant du e-commerce de faire du lobbying pour insérer des niches fiscales dans le code des impôts afin de réduire sa facture. L’entreprise utilise depuis longtemps des crédits d’impôt, notamment pour sa recherche et développement.

Le 5 avril, lorsque Mme Warren a écrit sur Twitter qu’elle était « lasse des entreprises qui resquillent », M. Carney a répondu directement, en tweetant : « Sénatrice @ewarren, avec tout mon respect, le crédit d’impôt pour la R&D existe depuis 40 ans, soit bien avant Amazon. Le sénateur Sanders a voté 8 fois en sa faveur. Le sénateur Biden a voté pour 10 fois. Et en 2015, vous avez vous-même voté pour le rendre permanent. »

Mme Warren n’a pas répondu à M. Carney, et M. Biden s’est récemment plaint du niveau des impôts payés par Amazon.

Le président a également remis en question le nombre d’emplois créés par le secteur technologique et a appelé à une réglementation plus stricte du contenu des plateformes Internet.

Pendant sa campagne présidentielle, une publicité de la campagne Trump, notamment diffusée sur Facebook, a accusé à tort M. Biden d’avoir fait pression sur les autorités ukrainiennes pour qu’elles renvoient le procureur chargé d’enquêter sur une entreprise ayant des liens avec son fils, Hunter.

L’équipe de campagne de M. Biden a demandé à Facebook de retirer la publicité, mais la société a refusé. Après sa victoire, le nouveau président a déclaré que le géant de Menlo Park et d’autres entreprises devraient être tenus responsables du contenu publié sur leurs réseaux.

Les lobbyistes des entreprises de la tech ont cherché à persuader M. Biden de nommer des partisans du secteur au sein de son administration, tout comme l’avait fait M. Obama. Au lieu de cela, le président a nommé deux éminents adversaires des Big Tech — Mme Khan et Tim Wu — à des postes clés.

M. Wu, qui a été choisi pour diriger le National Economic Council, a récemment publié un livre dans lequel il affirme que les géants de la tech étouffent l’innovation. Quant à Mme Khan, elle a été l’une des principaux détracteurs du secteur depuis la publication, en 2017, d’un document appelant à adopter une nouvelle approche de l’application de la loi antitrust pour encadrer les entreprises technologiques.

« Ce ne sont plus les mêmes interlocuteurs bienveillants que la dernière fois », résume Barry Lynn, un partisan du démantèlement des entreprises technologiques qui l’Open Markets Institute, un organisme marqué à gauche.

Chad Day et Ryan Tracy ont contribué à cet article

(Traduit à partir de la version originale en anglais par Grégoire Arnould)

Traduit à partir de la version originale en anglais

La mainmise des géants du numérique sur la santé

 

A la recherche de nouveaux marchés à rendre plus efficients, les géants de la tech, comme Apple, voit dans la santé un nouvel eldorado.

 

Un article du Wall Street Journal

 

 

Tim Cook, le directeur général d’Apple, a dit un jour que la plus grande contribution de la marque à la pomme à l’humanité serait la santé. Pourtant, d’après les indiscrétions de sources proches du dossier et des documents que le Wall Street Journal a pu consulter, une partie des initiatives lancées par le groupe pour révolutionner le secteur ont toujours du mal à s’imposer.

Selon ces sources et documents, Apple a imaginé un ambitieux projet comprenant des centres de santé détenus par le groupe, où des médecins salariés recevraient des patients. Pour tester la faisabilité de ce projet et d’autres idées novatrices, la firme de Cupertino a racheté les établissements qui s’occupaient de ses collaborateurs et monté une équipe composée de médecins, d’ingénieurs, de designers produits et autres.

Ces ambitions, qui ne sont pas forcément bien connues du grand public, ont été reléguées au second plan après un changement de cap en faveur de ce qu’Apple connaît le mieux : vendre des produits, en l’espèce l’Apple Watch, ont expliqué de fins connaisseurs de la stratégie du groupe.

L’activité de médecine générale n’a pas décollé, résument des personnes qui en sont proches. Selon certaines sources et des documents consultés par le Wall Street Journal, l’application de santé lancée en toute discrétion cette année peine à séduire les utilisateurs. Par ailleurs, en interne, certains salariés se sont interrogés sur l’intégrité des données issues des centres de santé détenus par Apple et utilisées pour la conception des produits, selon des proches de ces salariés et des documents.

Dans le domaine de la santé, l’une de ses idées les plus ambitieuses était de proposer des services de médecine générale, un projet né en 2016. Pendant des mois, une équipe d’Apple s’est demandé comment utiliser l’immense quantité de données sur la santé et le bien-être des propriétaires d’Apple Watch

Le porte-parole d’Apple a affirmé que l’intégrité des données était la base de toutes les innovations du groupe. Rappelant les succès engrangés par l’équipe spécialisée dans la santé, il a précisé que le groupe n’en était qu’à ses débuts dans ce domaine et que les nouvelles technologies, par exemple le suivi de la fréquence cardiaque par l’Apple Watch, avaient un impact positif sur la santé des utilisateurs. Selon lui, les données recueillies par les appareils Apple permettent d’approfondir des travaux de recherche qui pourraient améliorer la prise en charge médicale.

« Ce document comporte beaucoup d’informations partielles, anciennes et imprécises », a-t-il déclaré.

A la recherche de nouveaux marchés à rendre plus efficients (et en quête de croissance commerciale), le secteur technologique voit dans la santé un nouvel eldorado. Certains efforts ont échoué, à commencer par Haven, le partenariat d’envergure qu’Amazon avait conclu avec d’autres entreprises pour tenter de réduire le coût des soins médicaux. Aujourd’hui, le géant du commerce électronique s’intéresse à la vente de médicaments sur ordonnance et envisage de lancer un service de consultation virtuelle dans les 50 Etats américains.

Sous la houlette de Tim Cook, Apple a multiplié par huit son budget de recherche-développement ; selon des documents publics, il atteint 20 milliards de dollars par an. Outre sa montre connectée, le groupe a aussi lancé des écouteurs sans fil et de nouveaux services. Il a également investi massivement dans la santé, la conduite autonome et la réalité augmentée, des domaines à forts enjeux et grande complexité technique : la prochaine révolution d’Apple n’est donc pas pour demain (si elle se produit un jour).

Le groupe peut étudier le marché pendant des années avant de lancer son propre produit et, parfois, il se plonge avec ferveur dans des projets ou des technologies qu’il ne commercialise finalement pas.

Dans le domaine de la santé, l’une de ses idées les plus ambitieuses était de proposer des services de médecine générale, un projet né en 2016, selon les documents et des sources. Pendant des mois, une équipe d’Apple s’est demandé comment utiliser l’immense quantité de données sur la santé et le bien-être des propriétaires d’Apple Watch (sa montre intelligente lancée en 2015) pour améliorer les soins médicaux, ont expliqué des sources.

Jeff Williams, directeur des opérations du groupe et responsable de l’équipe santé, a exhorté ses équipes à voir les choses en grand. Son objectif : mettre fin à ce qu’il avait baptisé le « 363 » et le modèle du « cassé-réparé », c’est-à-dire le fait que les Américains ne vont pas voir leur médecin 363 jours par an et attendent d’avoir un problème pour le contacter, ont raconté de fins connaisseurs des projets du dirigeant.

Si la marque à la pomme parvenait à prouver qu’associer capteurs, logiciels et services permet d’améliorer la santé des Américains et de faire baisser les coûts, elle pourrait revendre son modèle aux systèmes de santé locaux, voire à l’étranger

L’équipe a estimé que l’une des meilleures façons d’y arriver était de proposer directement un service médical, toujours selon les sources, en liant les données produites par les appareils Apple à des soins en distanciel ou en présentiel par des médecins Apple. Le groupe pourrait proposer de la médecine générale, mais aussi du suivi régulier dans le cadre de programme de santé prescrit par les médecins, d’après des sources et des documents.

Si la marque à la pomme parvenait à prouver qu’associer capteurs, logiciels et services permet d’améliorer la santé des Américains et de faire baisser les coûts, elle pourrait revendre son modèle aux systèmes de santé locaux, voire à l’étranger, ont révélé des documents.

Pour commencer, Apple a choisi d’expérimenter son service sur ses salariés. Le groupe a racheté les centres de santé installés près de son siège californien (qui étaient gérés par une start-up) et les a utilisés pour tester son projet, ont raconté des sources proches de ces décisions. En 2017, il a recruté Sumbul Desai, une ancienne de Stanford, pour diriger l’initiative, dont le nom de code est Casper, ont précisé des sources.

Les travaux se poursuivent aujourd’hui encore, mais Casper peine à dépasser le stade préliminaire, toujours selon ces personnes.

L’unité dirigée par la docteure Desai a subi plusieurs départs de salariés affirmant que la culture de l’équipe décourageait l’esprit critique, ce qui peut être problématique pour un service axé sur les produits et les services liés à la santé, d’après des sources proches de l’équipe et des documents. Certains salariés s’étaient par exemple inquiétés du fait que les données internes relatives à la performance des centres de santé (des données récemment utilisées pour appuyer le lancement de la nouvelle application de santé) étaient imprécises ou avaient été mal compilées, toujours selon des sources et des documents.

Ces craintes ont régulièrement été transmises à Tim Cook et Jeff Williams, révèlent des documents et des personnes au fait de ces doutes.

Pour le porte-parole d’Apple, ces critiques sont infondées.

Les salariés préoccupés par la culture de l’équipe évoquent une réunion organisée en 2019, lors de laquelle une responsable avait soulevé des questions sur les données, selon des personnes ayant eu vent de la réunion et des documents. La docteure Desai lui avait alors répondu sèchement, ce qui avait poussé certaines personnes à conclure que les critiques n’étaient pas les bienvenues, toujours selon des sources et des documents. La responsable en question a quitté Apple quelques semaines plus tard, en partie à cause de cet épisode, montrent les documents.

Le porte-parole d’Apple a indiqué que la docteure Desai avait souligné l’importance de l’intégrité des données lors de cette réunion. « Ce point a été minutieusement étudié et les accusations n’ont pas pu être confirmées », a-t-il souligné. Apple n’a pas souhaité commenter les circonstances du départ de la responsable.

Le porte-parole du groupe a précisé qu’Apple était fier du travail accompli par la docteure Desai et qu’elle avait joué un rôle déterminant dans ses projets dans le domaine médical.

Jeff Williams et Sumbul Desai n’ont pas répondu aux demandes de commentaires et Apple n’a pas souhaité qu’ils s’expriment.

Outre la supervision des centres de santé AC Wellness, l’équipe de la docteure Desai est chargée des relations avec les régulateurs, des collaborations avec des chercheurs et de l’expertise médicale apportée aux autres produits Apple liés à la santé.

Elle a lancé une application médicale baptisée HealthHabit, qui est testée en ce moment auprès des salariés californiens d’Apple. Mais, six mois après ses débuts, l’application ne rencontre qu’un succès limité auprès des collaborateurs, selon des documents et des sources.

HealthHabit se propose de mettre en relation (par tchat) des patients et des médecins et encourage ses utilisateurs à se lancer des défis, par exemple « je ferai plus de sport cette semaine ». Les personnes souffrant d’hypertension peuvent aussi se rapprocher de coachs santé qui leur envoient un tensiomètre et une balance et leur donnent des conseils pour vivre de façon plus saine.

Fin mai, la moitié des personnes qui avaient téléchargé l’application ne l’utilisait pas et l’engagement de celles qui l’utilisaient était faible, révèlent des documents et des sources.

Les données utilisées pour le programme de suivi de l’hypertension ont relancé le débat sur l’intégrité des données et leur analyse, ont ajouté des sources.

Lors d’une présentation devant les salariés de l’activité santé d’Apple en mars dernier, Jeff Williams a salué les résultats obtenus par les centres médicaux en matière de traitement de l’hypertension, estimant qu’ils démontraient le potentiel de l’application HealthHabit, ont raconté des personnes ayant assisté à l’événement. Il a également sous-entendu qu’en cas de succès, Apple pourrait avoir de plus grandes ambitions pour HealthHabit, ont précisé ces sources.

Lors de la réunion, Jeff Williams a montré des données indiquant que 91 % des patients des centres de santé Apple atteints d’une hypertension de stade 2 étaient revenus à un niveau moins élevé ou normal, révèlent des documents consultés par le Wall Street Journal, un chiffre qui, pour certains salariés, pourrait exagérer le succès des centres médicaux, selon des sources présentes à la réunion et des documents.

Des concurrents qui proposent aussi des applications de suivi de l’hypertension ont publié des taux de réussite moins élevés. Hello Heart, par exemple, a indiqué que 23 % des patients de stade 2 avaient constaté une amélioration de leur tension au bout de six semaines. Livongo affirme de son côté qu’un tiers des patients souffrant d’une hypertension de stade 1 ou plus étaient revenus à une tension élevée ou normale en six semaines. Les données de Jeff Williams ne comportent pas de précisions temporelles, selon les documents.

Le porte-parole d’Apple a déclaré que les autres entreprises n’analysaient pas leurs données comme Apple et que les données évoquées par Jeff Williams lors de la réunion provenaient d’un projet-pilote interne et non d’un produit.

(Traduit à partir de la version originale en anglais par Marion Issard)

Projet de loi américain contre les géants numériques

Projet de loi américain contre les géants numériques

Chez les démocrates mais aussi chez les républicains la guerre est engagée pour parvenir à une régulation des géants du numérique afin de supprimer les situations de monopole et de domination économique sur toute la chaîne de production et de distribution. Il s’agit d’une guerre car le processus sera lent avant d’obtenir une majorité au congrès.

 

«Actuellement, les monopoles non régulés de la tech ont trop de pouvoir sur l’économie», a écrit le démocrate David Cicilline, président d’une commission anti-monopole à la Chambre des représentants. «Ils sont en position unique pour choisir les gagnants et les perdants, détruire les petites entreprises, augmenter les prix pour les consommateurs, et mettre les gens au chômage.» Son collègue républicain Ken Buck a renchéri que leurs projets de loi «cassent le pouvoir de monopole de la Big Tech sur ce que les Américains peuvent voir et dire en ligne, favorise un marché en ligne qui encourage l’innovation et donne aux petites entreprises américaines des règles du jeu équitables»«Apple, Amazon, Facebook et Google ont donné la priorité au pouvoir sur l’innovation et, ce faisant, ont nuit aux entreprises et consommateurs américains», a-t-il accusé.

Géants du numérique : les Etas-Unis veulent un accord mondial, mais de quelle ampleur

Géants du numérique : les Etas-Unis veulent un accord mondial,

mais de quelle ampleur ?

 

Les Etats unis soutiennent l’idée d’un  accord mondial actuellement en discussion sur les géants du numérique à l’OCDE. Le problème est de savoir quelle en sera l’ampleur car les soit surtout visées sont essentiellement américaines (plus certaines chinoises).

 

La taxation pourrait être assez symbolique pour ne pas remettre en cause l’hégémonie américaine dans ce domaine.

Dans un communiqué, le département américain du Trésor a indiqué que Janet Yellen avait souligné le soutien des Etats-Unis pour une reprise économique solide et présenté les projets de l’administration de Joe Biden pour appuyer l’emploi et les investissements aux Etats-Unis.

En janvier, le ministère français de l’Economie avait fait état d’une précédente discussion entre Bruno Le Maire et Janet Yellen lors de laquelle les deux représentants étaient convenus de la nécessité de trouver des solutions multilatérales en matière de taxation des entreprises multinationales.

La Chine : le parti communiste veut réguler les géants technologiques chinois

La Chine : le parti communiste veut réguler  les géants technologiques chinois

L’Administration chinoise d’État pour la régulation du marché (SAMR)  a déclaré que les dernières directives «arrêteraient les comportements monopolistiques dans l’économie des plates-formes et protégeraient une concurrence loyale sur le marché».

L’avis indiquait également qu’il empêcherait les entreprises de fixer les prix, de restreindre les technologies et d’utiliser des données et des algorithmes pour manipuler le marché. Dans une question-réponse accompagnant l’avis, SAMR a déclaré que les rapports de comportement anti-monopole liés à Internet avaient augmenté et qu’il était confronté à des défis pour réglementer l’industrie.

«Le comportement est plus caché, l’utilisation de données, d’algorithmes, de règles de plate-forme, etc., rend plus difficile la découverte et la détermination de ce que sont les accords de monopole», a-t-il déclaré.

La Chine a commencé ces derniers mois à resserrer le contrôle de ses géants de la technologie. Et pour bien se faire comprendre le parti communiste a exercé des pressions sur les patrons des grands groupes a commencé par le patron d’Alibaba.

L’objectif du parti communiste et de lutter contre les situations monopolistiques mais tout autant d’empêcher les patrons de grandes entreprises chinoises de peser sur la ligne politique du parti

En décembre, les régulateurs ont lancé une enquête antitrust sur Alibaba Group à la suite de la suspension dramatique du plan d’offre publique initiale de 37 milliards de dollars de sa filiale de paiement, Ant Group.

À l’époque, les régulateurs avaient mis en garde la société contre des pratiques telles que l’obligation pour les commerçants de signer des pactes de coopération exclusifs au détriment d’autres plates-formes Internet.

Les géants chinois du numérique mis au pas par le parti communiste

Les géants chinois du numérique mis au pas par le parti communiste

 

Le parti communiste continue de reprendre la main sur l’économie chinoise et ses entreprises. L’action la plus symbolique a concerné le groupe qui détient Alibaba, elle a empêché deux jours avant son lancement Alibaba d’être côté en bourse à Shanghai.

La filiale de services financiers d’Alibaba devait lever plus de 34 milliards de dollars lors de son introduction sur les places de Shanghai, mais aussi de Hong-Kong.. Ant Group « risque d’échouer à respecter les conditions d’émission et d’enregistrement ou les exigences (des régulateurs) en matière d’information », avait précisé la Bourse de Shanghai dans un communiqué. Cette annonce était intervenue au lendemain d’une réunion inhabituelle entre le milliardaire chinois Jack Ma, fondateur d’Alibaba et principal actionnaire d’Ant Groupe, ainsi que d’autres dirigeants du groupe, avec les autorités de régulation financière.

La crainte du parti communiste est que les grands groupes technologiques deviennent trop puissants et influencent la politique économique chinoise. Une succession de projets de loi ainsi que le lancement accéléré du yuan virtuel qui remet en cause la suprématie d’Alipay et de Tencent sur le marché des paiements en ligne sont autant de signes que la tolérance de Pékin a atteint sa limite.

La folie des cargos géants

La folie des cargos géants

Un article de M.Levinson, économiste et historien( dans l’Opinion)

 

 

Le 16 août 2006, cinq remorqueurs ont sorti l’Emma Maersk hors d’un chantier naval danois pour le tirer jusqu’à la mer. D’une longueur de quatre terrains de football, avec une quille se trouvant à environ 30 mètres sous son pont, l’Emma était bien plus grand que tous les porte-conteneurs jamais commandés auparavant et, aussi, bien plus coûteux. Il incarnait un pari sur la mondialisation : en transportant un conteneur pour moins cher que tout autre navire en circulation, il devait — comme six autres navires identiques — stimuler une croissance encore plus rapide du commerce international, en réduisant le prix du transport des marchandises intégrées aux chaînes d’approvisionnement qui avaient remodelé l’économie mondiale et fait de la Chine l’atelier du monde.

C’est le contraire qui s’est produit. Bien que prodigieusement efficaces en mer, l’Emma et les navires plus grands encore qui pointaient dans son sillage devinrent un cauchemar. En rendant le transport de fret plus lent et moins fiable qu’il ne l’était il y a quelques décennies, ils ont contribué à freiner la mondialisation de l’industrie manufacturière bien avant l’arrivée du Brexit, de Donald Trump et de la Covid-19.

Les porte-conteneurs sont les bêtes de somme de la mondialisation. Réglé comme une horloge — par exemple, un navire identique part de Shanghai tous les mercredis, fait escale à Singapour neuf jours plus tard et arrive à Anvers cinq semaines plus tard, où il bénéficie de connexions étroites avec des péniches et des trains de marchandises —, le transport intermodal de conteneurs a suscité chez les fabricants et les distributeurs la confiance nécessaire à la mise en place de chaînes d’approvisionnement longue distance soigneusement organisées. Avant l’Emma, depuis les débuts de l’ère des conteneurs en 1956, chaque nouvelle génération de navires était légèrement plus grande que la précédente. Le raisonnement était simple : pour le transport d’un conteneur, un grand navire coûtait moins cher à construire et à exploiter qu’un petit, ce qui permettait à son propriétaire de réduire les tarifs de fret par rapport à ses concurrents, tout en réalisant un profit confortable.

Leur taille devait donner à l’Emma et à ses navires-jumeaux un immense avantage en termes de coût sur la plus importante route du transport maritime international, à savoir le trajet d’environ 14 000 miles qui relie la Chine et l’Europe du Nord. En 2006, Maersk avait prévu qu’un boom du commerce mondial allait doubler la demande en matière de transport maritime par conteneurs d’ici à 2016. Son souci était de disposer d’un nombre suffisant de navires pour prendre en charge toutes ces marchandises.

Les principales compagnies maritimes, presque toutes publiques ou sous contrôle familial, se sont senties obligées de suivre l’exemple de Maersk. La folie des mégaships s’est enracinée et les commandes de navires encore plus grands que l’Emma ont inondé les chantiers navals asiatiques. Grâce aux faibles taux d’intérêt et aux généreuses subventions accordées à la construction navale par les gouvernements chinois et sud-coréen, les navires étaient proposés à des prix bien inférieurs à leur coût réel de construction. Mais le boom attendu du commerce ne s’est jamais produit. Au contraire, les échanges internationaux se sont effondrés pendant la crise financière de 2008-2009, et lorsqu’ils ont repris, leur croissance était bien plus faible qu’avant. Au cours de la décennie ayant précédé la crise, ce commerce avait connu une hausse de 78 %. Dans la décennie qui a suivi 2008, son augmentation a été moins de moitié moindre. Le commerce de marchandises — exportations et importations — atteignait 51 % de la production économique mondiale en 2008, mais n’a jamais, depuis, retrouvé ce chiffre.

Au début des années 2010, les chargements pour les conteneurs n’étaient tout simplement pas suffisants pour que toutes les nouvelles capacités soient utilisées. Si, par rapport à leur PIB, les Etats-Unis avaient importé autant en 2016 qu’en 2011, 500 milliards de dollars d’importations supplémentaires seraient entrés dans le pays en un an. L’effondrement du commerce a anéanti l’avantage des grands navires en termes de coûts. Les taux de remplissage sont tombés à des niveaux si bas que les recettes ne couvraient pas les coûts d’exploitation, inondant les océans avec les pertes des entreprises. Certains transporteurs ont fermé. D’autres ont trouvé des partenaires pour fusionner. Les survivants ont cherché à se protéger par des alliances avec des concurrents, dans l’espoir que faire collaborer plusieurs armateurs puisse générer un fret suffisant pour remplir leurs navires.

Mais les mégaships eux-mêmes ont aussi joué un rôle dans le ralentissement de la croissance du commerce. Alors que les compagnies maritimes réduisaient leur capacité en laissant des navires à l’ancre et en annulant des liaisons, des conteneurs remplis de marchandises périssables étaient parfois obligés de rester plus longtemps dans les ports avant de pouvoir être chargées à bord. Le déchargement et le rechargement des navires prenaient également plus de temps, et pas seulement parce que les conteneurs étaient plus nombreux à gérer. Les nouveaux navires étant beaucoup plus vastes que leurs prédécesseurs, chaque immense grue portuaire devait parcourir une distance plus importante avant de se saisir d’un conteneur pour le débarquer sur le quai. La manœuvre augmentait de quelques secondes le temps moyen nécessaire pour déplacer chaque caisse. Des milliers de conteneurs supplémentaires multipliés par un temps de manutention plus important par unité pouvaient augmenter de plusieurs heures, voire de plusieurs jours, la durée de l’escale moyenne. Les retards étaient légion.

Autrefois, les porte-conteneurs auraient pu être en mesure de rattraper ces retards en cours de route. Mais cela n’était et n’est plus possible. Pour économiser du carburant et réduire les émissions de gaz à effet de serre, les dernières générations de navires sont toutes conçues pour naviguer plus lentement que leurs prédécesseures. Au lieu de 24 ou 25 nœuds, les bateaux naviguent à 17 ou 18 nœuds, ce qui, en mer allonge de plusieurs jours un trajet longue distance. Et, alors que les navires précédents pouvaient accélérer si nécessaire pour respecter les délais, cela est impossible pour les mégaships. En 2018, 30 % des navires au départ de la Chine sont partis en retard.

Le côté terrestre de la logistique internationale a tout autant été bouleversé. Pour les ports, cela a été la fête ou la famine : moins de navires faisant escale, mais chacun transportant plus de conteneurs, l’équipement et les infrastructures se sont retrouvés soit inutilisés, soit submergés. Des montagnes de conteneurs, pleines de marchandises importées ou à exporter, se sont accumulées sur les zones de stockage des terminaux. Plus les piles ont grossi, plus il a fallu de temps aux grues pour localiser un conteneur déterminé, le retirer de la pile et le placer sur le véhicule qui l’emmène pour son chargement à bord ou le livrer au terminal — ferroviaire ou routier — afin qu’il soit expédié au client.

Le réseau de fret ferroviaire a, lui, chancelé sous le poids du flux des conteneurs entrant et sortant des ports. Alors qu’autrefois, une cargaison entière de produits importés pouvait être acheminée vers des destinations situées à l’intérieur d’un pays en une journée, il en faut aujourd’hui deux ou trois. Des files de camions diesel se sont constituées aux portes des terminaux, les chauffeurs ne pouvant pas récupérer leur chargement car les armateurs ne disposent pas d’assez de châssis pour transporter les conteneurs à l’arrivée. Et assez souvent, comme les partenaires au sein d’une des quatre alliances qui ont fini par dominer le transport maritime n’utilisaient pas le même terminal dans les ports, cela a nécessité le recours à de coûteux trajets en camion pour simplement transférer les conteneurs d’un navire entrant situé dans un terminal à un navire au départ dans un autre.

Aujourd’hui, une grande partie du commerce mondial se fait dans des navires bien plus grands que l’Emma Maersk, chacun pouvant transporter plus de fret que 10 000 camions de taille classique. Après une longue guerre des prix, la consolidation a finalement permis aux transporteurs de faire monter les tarifs de fret en faisant tourner leurs navires au ralenti, mais les coûts cachés ont, eux, grimpé en flèche. Les gouvernements en ont pris en charge une grande partie, subventionnant le commerce international en finançant la construction de ponts plus hauts, de ports plus profonds, de quais plus résistants et de grues plus grandes pour pouvoir accueillir les mégaships.

Les expéditeurs ont également dû supporter une charge considérable. Afin de réduire le risque que les marchandises n’arrivent pas à temps, les entreprises conservent davantage de stocks, expédient par plusieurs itinéraires et produisent sur plusieurs sites plutôt que dans des usines géantes avec un fournisseur unique. De telles mesures, qui reviennent sur des décennies d’efforts menés pour réduire les coûts de production, de transport et de stockage, ne favorisent pas les résultats. En faisant bien les comptes, pour les fabricants, mondialiser leurs chaînes d’approvisionnement n’est plus la bonne affaire qu’elle a pu être, indépendamment du déchaînement des populistes et des pandémies.

M. Levinson est économiste et historien. Cet article est adapté de son nouveau livre « Outside the Box : How Globalization Changes From Moving Stuff to Spreading Ideas » publié au Princeton University Press.

« Faire respecter l’État de droit aux géants du numérique » (Joëlle Toledano, économiste)

« Faire respecter l’État de droit aux géants du numérique » (Joëlle Toledano, économiste)

 

Dans son dernier ouvrage, l’économiste Joëlle Toledano, professeur émérite à l’université Paris-Dauphine, prône un « changement d’approche » de la régulation européenne, pour « enfin faire respecter l’état de droit » aux géants du Net américains. Entretien dans la Tribune.

 

 

Votre dernier livre décortique comment les Gafa [Google, Apple, Facebook, Amazon, ndlr] ont tissé leur toile jusqu’à étouffer la concurrence dans leurs secteurs respectifs. Pendant des années, ils ont échappé aux filets des régulateurs, notamment en Europe, qui est devenue une colonie numérique des Etats-Unis. Pourquoi la régulation ne fonctionne-t-elle pas avec eux ?

 

JOËLLE TOLEDANO - Mon livre dresse effectivement un constat d’échec de la régulation jusqu’à présent, qui n’agit qu’a posteriori une fois les dérives identifiées. Contrairement aux autres plateformes numériques, chacun de ces empires a réussi à sa façon à étendre ses activités de façon à créer de puissants écosystèmes qui sont devenus des places fortes. Les pratiques abusives de chacun des quatre Gafa sont largement connues et documentées, sans même parler de leur expertise pour l’optimisation fiscale, de l’impact d’Amazon sur le commerce et les emplois, ou encore des énormes défis démocratiques posés par les contenus haineux et les fake news sur les réseaux sociaux.

Je pense que le problème des régulateurs du XXè siècle est qu’ils arrivent toujours un peu après la bataille, à moins que les Gafa, qui sont des entreprises visionnaires, aient toujours un temps d’avance sur tout le monde. Pourquoi les autorités de la concurrence ont-elles autorisé Facebook à acquérir Instagram et WhatsApp, ce qui a offert à Mark Zuckerberg un quasi-monopole sur les réseaux sociaux ? Parce que les règles que devaient appliquer les autorités de concurrence pour évaluer et éventuellement refuser de telles acquisitions étaient beaucoup trop strictes. Nos outils de régulation sont inadaptés car ils n’empêchent pas ces acteurs non seulement de façonner des empires économiques et financiers d’une puissance inédite, mais aussi d’abuser de leurs positions et d’étouffer la concurrence.

L’enseignement que j’en tire est que pour réguler efficacement les Gafa, il faut monter en compétence et se donner les moyens de comprendre comment ils fonctionnent. Pour cela, il faut d’abord aller au cœur de leur modèle économique, c’est-à-dire inspecter sous le capot des algorithmes, s’attaquer à l’opacité qui entoure les relations économiques à l’intérieur des écosystèmes, et comprendre la façon dont s’effectue le partage de la valeur dans la publicité ou sur les places de marché. Ensuite, il faut identifier et interdire un certain nombre de pratiques qui nuisent à la concurrence. Enfin, il faut, entreprise par entreprise, prendre des mesures pour rendre possible à nouveau la concurrence.

Le constat que je dresse est donc sévère mais je ne suis pas fataliste pour autant. Je pense que réguler les Gafa est possible, mais seulement si on s’en donne les moyens intellectuels et politiques. Par contre, cela nécessite de changer profondément d’approche, et de se retrousser sérieusement les manches.

Sauf que la puissance des Gafa ne cesse de se renforcer. Même la crise du Covid-19 ne les fragilise pas. Comment résoudre l’équation entre la nécessité de repenser en profondeur leur régulation et celle d’aller vite ?

Se donner les moyens, c’est d’abord constituer une équipe compétente. Il manque, à mon avis, un organe de régulation au niveau européen complété par des équipes nationales, dédié aux Gafa, avec des experts compétents.

 

Almodovar, Lelouch, Dardenne… en guerre contre les géants du numérique

Almodovar, Lelouch, Dardenne… en guerre contre les géants du numérique

Treize réalisateurs du Vieux Continent demandent à la Commission européenne d’imposer une régulation à Google, Amazon, Facebook, Apple, Netflix ou à leurs équivalents chinois.

 

«Exigence des régulations, sanction à la hauteur des enjeux, rapport de force diplomatique, vous avez fait entrevoir, écrivent-ils, que vous étiez prêt à assumer ces démarches vitales afin que les peuples puissent continuer à se raconter, à eux-mêmes et aux autres nations: des histoires originales, inattendues, des dramaturgies particulières, des prototypes loin des sentiers battus et loin des fourches caudines du big data des plates-formes», rappellent les cinéastes qui craignent la banalisation et la marchandisation du divertissement de consommation.

La lettre est signée par Pedro Almodovar, Cristina Comencini, Luc Dardenne, Costa Gavras, Hugo Gelin, Jeanne Herry, Pierre Jolivet, Kamen Kalev, Claude Lelouch, Radu Mihaileanu, Cristian Mungiu, Olivier Nakache et Éric Toledano. Tout en exprimant leur «appréciation» du message de «vigueur» que le commissaire «a adressé au dirigeant de Facebook», ils demandent à Thierry Breton de le rencontrer «pour inventer ensemble les solutions innovantes, audacieuses et concrètes».

 «Nous croyons davantage à l’union des forces qu’à la verticalité, fusse-t-elle vertueuse», notent-ils. «L’Amérique avait bien compris ces enjeux culturels et industriels en imposant son cinéma à travers le plan Marshall (…) Aujourd’hui, ses industriels s’appellent les GAFAN (NDLR: Google, Apple, Facebook, Amazon et Netflix) et ils sont mille fois plus puissants. Et le confinement leur a permis de s’enrichir toujours plus», argumentent les réalisateurs. «Les peuples européens (…) ont bien compris aussi qu’en échappant à l’impôt, les GAFAN contribuaient si peu au financement des hôpitaux, de l’éducation et à tous les mécanismes vitaux des démocraties européennes».

«Abandonner ce combat, insistent les cinéastes, c’est ouvrir la voie aux Big Brothers, c’est accepter qu’insidieusement notre culture européenne disparaisse dans une distraction permanente, réduisant définitivement les citoyens en consommateurs. Les champions numériques, qu’ils soient chinois ou américains, pourront alors (…) dérouler dans les autres domaines car ils auront colonisé les esprits européens».

À lire aussi : Désinformation : l’UE appelle les géants du net à en faire plus et soutient Twitter face à Trump

US:  proposent une loi contre les grandes plateformes internet

 

«Pendant trop longtemps, les géants de la tech comme Twitter, Google et Facebook ont utilisé leur pouvoir pour museler la parole politique des conservateurs», accuse le sénateur républicain Josh Hawley dans un communiqué. Avec trois autres sénateurs du même camp, il a présenté une loi qui permettrait aux utilisateurs des plateformes de les poursuivre en justice «si elles appliquent leurs règles de façon injuste ou inéquitable».

Cette proposition intervient quelques semaines après une confrontation sans précédent entre Donald Trump et Twitter, qui a épinglé des messages du président américain comme «trompeurs» et faisant «l’apologie de la violence». Excédé, le locataire de la Maison Blanche, suivi par 82 millions d’utilisateurs sur son réseau de prédilection, avait réagi en signant un décret s’attaquant à la Section 230 du «Communications Decency Act». Pierre angulaire de l’internet américain, elle offre aux réseaux sociaux une immunité contre toute poursuite judiciaire liée aux contenus publiés par des tiers et leur donne la liberté de fixer leurs propres règles d’intervention vis-à-vis des contenus problématiques.

Le décret cherche à modifier le champ d’application de cette loi de 1996 et affirme que l’immunité ne peut s’étendre à ceux qui pratiquent la «censure de certains points de vue». La proposition de Josh Hawley veut retirer cette protection aux services qui «restreignent l’accès ou la disponibilité d’un contenu (…) à l’aide d’un algorithme qui applique de façon sélective» leur règlement. Josh Hawley appelle ainsi les plateformes à faire preuve de «bonne foi», sous peine de perdre leur immunité et de payer des amendes.

Thierry Breton peut-il imposer la censure aux géants du numérique

Thierry Breton peut-il imposer la censure aux géants du numérique

L’éternel problème des fake  news, des nouvelles approximatives voire de l’ intoxication pure et simple refait surface avec la promesse du commissaire européen Thierry Breton d’imposer aux géants du numérique le nettoyage des informations sur Internet.  On peut sans doute se féliciter d’une certaine régulation de l’information sur Internet ; le pire côtoie le meilleur, la vérité côtoie le mensonge voir l’infâme. C’est une chose de vouloir réguler les excès, c’est évidemment autre chose que d’envisager une régulation qui rétablirait en quelque sorte une forme de censure. Il n’est en effet pas évident trouver des critères pertinents pour juger de la fiabilité d’une information. Ce ne sont pas en tout cas les algorithmes de Facebook destiné à remplacer les journalistes qui pourront effectuer ce travail de manière lucide, indépendante et démocratique. On n’en a la démonstration actuellement avec la volonté du président des États-Unis d’établir un contrôle systématique des informations des réseaux Internet. Une tâche évidemment impossible et surtout particulièrement anti démocratique. On  voit mal quel autorité- supposée indépendante- pourrait juger de  la pertinence ou non d’une information par ailleurs parfois complexe et qui peut justifier la controverse.  Le mois dernier, le commissaire européen avait prévenu Mark Zuckerberg, le directeur général de Facebook, qu’avec lui les “fakes news” n’auraient plus de tribune sur internet.

Mardi, il a salué la volonté de Jack Dorsey, le directeur général de Twitter, d’endosser la responsabilité des décisions incombant à son groupe.“Je me suis également entretenu hier avec le directeur général de Twitter, Jack Dorsey, à ce sujet et j’ai salué son engagement lorsqu’il a publiquement tweeté: ‘Il y a quelqu’un qui est responsable à la fin de nos actions en tant qu’entreprise, et c’est moi’”, dira également Thierry Breton sur son blog. Le tweet de Jack Dorsey répondait à une polémique entre Twitter et Donald Trump, le réseau social ayant décidé de placer un avertissement sur les messages du président américain pour inciter les internautes à vérifier la véracité de ses affirmations.

Pour une vraie défense commerciale européenne face aux géants économiques

Pour une vraie défense commerciale européenne face aux géants économiques (Emmanuel Combe et Antoine Michon)

 

Emmanuel Combe et Antoine Michon de à la Fondation pour l’Innovation Politique (Fondapol) , auteurs une étude en trois volumes sur L’Europe face aux nationalismes économiques américain et chinois.

« Au cours des dix dernières années, la contribution européenne à la valeur ajoutée industrielle mondiale a chuté de 27 % à 19 %, tandis que le nombre d’entreprises européennes parmi les 500 plus importantes du monde passait de 171 à 122. Dans le même temps, de nouveaux géants ont émergé aux Etats-Unis et en Chine dans le numérique, les transports ou l’électronique grand public. Si la nécessité de trouver une explication à ce décrochage européen semble faire consensus, les solutions à apporter font quant à elles l’objet de vifs débats.

À l’occasion de l’affaire Alstom/Siemens en février, tous les regards et critiques se sont tournés vers la politique européenne de contrôle des concentrations : trop stricte, elle empêcherait l’émergence de « champions européens » capables de conquérir les marchés mondiaux. Qu’en est-il réellement ? Rappelons tout d’abord que le maintien d’une forte intensité concurrentielle sur le marché intérieur conditionne souvent la performance à l’exportation. En effet, une entreprise en concurrence sur son propre marché est incitée à être efficace et innovante en permanence. Sa productivité augmente alors au même rythme que sa capacité à se différencier de ses compétiteurs étrangers sur les marchés internationaux. A contrario, autoriser des fusions dans le seul but de créer des géants et en réduisant la concurrence sur le marché domestique risquerait d’entraîner une baisse des investissements en R&D et in fine de la compétitivité. La concurrence interne n’est nullement l’ennemi de la compétitivité externe.

De plus, un examen des données disponibles montre que le contrôle des concentrations en Europe n’est pas aussi sévère qu’on le pense. Tout d’abord, le nombre de fusions-acquisitions notifiées à la Commission européenne n’a cessé de progresser, pour atteindre un rythme de croissance annuelle moyen de +8,5 % ces cinq dernières années. Ces opérations ont permis la formation de géants européens dans de nombreux secteurs, à l’instar de l’énergie avec l’acquisition du britannique British Gas par le néerlandais Royal Dutch Shell, de l’industrie brassicole avec l’acquisition du britannique SABMiller par le belge Anheuser-Busch InBev ou encore des verres optiques avec la fusion entre le français Essilor et l’italien Luxottica.

Ajoutons que l’indulgence supposée des autorités américaines en matière de contrôle des concentrations n’est pas corroborée par les statistiques. Alors que seules trois concentrations ont été interdites par la Commission européenne au cours de la période 2014-2018, les administrations américaines ont tenté d’en faire annuler dans le même temps vingt-deux devant les tribunaux compétents.

Seuils de notification. Le contrôle européen des concentrations est-il pour autant exempt de toute amélioration ? Les exemples récents d’acquisitions dans le secteur numérique n’ayant pas fait l’objet d’un examen à Bruxelles, à l’instar de l’achat d’Instagram par Facebook, invitent à ajuster les seuils de notification. Dans une note publiée récemment par la Fondation pour l’innovation politique, nous proposons d’octroyer un droit d’auto-saisine à la Commission européenne sur la totalité des transactions comme cela se pratique déjà outre-Atlantique, de façon à ce qu’en principe plus aucune ne puisse passer sous son radar. Nous suggérons également de mieux prendre en compte les gains d’efficacité dans les concentrations, en complétant les lignes directrices existantes. Enfin, le principe de la défense commerciale n’a malheureusement jamais fait consensus parmi les Etats membres. Les pays du nord, de tradition libérale, voient d’un mauvais œil ces instruments qu’ils considèrent volontiers comme du protectionnisme déguisé.

Pour autant, ce constat sur la politique de contrôle des concentrations n’enlève rien à l’acuité du problème initial : comment protéger l’industrie européenne de pratiques anticoncurrentielles étrangères déloyales ? Pour répondre à ce défi, l’Union européenne dispose déjà de dispositifs de défense commerciale, parfaitement compatibles avec les règles de l’OMC. Ils permettent de corriger des situations avérées de concurrence déloyale en taxant les importations en provenance d’entreprises étrangères pratiquant du dumping ou bénéficiant de subventions ciblées dans leur pays d’origine.

L’administration européenne en charge des enquêtes sur ces pratiques de concurrence déloyale dispose de trois à quatre fois moins de ressources que son homologue américain. Il faut renforcer significativement les moyens alloués à la défense commerciale

Si ces instruments ont été récemment modernisés, leur utilisation en Europe demeure timorée comparativement aux usages qu’en font certains de nos partenaires commerciaux. Les Etats-Unis, par exemple, se démarquent de l’Union européenne par un recours nettement plus marqué à ces moyens de défense. Contrairement à l’idée reçue, cette plus grande fermeté de l’administration américaine ne date pas de l’élection du président Trump. Avant même son investiture, le nombre de mesures de défense commerciale en vigueur aux Etats-Unis était trois fois plus important qu’en Europe, pour un volume d’importations en provenance du reste du monde à peine supérieur.

Comment expliquer une telle différence ? Tout d’abord, l’administration européenne en charge des enquêtes sur ces pratiques de concurrence déloyale dispose de trois à quatre fois moins de ressources que son homologue américain. Nous proposons donc de renforcer significativement les moyens alloués à la défense commerciale.

Défense commerciale. En outre, le principe de la défense commerciale n’a malheureusement jamais fait consensus parmi les Etats membres. Les pays du nord, de tradition libérale, voient d’un mauvais œil ces instruments qu’ils considèrent volontiers comme du protectionnisme déguisé. Au contraire, les pays du sud, plus interventionnistes, ont parfois tendance à qualifier de « déloyale » toute forme de concurrence étrangère (en particulier venant de pays émergent). Ces divergences idéologiques ont un impact important, dans la mesure où les Etats membres doivent valider toute entrée en vigueur de mesures de défense commerciale par un vote à majorité qualifié au sein du Conseil. Le pouvoir qu’ils ont de s’opposer à l’instauration d’un instrument constitue selon nous une faiblesse institutionnelle importante.

L’exemple du cas de 2013 sur le dumping chinois dans l’industrie photovoltaïque en atteste : en menaçant successivement les principaux Etats membres de l’Union de représailles, Pékin est parvenu à obtenir un accord qui a été jugé nettement plus favorable à ce qui aurait dû prévaloir si les règles habituelles avaient été appliquées. Nous proposons d’accorder à la Commission une totale indépendance en matière de défense commerciale, afin de ne plus prêter le flanc à ce type de stratégie consistant à diviser pour mieux régner.

Enfin, l’Union européenne a « sur-transposé » les règles multilatérales de l’OMC relatives aux instruments de défense commerciale, en y ajoutant des conditions additionnelles à vérifier avant d’instaurer une mesure. Les autorités bruxelloises doivent notamment s’assurer que tout instrument de défense commerciale est dans « l’intérêt de l’Union », c’est-à-dire qu’il ne pénalise pas plus les consommateurs qu’il ne bénéficie aux producteurs européens. Nous proposons de supprimer cette condition pour montrer à nos partenaires commerciaux notre volonté d’appliquer les mêmes règles qu’eux.

Un tel renforcement de la défense commerciale européenne nous semble d’autant plus réaliste qu’il s’inscrirait dans le cadre des règles actuelles de l’OMC. Cela n’empêcherait pas par ailleurs l’Europe de continuer à œuvrer en faveur d’une ambitieuse réforme du système multilatéral, afin que l’OMC puisse redevenir le lieu privilégié de règlement des différends entre partenaires commerciaux. Mais dans l’attente, l’Europe ne doit pas oublier de défendre au mieux ses propres intérêts. »

 

Emmanuel Combe et Antoine Michon de la Fondation pour l’Innovation Politique (Fondapol) auteurs une étude en trois volumes sur L’Europe face aux nationalismes économiques américain et chinois.

 

Taxe sur les géants du numérique votée

Taxe sur les géants du numérique votée

 

 

En attendant que l’OCDE traite cette affaire (l’union européenne a botté en touche !), l’Assemblée nationale a voté lundi soir en première lecture l’instauration d’une taxe sur les géants mondiaux du numérique, qui doit faire de la France un des pays pionniers en la matière. 26 entreprises devront cette année reverser 3% du chiffre d’affaires réalisé en France au fisc, dans le cadre de la taxe Gafa qui doit être appliquée de façon rétrospective au 1er janvier 2019. (Selon une étude du cabinet juridique et fiscal Taj)

La taxe, annoncée en décembre en réponse notamment au mouvement des «gilets jaunes», doit concerner les entreprises qui réalisent un chiffre d’affaires sur leurs activités numériques de 750 millions d’euros dans le monde et de plus de 25 millions d’euros en France. L’étude Taj a mis en évidence les sociétés qui remplissent ces critères.

• Vente de biens: Alibaba, Amazon, Apple, Ebay, Google, Groupon, Rakuten, Schibsted, Wish, Zalando.

• Intermédiaire de services: Amadeus, Axel Springer, Booking, Expedia, Match.com, Randstad, Recruit, Sabre, Travelport Worldwide, Tripadvisor, Uber.

• Publicité en ligne: Amazon, Criteo, Ebay, Facebook, Google, Microsoft, Twitter, Verizon.

Parmi tous ces futurs payeurs, les entreprises françaises sont bien présentes. Criteo est une pépite de la «French Tech»: fondée en 2005 par trois Français, elle est cotée au Nasdaq et emploie 2700 personnes dans le monde pour un chiffre d’affaires de 966 millions de dollars (hors reversements). L’entreprise est spécialisée dans le marketing personnalisé à partir des données des internautes, notamment leur historique de navigation. Un secteur d’activité visé expressément par Bruno Le Maire, qui évoque le ciblage publicitaire et «la revente de données personnelles à des fins publicitaires». «Nous visons en premier lieu les plateformes qui touchent une commission pour mettre en relation des clients et des entreprises», ajoutait le ministre au début du mois.

 

Les députés ont approuvé par 55 voix contre 4 et 5 abstentions l’article du projet de loi porté par le ministre de l’Economie Bruno Le Maire instaurant cette «taxe Gafa» à la française, qui suscite la désapprobation de Washington.

 

Les géants d’internet contre la suppression de la «neutralité du net»

Les géants d’internet contre la suppression de la «neutralité du net»

Curieusement, en tout cas en apparence, les grands de l’Internet, les GAFA,  s’opposent à la remise en cause de la neutralité du net. La contradiction n’est pourtant qu’apparente car les géants du net ne veulent surtout pas qu’on ouvre la porte aux réductions de débit et à l’augmentation des prestations de la part des fournisseurs  d’accès à Internet car les modifications d’accès seraient susceptibles de leur nuire (Orange par exemple est favorable !) .L’organisation Internet Association, qui compte parmi ses membres des géants comme Google, Facebook ou Microsoft, net». La Commission fédérale des communications (FCC), régulateur américain du secteur, s’est prononcée mi-décembre pour la fin de ce principe qui oblige les fournisseurs d’accès internet (FAI) à traiter tous les contenus en ligne de la même manière. Sans donner de détail, l’Internet Association a laissé entendre qu’elle interviendrait dans les recours que plusieurs procureurs devraient lancer prochainement, notamment dans les Etats de Washington et de New York. Michael Beckerman, président de l’organisation dont Amazon est également membre, a estimé que la décision de la FCC « va à l’encontre de la volonté d’une majorité bipartisane d’Américains et ne parvient pas à préserver un internet libre et ouvert ».

« Avec les groupes qui sont nos adhérents, (l’association) continuera à faire pression pour rétablir par voie législative des protections fortes et applicables pour la neutralité du net », a-t-il ajouté. Les partisans de la « neutralité » craignent que les FAI soient tentés de faire payer plus cher pour un débit plus rapide ou bloquent certains services leur faisant concurrence, comme la vidéo à la demande, la téléphonie par internet ou les moteurs de recherche.

Le débat sur le sujet, très vif, dure depuis une dizaine d’années aux Etats-Unis.

Enquête sur les géants d’ internet (Bruxelles)

 Enquête  sur les géants d’  internet (Bruxelles)

 

 

L’exécutif européen examinera la transparence des résultats de recherche et les politiques de prix, l’usage qui est fait des données acquises par les plates-formes en ligne, leurs relations avec d’autres entreprises et la manière dont elles mettent en avant leurs propres services au détriment de leurs concurrents.  Cette enquête sectorielle, dont l’ouverture était attendue, s’inscrit dans le cadre de la « Stratégie pour le marché unique numérique » adoptée mercredi dernier par la Commission et qui inclut une batterie de propositions censées doper la croissance économique de l’Europe en levant les entraves aux services en ligne au sein de l’Union. L’enquête, qui par sa nature visera avant tout les grands groupes américains, fait suite aux appels de la France et de l’Allemagne en faveur d’une meilleure régulation des grandes plates-formes numériques, qui vont des sites de commerce en ligne comme eBay aux réseaux sociaux. Andrus Ansip, le vice-président de la CE en charge du dossier, propose notamment une réforme du droit de la propriété intellectuelle et artistique, du droit des télécommunications et la suppression des barrières transfrontalières en matière de livraison de colis. La stratégie pour le numérique de l’UE vise plus globalement à de faire en sorte que les entreprises européennes du secteur soient mieux armées pour rivaliser avec leurs concurrents américains qui, en général, les dominent en taille.  La CE a également confirmé l’ouverture d’une enquête antitrust dans le commerce en ligne, distincte de l’analyse des plates-formes en ligne proprement dite. L’analyse des plates-formes en ligne n’a pas pour objet de sanctionner les sociétés du secteur mais elle pourrait entraîner une réforme de la réglementation, que la France et l’Allemagne appellent de leurs vœux.

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